Etudiants africains en France : Futurs diplômés – futurs « sans papiers ». Partie 1 (Par Aliou TALL)

Chaque année, à partir de juin, des milliers de diplômés africains formés en France doivent affronter la galère de l’insertion professionnelle. Certes le marché français du travail est marqué par une conjoncture et un taux de chômage que le gouvernement ne parvient pas à dénouer. Mais les étudiants africains y sont confrontés à des restrictions qui, en plus de certaines discriminations à l’embauche, rendent aléatoire leur recrutement. Douze mois après l’obtention de leur Master, la plupart devient « sans papiers », faute de réussir un changement de statut.

 

Des diplômés inemployés en Afrique, encombrants en France.

 

Le paradigme presque subliminal, qui consiste à exiger le retour des diplômés africains chez eux, à les accuser d’entretenir la fuite des cerveaux, ou de voler le travail des postulants français,  relève d’une auto-flagellation nationaliste.

D’abord, l’Afrique ne peut pas offrir un emploi aux milliers de diplômés formés à l’étranger. De nos jours, le « Brain drain » est une fantaisie intellectuelle qui amuse certains esprits déconnectés de la réalité. On est à l’ère de la mobilité internationale étudiante et de l’ubérisation des compétences. Qui plus est, de retour dans leurs pays d’origine, les diplômés africains formés en France sont concurrencés sur le marché du travail par des profils opérationnels, formés sur place. Donc l’Afrique gagnerait plutôt à exporter de la matière grise en Europe, en Amérique et en Asie.

Ensuite, pour éviter d’avoir trop de diplômés africains sur le marché français de l’emploi, il faut dès l’amont éviter d’avoir trop d’étudiants africains dans les universités et les écoles françaises. Si la France ne peut plus, ou ne veut plus absorber le gros lot du contingent d’étudiants africains à l’étranger, il faut diversifier l’offre de formation à l’international pour ces étudiants. Pour ce faire, les Etats africains doivent encourager et intensifier la mobilité internationale de leurs étudiants vers les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l’Arabie Saoudite.  Parallèlement, ils doivent développer de nouveaux partenariats pour l’accueil de leurs étudiants, avec la Chine, la République de Corée, le Japon,  l’Australie, l’Allemagne et la Belgique. D’autant plus que, depuis quelques années, la France n’accueille pas davantage d’étudiants étrangers dans ses universités : Elle affecte le flux supplémentaire aux cycles d’ingénieurs et aux grandes écoles.

 

Un désordre législatif préjudiciable à l’’étudiant africain.

 

A partir du moment où la France a besoin des étudiants africains pour conforter son rang de grande destination intellectuelle et scientifique (Plus de 40% des étudiants étrangers en France viennent d’Afrique), elle doit supprimer les barrières à leur recrutement. Pour travailler en France après leurs diplômes, les étudiants africains sont actuellement confrontés à des complexités administratives que même certains avocats généralistes ne peuvent pas délier. Il ressort des dispositions d’un arrêté de mai 2011, d’une loi de juillet 2013, et d’un décret d’octobre 2016, que l’étudiant étranger titulaire d’une licence professionnelle, d’un Master ou d’un diplôme de niveau 1 labélisé par la conférence des grandes écoles, peut bénéficier d’une autorisation provisoire de séjour (APS) de 12 mois non renouvelable. Cette APS lui permet, depuis le décret d’octobre 2016 susmentionné, soit d’occuper un emploi salarié, soit de créer une entreprise en France. Avec la circulaire du 31 mai 2011, prise par  l’ancien ministre de l’intérieur français Claude GUEANT, les étudiants étrangers avaient compris qu’on ne voulait pas d’eux en France après leurs études. Par l’abrogation de cette circulaire avec une autre du 31 mai 2012, ils recevaient un bol d’air avec l’espoir de pouvoir travailler facilement en France, une fois diplômés. L’air s’est rapidement raréfié, l’espoir s’est évaporé. Le changement de statut d’étudiant à salarié est resté un fastidieux parcours du combattant. La possibilité de faire un changement de statut par la création d’une entreprise a été  largement verrouillée par le décret d’octobre 2016, qui pose des conditions prohibitives.  Si le diplômé étranger n’est pas bien conseillé pour soumettre un projet infaillible et viable, il devra débourser 30 000 euros pour avoir la carte de séjour « Passeport talent » créateur d’entreprise, ou 300 000 euros pour la carte « Passeport talent » investisseur. Difficile, pour un étudiant africain qui a du mal à assurer 300 euros pour le loyer d’une chambre d’étudiant.

