Discours d’Amilcar Cabral contre le colonialisme portugais en octobre 1965 à Dar es Salam (TANZANIE)

Amilcar Cabral

Amilcar Cabral

“VIVE LE MARXISME-LÉNINISME-MAOÏSME ! VIVE LA GUERRE POPULAIRE !

Chers camarades et chers amis,

Je vais vous parler tout simplement et le plus brièvement possible de notre position, de notre situation et si vous le voulez de nos options. Une analyse brève que nous aimerions faire d’une façon objective, sans passion.

En effet, si nous ne perdons pas de vue les perspectives historiques des événements majeurs de la vie de l’humanité, si tout en gardant le respect que nous devons à toutes les philosophies, nous n’oublions pas que le monde est la création de l’homme lui même, le colonialisme peut être considéré comme la paralysie ou la déviation, ou encore l’arrêt de l’histoire d’un peuple en faveur de l’accélération du développement historique d’autres peuples.

C’est pourquoi en parlant du colonialisme portugais nous ne devons pas l’isoler de l’ensemble des autres phénomènes qui caractérisèrent la vie de l’humanité depuis la révolution industrielle, depuis l’avènement du capitalisme jusqu’à la deuxième guerre mondiale.

C’est pourquoi lorsque nous parlons de notre lutte, nous ne devons pas l’isoler de l’ensemble des phénomènes qui caractérisèrent la vie de l’humanité, en particulier de l’Afrique après la deuxième guerre mondiale.

Je me souviens très bien de cette période. Nous commençons à vieillir. Je me souviens très bien que, à Lisbonne, encore étudiants, certains parmi nous se réunissaient, influencés par les courants qui secouaient le monde, et commençaient à discuter un jour ou l’autre de ce que l’on peut aujourd’hui appeler la réafricanisation de nos esprits.

Oui, certains de ceux là sont dans cette salle. Et cela, chers amis, c’est une victoire éclatante contre les forces rétrogrades du colonialisme portugais.

Vous avez ici parmi vous Agostinho Neto, Mario de Andrade, Marceline Dos Santos, vous avez parmi vous Vasco Cabrai, vous avez parmi vous le Dr Mondlane.

Nous tous, à Lisbonne, quelques uns de façon permanente, d’autres temporairement, nous avons commencé cette marche, longue marche déjà pour la libération de nos peuples.

Au cours de la deuxième guerre mondiale, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants, des millions de soldats ont donné leur vie pour un idéal, idéal de démocratie, de liberté, de progrès, d’une vie juste pour tous les hommes.

Évidemment, nous savons que la deuxième guerre mondiale a résulté des contradictions fondamentales dans le camp de l’impérialisme lui-même. Mais aussi, nous savons que l’un des objectifs fondamentaux de cette guerre lancée par Hitler et sa horde était de détruire le camp socialiste naissant.

Nous savons également que dans le coeur de chaque homme qui se battait dans cette guerre, il y avait un espoir, l’espoir d’un monde meilleur. C’est cet espoir qui nous a tous touché faisant de nous des combattants, des combattants pour la liberté de nos peuples.

Mais il faut dire ouvertement que ce sont également, ou plus fortement, les conditions concrètes de la vie de nos peuples : la misère, l’ignorance, les souffrances de toutes sortes, l’aliénation complète de nos droits les plus élémentaires qui nous ont dicté la prise de position ferme contre le colonialisme portugais et, par conséquent, contre toutes les injustices, dans le monde.

Nous nous sommes réunis maintes fois, nous avons créé maintes organisations. Je vais tout simplement vous rappeler l’une de ces organisations : le Mouvement Anticolonialiste, MAC.

Un jour nous publierons le célèbre, pour nous très célèbre et historique manifeste du M.A.C., où vous trouverez sûrement la préface de notre lutte, la ligne générale de la lutte que nous menons aujourd’hui victorieusement contre le colonialisme portugais.

Nous luttons contre le colonialisme portugais. Dans toute lutte il est fondamental de définir clairement qui nous sommes, qui est l’ennemi.

Nous, les peuples des colonies portugaises, nous sommes des peuples africains de cette Afrique bafouée par l’impérialisme et le colonialisme pendant des décades et dans certains cas pendant des siècles. Nous sommes cette partie de l’Afrique que les impérialistes ont appelée l’Afrique Noire.

Oui, nous sommes des Noirs. Mais nous sommes des hommes comme tous les autres. Nos pays sont des pays économiquement arriérés. Nos peuples se trouvent dans une étape historique précise caractérisée par cette condition arriérée de notre économie.

Nous devons être conscients de cela. Nous sommes des peuples d’Afrique, nous n’avons pas inventé beaucoup de choses, nous n’avons pas aujourd’hui les armes spéciales que les autres possèdent, nous n’avons pas les grandes usines, nous n’avons pas même pour nos enfants, les jouets que les autres enfants possèdent, mais nous avons notre coeur, nos têtes, notre histoire.

C’est cette histoire que les colonialistes nous ont enlevée, les colonialistes ont l’habitude de dire que eux, ils nous ont fait rentrer dans l’histoire.

Nous démontrerons aujourd’hui que non : ils nous ont fait sortir de l’histoire, de notre propre histoire, pour les suivre dans leur train, à la dernière place, dans le train de leur histoire.

Aujourd’hui en prenant les armes pour nous libérer, en suivant l’exemple d’autres peuples qui ont pris les armes pour se libérer, nous voulons par nos propres pieds, nos propres moyens et nos propres sacrifices retourner à notre histoire.

