INTERVIEW EXCLUSIVE DE DIEUDONNE ANTOINE-GANGA SUR LA SITUATION SOCIO-POLITIQUE CHAOTIQUE AU CONGO-BRAZZAVILLE

Dieudonné-ANTOINE-GANGA

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Congo-liberty.com : Vous avez été l’un des collaborateurs des Présidents Sassou et Lissouba. Comment a été votre collaboration avec chacun d’eux ?

DIAG : J’ai eu la chance et le privilège de travailler avec l’un et l’autre qui m’ont fait confiance.  Tout d’abord avec le Président Sassou pendant le gouvernement de Transition en 1992. Conformément à l’acte fondamental voté par la Conférence Nationale Souveraine, la diplomatie était du domaine réservé du Président Sassou qui m’a beaucoup aidé dans mes fonctions par ses conseils. Vous savez, dans la plupart des pays, le Président de la République est le véritable chef et le principal animateur de la diplomatie ; le ministre des Affaires étrangères est, en quelque sorte, le chef d’orchestre qui exécute la partition écrite par le Président de la République. S’il doit suivre scrupuleusement les indications du Chef de l’État, il a la responsabilité de faire en sorte que la lourde machine diplomatique réponde, permettez-moi l’expression, au doigt et à l’œil, avec le maximum d’efficacité. J’ai aussi bénéficié des conseils judicieux du premier Ministre Milongo qui m’avait nommé ministre des Affaires Étrangères et de Monseigneur Kombo président du Conseil Supérieur de la République. Nous étions tous animés du seul souci de faire aboutir la transition et d’organiser des élections transparentes et démocratiques où le meilleur gagnerait. C’était d’ailleurs l’une des rares fois qu’en Afrique les organisateurs des élections aient été battus et qu’il n’y ait pas eu de contestations et de troubles post-électoraux. Nous nous comprenions et nous nous entendions. Je suis fier en tout cas d’avoir contribué avec les autres membres du gouvernement de Transition, avec les membres du Conseil Supérieur de la République, avec les leaders des partis politiques et avec mes chefs, le Président Sassou, Monseigneur Kombo, Président du Conseil Supérieur de la République et le Premier Ministre Milongo à avoir fait aboutir la Transition et à avoir écrit ensemble cette belle page de l’histoire congolaise dans la dignité et dans la paix. Comme je suis aussi fier d’avoir introduit le poste de Ministre Conseiller dans la composition hiérarchique des diplomates dans nos ambassades et d’avoir ainsi nommé, les premiers ministres conseillers et d’avoir promu au grade d’Ambassadeur, mes aînés diplomates à la retraite, les premiers ambassadeurs de grade (Benjamin Bounkoulou, David Charles Ganao et Grégoire Mvila), pour services rendus à la diplomatie congolaise et ipso facto à notre nation.

[…]

Ensuite avec le Président Lissouba qui m’avait découvert pendant la Transition, la collaboration a été très sincère jusqu’à la fin de son mandat présidentiel. J’ai bénéficié de sa confiance et de son amitié. À l’en croire, la manière dont j’ai animé la diplomatie de notre pays pendant la Transition, l’avait beaucoup marqué. Une fois élu Président de la République, il m’a tout d’abord nommé Ambassadeur en Éthiopie auprès de l’OUA et de la CEA, d’où j’ai ramené au Congo, le FESPAM, des fonds pour les sinistrés de malheureux événements de 1993 et des fonds pour la lutte contre la sécheresse au Congo. Ensuite il m’a nommé Ambassadeur au Canada et aux États-Unis où j’ai négocié et signé avec le gouvernement américain, l’accord qui permet aux épouses et aux enfants des diplomates de travailler aux USA, afin de les aider à payer le loyer de leurs appartements et de faire face aux dépenses usuelles, quand ils connaissent des retards de salaire ; où j’ai négocié et fait aboutir l’accord entre le Congo et une compagnie américano-canadienne pour l’exploitation de nos potasses.

D’autre part, comme j’avais pu assainir la situation financière de nos ambassades en Éthiopie et aux USA, comme j’avais conduit au Congo une délégation de la Croix Rouge Soviétique pour restaurer la maternité Blanche Gomes et une délégation de 30 hommes d’affaires américains, Il m’avait surnommé « Haussmann » en comparaison de l’administrateur Français Haussmann qui multiplia au 19ème siècle à Paris, les travaux d’urbanisme.

Enfin, pendant leur exil, tout en sachant que cela me coûterait mon poste d’ambassadeur, je les ai accueillis à Washington, lui et le premier Ministre Bernard Kolelas, accompagnés respectivement de leurs enfants Mireille Lissouba, Landry Kolelas et Hellot Mampouya. Ce qui avait encore augmenté son estime pour ma modeste personne.

