DROLE DE DRAME AU CONGO , par l’écrivain Dina Mahoungou

La mort a toujours été célébrée chez les Congolais, en exil voulu ou choisi. Même en France, elle reste très présente et paraît être un moyen de réunir autour des endeuillés le plus grand nombre d’amis et connaissances.

Des années après, loin du Congo Brazzaville, la mémoire des disparus du Beach a été célébrée dans un temple protestant non loin de la basilique Saint-Denis où je fus invité.

L’expérience de la vie grandit d’un empan et la colère reste intacte chez ceux qui ont perdu un être cher.

A la cérémonie, les gens discutaient, exposaient tour à tour leur rapport personnel au deuil et au sens de l’existence, tout en éclairant un pan sensible de l’histoire de cette guerre fratricide.

A la sortie du temple, alors que nous allions dans un lieu pour une paisible conversation apéritive, la première qui vint à ma rencontre fut une demoiselle de 18 ans, la fille d’un voisin en Corniche Case De Gaulle. Son papa a trouvé la mort dans ce sinistre événement.

Le plus énigmatique, c’est qu’elle porte le visage du voisin disparu, l’évidence d’une filiation, la jeune fille avait six ans à l’époque.

Ce jour-là, autour d’elle, sa tante qui à mon âge, ses frères aînés se démenèrent pour se présenter à moi, presque une douleur sur le passé que la réalité a fracassé.

Pendant l’homélie, le pasteur lisait une formidable leçon de courage, d’empathie, il a rendu à nos chers disparus un ultime hommage. La chorale, une jonque pleine de joie et d’espérance donnait une représentation en chants de « Kongo dia N’Totela », une pièce éponyme, en mémoire du paradis perdu.

Les derniers arrivants en France racontèrent leurs dernières vacances au pays en janvier 2012 : que de mensonges récursifs de la part des gens au pouvoir. Nous n’avons tiré aucune leçon du passé.

Au Congo, comme ça se raconte dans le milieu congolais de Paris, le pays est toujours dans une situation morale dissolue, les grands commis de l’Etat, semblables, versatiles, aucune suite dans les idées, la voracité des mouches aptères sur les deniers de la République.

Installés sur le peuple, comme les parasites qui sucent le sang du mouton. Une prévarication contrôlée qui peut-être répétée de façon indéfinie.

Un jeune homme ayant perdu ses parents pendant la guerre de Brazzaville, à l’apéritif s’étonnait que toutes ces crapules d’Etat ne meurent que de mort naturelle. Lui aussi venait d’arriver en France, accueilli par sa tante paternelle depuis six mois déjà. Ce même jeune homme nous précisait la nature de ces gouvernants, vaniteux à l’extrême, des malfaisants de la pire espèce qui laisseront derrière eux un pays en ruine, un état obscur, sinistré jusqu’au sous bassement. Des administrations éclatées de connivence, le peuple éreinté ayant acquis sa résignation, son bannissement dans le martyre. Ces gens d’en bas sont semblables à des pénitents privés d’eucharistie.

L’on retrouve chez ces consciencieux détraqués, les automatismes pavloviens d’un tribalisme qui se déploie chez tous ces notables satisfaits, une arrogance aboutie des assis.

La farce est jouée ………………….TABULA RASA ……………………….

Ces porteurs de ruine et de massacres regardent docilement la réalité en face, des personnages flétris, flapis de l’intérieur.

Après une bonne heure de mutisme, la jeune éprouvée vint s’assoir à mes côtés et me raconta un rêve qu’elle faisait souvent : le Général Président s’étouffait avec des os de gibiers d’eau en plein festin ou bien glissait sur le parquet du palais, se prenant les pieds dans les épaisses moquettes et, la tête en avant, se cognait sur une table basse en acajou qui lui fendait le crâne ou pire encore : le dictateur était décervelé en plein sommeil par la chute inopinée d’un grand chapelet attaché sur une grosse chaîne de Maître de Loge en or massif, accroché au dessus de son lit.

A la fin de cette cérémonie religieuse, je rentrais presto chez moi, je pris une feuille et un stylo, je construisis une philippique contre le philistin en chef, Général Président du Congo Brazzaville, il commença comme suit :

Majesté,

 

Au peuple chaotique, nos rancœurs sont justifiées, vous laisser en liberté, après tant d’abus, serait incompréhensible, au pis irrecevable. Vous êtes un mort à crédit à travers les bruits de l’histoire.