Nous, peuples d’Afrique, qui luttons contre le colonialisme portugais, nous avons subi des conditions très spéciales, parce qu’au cours des quarante dernières années, nous subissons la domination d’un régime fasciste.

Vous savez très bien ce que cela veut dire. Chez nous, du Cap Vert au Mozambique, de Sao Tomé à l’Angola, nous n’avons jamais eu de liberté politique, syndicale ou autre. C’est cela qui caractérise fondamentalement notre situation, la différenciant de celle des autres peuples d’Afrique qui ont lutté contre le colonialisme.

C’est dans ces conditions mêmes, malgré toutes les interdictions comme l’a rapporté notre camarade de l’Union Nationale des Travailleurs de Guinée que nous avons commencé notre lutte clandestine, c’est dans ces conditions même que nous avons été capables de féconder nos efforts, nos sacrifices, de prendre les armes et aujourd’hui d’être ici présents pour renforcer la coordination de notre action pour la dernière phase de notre lutte contre le colonialisme portugais.

Comme tous les peuples du monde, nous voulons vivre en paix, nous voulons travailler en paix, nous voulons bâtir le progrès de notre peuple.

Comme tous les peuples du monde, nous avons le droit de nous rebeller contre la domination étrangère. Comme tous les peuples du monde nous avons aujourd’hui une base légale pour la rébellion, pour revendiquer nos droits, nous avons la Charte des Nations Unies.

Et si la Charte des Nations unies ne suffit pas, si les Nations Unies elles-mêmes ne suffisent pas, nos peuples sont suffisants pour chasser à jamais, par les sacrifices qu’ils consentent chaque jour, le colonialisme portugais du sol de notre patrie.

Quel est cet ennemi qui nous domine, qui s’entête à nous dominer, au mépris de toutes les lois, de la légalité et de la morale internationale de nos jours ?

Cet ennemi, ce n’est pas le peuple portugais, ce n’est même pas le Portugal lui-même : pour nous, combattants de la liberté des colonies portugaises, cet ennemi est le colonialisme portugais représenté par le gouvernement colonial fasciste du Portugal.

Mais, évidemment un gouvernement est aussi en quelque sorte, le résultat de conditions historiques, géographiques, économiques, du pays qu’il gouverne.

Le Portugal, chers amis, est un pays économiquement arriéré, c’est un pays où environ 50% de la population est illettrée, c’est un pays que, dans toutes les statistiques de l’Europe vous trouverez toujours à la dernière place.

Ce n’est pas la faute du peuple portugais qui, à un moment donné de l’histoire a su montrer sa valeur, son courage, sa capacité et qui, aujourd’hui même, possède des enfants capables, des enfants justes, des enfants qui veulent eux aussi reconquérir les libertés et le bonheur de leur peuple.

Le Portugal est un pays qui n’a aucune condition lui permettant de ne dominer aucun autre pays.

Le Portugal est venu chez nous en proclamant qu’il venait au service de Dieu et au service de la civilisation.

Aujourd’hui nous lui répondons les armes à la main : quel que soit le Dieu qui est avec les colonialistes portugais, quelle que soit la civilisation que les colonialistes portugais représentent, nous allons les détruire parce que nous détruirons chez nous toute sorte de domination étrangère.

Je ne m’étendrai pas beaucoup sur les caractéristiques du colonialisme portugais.

Ce qui caractérise fondamentalement de nos jours le colonialisme portugais est un fait très simple : le colonialisme portugais, ou si vous le préférez, l’infrastructure économique portugaise, ne peut pas se donner le luxe de faire du néocolonialisme.

C’est à partir de ce point que nous pouvons comprendre toute l’attitude, tout l’entêtement du colonialisme portugais envers nos peuples.

Si le Portugal avait un développement économique avancé, si le Portugal pouvait être classé comme pays développé, nous ne serions sûrement pas aujourd’hui en guerre contre le Portugal!

Mais beaucoup de monde critique Salazar, dit du mal de Salazar. C’est un homme comme un autre.

Il a beaucoup de défauts, c’est un fasciste, nous le haïssons, mais nous ne luttons pas contre Salazar, nous luttons contre le système colonial portugais. Nous ne nourrissons pas le rêve que lorsque Salazar disparaîtra le colonialisme portugais disparaîtra.

Donc, sur la base de cette caractéristique fondamentale l’incapacité du Portugal à faire du néocolonialisme le gouvernement portugais s’est toujours refusé à tout appel de compréhension de notre part, le gouvernement portugais s’est entêté à déclencher chez nous, en Guinée dite portugaise, en Angola, au Mozambique, et il est prêt à le faire dans d’autres colonies, une nouvelle guerre coloniale contre l’Afrique, contre l’humanité.

Nous, peuples pacifiques mais fiers de notre amour de la liberté, fiers de notre attachement à l’idée de progrès dans ce vingtième siècle, nous avons pris les armes avec détermination, inébranlablement, nous avons pris les armes pour défendre nos droits, étant donné qu’il n’y avait pas de loi dans le monde qui pouvait le faire pour nous.

Je voulais tout simplement attirer votre attention sur le fait que nous sommes des peuples pacifiques, nous n’aimons pas la guerre, mais la guerre, la lutte armée de libération nationale a été la seule issue que le colonialisme portugais nous a laissée pour reconquérir notre dignité de peuple africain, notre dignité humaine.

