1. Pourquoi ne posons nous pas de meilleures questions face aux crises que traversent l’Afrique francophone ?
2. S’il est si important de poser de bonnes questions, pourquoi la plupart d’entre nous ne consacrent‐ils pas plus de temps et d’énergie à en trouver et à les formuler ?
LA QUESTION
Cela tient peut‐être au fait que, dans une large mesure, les cultures africaines accordent plus d’importance à la « bonne réponse » qu’ à la « bonne question ». Nous nous exaltons bêtement face aux bonnes réponses importées (l’esclavagiste, le colon, l’impérialiste…) qui jonchent l’enfer de nos quotidiens, sans se poser la moindre QUESTION. J’en veux pour preuve notre héritage colonial. Dans les pays d’Afrique francophone, le système éducatif, de santé, judiciaire, universitaire, administratif, la fonction publique, de défense toujours en vigueur depuis 52 ans, malgré quelques amendements, reste et demeure français.
Ces systèmes mettent plus l’accent sur la mémorisation, la hiérarchisation et sur les réponses toutes faites que sur l’art de la recherche de possibilités nouvelles, génératrice de nouvelles réalités, donc de solutions adaptées.
Il est rare qu’on demande de trouver des questions qui nous forcent à réfléchir et nous nous REFUSONS d’ailleurs de génération à génération de nous poser de telles questions. Un démographe me disait au cours d’un échange, qu’il y a un mécanisme d’extinction démographique dans l’espèce humaine selon lequel un système d’idées disparaît avec la génération qui le porte. Si «une question qui n’est pas posée est une porte qui demeure close » renchérit…Marilee GOLDBERG, dans son livre The art of the questions, le constat est que nos systèmes d’idées de génération à génération maintiennent les portes closes du progrès, de l’épanouissement COLLECTIF, de l’intelligence sociale…faute de QUESTIONS.
C’est la marque évidente d’une intelligence africaine en crise profonde
Au moment où nous entrons dans une ère où des problèmes systémiques sont souvent la source de défis critiques à relever, où il est indispensable de s’appuyer sur des perspectives diverses pour trouver des solutions durables, et où les liens de cause à effet ne sont pas immédiatement apparents, il faudra être capable de soulever des questions précises qui remettent en question les hypothèses de fonctionnement actuel (souvent héritées, proposées ou carrément imposées par l’Autre), car ce sera la clé de la création d’avenirs positifs pour nos enfants.
Comme le disait Einstein, « Nos problèmes ne peuvent être résolus au même niveau de réflexion qu’à celui qui les a créés. » Et dans son livre, The Art of the Question, Marilee Goldberg ajoute, [traduction] « Il y a changement de paradigme lorsqu’une question posée dans le contexte du paradigme actuel ne peut trouver de réponse qu’en dehors de celui‐ci. » C’est le genre de mutation des valeurs, fondé sur des questions efficaces, qui est peut‐être nécessaire pour trouver des solutions vraiment novatrices à nos problèmes les plus pressants, disons mieux, aux catastrophes programmées et à venir si rien ne change dans une vingtaine d’années.
La répugnance de nos cultures à poser des questions originales est liée à notre prédilection pour la culture de l’immédiateté (TOUT : tout de suite, peu importe la forme), c’est-à-dire les solutions rapides. Sans oublier notre faiblesse pour tout ce qui est tranché, blanc ou noir. On se limite à un choix entre deux solutions. En outre, la lenteur de notre rythme de vie et d’exécution des interactions complexes ne nous donnent pas souvent l’occasion de participer à des conversations réfléchies ou pointues au cours desquelles nous pouvons examiner les questions ayant un effet catalyseur et les options novatrices avant de prendre des décisions clés. Généralement l’expert blanc a pensé pour nous et à poser à notre place les mauvaises questions et il faut surtout lui faire confiance…heureusement chers internautes que cette espèce d’Africains est en voie de disparition mais, bon Dieu que les infériorités ont la vie dure !!!
C’est la meilleure expression d’une crise des intelligences mise à nue par la mondialisation
Or, le monde actuel est un boulevard d’opportunités de développement et de réussite truffé de puissantes mines anti démocratiques, et anti développement économique avec comme paravent ingérence humanitaire et depuis la Lybie économique, droits de l’homme… L’espace est restreint et tout le monde ne peut avoir les mêmes privilèges, c’est au plus intelligent de savoir tiré son épingle du jeu mondial.
LA QUESTION : Que faire ?