Votre bouffonnerie présage une défaite certaine, faites écran à l’évidence : partez !

Nous avons deviné les périls dans votre travail d’ensevelissement. Assez de vos inepties, dans ce pays désorienté où la destruction est omniprésente.

Vos collaborateurs, des implacables, des sournois, des petits monstres dévorants, des brutes stupides entraînent la Nation dans les abysses.

A côté de cela, vous-même Général, dans une illusoire supériorité, toujours en quête de certitudes, emprunt de rêves de puissance. Vous êtes partout, mais Dieu veille !

Dans un corset de cérémonies, vous êtes partout, c’est la plénitude, l’on vous dit même très heureux. C’est rageant, vous-même issu des déshérités, vous vous êtes déguisé en monarque fastueux, c’est un processus qui affecte tous les crétins. La mascarade de vos félicités contraste avec le déni d’intelligence, personne ne vous confondra avec la bourgeoisie, la vraie, celle des terroirs. Votre petite aventure va tourner court.

Bientôt ce sera la grandeur d’un misérable à la Cour Pénale Internationale de La Haye, mon salaud, quand vous serez dans une chasteté forcée, pensez au peuple.

Vous, Général, bouffi d’ostentation, ce sera une fatalité : vous vous retrouverez avec votre monde carnavalesque de la danse macabre avec les Gbagbo et Cie, eh oui ma couille, tout s’écroule !

Puisque vous refusez d’engager l’échange, grotesque et obscène, vous demeurez.

Votre cynisme est insondable, c’est bien connu, vos rêves de tapageur sont en totalité accomplis, en anéantissant ceux des autres, vous ne faîtes que vous mentir, allant jusqu’à godailler les choses abjectes.

De facto, vous vous assumez : vous êtes un tueur décomplexé, doublé d’un pervers fantastique.

Cet orgueil démesuré, le vôtre, fondé sur le dérisoire et la fureur de la réussite : être un grand quelqu’un. Des effets de substitution qui masquent à minima votre inculture. Avec une réflexion mollassonne, il se peut que vous ne puissiez pas faire autrement, c’est drôle, vous êtes urticant et fascinant.

Général, vous êtes modelé avec la glaise de l’enfer, dont les pâleurs sont insufflées par les démons.

Général, repentez-vous un tout petit peu, rendez votre rang civil ainsi que plusieurs des actions humaines qui vous seront bientôt déchues.

Général, n’est-ce pas le propre des baudruches que de s’élever dans le ciel ? Vos jours sont comptés, ils ne vous serviront plus à grand-chose devant la communauté internationale. Vos mousquetaires de la délation, apparentés à quelques gros calibres de la sécurité d’Etat.

Tout de même, Général, après une trentaine d’années, des doux plaisirs de l’ostentation, de présomption, d’exhibition, de « m’as-tu vuisme » qui sévirent de façon endémique, et malgré ce déluge de moyens pour opprimer le ghetto du Bas-Congo, c’est le moment de partir.

La belle brochette des maffieux vous a laissé tomber.

Majesté !

La purge sera rude, le nettoyage impitoyable. Du tout-venant, vous êtes arrivé à quelque chose. Pour l’amour de nous, partez vite mon Général.

Dans « les caractères », Monsieur La Bruyère écrivait ceci : « la plupart des gens, pour arriver à leurs fins, sont plus capables d’un grand effort que d’une longue persévérance des meilleurs commencements »

Général ! La fête est finie. A Dieu pour la dernière fois.

 

Dina Mahoungou                                                                            Arpajon, le 25 février 2012

Ecrivain congolais et journaliste free lance

Dernier ouvrage paru : « Agonies en Françafrique » aux Editions l’Harmattan.

A paraître en mars 2012, un recueil de nouvelles aux Editions Bénévent.

(Vendus dans toutes les Fnac et autres bonnes librairies).

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Une réponse à DROLE DE DRAME AU CONGO , par l’écrivain Dina Mahoungou

  1. gdfontaines dit :

    Merci, outre de vous lire vous m’avez donné l’envie de découvrir La Bruyère. J’ai donc acheté Les Caractères aujourd’hui. Il semble que cela soit toujours et encore approprié à notre société. Je vais donc me régaler. Merci à vous.

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