C’est par facilité que nous l’appelons la “Guerre du 5 juin”; c’est par lassitude même que nous avons depuis vingt ans épousé le récit des “vainqueurs”, si jamais on peut appeler vainqueur le camp qui a choisi de massacrer les siens au profit d’un lobby désormais apatride et surpuissant.
20 ans après, voici mon récit, le récit d’un survivant.
Une guerre contre les civils : Apocalypse Now sous les tropiques
4 Mai 1997, c’est la saison sèche au Congo. Quatre policiers en mission d’Etat ont été abattus à Owando et à Oyo. Parmi les victimes il y a le sergent MAKOYE, le sergent NGASSAKI Renaud âgé d’une vingtaine d’années, OKEMBA Alphonse, NDINGA et aussi des dizaines d’éléments de la garde et du personnel de l’ancien président YHOMBI OPANGAULT. MAKOYE a été abattu froidement en pleine rue et en pleine journée par le tueur personnel de Denis SASSOU NGUESSO le célèbre ABOYA accompagné du Colonel ENGOBO Bonaventure; deux personnages déjà connus et soupçonnés d’avoir égorgé le président Marien Ngouabi, natif d’Owando.
Ce mois de mai est sanglant. Le Colonel IBAKA, préfet, et le sous-préfet Jean NGOUABI tentent vainement de rétablir un semblant de normalité. La veillée mortuaire du jeune NGASSAKI Renaud tourne au drame quand son père est lui aussi assassiné par les cobras qui gardaient la maison des ONDONGO où les tueurs se cachaient. Le tueur ABOYA en fuite sera successivement caché chez le père de ONDONGO, ancien ministre des finances recherché aujourd’hui au Portugal dans le cadre du scandale de la Route de l’Atlantique, à Oyo dans la maison familiale des NGUESSO puis à la résidence de Mpila. ABOYA n’est plus mais l’autre tueur d’Owando, Colonel ENGOBO Bonaventure, est l’actuel adjoint de Jean Dominique OKEMBA au Conseil National de la Sécurité. Les tueries d’Owando durant le mois de Mai sont le véritable début de la guerre. La guerre du 5 juin a commencé le 04 Mai à Owando.
5 juin 1997, une matinée dans le clair-obscur, je ne me souviens plus s’il y avait eu du brouillard. J’ai juste le souvenir de ma mère qui arrive de l’Hôtel Olympic Palace où elle travaillait et qui juste devant la maison dit cette phrase : “la guerre a commencé, je vais sur Pointe-Noire”. Le ballet de voitures, mon bel oncle GOKABA, mon oncle Henri OKEMBA alors ministre de la jeunesse et des sports de LISSOUBA, ma tante ALBINO Thérèse, ma cousine INGOBA J., ma belle-mère MT. KOLÉLAS, toute la famille fuit les quartiers centraux et vient chez nous à Bacongo où règne encore un semblant de normalité. Ma famille c’est le Congo en miniature.
Le matin, usant d’un engin blindé désarmé pour faire pression, la police a tenté d’appréhender, chez Sassou à Mpila, les tueurs ABOYA et ENGOBO : le piège s’est alors refermé sur la démocratie congolaise et sur le président Pascal LISSOUBA.
Un piège de long court, le dernier chef-d’œuvre des réseaux Foccart. Dès 1993, SASSOU NGUESSO s’agitait. Il n’avait pas digéré la démocratisation par les Conférences nationales et l’ouverture en France de l’Affaire Elf par la Juge Eva JOLY. Le pays dont héritait le Président LISSOUBA était ruiné, la plus grande dette par tête d’habitant au monde, une police totalitaire, une économie malade de la rente pétrolière, une justice politisée et malade du stalinisme.
Pour le contexte international, une dévaluation brutale du Franc CFA en 1994 et un programme d’ajustement structurel antisocial du FMI ont achevé l’embryon d’Etat congolais.