Pour
les
Etats de la Zone Franc,
dans
la
période
d’instabilité
actuelle,
encourager
leur
élite, leur citoyen, leur universitaire
à
se
livrer
à
une
sérieuse
réflexion
sur
des
questions
complexes
sans
solutions
faciles
sera
la
clé
de
la
création
de
l’avenir
que
nous
désirons,
au
lieu
d’un
avenir
qui
nous
est imposé depuis le 15e siècle et va continuer à l’être si cet important effort n’est pas construit et alimenté à chaque instant.
Exemples :
- remplacer le français par une langue africaine.
- mettre en place un nouveau système politique qui ne soit ni démocratique, ni anti démocratique,
- proposer au monde une nouvelle idéologie politique conforme à notre vision du monde
La grande question de LA QUESTION en Afrique francophone
Il faudra que les chefs d’Etat développent en interne, loin des courtisans de tout bord, la capacité de conception de « systèmes privilégiant la pose de questions » afin d’apprendre, d’adapter et de créer les nouvelles connaissances nécessaires pour tirer parti des possibilités et relever les défis que présenteront les structures organisationnelles plus fluides qu’exigent NOTRE avenir qui se complexifie chaque jour.
Par exemple, les défis auxquels devront faire face les chefs d’Etat au cours des vingt prochaines années seront probablement liés à :
-
l’art de mobiliser et de dynamiser les réseaux politiques et économiques interne et externe;
-
la maîtrise de la diplomatie africaine de connivence d’intérêts,
-
la défense du territoire nationale, la gestion et la communication de crises (les cas de la Côte d’Ivoire et de la Libye pour un observateur avertit est une mine d’enseignements),
-
être une force de propositions pour la refonte des organismes mondiaux,
-
développement des compétences dans les métiers de souveraineté (audit, conseil, management, expertise pointue…)
-
la question de la monnaie nationale ou régionale
-
la définition des périmètres stratégiques des intérêts des Etats d’Afrique francophone
-
la contribution groupée dans la reformulation du système financier mondial,
-
comment faire échec aux accords de partenariat économique (véritable esclavage économique),
-
la lutte contre les sept faims des peuples d’Afrique francophone,
-
comment solutionner les thématiques sociales des peuples de manière endogène, par palier et en interaction avec les autres pays de la sous-région,
-
comment penser le désordre dans chaque pays (opposition), etc…
Il ne s’agira plus de se contenter de gérer des Etats avec un pouvoir fort (une étroitesse de vue politique et d’esprit à mon sens) comme le font nos ainés, pères ou frères. Les leaders qui connaîtront le succès seront ceux qui considèrent que les peuples constituent des réseaux vivants de conversations et de recherche collective d’une signification permettant de créer de nouvelles connaissances et d’ouvrir la porte d’un avenir en construction.
Or l’avenir n’est plus demain pour nous, mais là devant nous, nauséabond et brumeux.
Nos chefs d’Etat minorent une chose, ils ne sont pas à la tête d’un Etat que pour régler et gérer les urgences que les désordres ambiants (mentaux, économiques, sécuritaires, financiers, sociaux, sexuels, spirituels…) génèrent, mais surtout pour favoriser une réflexion constructive créateur de boulevards d’opportunités aujourd’hui et demain dans le cadre de leur programme politique.
Comment
En commençant par faire émerger ou soulever
des
questions
stratégiques.
En Afrique francophone une question fait peur, intrigue, met mal à l’aise, rend suspect, t’érige bêtement en opposant. L’exercice le plus commun à tous les leaders consistent développer une énergie hors du commun visant à empêcher LA QUESTION, à contrôler la question, à taire la question, à tuer la question, le silence est le signe d’une bonne intégration. Les silencieux donc les invisibles, les imbéciles, les poids morts, les spécialistes du ventre ont le bénéfice de la durée.
Combien de chefs d’Etat aujourd’hui , savent comment structurer des questions stratégiques qui ouvrent la porte à une réflexion sur les possibilités plutôt que sur la résolution de problèmes ?
Tous se sont spécialisés dans la gestion des urgences à géométrie variable. L’Etat reste gestionnaire dans ce cas, aveugle le plus souvent possible, incapable par hérédité et myope sur les grandes questions stratégiques, en retard dans les rendez-vous du donner et du recevoir mondiaux.
Or le peuple qui veut le changement maintenant exige et attend un ETAT STRATÈGE, c’est-à-dire volontaire, compétent, visionnaire, anticipatif, sachant gérer et communiquer en situation de crise, et non mentir de manière éhontée.
Combien d’entre eux n’ont pas peur de ne pas savoir quelque chose et savent adopter une attitude constructive pour aider les autres à faire valoir leurs connaissances collectives ?
