Et maintenant…, quelle alternative politique au Congo ? , Par Djess dia Moungouansi

 « Ce n’est pas la révolte en elle-même qui est noble, mais ce qu’elle exige » Albert Camus

Dans « La Marée du soir », Montherlant a écrit «  Il n’y a que deux partis dans un pays : ceux qui osent dire non, et ceux qui ne l’osent pas. Quand ceux qui ne l’osent pas dépassent en nombre considérable ceux qui l’osent, le pays est fichu ». Reprenons à notre compte cette pertinente réflexion.

L’insigne impéritie dans laquelle Sassou et son PCT ont plongé le peuple congolais, met en relief l’impossibilité d’une alternance de pouvoir au Congo-Brazzaville, ni par les urnes, ni par les armes. Par leur nocivité, deux hypothèses se valent : soit Sassou reste au pouvoir à vie, soit, malmené par l’âge et/ou par les ennuis de santé, il désigne son fils Kiki NGuesso comme successeur. Au nez et à la barbe des congolais. Ne varietur !

Là est précisément le drame. A chaque échéance électorale, notre pays tombe de charybde en scylla. Aussi, l’arrêt du processus démocratique est aussi inquiétant qu’un lugubre crépuscule du soir.

Si la main basse sur la chambre basse- sans jeu de mot -, est un truisme (95 % sont PCT et apparentés) ; le retour ipso facto, du monopartisme, en est un autre. A se demander quel était l’intérêt de ce pouvoir, d’organiser une telle élection, à coups de milliards, et foncièrement sans objet pour le peuple ?

Comme à l’accoutumée, notre chère opposition, engluée dans une espèce d’incapacité à créer un véritable rapport de force face à un pouvoir autiste, s’était bornée dans des formules incantatoires du genre : « Nous irons à cette élection pour montrer nos forces » dixit Mathias DZON. Superbe de ridicule. Pire encore, en adoptant une stratégie déconcertante qui consiste à maintenir leur candidature tout en demandant l’annulation du scrutin, je confesse mon incapacité à comprendre une telle attitude. Loin de desservir le pouvoir, cette stratégie, cautionnant involontairement cette mascarade, a été une manœuvre inespérée d’embellissement de l’image d’un régime à bout de souffle.

Nous sommes face à un pouvoir qui passe le clair de son temps à affiner son projet monarchique, en renvoyant les préoccupations des Congolais aux calendes grecques. Il s’applique à induire le sérum de résignation à tout un peuple, pour que nulle clameur ne vienne réprouver ses turpitudes.

En vampirisant toutes les institutions, le pouvoir ôte délibérément au peuple, les seuls moyens d’expression qui raviveraient sa dignité. Plus qu’une révolte, c’est une révolution qui viendrait à bout de ce système. La différence entre les deux est que la révolte vise seulement la fin de l’oppression, de l’injustice, de la servitude des citoyens. En réalité, elle ne met pas fin à une injustice, ni au tribalisme institutionnalisé. En revanche, la révolution vise un remplacement de l’ancien système par un nouveau, un changement radical des hommes et femmes qui font peser d’inimaginables calamités sur nos populations.

Le gangstérisme politique le plus abject a été mis en exergue à VINDZA. On a rarement vu un pouvoir, mettre autant d’énergie pour sonner le glas d’un processus démocratique. Ce pouvoir, a encore prouvé sa volonté de gouverner le Congo par l’injustice, la tricherie; la falsification et par des méthodes tyranniques. Avec une effronterie qui n’a d’égale que leur mépris des valeurs essentielles de la démocratie, le ministre de l’intérieur a eu l’outrecuidance de proclamer des résultats à milles lieues des suffrages sortis de différents bureaux de vote : Jean Paul MATSIMA, le vainqueur incontesté des urnes a obtenu 1348 voix. Il s’est vu attribuer 1009 voix lors de la proclamation des résultats et Aimé Emmanuel Yoka qui a obtenu 934 voix s’est vu attribuer 1287 voix.