C’est donc à la faveur d’une contestation sociale qui avait déjà dégénéré en 1994 en guerre entre Sassou et l’Etat Congolais, que le lobby pétrolier français espérait s’affranchir de sa nationalité et des ses responsabilités dans le scandale ELF. C’est par l’assassinat de la démocratie congolaise que Total s’est érigé en autorité souveraine capable de rivaliser avec les Etats : une entité apatride surpuissante régnant sur des territoires de non-droit.
SASSOU NGUESSO refuse de se soumettre au mandat d’amener. Les armes sont distribuées dans les carrefours, des containers d’armes. Le pain quotidien offert par le Général Denis SASSOU NGUESSO. La démocratie de la canonnière dans la plus pure orthodoxie maoïste libère les démons et les contentieux non soldés par une Conférence nationale naïve. Le fossoyeur de l’économie congolaise et les meurtriers s’en étaient tirés avec un lavement de mains et un “J’assume”.
Dix-neuf ans plus tard, en Juin 2016, le Général MOKOKO choisira lui de se soumettre au mandat d’amener pour épargner des vies humaines.
À Owando, Le Général Benoît MOUNDÉLÉ NGOLLO, ancien ministre des travaux publics dans les années 1980, Chef des opérations militaires pour SASSOU, organise les pogroms pour dompter la ville et utiliser l’aéroport comme base opérationnelle. Des charniers sont visibles à l’entrée de la ville. C’est en partie à cause du souvenir de la résistance de cette ville que l’aéroport d’Ollombo dépendant d’Oyo sera construit. La résistance d’Owando au coup d’État de SASSOU NGUESSO est un secret bien gardé car elle détruit la lecture d’un conflit Nord-Sud imposée par les “vainqueurs”.
15 octobre 1997, Pointe-Noire, je suis devant la boutique au domicile de ma grand mère NIANGUÉGUÉ Henriette, l’armée angolaise défile sur l’avenue, elle tue à vue, prend, viole. Mon pays est de facto sous occupation. Un ballet de 4×4 en fuite signe la chute du président LISSOUBA. C’est par l’intervention d’une armée étrangère que le Général Denis SASSOU NGUESSO referme la parenthèse démocratique 1992-1997. Gilbert ONDONGO sera au côté de Denis SASSOU NGUESSO au titre de conseiller économique lors de son premier séjour de “vainqueur” à Paris, à l’Hôtel Crillon.
Une paix et une stabilité introuvable 1997-2015
La guerre de SASSOU contre les Congolais ne s’est pas achevée avec la victoire militaire d’Octobre 1997. La pacification du pays n’a jamais eu lieu. En dépit de la propagande, ni la paix ni la stabilité n’ont pu être réalisées par SASSOU NGUESSO. Le lobby pétrolier désormais affranchi de l’Etat français pouvait agir comme une entité autonome. Plus aucun besoin de prétendre vouloir la paix, il suffisait de faire du Congo Brazzaville par la corruption internationale l’angle mort du système des Nations Unies. Epuration du Pool et des Pays du Niari entre 1997-2002, Disparus du Beach, Couloirs Humanitaires de la Mort de Médecins sans frontières, une violence sourde et continue, rien jamais n’a réveillé la communauté internationale sur le sort du “petit Congo”. De 2002 à 2009 les élections présidentielles sont systématiquement truquées. Toujours dans son projet de s’éterniser au pouvoir, avec la complicité de la France, Denis Sassou Nguesso enchaîne : coup d’état constitutionnel d’octobre 2015, braquage électoral du 20 mars 2016, seconde épuration ethnique du Pool depuis le 04 Avril 2016. Le pays sent la mort et la propagande exalte l’Homme de la Paix et des actions concrètes.