Et nous voulons dire que nous devons, en quelque sorte en remercier le gouvernement portugais.

Oui, cela implique beaucoup de sacrifices, mais cela implique aussi beaucoup d’avantages pour notre peuple.

Nous ne sommes pas des fauteurs de guerre et je le répète, nous n’aimons pas la guerre, mais nous voyons aujourd’hui, et l’exemple est général, que la lutte armée de libération nationale crée des conditions concrètes pour un avenir libre de certains obstacles, qu’elle peut contribuer au développement croissant de la conscience politique des hommes, des femmes et même des enfants.

Donc, étant donné que le Portugal nous a imposé une guerre à laquelle nous répondons par notre lutte armée de libération nationale, nous devons savoir tirer de cette condition, de cette contrainte, tous les avantages.

Mais notre lutte armée de libération nationale a une signification profonde aussi bien pour l’Afrique que pour le monde.

Nous sommes en train de prouver, d’administrer la preuve que des peuples comme le nôtre économiquement arriérés, vivant quelquefois dans la brousse presque nus, ne sachant ni lire ni écrire, ne connaissant même pas les données élémentaires de la technique moderne, sont capables, au moyen de leurs sacrifices et de leurs efforts, de battre un ennemi non seulement plus avancé du point de vue technique mais soutenu par les forces puissantes des impérialistes dans le monde.

D’autre part, devant le monde et devant l’Afrique, nous demandons : est ce que les Portugais avaient raison quand ils affirmaient que nous sommes des peuples non civilisés, des peuples sans culture ?

Nous demandons : quelle est la plus brillante manifestation de civilisation et de culture sinon celle donnée par un peuple qui prend les armes pour défendre sa patrie, pour défendre son droit à la vie, au progrès, au travail et au bonheur ?

Nous devons être conscients, nous, les mouvements de libération nationale intégrés dans la C.O.N.C.P., que notre lutte armée n’est qu’un aspect de la lutte générale des peuples opprimés contre l’impérialisme, de la lutte de l’homme pour sa dignité, pour la liberté et pour le progrès.

C’est dans ce cadre que nous devons être capables d’intégrer notre lutte. Nous devons nous considérer comme des soldats, maintes fois anonymes, mais des soldats de l’humanité dans ce vaste front de lutte qu’est l’Afrique de nos jours.

Nous, de la CONCP nous nous battons en Afrique parce que l’Afrique est notre patrie mais nous serions prêts, nous tous, à aller n’importe où pour nous battre pour la dignité de l’homme, pour le progrès de l’homme, pour le bonheur de l’homme.

C’est dans ce cadre exactement que nous devons avoir le courage, aussi bien au cours de cette conférence que n’importe où, de proclamer, et proclamer à haute voix, nos options fondamentales, nos options en faveur de l’humanité.

D’autre part, nous devons savoir définir clairement notre position par rapport à notre peuple, par rapport à l’Afrique, par rapport au monde. Nous allons le faire, nous allons peut-être nous répéter dans notre Conférence, mais je peux vous dire ici : nous, de la C.O.N.C.P., nous sommes engagés avec nos peuples, nous luttons pour la libération totale de nos peuples mais nous ne luttons pas simplement pour mettre un drapeau dans notre pays et pour avoir un hymne.

Nous, de la CONCP, nous voulons que dans nos pays martyrisés pendant des siècles, bafoués, insultés, que dans nos pays jamais l’insulte ne puisse régner, et que plus jamais nos peuples ne soient exploités pas seulement par les impérialistes, pas seulement par les Européens, pas seulement par les gens de peau blanche, parce que nous ne confondons pas l’exploitation ou les facteurs d’exploitation avec la couleur de peau des hommes ; nous ne voulons plus d’exploitation chez nous, même pas par des Noirs.

Nous luttons pour bâtir dans nos pays, en Angola, au Mozambique, en Guinée, au CapVert, à San Thomé une vie de bonheur, une vie où chaque homme aura le respect de tous les hommes, où la discipline ne sera pas imposée, où le travail ne manquera à personne, où les salaires seront justes, où chacun aura le droit à tout ce que l’homme a construit, a créé pour le bonheur des Hommes.

C’est pour cela que nous luttons. Si nous n’arrivons pas là, nous aurons manqué à nos devoirs, au but de notre lutte.

Nous voulons vous dire que face à l’Afrique, nous de la C.O.N.C.P., nous sommes confiants en la destinée de l’Afrique.

Nous avons en Afrique même, des exemples à suivre et nous avons également en Afrique des exemples que nous ne devons pas suivre.

L’Afrique est donc, aujourd’hui riche d’exemples et si nous, demain, nous trahissons les intérêts de nos peuples, ce n’est pas parce que nous ne le savions pas, c’est parce que nous voulons trahir et nous n’aurons donc aucune excuse.

En Afrique nous sommes pour la libération totale du continent africain du joug colonial car nous savons que le colonialisme est un instrument de l’impérialisme.

Nous voulons donc voir balayées totalement du sol de l’Afrique toutes les manifestations de l’impérialisme, nous sommes dans la C.O.N.C.P. farouchement contre le néocolonialisme quelle que soit la forme qu’il prenne.

Notre lutte n’est pas seulement la lutte contre le colonialisme portugais, nous voulons dans le cadre de notre lutte contribuer de la façon la plus efficace à chasser à jamais de notre continent la domination étrangère.

Nous sommes en Afrique pour l’unité africaine mais nous sommes pour l’unité africaine en faveur des peuples africains.

