ENTRETIEN AVEC DINA MAHOUNGOU au sujet de son recueil de nouvelles : « LES PARODIES DU BONHEUR » (aux Editions Bénévent).

Nous sommes au début du mois de mai 2012. Pour Congo Liberty.com, dans un café du quartier latin, Monsieur Mingwa mia Biango reçoit l’écrivain Dina Mahoungou qui tient une chronique sur le site ci-dessus nommé. 

Monsieur Mingwa en entretien avec l’auteur qui publie un recueil de huit nouvelles chez Bénévent, Editeur à Nice : « Les parodies du bonheur ». Le livre sera en librairie à partir du 15 mai 2012. 

congo-liberty : 

Ces nouvelles qui sont teintées d’un réalisme sordide racontent pour la plupart la réalité, la vie du citoyen congolais avant et après la guerre civile, à qui vous adressez-vous ? 

Dina Mahoungou :

Je fais référence à des faits qui sont bien connus, la débâcle, la crise spirituelle et morale de toute une génération en déroute. Les Congolais, vidés, épuisés, sont dans un pays ravagé par l’incertitude. C’est une forme de défi d’écrivain, du vécu mélangé à la micro-fiction, j’explore les profondeurs de l’âme humaine comme disait Saint-Simon : « La seule vérité qui vaille est la vérité de l’esprit ». 

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De qui êtes-vous l’héritier en littérature ? Chez un certain nombre d’écrivains majeurs, l’on rencontre la figure du mendiant, du déchu, des acteurs complètement étriqués comme chez Sony Labou Tansi. 

Dina Mahoungou :

Lorsque j’écris, j’ai en mémoire d’habiter un grand projet d’écriture, je m’inspire tout autant de Lermontov que de Dongala. Quant à Sony Labou Tansi, je lui rends la monnaie de sa pièce, dans les années 80, nous avions un petit cénacle littéraire, on lisait à haute voix nos premiers écrits, cela a eu sans nul doute de l’influence sur mon style. Je traverse ses tropicalités pour les refonder différemment, je passe par l’écriture pour aborder les visages, mes personnages portent les cicatrices du temps. 

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Dans la première nouvelle « La dormition de Denise », en hommage à votre mère, une occasion inespérée de la réhabiliter, sa disparition vous a vraiment bouleversé ? 

Dina Mahoungou :

L’absence des êtres chers est conjuguée ici avec beaucoup de pudeur, on a l’impression dans la presque totalité de ces nouvelles de découvrir chronologiquement des fragments de romans inachevés, les disparus sont présents et leur mémoire toujours vivante, c’est aussi un art difficile de décrire le passé, les gens que l’on ne reverra jamais plus, c’est souvent pénible. 

congo-liberty : 

Quand vous décrivez les grands de ce monde, dirigeants fous, dictateurs, affairistes, criminels en cols blancs avec une minutie comique, pensez-vous avoir dépassé la ligne de courtoisie ? 

Dina Mahoungou :

Tous ces charniers découverts après la guerre civile, tous ces quartiers bombardés, tous ces bourreaux suffisants, pleins de morgue qui se promènent docilement dans la ville, en toute quiétude, toutes ces familles séparées, exilées.

A qui la faute ? Ces prédateurs redoutés n’ont jamais assumé leurs responsabilités. Les citoyens sont dans une peur épouvantable, nos lendemains peuvent toujours nourrir des préjugés agissants. On ne dirige pas une Nation à partir d’improvisations, après tant de massacres, le Congo est maudit : « hors temps dans le temps ». 

congo-liberty : 

Le temps commun employé dans cet opus est le présent historique, est-ce voulu ? 

Dina Mahoungou :

Dans ce projet, j’ai voulu de facto que mes personnages conçoivent la vie à partir de notre propre perception du présent, un passé lointain est proche du lecteur par la douleur que celui-ci représente. Malgré ces cris douloureux du passé, nos protagonistes sont tenaillés par un sentiment d’urgence et d’incapacité à agir ; alors l’écrivain a rempli son rôle d’intercesseur. 

congo-liberty : 

Y a-t-il l’ombre de l’auteur dans ces drames ? 

Dina Mahoungou :

Je suis attentif à la description, j’ai une idée exacte de mon rôle de témoin engagé, mes personnages suggèrent, même dans le doute l’auteur s’efface pour mettre en évidence un lot d’individus désespérément familiers et extrêmement touchants. 

congo-liberty : 

Après la lecture des « Parodies du bonheur », on en sort inexpressif, fuyant, dépossédé. Qu’espérez-vous promettre au citoyen congolais : le bout du tunnel ? 

Dina Mahoungou :

Sous forme de métaphores intrigantes, mes personnages ont tourné la page, ils veulent vivre, aimer, ils observent dorénavant la vie avec plus de lucidité, ils attendent l’embellie, cette sorte de qualité ordinaire.

Demain sera la lumière, une nouvelle éclaircie majeure, ce recueil parle de tout cela. 

Entretien Mingwa mia Biango et Dina Mahoungou 

Paris, le 01 mai 2012

Diffusé par www.congo-liberty.org

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Une réponse à ENTRETIEN AVEC DINA MAHOUNGOU au sujet de son recueil de nouvelles : « LES PARODIES DU BONHEUR » (aux Editions Bénévent).

  1. Merci pour cet article La pire des choses n’est pas la méchanceté des hommes mauvais mais le silence des bonnes gens, comme le disait Lucien JERPHRAGNON Professeur émérite des universités du monde. La haine atavique des bakongos à l’égard des mbochis résulte d’une politique soigneusement appliquée afin de demeurer longtemps au pouvoir en fomentant des situations qui opposent le Sud du nord et inversement. Cette haine comme toutes les autres est douloureuse à porter en soi. C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir quel qu’il soit, est porté à en abuser. Les histoires sont remplies de guerre de clans, d’ethnie mais qu’on y prenne garde ce n’est point la multiplicité des clans, des ethnies qui a provoqué les guerres c’est l’esprit d’intolérance qui animaient et qui animent toujours ceux qui se croyaient ou se croient dominants. L’homme vaut par rapport à ce qu’il EST et FAIT et non par rapport à ce qu’il a. C’est pourquoi j’adresse ma reconnaissance à M. Mahoungou pour son laboratoire de réflexion que je salue d’avance et dont je souhaite une longue vie. Dekodiass

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