Sur le plan économique c’est le marasme total; les agences de notation décrètent en Août 2016 le Congo en faillite. Le Congo mute à la faveur du boom pétrolier découlant du choc du 11 septembre 2001 en État complètement voyou. Une série d’acteurs mafieux y ont pignon sur rue comme le sinistre Victor BOUT. Tout un appareil diplomatique et financier d’Etat au service d’intérêts particuliers. Libanais proches de Nabatieh fief du Hezbollah, Pakistanais des Zones Tribales, Interahamwe, Ex-Faz de Mobutu, Cubains, tout ce que la planète peut contenir comme crapules se donne alors rendez-vous à Brazzaville pour « blanchir de l’argent », obtenir des votes favorables dans telle ou telle institution, faire du trafic de minerais de sang.
Sassou s’en vante : chacun a un prix. Il est sans aucun doute l’un des hommes les plus riches et les plus puissants de la planète. Il s’est, comme le Lobby Pétrolier affranchi de son maître français; il est devenu de fait l’un des maîtres qui tire les ficelles d’un système mondial en pleine crise.
CHIRAC, SARKOZY, De VILLEPIN, COPÉ, DATI, HIDALGO, BORLOO, etc., les ténors de la vie politico-médiatique de la France font le pèlerinage de Brazzaville. C’est une destination qui paie en liquide vite et bien.
Au Congo, même l’Église a été corrompue. Paix et stabilité chante la propagande quand le 04 mars 2012 la déliquescence du régime explose en rasant les quartiers populaires autour du fief du tyran. Rien ne sera plus jamais comme avant.
Sassou #Sassoufit ! Sassou dégage !
SASSOU NGUESSO n’est pas qu’une menace pour les Congolais, il est par la profondeur de ses réseaux et de ses moyens financiers une menace pour la démocratie et la paix dans le monde. Son soutien continu et actif à des régimes oppressifs en Afrique et à travers le monde, son lien ancien avec le terrorisme international comme l’atteste l’Attentat du DC10 d’UTA en complicité active avec le Colonel Kadhafi, sa propension connue et documentée à l’épuration ethnique font de cet homme une menace pour l’État de droit à travers le monde. En Italie, en France, en Suisse, en Espagne, au Portugal, au Brésil, aux Etats-Unis, en Australie, le jeu démocratique a été perturbé ou influencé, comme dans beaucoup d’autres pays dans le monde, par l’argent sale de ce régime congolais.
SASSOU NGUESSO est un “tyran apatride”, qui a hérité de réseaux d’influence foccardiens et du savoir-faire des services secrets français qui lui permettent d’exercer des pressions pour arriver à ses fins partout dans le monde.
C’est pourquoi ce combat ne peut pas être seulement celui des Congolais. Il est celui de tous, femmes et hommes de bonne volonté. La vérité sur l’innocence des victimes est lente à percevoir. Elle est l’antidote à la peur qui paralyse les masses. Elle est celle qui affranchit de la tyrannie.
J’avais 12 ans et j’ai survécu à la fin du monde.
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La résistance d’Owando au coup d’État de SASSOU NGUESSO est un secret bien gardé car elle détruit la lecture d’un conflit Nord-Sud imposée par les “vainqueurs”
je demande aux internautes congolais de se rappeler ce que dit l’auteur de cet article. En effet, la notion de conflit est faite pour alimenter les poches des politiciens congolais de tout bord.
Le 5 juin est une date macabre. Nous avous là suite à la lecture de ce post un temoignage emouvant qui montre que le politicien congolais est la grande porte par laquelle tous les malheurs entrent. Plus jamais ça a toujours ete leur leitmotiv.
Toutes ces morts pour assouvire les ambitions demesurees d’un homme et son clan? On aurait dit des morts pour du beurre, au vu de la situation economique, sociale et politique du Congo occasionnee par celui qui a ruse une partie de la communaute nationale et la quasi totalite de la communaute internationale, comme quoi il avait pris les armes pour retablir la DEMOCRATIE au Congo… Or la realite est que le pouvoir etait un gibier qu’il avait deja dans sa besasse et il n’etait pas question de le partager avec les « meteques »…Je sais que monsieur Sassou n’est plus humain, car il se considere lui-meme dieu. Mais quand dans ses moments de lucidite il voit la pauperisation actuelle de la population, des infrastructures a peine construites par lui mais qui tombent deja en ruine, que pense t-il de son action sur plus de 4 decennies???????????????????