Nous considérons que l’unité est un moyen et non pas un but. L’unité peut renforcer, peut accélérer la réalisation des buts, mais nous ne devons pas trahir le but.

C’est pour cela même que nous ne sommes pas tellement pressés de réaliser l’unité africaine. Nous savons qu’elle viendra, pas à pas, comme un résultat des efforts féconds des peuples africains. Elle viendra au service de l’Afrique, au service de l’humanité.

Nous sommes convaincus, absolument convaincus, dans la C.O.N.C.P., que la mise en valeur, dans un ensemble, des richesses de notre continent, des capacités humaines, morales, culturelles de notre continent contribuera à créer un espace humain riche, considérablement riche, qui pour sa part contribuera à enrichir encore plus l’humanité.

Mais nous ne voulons pas que le rêve de ce but puisse trahir dans ses réalisations les intérêts de chaque peuple africain.

Nous, par exemple, en Guinée et aux Iles du Cap Vert, nous déclarons ouvertement dans le programme de notre Parti que nous sommes prêts à nous unir avec n’importe quel peuple africain, et nous ne poserons qu’une seule condition : que les conquêtes, les acquis, de notre peuple dans la lutte de libération nationale, les acquis économiques, sociaux, les acquis de justice que nous poursuivons et nous réalisons petit à petit déjà, que tout cela ne soit pas compromis par des unités avec d’autres peuples.

C’est notre seule condition, pour l’unité. Nous sommes, en Afrique, pour une politique africaine qui cherche à défendre d’abord les intérêts des peuples africains, de chaque pays africain, mais pour une politique aussi qui n’oublie à aucun moment les intérêts du monde, de toute l’humanité.

Nous sommes pour une politique de paix en Afrique et de collaboration fraternelle avec tous, les peuples du monde.

Sur le plan international, nous défendons dans la CONCP une politique de non-alignement.

C’est cette politique qui convient le mieux aux intérêts de nos peuples dans l’étape actuelle de notre histoire. Nous sommes convaincus de cela. Mais, pour nous, non-alignement ne veut pas dire tourner le dos aux problèmes fondamentaux de l’humanité, à la justice.

Non-alignement pour nous c’est de ne pas nous engager avec des blocs, de ne pas nous aligner sur les décisions des autres. Nous, nous réservons le droit de décider nous-mêmes et si, par hasard, nos options, nos décisions coïncident avec celles des autres, ce n’est pas de notre faute.

Nous sommes pour la politique du non-alignement mais nous nous considérons profondément engagés envers notre peuple et engagés envers toute cause dans le monde.

Nous, nous considérons, comme faisant partie d’un vaste front de lutte pour le bien de l’humanité.

Vous comprenez que’ nous luttons d’abord pour nos peuples. Cela est notre tâche dans ce front de lutte. Cela implique tout un problème de solidarité.

Nous, de la CONCP nous sommes farouchement solidaires de toute cause juste.

C’est pour cela que nous, du FRELIMO, du MPLA, du PAIGC, du CLSTP, de n’importe quelle organisation de masse affiliée à la CONCP, nos coeurs battent à l’unisson avec les coeurs des frères du Vietnam qui donnent un exemple singulier faisant face à la plus honteuse, à la plus injustifiable agression des impérialistes des États-Unis d’Amérique contre le peuple pacifique du Vietnam. Nos coeurs battent également avec ceux de nos frères du Congo qui dans la brousse de ce vaste et riche pays africain cherchent à résoudre leurs propres problèmes face à l’agression des impérialistes et aux manoeuvres des impérialistes à travers leurs jouets. C’est pour cela que nous, de la CONCP nous crions haut et fort que nous sommes contre Tshombé, contre tous les Tshombé de l’Afrique.

Nos coeurs battent également avec nos frères de Cuba qui ont aussi montré qu’un peuple, même quand il est encerclé par la mer, est capable de défendre, les armes à la main, et victorieusement, ses intérêts fondamentaux et de décider lui-même de sa destinée.

Nous sommes avec les Noirs des Etats-Unis d’Amérique, nous sommes avec eux dans les rues de Los Angeles, et quand ils sont écartés de toute possibilité de vie, nous souffrons avec eux.

Nous sommes avec les réfugiés, les réfugiés martyrisés de la Palestine, qui ont été bafoués, expulsés de leur patrie par les manoeuvres de l’impérialisme.

Nous sommes à côté des réfugiés de la Palestine et nous soutenons de toute la force de nos coeurs tout ce que les fils de la Palestine font pour libérer leur pays et nous soutenons de toutes nos forces les pays arabes et les pays africains en général pour aider le peuple palestinien à récupérer sa dignité, son indépendance et son droit à la vie.

Nous sommes également avec les peuples de l’Arabie du Sud, de la Somalie dite française (Côte des Somalies), de la Guinée dite espagnole, et nous sommes d’une façon très raisonnable et très douloureuse, avec nos frères de l’Afrique du Sud qui affrontent la plus barbare des discriminations raciales. Nous sommes absolument sûrs que le développement de la lutte dans les colonies portugaises, et la victoire que nous sommes en train de remporter chaque jour contre le colonialisme portugais est une contribution efficace à la liquidation du honteux, du vil régime de discrimination raciale, de l’apartheid en Afrique du Sud. Et nous sommes aussi sûrs que des peuples comme celui de l’Angola et du Mozambique, et nous-mêmes en Guinée et Cap Vert, loin de l’Afrique du Sud, pourront jouer, demain, un demain qui, nous l’espérons, ne sera pas éloigné, un rôle très important pour la liquidation finale du dernier bastion du colonialisme, de l’impérialisme et du racisme en Afrique qui se trouve en Afrique du Sud.