 

Une discrimination à l’embauche assumée, une OQTF banalisée.

 

En tout état de cause, la forte probabilité du refus de l’autorisation de travail  aux diplômés étrangers dissuade des employeurs français à les embaucher, même si leurs profils répondent exactement à celui de l’emploi pourvu. Leur recrutement devient d’autant plus aléatoire que l’administration inflige une taxe aux employeurs qui les recrute. Pis, l’administration française leur inflige par ricochet une autre sanction, en refusant leur autorisation de travail si le futur employeur n’est pas réglo avec la réglementation du travail. Ce qui n’est pas de leur faute, et n’est pas reproché au jeune français ou européen ayant validé le même diplôme, la même année, dans la même université. Au final cette APS est loin d’être un passeport pour l’emploi en France. A son terme, l’étudiant étranger devient « sans papiers » s’il ne réussit pas un changement de statut. Il va alors recevoir une obligation de quitter le territoire français (OQTF). S’il ne quitte pas la France de son gré, il risque d’être expulsé manu militari avec une interdiction de revenir en France. Et avant cela, il est traumatisé par la crainte d’être enfermé en centre de rétention (un emprisonnement administratif) ou d’être assigné à résidence  (un emprisonnement a domicile pouvant durer 12 mois, avec obligation de pointer régulièrement à la police ou à la gendarmerie). Les autorités africaines doivent se bouger pour appréhender cette souffrance invisible !

 

Aliou TALL,

Président du Réseau Africain de Défense des Usagers, Des Consommateurs et du Citoyen (RADUCC)

Email : [email protected]

 

Diffusé le 3 mai 2017, par www.congo-liberty.org

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10 réponses à Etudiants africains en France : Futurs diplômés – futurs « sans papiers ». Partie 1 (Par Aliou TALL)

  1. BIAS dit :

    Bonjour à tous et toutes! Étudiants africains en France : Futurs diplômés – futurs « sans papiers ». Cette problématiquement est, non seulement d’actualité, mais plutôt séculaire. Cela était ou est de décennies en décennies. Je suis moi-même ressortissant du Congo Brazzaville, diplômé de l’université de Reims (cursus universitaire pour la période allant de l’an 1988 à 1992).

  2. VAL DE NANTES . dit :

    Comment insérer les diplômés au CONGO BRAZZA , quand le premier diplôme s’appelle tribu du chef ….
    La malédiction de l ‘AFRIQUE n ‘est autre que , l ‘ensauvagement à souhait de nos pratiques ancestrales qui ne cadrant pas , avec la modernité ;;;; SASSOU en est le parfait exemple ;;;

  3. Anonyme dit :

    Triste réalité.

  4. David Londi dit :

    Malheureusement les pays africains n’ont jamais pu développer une gestion de ressources humaines sérieuses laissant sur le carreau de brillants esprits qui font le bonheur des pays alors qu’ils ont investi des années sur eux. Cela n’est pas étonnant quand les ministres ou les hauts fonctionnaires en charge de ces problèmes brillent plus par leur incompétence et la course à l’enrichissement personnel. Tout développement qu’il soit économique, social ou intellectuel dépend du contexte politique du pays. L’Afrique a besoin de tous ses cadres pour affronter les différents défis auxquels elle doit faire pour cela les dirigeants de ces pays doivent privilégier la méritocratie au détriment du patronage, l’homme qu’il faut à la place qu’il faut pour dégager les compétences stratégiques dans la planification et la prévision.