Aucune œuvre humaine n’est parfaite. Mais avec mes défauts et mes qualités, je crois avoir fait de mon mieux pour mériter de la confiance du premier Ministre Milongo, de Monseigneur Kombo, des Présidents Sassou et Lissouba que je n’ai pas trahis et d’avoir assuré avec honneur la défense des intérêts de notre pays, celle de la démocratie et des acquis de la Conférence Nationale Souveraine, dans l’exercice de mes fonctions. Enfin je crois avoir été pendant mes fonctions, un loyal serviteur de l’État congolais ;

Congo-liberty.com : Pensez-vous qu’une Transition Politique soit la panacée pour sortir notre pays de l’impasse politique ?

DIAG : Pour tout citoyen conscient donnant de surcroit la priorité au Congo, l’alternative est claire : il s’agit de prendre position pour ou contre le désordre et l’anarchie qui remettraient en cause les acquis de notre nation encore fragile et emporteraient encore dans la tourmente la population qui se remet à peine de ses blessures, de ses morts et de ses traumatismes et qui feraient du Congo un pays exsangue où la violence risquerait d’avoir droit de cité. […]

 Une transition politique n’est peut-être pas la panacée, mais elle est à mon humble avis l’une des meilleures voies pour sortir notre pays de l’impasse. Le gouvernement de transition aurait entre autres les missions suivantes :

  • Procéder à un nouveau recensement de la population congolaise en vue de l’élaboration d’un nouveau fichier électoral, le plus souvent pomme de discorde et de revoir le découpage électoral ;
  • Réformer les institutions dont certains sont budgétivores ;
  • Assainir les finances publiques ;
  • Payer régulièrement les salaires et les pensions de retraite qui sont des droits et non des faveurs ;
  • Lutter contre la corruption ; « celle-ci voire même la perception de la corruption ainsi que les politiques exécutées de façon inefficace peuvent facilement ruiner les efforts de développement. Un gouvernement responsable demeure vital à la prospérité du pays. » dixit un diplomate américain.
  • Restaurer l’orthodoxie financière d’antan dans la gestion du budget de l’état ;
  • Interdire les milices et toutes les forces parallèles aux Forces armées Congolaises, à la gendarmerie et à la police ;
  • Réorganiser les structures sanitaires et scolaires ;
  • Promouvoir les valeurs ;
  • Promouvoir et vulgariser l’agriculture aux fins de mettre fin aux importations des produits alimentaires congelés ;
  • Réhabiliter le réseau routier ;
  • Réorganiser la distribution d’eau et de l’électricité ;
  • Restaurer l’autorité de l’État et l’unité entre les Congolais ;
  • Etc.

Congo-Liberty.com : Résidant à Washington aux USA et actuellement à la retraite, vous séjournez régulièrement dans notre pays le Congo-Brazzaville. Pouvez-vous parler de la situation socio-économique des Congolais ?

DIAG : La société congolaise est malade ; elle ne va pas bien. Notre pays est devenu malheureusement un pays où se développe le désir effréné de posséder et de transformer les biens matériels en idoles. Il traverse en ce moment une zone de turbulence, des jours et des nuits d’angoisse au cours desquels beaucoup de nos compatriotes craignent de voir s’écrouler l’édifice construit depuis 60 ans. Ne nous voilons pas la face ; cessons de pratiquer la politique de l’autruche. La vie est devenue une poubelle, une vie au lendemain incertain. La pauvreté est galopante. Une large majorité des Congolais vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Les Congolais se nourrissent très mal. De trois repas par jour, ils sont passés à un repas quotidien qu’ils ont pour la plupart de la peine à avoir.

[…]

Quant à la santé et à l’éducation, elles laissent à désirer. Tout d’abord, le C H U censé être un Centre Hospitalier Universitaire est devenu comme le disent certaines mauvaises langues, un ‘’Centre Homicide Universitaire ’’où le service d’urgence est un capharnaüm, où les malades souvent négligés dorment dans des lits avec des matelas crasseux, non désinfectés et sans draps, mais taxés à 5 000 F CFA par jour ; où chaque jour on leur prescrit un tas d’ordonnances avec des médicaments que les moins nantis ne peuvent se procurer à cause de leur cherté. Combien y sont morts pour n’avoir pas eu les 3 000 francs CFA par exemple et avec lesquels ils ne pouvaient se procurer les médicaments nécessaires ? Décidément le C H U n’est plus un hôpital de valeur. Car comme le disait Michel Aurillac « l’hôpital n’est un hôpital de valeur que si la clientèle aisée ne le fuit pas. » Entre nous, connaissez-vous de la clientèle qui y aille ?

Ensuite le système scolaire qui ne se porte pas bien, non plus. Les écoles sont devenues non pas des lieux ou des cachots pour d’un côté y enfouir les vices et l’ignorance et de l’autre y promouvoir l’éducation, la morale, le civisme et les valeurs, mais plutôt de véritables temples ou des creusets de la médiocrité et des antivaleurs.   