Nous sommes solidaires de toute cause juste dans le monde, mais nous sommes aussi renforcés par la solidarité des autres.

Nous avons l’aide concrète de beaucoup de gens, de beaucoup d’amis, de beaucoup de frères. Je voulais simplement vous dire que nous, dans la CONCP, nous avons un principe fondamental qui est celui de compter d’abord sur nos propres efforts, sur nos propres sacrifices.

Mais, dans le cadre concret de la colonisation portugaise, chers amis, et dans l’étape actuelle de l’histoire de l’humanité, nous sommes conscients aussi que notre lutte n’est pas seulement nôtre.

Elle est celle de toute l’Afrique, elle est celle de toute l’humanité progressiste.

C’est pourquoi nous de la CONCP, face aux difficultés particulières de notre lutte, et face au contexte de l’histoire actuelle, nous avons eu conscience du besoin d’une aide concrète de la part de l’Afrique à notre lutte, d’une aide concrète de la part de toutes les forces progressistes du monde.

Nous acceptons toute sorte d’aide d’où qu’elle vienne, mais nous ne demandons jamais à n’importe qui l’aide dont nous avons besoin.

Nous attendons seulement l’aide que chacun peut apporter à notre lutte. C’est là notre éthique de l’aide.

Nous voulons vous dire que c’est un devoir pour nous de dire ici à haute et claire voix que nous avons des alliés sûrs dans les pays socialistes. Nous savons tous que les peuples africains sont nos frères.

Notre lutte est la leur. Ces peuples africains, chaque goutte de sang qui tombe chez nous, tombe également du corps et du coeur de nos frères africains. Mais nous savons aussi que depuis la révolution socialiste et après les événements de la deuxième guerre mondiale, le monde a changé de face définitivement.

Un camp socialiste a surgi dans le monde. Cela a changé complètement les rapports de force et ce camp socialiste se montre aujourd’hui très conscient de ses devoirs internationaux, devoirs historiques, non moraux, parce que les peuples des pays socialistes n’ont jamais exploité les peuples coloniaux. Ils se montrent conscients de leur devoir et c’est pour cela que j’ai l’honneur ici de vous dire ouvertement que nous recevons des aides substantielles, efficaces, de la part de ces pays qui viennent renforcer l’aide que nous recevons de nos frères africains.

S’il y a des gens qui n’aiment pas entendre cela, qu’ils viennent, eux aussi, nous aider dans notre lutte. Mais ils pourront être sûrs que nous, nous sommes fiers de notre souveraineté.

Nous, nous maintiendrons notre position : nous recevons l’aide de tous. Et nous recevrons l’aide des pays socialistes avec fierté parce qu’ils indiquent aujourd’hui le chemin qui peut servir l’homme, le chemin de la justice.

Dans cette salle, nous avons des représentants des pays socialistes qui sont venus ici, en tant qu’amis. Je ne perdrai pas l’occasion de dire aux représentants de l’Union Soviétique et de la Chine, aux représentants de la Yougoslavie et de la République Démocratique Allemande qui sont ici les représentants des pays socialistes, je voulais leur dire de bien vouloir transmettre aux peuples travailleurs qu’ils représentent, l’expression de notre gratitude pour l’aide concrète qu’ils apportent à notre lutte.

Et que font ceux qui n’aiment pas nous entendre dire que les pays socialistes nous aident ? Ils aident le Portugal, le gouvernement fasciste colonialiste de Salazar. Aujourd’hui ce n’est un secret pour personne que le Portugal, le gouvernement portugais, s’il n’avait pas, s’il ne pouvait pas disposer de l’aide que lui apportent ses alliés de l’OTAN, ne serait pas capable de mener une lutte contre nous.

Mais, il faut que nous disions clairement, ce que veut dire l’OTAN. Oui, nous savons.

L’OTAN est un bloc militaire qui défend les intérêts de l’Occident, de la civilisation occidentale, etc… Ce n’est pas de cela dont nous voulons parler. L’OTAN, ce sont des pays concrets, des gouvernements, des Etats concrets. L’OTAN, ce sont les Etats-Unis d’Amérique. Nous avons pris chez nous beaucoup d’armes des Etats-Unis d’Amérique.

L’OTAN c’est la République Fédérale de l’Allemagne. Nous avons beaucoup de fusils Mausers pris aux soldats portugais. L’OTAN, c’est, au moins encore pour le moment, la France. Chez nous il y a des « Alouettes », des hélicoptères. Mais nous avons commencé à abattre des « Alouettes ».

L’OTAN, c’est encore d’une façon, le gouvernement de ce peuple héroïque qui a su tellement donner d’exemples d’amour de la liberté, le peuple italien.

Oui, nous avons pris aux Portugais des mitraillettes et des grenades fabriquées dans des usines italiennes. Mais c’est pour nous tellement agréable, tellement encourageant d’entendre un ami de l’Italie, un frère de l’Italie nous dire des mots tellement beaux, tellement sentimentaux et tellement sincères comme ceux que nous avons entendu hier venant de notre frère qui nous a parlé au nom de l’Italie.

Je voulais dire à notre frère qui a parlé ici hier que nous ne confondons pas le peuple italien avec l’Etat italien qui fait partie de l’OTAN.