    Néanmoins pour celles et ceux qui veulent rester dans les pays occidentaux pour n raisons, il faut choisir des filières d’excellence : grandes écoles d’ingénieurs et de commerce. En France, le déficit de formation des ingénieurs est d’environ 16.000 par an. Les besoins sont énormes. J’ai eu à parrainer quelques africains, ingénieurs, chez Capgemini où le nombre augmente progressivement alors qu’au moment où j’y rentrais, une vingtaine d’années, on pouvait les compter sur les doigts d’une main. Une fois le diplôme acquis, beaucoup de pays peuvent vous donner des opportunités. Il faut être mobile. Les expériences américaines, canadiennes et australiennes sont particulièrement intéressantes. Les grandes écoles vous donnent la possibilité de faire votre dernière année du cursus ingénieurs à l’Étranger, cette expérience permet d’ouvrir d’autres opportunités.

    En conclusion, il faut se battre pour l’installation des démocraties en Afrique pour créer les conditions définies par Maslow, préalables à tout développement.

  5. VAL DE NANTES . dit :

    @ LONDI , effectivement , les principes de MASLOW , c’est la stratification des besoins humains au regard de l’exploitation efficiente de nos potentialités personnelles ;;;;;;.
    Ces principes ne sont possibles que dans une sphère saine , où l’égalité des chances proclamées par la puissance publique ne peut souffrir de vérole tribaliste ;;;;;
    Au CONGO , il en va de la bonté du roi , et nous en sommes lion ;;;;Sur les ingénieurs et leur utilité incontestée dans une économie dite émergente , je dirai qu’un pays qui s’en prive , se meurt à grands pas .Tel , notre pays .
    Dans , ingénieur , il y a le mot génie , et cela suffit , pour examiner le retard démentiel que nous avons accumulé , par rapport aux autres nations EN VOIE d’émergence ;;;.
    BREF , je fais partie de ce corps , et j’en connais toutes les ficelles ;;;;;
    Quand , je regarde mon pays , sous l’œil d’ingénieur , je larmoie , mais que je regarde l’apport efficient , de ces mécano intellectuels , chez nos voisins immédiats , je me console ;;;;.
    AH LE CONGO ,de quel coté ,es tu tombé ?????????

  6. David Londi dit :

    @Val de Nantes,

    entièrement d’accord. Le tribalisme c’est un vrai fléau. Le Congo est tombé du côté des forces obscures.

  7. Anonyme dit :

    Voici là où va l’argent qui aurait pu aider nos jeunes à s’installer et à travailler au pays dans de bonnes conditions :

    http://www.journaldemontreal.com/2017/06/03/des-fonds-du-congo-dans-les-paradis-fiscaux-et-au-quebec

  8. Le nul qui veut savoir dit :

    EN Afrique, ils fuient les dictatures, le chômage et le tribalisme; en France ils subissent le racisme, la ségrégation et le chômage, qu’ont ils fait au Bon Dieu pour mériter tous les maux de ce monde? Pauvres africains. C’est pourquoi il faut s’organiser en association pour faire pression aux décideurs français afin de chasser d’Afrique les dictateurs qu’ils entretiennent, permettant à ces étudiants de repartir créer les emplois en Afrique dans des contextes politiques favorables à l’émergence de nos pays; on est mieux que chez soi dit-on souvent.

  9. BIAS dit :

    EN Afrique, ils fuient les dictatures, le chômage et le tribalisme; en France ils subissent le racisme, la ségrégation et le chômage, qu’ont ils fait au Bon Dieu pour mériter tous les maux de ce monde? Pauvres africains … Voilà qui dit mieux! Et c’est la vérité! Le morceau est bien craché avec des mots très simples. Voilà un problème séculaire, depuis des décennies.