Le propre des peuples colonisés est souvent de manquer de confiance en eux, d’avoir peur de tout à cela s’ajoute la confusion d’identité et une stratégie de prise de parole et de positionnement souvent hasardeuse, pour combler ces lacunes, les leaders issus de ces peuples mettent en place des services de renseignements omniprésent tueurs de LA QUESTION ou un « système de sécurité » avec pour seul objectif : taire LA QUESTION.
Combien de leaders politiques sont capables de mobiliser leurs cadres de manière objective afin de dégager les «grandes questions» qui sous‐tendent l’avenir de leurs organisations ?
En Afrique francophone, les leaders doivent devenir des « connecteurs » entre les personnes et les idées. Taire la question, dissoudre la vraie opposition ou les courants dans un parti, créée une vraie crise d’intelligence dans la compétition politique car, la diversité des voix et l’expression de points de vue nouveaux, sans la restriction imposée par les frontières classiques de la dictature, de la fonction, de la hiérarchie, de la discipline du parti, de la technologie, de la permanence et du lieu géographique jouent un rôle de plus en plus important dans l’établissement de la stratégie d’une société globale et locale. Comme Gary Hamel de la London School of Economics l’a fait remarquer, « Établir une stratégie exige la création d’un réseau riche et complexe de conversations permettant de rapprocher des foyers de connaissance isolés jusque‐là et de créer des combinaisons nouvelles et inattendues d’idées. »
Dans un environnement instable et incertain, une des mesures les plus importantes qu’un leader puisse prendre est d’aider son organisation à dégager les bonnes questions au bon moment. Une de leurs principales responsabilités consiste à créer des infrastructures de dialogue et de participation qui encouragent les autres, à tous les niveaux, à élaborer des questions pertinentes et à rechercher des démarches novatrices. Il est aussi indispensable que les leaders envisagent de créer des systèmes de récompenses qui encouragent les membres de l’organisation à sortir du cadre des frontières organisationnelles pour découvrir le type de questions incisives qui créent un objectif commun et des connaissances nouvelles.
Penser à organiser et animer des conversations animées
Un des principaux aspects des nouvelles tâches du leader est la création de multiples possibilités de conversations portant sur des questions difficiles à résoudre. Cependant, il est peu probable qu’une conversation saine et franche puisse avoir lieu dans un climat de crainte, de méfiance, de corruptions et de contrôle hiérarchique ou policier. Lorsque l’esprit et le cœur sont totalement investis dans ce genre de conversation et dans l’atteinte de questions de base, de nouvelles connaissances commencent souvent à prendre forme.
Être
capable
de
faciliter
des
conversations
dans
le
cadre qui
renforcent
la
confiance
et
atténuent
les
craintes
est donc
une
compétence importante
pour
un
leader
Entre
notre
profond
attachement
à
la
réponse,
n’importe
laquelle et
notre
crainte
de
ne
pas
savoir,
nous
avons
involontairement
freiné
notre
capacité
collective
de
créativité
profonde
et
d’expression
de
perspectives
nouvelles.
Malheureusement,
étant
donné
les
défis
sans
précédent
auxquels
nous peuples d’Afrique francophone, sommes
confrontés
dans
nos
sociétés,
nous
avons
aujourd’hui
plus
que jamais
besoin
de
ce
genre
de
compétence.
Il est temps d’accorder une grande valeur aux questions qui ouvrent « nos portes fermées «, car une question non posée est une porte fermée sur l’avenir. Un système vivant évolue en acquérant une identité cohérente, en établissant des connexions au sein de réseaux complexes de rapports et en assurant une large diffusion de l’information dans l’ensemble de l’organisation. De la même manière, les systèmes humains évoluent naturellement dans le sens des QUESTIONS qu’ils soulèvent.
Il incombe à chacun de bien voir la manière dont l’art et l’architecture des questions efficaces peut aider NOS ORGANISATIONS à déterminer la voie qu’elles suivront à l’avenir, et d’utiliser des processus, des outils et des technologies qui appuient cette évolution. C’est en effet la seule façon pour les organisations de pouvoir cultiver à la fois les connaissances requises pour assurer son succès politique, économique immédiat et la sagesse dont elle a besoin pour s’assurer un avenir durable.
Avant de se quitter pour la semaine prochaine, moi j’ai une grande question qui me préoccupe et m’empêche souvent de dormir.
Face à la complexification croissante des économies mondiales, de la finance, des technologies et aux excès de la « diplomatie de connivence » dans la diplomatie mondiale, pourquoi une gestion aussi malhabile de l’intelligence des crises en Afrique francophone ?
Par Patrice PASSY
Directeur général de M.I.Q Conseil Conseil en Intelligence Economique et Communication d’influence Ancien conseiller de Premier Ministre [email protected]