Le Portugal a encore d’autres alliés : c’est l’Afrique du Sud, c’est M. Smith, de la Rhodésie du Sud, c’est le gouvernement de Franco, ce sont d’autres alliés obscurs qui cachent leur face devant la honte que cela représente.

Mais, toute cette aide que le gouvernement de Salazar reçoit pour tuer nos populations, pour brûler nos villages en Angola, au Mozambique, en Guinée, au Cap Vert, à Sao Tomé, pour massacrer nos populations, n’a pas été capable d’arrêter notre lutte de libération nationale.

Au contraire, chaque jour nos forces sont plus puissantes. Pourquoi, chers amis ? Parce que nous, parce que notre force, c’est la force de la justice, la force du progrès, la force de l’histoire ; et la justice, le progrès, l’histoire sont l’apanage du peuple.

Parce que nos forces fondamentales, ce sont nos peuples. Ce sont nos peuples qui soutiennent nos organisations, ce sont nos peuples qui se sacrifient chaque jour en nourrissant tous les besoins de notre lutte, tous les besoins fondamentaux de notre lutte.

Ce sont nos peuples qui garantissent l’avenir et la certitude de notre victoire. Une autre force réside chez nous : c’est la force de notre unité. Unité en Angola. C’est un mensonge qu’il n’y ait d’unité en Angola. Personnellement j’en suis témoin. J’ai milité aux côtés de nationalistes de l’Angola. A l’intérieur de l’Angola, à Luanda, au Nord, au Sud, à l’Est, à l’Ouest, je n’ai jamais vu des gens divisés devant le colonialisme portugais.

Et à l’intérieur de ce pays, j’en porte témoignage : je n’ai jamais connu d’autre organisation que le MPLA. Oui, chers amis. Il y a peutêtre une division des mationalistes angolais mais cela n’existe pas pour notre Parti, pour nous de la CONCP, il n’existe qu’à l’extérieur de l’Angola. C’est cela qui a fait la force des représentants du MPLA à l’extérieur, qui a fait la force fondamentale de .notre frère le Dr. Agostinho Neto.

Si le MPLA n’était pas sûr que le peuple angolais est uni autour de lui, comment la direction du MPLA sauraitfaire le miracle de réaliser toutes ces transformations que nous avons vu en Afrique tout récemment ?

Comment le MPLA auraitil amené une organisation comme l »OUA ellemême, à reconsidérer sa position et aujourd’hui à accorder une aide concrète au MPLA, pour la lutte de libération en Angola.

Nous vous disons que notre force est l’unité : unité au Mozambique, unité créée à l’intérieur du pays, unité traduite à l’extérieur du pays par un front commun qui reflète tout ce qui se passe à l’intérieur du Mozambique et qui a son siège extérieur ici le FRELIMO. Le FRELIMO, basé sur l’unité solide et chaque jour plus renforcée du peuple mozambicain, a eu la grande chance de ne pas affronter au commencement de sa lutte des problèmes d’unité.

Mais l’ennemi ne désespère pas. L’ennemi est toujours vigilant. Et au moment même où la lutte du Mozambique commence à prendre de l’ampleur, à s’imposer à l’Afrique et au monde, on voit commencer à naître, parci, parlà, de petits mouvements mozambicains.

Nous pouvons vous garantir ici, au nom de la CONCP, et particulièrement aussi au nom de notre Parti que ces manoeuvreslà ne triompheront pas, ne passeront pas. Nous comprenons fort bien les manoeuvres de l’impérialisme. Nous comprenons fort bien toutes les manoeuvres sournoises du colonialisme portugais.

Mais nous sommes disposés, farouchement déterminés à ne jamais comprendre que, quelqu’État que ce soit qui se réclame de l’amour de l’Afrique, de l’amour de l’humanité, du progrès, de la justice, de la liberté, puisse appuyer, nourrir, entretenir les manoeuvres des colonialistes portugais dans la création de petits mouvements de division.

Oui, l’unité aussi à Sao Tomé. Le peuple de Sao Tomé a été l’un des premiers à subir des massacres de la part du colonialisme portugais. En 1953, dans une journée les colonialistes portugais ont tué, le 4 février également comme dans le cas de l’insurrection en Angola, le 4 fériver 1953 à Sao Tomé, les colonialistes portugais ont tué 1.000 personnes, 1.000 Africains, sur une population de 60.000 personnes.

Pourquoi ? Parce qu’ils ne voulaient s’assujettir, se soumettre au travail forcé. Le peuple de Sao Tomé mérite notre grand respect dans cette lutte. C’est une toute petite île dans le Golfe de Guinée mais le peuple de Sao Tomé nous a donné le premier exemple de rébellion contre la domination coloniale portugaise.

Eh, oui, je connais aussi Sao Tomé, le peuple de Sao Tomé est uni, toutes les couches sociales sont unies contre le colonialisme portugais. C’étaient même peutêtre, à un certain moment de l’évolution de notre lutte, les gens les plus conscients du point de vue politique.

Et nous sommes déterminés dans la CONCP à ne pas admettre que des individus à l’extérieur vivent leur vie comme ils le veulent, en se promenant, en passant des vacances là où ils le veulent, en se réclamant leaders du peuple de Sao Tomé, continuent à détruire, à saboter, à retarder l’avancement, le progrès de la lutte du peuple de Sao Tomé. La CONCP a su à un certain moment prendre une position nette par rapport au cas mozambicain. Il y avait des manoeuvres, des tentatives de sabotage de la lutte du peuple mozambicain à travers des individus.