  10. BIAS dit :

    Bonjour à tous et toutes !
    Voici des propositions ou solutions aux problèmes des diplômés ou non diplômés du Congo Brazzaville, d’Afrique ou d’ailleurs :

    Les africains, diplômés ou non diplômés, en activité professionnelle ou sans activité salariée, doivent sortir de l’isolement, de ce sentiment égocentriste qui consiste à se mesurer et comparer sa prospérité intellectuelle ou matérielle, par rapport à un autre proche africain. Les « diplômés » ou « intellectuels » africains doivent aussi se démarquer de ce complexe de supériorité qui consiste à vouloir écraser son prochain. Il faudrait donc apprendre, et réapprendre, à servir et rien que servir, pour prospérer ensemble.

    Il faut renaître de nouveau et se revêtir de ce sentiment noble ou universel proche de la « sainteté » : amour sans condition d’un autre proche africain ou humain, humilité, sagesse, simplicité …

    Il faut germer ou murir, le plus simplement, avec humilité, la volonté de s’organiser en de petits groupes d’individus, des groupes de réflexion, chacun avec son talent, pour le travail, pour accoucher des idées qui permettent d’avancer, d’innover et de prospérer ensemble, la main dans la main, dans l’amour et le respect de ses camarades.

    Il est donc possible de créer des petits groupes de diplômés, d’intellectuels, d’artisans africains, pour le travail, et même sans argent ni économie au départ, où qu’ils soient, en Afrique, en Europe, en Asie, au Moyen-Orient, en Amérique … etc. Attention, çà n’est pas le socialisme ou le communisme !

    Il faut s’organiser en de petits groupes dynamiques pour le travail, la réflexion : des Cercles de Réflexion, des Bureaux d’Études et Stratégies, des Bureaux de Méthodes de Production … etc. Il ne s’agit pas de rassemblement de personnes pour la danse, la musique, la fête ou pour exposer l’habit somptueux. Il s’agit de rassemblement de cerveaux, de tous horizons, de toutes ethnies, pour accoucher des idées permettant aux africains de prospérer avec humilité, sagesse et intelligence, où qu’ils soient …

    Il faut s’organiser en de petits groupes de réflexion pour le travail, dans le respect d’autrui. Le « petit groupe » doit être soudé, hermétique et obéir à un statut et règlement intérieur (…). Cela ferait penser à des fratries contemporaines. Mais loin de là, il s’agit de « petits groupes » bénins, saints et irréprochables, pour le travail et la prospérité sociale des peuples ou nations.

    Quand nous étions enfants, nous travaillions en groupe, la main dans la main, avec les camarades du collège et lycée, au Congo Brazzaville ; On essayait de chercher ensemble, simplement, pour comprendre, pour trouver la solution à un problème de mathématiques ou des sciences physiques et techniques … etc. On trouvait des solutions multiples ! Parce que nous étions unis, solidaires, le plus simplement, sans animosité des uns contre les autres. Voilà le sentiment de « sainteté » qu’il faut renaître en nous, par le travail en équipe ou en groupe, au travers de petits groupes de réflexion pour le travail!

    Quand nous étions à l’université, nous avions obligation de travailler en binôme ou trinôme, lors des travaux pratiques divers ;

    Et lorsque nous sommes devenus grands ou émancipés, diplômés ou non diplômés, intellectuels ou artisans, nous voilà dans l’isolement, chacun dans sa bulle d’opulence ou de misère. On se compare à son prochain et on quantifie sa prospérité intellectuelle ou matérielle. Les uns se moquent des autres. Le concept du travail en équipe ou en groupe s’est volatilisé. Le passé est mort ! (…).

    Pour conclure, il faut simplement s’organiser, réveiller de petits groupes de travail et de réflexion pour prospérer ensemble, même sans argent ni économie au départ. Voilà le secret de la réussite en groupe, en société. Un temps pour « le travail et le partage », un temps pour la « famille ». En aucun cas, le groupe de travail ne doit porter atteinte à l’intimité familiale personnelle. Après le travail en équipe ou groupe solidaire, chacun chez soi, dans l’intimité de sa vie privée et familiale.

    En espérant avoir posé une pierre dans l’édifice,

    Sous toute réserve !

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