L’eau et l’électricité ne sont pas suffisamment distribuées. Quand elles le sont parfois, ce sont des délestages permanents par ci et des coupures par là. D’aucuns sont obligés d’avoir des groupes électrogènes et d’autres des bâches à eau. Ce qui n’est pas à la portée du simple citoyen qui n’a pas de moyens pour se les offrir. D’autres encore vont puiser avec des bidons, de l’eau de qualité douteuse aux sources. 

Les salaires des fonctionnaires et les pensions des retraités sont payés irrégulièrement. N’oubliez pas que le salaire de tout individu fait vivre au moins 10 membres de sa famille. Des chefs de famille, pour assumer leurs responsabilités de ‘’paterfamilias’’ sont obligés de s’endetter auprès des usuriers sans foi ni loi, prêtant leur argent avec des taux exorbitants.

Congo-liberty.com : Faire valoir ses droits à la retraite est un véritable parcours du combattant qui prend plusieurs années. En tant qu’ancien ministre des Affaires Étrangères et Ambassadeur émérite, avez-vous connu la même galère ?

DIAG : Oui j’ai connu et je continue, comme beaucoup d’entre nous, à connaitre la même galère. Nos arrêtés de concession n’ont pas encore été signés ; ça fait plus de 5 ans que nous les attendons. Mais jusques à quand ? C’est pour vous dire que tous les retraités sont logés à la même enseigne. Je vous comprends. Mais pourquoi devrait-il y avoir une exception pour les anciens ministres ?  La qualité d’ancien ministre ou d’ancien ambassadeur ne doit pas à mon humble avis nous réserver un traitement spécial. Les ministres et les ambassadeurs n’ont pas, à ce que je sache, du sang bleu dans les veines. Ils sont tous des citoyens congolais quelles que soient les fonctions qu’ils aient occupées au niveau de l’état. Le ministre, l’ambassadeur, l’intellectuel, le cadre avec leurs connaissances, ne sont pas supérieurs aux autres concitoyens. Les titres, nous devons les laisser de côté. Nous devons considérer nos compatriotes comme des êtres humains dans leur nature profonde et non par rapport à la situation ou au rang qu’ils occupent ou qu’ils ont occupés dans la vie. Qu’un compatriote soit ouvrier, intellectuel, ministre, ambassadeur ou cadre, il reste un Homme et mérite respect ; et nul être humain imbu de sa dignité ne peut prévaloir être supérieur à l’autre.

[…]

Oui, au Congo, faire valoir ses droits à la retraite est et reste malheureusement un véritable parcours du combattant. Au cas où vous ne le sauriez pas, beaucoup de nos compatriotes retraités vont ad patres sans avoir perçu leur pension de retraite. Et cela n’émeut personne. Au contraire, quand ces anciens ministres ou ces anciens ambassadeurs et cadres qui ont été ignorés voire négligés de leur vivant, décèdent, o divine comédie humaine, on leur réserve des obsèques nationales ponctuées d’oraisons funèbres à la Bossuet.

Congo-liberty.com : Les congrégations religieuses, les églises chrétiennes et les obédiences maçonniques sont omniprésentes dans la sphère politique congolaise. Les aspirations de celles-ci, sont au sens noble, l’élévation spirituelle et l’humanisme. Comment expliquer que le Congo-Brazzaville soit à ce point gangrené par les antivaleurs et des guerres récurrentes ?

L’intégralité de l’interview de Dieudonné ANTOINE-GANGA est disponible en téléchargement ci-dessous

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2 réponses à INTERVIEW EXCLUSIVE DE DIEUDONNE ANTOINE-GANGA SUR LA SITUATION SOCIO-POLITIQUE CHAOTIQUE AU CONGO-BRAZZAVILLE

  1. Samba dia Moupata dit :

    Cher ya Dieudonné , je viens de lire ton brillant interview, sauf que Sassou Denis est un anti réformiste avéré ! On ne peut plus compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre. Donc c’est d’abord mettre hors jeu sassou Denis et dissoudre l’armée Mbochi, comme l’avait fait Laurent Désiré kabila le tombeur de Mobutu . Aujourd’hui sassou Denis est rattrapé par une réalité financière, qu’il ne pourra plus surmonter, alors c’est au peuple épris de liberté de sortir pour le chasser du Congo. Comme ça nous allons rétablir la République du Congo qui a longtemps cessée mise entre parenthèses par la barbarie Mbochi qui s’est installée depuis octobre 1997 . Ya DIAG moi je me reconnais pas dans cette république de Sassou Denis où seul les Mbochi s’accaparent de tout les postes stratégiques. J’en appelle à plus de lucidité surtout sur des choses qui sortent aux yeux et personnes n’en parlent.

  2. Anonyme dit :

    que dieudonne n ganga se presente dans sa region avec des solutions autres qu etatique 2026 c est dans quelques mois pour sassou c est simple c est le poutine africain tant qu ils auront l argent et les armes ils resteront au pouvoir ils faut donc developper les regions meme en le defiant mais prendre son pouvoir c est etre comme lui

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