La CONCP a su courageusement, comme l’a dit notre frère Mondlane, dénoncer ces individus et les exclure de la lutte du peuple mozambicain.

Nous pouvons le faire également avec n’împorte quel autre peuple et je vous dis ici, si nous, du PA1GC, si moi-même comme dirigeant du PAIGC, demain vous me voyez, au sein de la CONCP, trahir les intérêts de notre peuple, faites tout pour m’expulser parce que je ne dois pas rester en votre compagnie.

Oui. L’unité aussi en Guinée dite portugaise et aux Iles du Cap Vert. Nous n’en parlerons pas beaucoup. Comment seraitil possible qu’un petit peuple de 800.000 habitants et de 200.000 habitants dans les îles, écartés de cinq cents kilomètres environ, comment serait il possible qu’un petit pays de 40.000 km2, un pays sous développé, un pays occupé par 20.000 soldats portugais, comment seraitil possible qu’un pays qui n’a jamais eu d’expérience de la guerre moderne, qui, d’autre part était divisé dans des tribus, comment seraitil possible de battre les colonialistes portugais comme nous les battons, de libérer environ la moitié de notre pays en une année et demie de lutte armée ?

Comment seraitil possible de faire tout cela si nous n’étions pas unis ? Non, ne perdons pas de temps à parler de notre unité parce la preuve la plus concrète de l’unité de notre peuple en Guinée et aux îles du Cap Vert sont les victoires flagrantes, éclatantes de notre lutte de libération nationale.

Chez nous, également, il y a eu des tentatives de division. Des gens que notre lutte armée de libération nationale n’intéressait pas se sont faits ennemis de notre Parti et ont essayé de créer à l’extérieur de notre pays des petits mouvements de libération nationale. On a même créé des fronts mais très loin de notre pays. Nous n’avons pas discuté, nous n’avons pas du tout publié des documents pour combattre ces petits mouvements de l’extérieur.

Nous avons travaillé à l’intérieur de notre pays, nous avons mobilisé les masses populaires de notre peuple, nous avons formé des cadres politiques dans la brousse, nous avens profité de chaque élément valable de notre peuple, nous avons pris les armes, nous avons organisé les villages, les villes et nous avons attendu chez nous, pas seulement les manoeuvres militaires ou politiques des colonialistes portugais mais également l’arrivée des dits mouvements de l’extérieur.

Heureusement ces gens n’ont pas le temps de lutter, de se battre contre n’importe qui et aujourd’hui tous ces mouvements sont complètement désintégrés. Pas à cause des paroles mais à couse de la réalité concrète de notre pays.

C’est pour cela, qu’ici, comme membre de la CONCP, notre Parti a le devoir de dire à tous nos frères qui se battent dans les autres colonies : qu’ils ne perdent pas leur temps à combattre les mouvements de l’extérieur. Il faut toujours gagner du temps, en mobilisant chaque jour plus le peuple, les masses populaires, en vivant au sein desmasses populaires, en se battant au côté des masses populaires, en organisant partout et en montrant au peuple, à chaque pas, chaque jour, chaque moment qu’il vaut la peine de se battre parce que c’est lui le premier, le seul à gagner la lutte. Oui, nous devons aussi parler, au nom de la CONCP et de notre parti, des perspectives de notre lutte.

Nos amis souhaitent le savoir parce qu’ils veulent nous aider, renforcer les aides.

Nos ennemis aussi souhaitent le savoir parce qu’ils veulent corriger leurs plans. Nous vous disons qu’en Angola, comme au Mozambique, en Guinée, la perspective de la lutte est de développer chaque jour la conscience politique de nos peuples. C’est également, de renforcer chaque jour notre unité et c’est de développer à chaque pas lo lutte armée de libération nationale.

Mais, il y a le peuple des îles du Cap Vert qui est lui aussi organisé et dirigé par notre Parti parce que nous, en Guinée et aux îles du Cap Vert nous sommes les mêmes gens.

Les îles du Cap Vert ont été peuplées par des esclaves enlevés à la Guinée, fondamentalement, et nous avons la même destinée, nous avons la même langue et nous avons un seul Parti. Aux îles du Cap Vert la perspective de la lutte est également, de développer chaque jour la conscience politique des masses qui a déjà atteint un niveau assez élevé pour passer à une nouvelle phase de la lutte.

Nous déclarons ici devant vous, et cela constitue désormais un but sacré au sein de la CONCP, que nous préparons, notre peuple aux îles du Cap Vert se prépare activement pour déclencher la lutte armée contre le colonialisme portugais. Que les colonialistes portugais le sachent : nous allons déclencher la lutte armée aux îles du Cap Vert.

Évidemment nous ne dirons pas le jour et l’heure. Mais nous allons le faire. Et qu’ils le sachent et qu’ils se préparent eux aussi parce que nous en sommes sûrs, ainsi qu’un Batista et tous les agents, les serviteurs de l’impérialisme, et l’impérialisme luimême, n’ont pas été capables d’éviter la victoire à Cuba, la victoire des forces progressistes à Cuba.

Nous, également aux îles du Cap Vert nous saurons, sur la base des efforts de notre peuple, qui a déjà tant souffert dans l’histoire, nous saurons battre les colonialistes portugais et les chasser définitivement du sol de notre patrie. Dans la perspective de notre lutte, cette conférence se place d’une façon très adéquate. Vous comprenez l’intérêt de notre conférence. Nous devons renforcer notre unité, pas seulement dans chaque pays mais entre nous, peuples des colonies portugaises.