Je suis bouleversée par ce récit la vérité sort peu à peu un jour nous saurons toute la vérité les criminels ne s’en sortiront pas cette fois par une inique cérémonie de lavement de mais morts ou vivant nous les jugerons
Que fait-on du présent, et de cette dure réalité où nous savons qu’il y a eu des malversations monstreuses du côté de tout ce qui touche les grands travaux, et en particulier la compagnie áerienne nationale ECAir. Quelqu’un va-t-il sortir du bois et envoyer le dossier chez un procureur, en Suisse ou en France où ailleurs?
Avant tout, je fais un rappel que Mr Sassou Denis et son regime ne sont que l’arbre qui cache la foret.
Mr Ngombe vous relatez les faits qui ont eu lieu quand vous étiez enfant de 12 ans.Aujourd’hui vous êtes adulte.Alors je vous pose la question la suivante:Qu’est ce qu’a change depuis lors?.
A mon humble avis les Congolais continuent a commettre la meme erreur(nativité) de la conference nationale en passant par la présidence de Mr Lissouba qui s’était entoure des anciens caciques du pct qui avaient tourne leur veste par besoin de positionnement jusqu’à Mokoko et ses amis qui ont cru que les bulletins suffisaient pour faire sauter le verrou qui maintient les Congolais la tete sous l’eau.Mr Ngombe,Mr Bokel politicien français qui au temps de Mr Sarkozy déclara qu’il allait enterrer la francafrique,vire pour cette declaration est revenu désormais il est l’un de ceux qui soutiennent le statu quo qui prévaut.Mr Ngombe je peux vous assurer que les Congolais n’ont rien encore compris comment identifier la source du mal et s’en occuper sinon les gens ne seraient pas disperses dans un désordre dépassant l’entendement.
Mr Ngombe je peux vous assurer que vous pouvez frapper tant de fois les portes des responsables français,vous pouvez marcher les paves de paris ou de toute la France vous n’aurez jamais la solution au problème.Il faut une autre approche que seuls les hommes courageux,serieux et determines peuvent adopter.Quelque part dans ce monde, quelqu’un a dit:Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles.Les Congolais doivent sérieusement et profondément méditer sur ce dicton.
@le fils du pays .Tu m’as scotché sur ton dernier paragraphe ,on eût dit un savant grec .Oui ,notre approche guerrière et déstabilisante appliquée à ce régime me semble appropriée à la situation actuelle.
Nous ne cessons de nous perdre en conjectures ,sans pour autant percer la calebasse….
lire ..Oui ,Une autre approche guerrière et déstabilisante …
@Fils du pays, j’apprécie toujours votre clairvoyance et le respect de votre direction depuis le début, sans vaciller ni à gauche ou à droite car vous avez cerné dès le départ le nœud du problème Congo. C’est pour cette raison j’avais une fois évoquer ici: la diaspora congolaise surtout celle de France doit changer de logiciel après tant d’échec. Et pourtant nous le savons tous bien du fond de notre conscience que le mal du Congo c’est la France; mais nous sommes malheureusement toujours orienté par notre inconscience pour prétendre résoudre nos problèmes en privilégiant la France, à l’exemple des propos tenus récemment par @Pascal Malanda (désolé de vous citer) dont le nihilisme de l’action laisse croire que sans la France notre salut est impensable.
Un grand merci à l’auteur de ce texte bien élaboré. C’est une prouesse de parler de l’histoire politique lugubre du Congo en très peu de mots et dire tout, alors tout. Bravo mon cher Andrea.
Je n’ai jamais raté tes interventions sur tv5 souvent, quel que soit l’endroit où je me trouve.
Merci encore, tu restes un GRAND HOMME, je pèse mes mots !!
J’espère te rencontrer un jour pour t’embrasser. Que Dieu le Tout Puissant, te protège.