Ce n’était plus de la mystification politique ; c’était un délit moral et politique. Un affreux rapt éthique ! En piédestalisant la médiocrité et l’impudence, on consacre le glissement de l’acceptable vers l’inacceptable, la banalisation des fautes cardinales, la terreur, les mensonges et l’indignation. En somme, la disparition définitive du lien entre éthique et morale, droit et politique.

Face à ce tableau d’une extrême laideur morale, jusqu’où un peuple peut-il continuer à subir les affres d’un système conçu pour écraser, avilir, flétrir ?

La vie des révoltés légendaires comme Spartacus ou Toussaint Louverture était régie par un principe : « Plutôt mourir debout que de vivre à genoux ». Ils avaient la maîtrise logomachique et l’habileté manœuvrière nécessaires pour gravir l’ultime marche du panthéon politique. C’est ce que nous n’avons pas. Il faut plus, de telle sorte qu’au bout de longues années, l’on soit en paix avec sa conscience, serein au soir tombant du destin, persuadé que l’action menée est sa meilleure plaidoirie.

Un peuple peut souffrir, jusqu’à l’extrême limite, de l’oppression d’un tyran, mais le peuple sait, aussi, être sans pitié, voire tyrannique. Nicolas Ceausescu, Idi Amin DADA, Hilter, Mobutu, Pol Pot ne sont plus là pour nous en dire un peu plus. Dommage. Ils n’étaient tous, que des fous, pas des grands hommes. Des fous lucides cependant, car ils avaient perçu, dans des moments de transe subliminale, la médiocrité du genre humain, la fragilité de la vie On ne peut pas, en tant qu’acteur politique exerçant une autorité étatique, n’être subjugué que par l’ivresse que procure l’image de soi que vous renvoie chaque jour, Télé Tâ Nkombo ; la sensation d’être Dieu le père parce qu’on détient entre les mains, le pouvoir de défaire des vies, d’en fabriquer de toutes pièces, d’ordonnancer même la mort et de l’administrer ; la crainte, l’envie, la soumission et la terreur qu’on suscite autour de toi. 

Du reste, il est superflu de rappeler à ce pouvoir que tout peuple sait inventer des alternatives de changement et de rupture viables pour lui, quelque soit le prix à payer. Comme dirait l’autre, ceux qui ont trouvé tant de moyens d’étouffer la liberté où elle est née, n’en ont encore trouvé aucun pour l’empêcher de naître et de faire explosion là où elle ne s’est jamais montrée. 

La nuit a trop duré, mais le jour se lèvera dans l’amertume pour un souffle nouveau. Comme lors de l’avènement de la CNS de 1991, le Congolais retrouvera sans conteste, dignité et respect et foulera au pied toute désinvolture. C’est le peuple qui donne le pouvoir et cela, les congolais ne l’ont jamais oublié. 

Pour ma part, j’anesthésie le temps qu’il faut passer pour nous dessiller et nous aider à exhumer notre orgueil, afin de s’affranchir du joug dictatorial. On s’en doutait bien: « Les cercles du pouvoir de Brazzaville s’inquiétaient moins des conséquences des printemps arabes que du relâchement du lien avec la France » (1) Aussi, nous obtiendront la liberté au sens plein du terme si et seulement si nous réussissons à tous les niveaux, à se faire violence et prendre le taureau par les cornes. Nul destin inexorable ne nous prédispose en effet à être sous la botte d’un tyran. Toute misère mène à la révolte ou à la soumission ; le choix est clair. Mais peut-être l’histoire de l’humanité est-elle, d’une certaine manière, l’histoire des révoltes et des révolutions…N’oubliez pas le mot de Romain Rolland (écrivain français, pacifiste et humaniste). « Même sans espoir la lutte est encore un espoir ».

 

(1) La Lettre du Continent N° 629 du 16 Février 2012.

Djess dia Moungouansi La plume indépendante au service du peuple.

Vice- Président du Cercle «  LA RUPTURE ». 

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