La CONCP a pour nous une signification très spéciale. Nous avons le même passé colonial, nous avons tous appris à parler et à écrire le portugais mais nous avons une force plus forte encore, peutêtre plus historique même : c’est le fait que nous avons commencé à lutter ensemble. C’est la lutte qui fait les camarades, qui fait les compagnons, du présent et de l’avenir.

La CONCP est pour nous une force fondamentale de lutte. La CONCP est dans le coeur de chaque combattant de notre pays, de l’Angola, du Mozambique. La CONCP doit aussi représenter, nous en sommes fiers, un exemple pour les peuples d’Afrique. Parce que nous sommes dans cette lutte glorieuse contre l’impérialisme et le colonialisme en Afrique, les premières colonies qui se réunissent pour discuter ensemble, pour planifier ensemble, pour étudier ensemble les problèmes concernant le développement de leur lutte.

C’est quand même, une contribution très intéressante à l’histoire de l’Afrique et à l’histoire de nos peuples. Nous ne saurions pas perdre tout ce que nous avons déjà fait dans le cadre de la CONCP et nous vous assurons ici que nous sommes déterminés à sortir de cette conférence avec des résultats concrets.

Nous sommes déterminés à sortir d’ici et à renforcer notre lutte d’une façon coordonnée. Donc, à accélérer de manière significative la chute totale, la défaite totale du colonialisme portugais dans nos pays.

Nous nous trouvons aujourd’hui dans une phase nouvelle de notre lutte. Sur trois fronts, il y a la lutte armée de libération nationale. Cela implique des responsabilités plus grandes soit pour nousmêmes, soit pour chacun de nos partis, soit pour la CONCP dans l’ensemble. Mais cela implique aussi des responsabilités plus grandes pour nos amis et pour nos frères. L’Afrique doit prendre soin du problème.

L’Afrique nous aide, oui. Il y a des pays africains qui nous aident autant qu’ils le peuvent, d’une façon directe, d’une façon bilatérale. Mais nous sommes de l’avis que l’Afrique ne nous aide pas assez. Nous sommes de l’avis que l’Afrique peut nous aider beaucoup plus, si l’Afrique arrive à comprendre exactement la valeur et l’importance de notre lutte contre le colonialisme portugais ; nous espérons donc, que sur la base de l’expérience de deux années depuis Addis Abéba, la prochaine conférence au sommet des Chefs d’Etats Africains saura prendre des mesures concrètes pour renforcer d’une façon efficace l’aide de l’Afrique aux combattants de la Guinée, du Cap Vert, des îles de Sao Tomé, du Mozambique et de l’Angola.

D’autre part, nos amis de par le monde, et en particulier nos amis des pays socialistes, sont sûrement conscients que le développement de notre lutte implique le développement de leur aide fraternelle.

Nous sommes convaincus que, chaque jour, et les forces des pays socialistes et les forces progressistes de l’Occident sauront développer leur aide, leur appui politique, moral, matériel, à notre lutte, sn accord avec le développement de celleci. Je finirai tout simplement par ces mots : chez nous, en Guinée dite portugaise et aux îles du Cap Vert, les troupes colonialistes se rétrécissent chaque jour.

Aujourd’hui si nous voulons nous battre contre les troupes coloniales, nous devons aller chez eux nous battre, dans les casernes. Mais nous devons y aller parce qu’il faut en finir avec le colonialisme portugais chez nous. Nous sommes sûrs, chers camarades et amis, que bientôt au Mozambique ce sera la même chose. Et cela commence déjà à se réaliser dans certaines zones. En Angola ce sera la même chose. Et cela commence déjà à se réaliser à Cabinda. Les colonialistes portugais commencent à avoir peur de nous. Ils sentent maintenant qu’ils sont perdus mais je vous garantis que s’ils étaient ici présents c’est dommage qu’ils n’aient pas ici des agents parce que s’ils étaient présents ici, en nous voyant, en entendant parler toutes les délégations, en voyant cette assistance, en voyant l’accueil fraternel qui nous a été réservé par le gouvernement de Tanzanie, la peur des colonialistes portugais serait encore plus grande.

Mais, camarades et frères, allons de l’avant, les armes à la main, partout où se trouve un colonialiste portugais. Allons de l’avant, détruisons-le et libérons vite nos pays des forces rétrogrades du colonialisme portugais.

Mais préparons nous aussi chaque jour, dans la vigilance, pour ne pas permettre que dans notre pays s’installe une nouvelle forme de colonialisme, pour ne pas permettre chez nous aucune forme d’impérialisme, pour ne pas permettre que le néocolonialisme, qui commence déjà à devenir un cancer dans certaines régions du monde et de l’Afrique, que ce cancer n’aille pas atteindre notre propre pays.

Vive notre lutte de libération nationale ! Vivent les efforts de nos peuples pour la libération nationale de nos pays ! Vive la solidarité agissante des peuples d’Afrique et des pays socialistes et de toutes les forces progressistes du monde à notre lutte !

A bas l’impérialisme, le colonialisme et le néocolonialisme !…»

Amilcar Cabral

ANALYSE DU DISCOURS D’INDEPENDANCE (30 JUIN 1960) DE S.E.M. PATRICE LUMUMBA. Par Mingwa Biango

 

Ce contenu a été publié dans DISCOURS HISTORIQUES. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire