DE LA CONSCIENCE EN CHUTE DANS L’ETHNIE À LA CONSCIENCE NATIONALE, par Brice Nzamba

Il est un fait constant dans l’histoire politique de notre pays : c’est le recours à l’ethnie dans la conquête et la préservation du pouvoir politique. Ce fait est tellement récurrent dans notre histoire, que la lutte politique au Congo-Brazzaville en particulier et en Afrique en général, est devenue une lutte des ethnies par élite interposée.

Cette tendance politique de toujours envisager le Congo sous le prisme de son ethnie sans avoir une conscience nationale qui permet de veiller sur les intérêts vitaux du pays dont la concorde de toutes les composantes sociologiques du pays est un élément primordial, constitue ce que nous appelons la conscience en chute dans l’ethnie. La conscience en chute dans l’ethnie, ce sentiment grégaire d’appartenir à une ethnie pour laquelle on est prêt à tout est une vision minimaliste, une micro nation, incapable de s’élever jusqu’à la conscience nationale  exigeant un travail d’esprit plus élaboré. Le Congo d’aujourd’hui s’il veut tenir les promesses de son indépendance doit passer de la conscience en chute dans l’ethnie à une conscience nationale.

Nous dirons ici, que la réalité que nous voulons changés est la conscience en chute dans l’ethnie, celle que nous voulons atteindre comme résultat, la conscience élargie et sublimée en nation, en patriotisme. En clair, en partant de la réalité qui fait des individus occupant l’espace géographique actuel du Congo, des éléments disposants d’une conscience grégaire qui participent aux rituels et aux folklores d’un groupe ethnique donné, au détriment d’une identification aux institutions de l’Etat, pour aboutir à des individus dotés d’une conscience nationale et pour lesquels la référence au groupe ethnique ne serait plus que culturelle et non plus un instrument politique.

Il s’agit donc pour nous de générer une conscience nationale, une conscience plus élargie susceptible d’embrasser dans son élan tous les autres individus qui vivent sur le même espace géographique, et de veiller aux intérêts vitaux du pays. En effet, le premier défi auquel aurait dû faire face l’élite issue de l’indépendance, est sans doute celui de faire de la multiplicité des peuples présents sur l’espace géographique qu’on appelle le Congo, un seul peuple, c’est à dire un ensemble d’individus conscient du passé commun de colonisé et condamné à partager un avenir commun dans le cadre des institutions à même de garantir les valeurs dans lesquelles cet ensemble d’individus entendait réaliser sa société.

Ce premier défi est tellement important que cette élite issue de l’indépendance a inscrit comme première valeur de la devise de la République à créer : l’unité.

L’unité de tous ces peuples issus soit de l’ancien royaume Kongo, soit du royaume téké, ou des chefferies Ngala, est donc d’une nécessité vitale pour la viabilité d’un Etat dans les frontières dans lesquelles, ces peuples se retrouvent.

Ainsi, appeler à l’unité du Congo ne peut en aucun cas être une vue de l’esprit, un simple slogan ou des simples incantations. Il aurait fallu pour y arriver, institutionnaliser des mécanismes à même de provoquer le surgissement d’un peuple disposant d’une conscience nationale et uni dans sa diversité. Nous ne pouvons que regretter le fait qu’au lieu d’élargir la conscience des populations vivant dans l’espace géographique congolais, la classe politique congolaise s’est plutôt évertuer à renforcer la conscience ethnique au détriment de la conscience nationale. Tout au long de notre histoire, l’ethnie est appelée à la rescousse de l’homme politique chaque fois que celui-ci envisageait de conquérir le pouvoir ou de le conserver.

Cette culture politique faisant de l’ethnie un instrument politique fait le jeu des puissances qui ont tout intérêt à nous diviser pour mieux contrôler nos richesses. C’est ici tout l’intérêt de générer au Congo comme en Afrique, une conscience nationale susceptible d’être la gardienne des intérêts vitaux de son pays. Nous n’avons aucun avenir politique au Congo en particulier et en Afrique en général, dans un monde de plus en plus cynique, et envieux des richesses d’Afrique, si nous n’accédons pas à cette conscience nationale qui seule est susceptible de nous permettre de faire bloc pour défendre nos intérêts chaque fois que cela est nécessaire. Sans la conscience nationale, rien n’est possible, aucune réalisation économique ou politique d’envergure n’est possible car chacun n’agira qu’à la hauteur de ses instincts grégaires, c’est-à-dire, dans le cadre d’une conscience en chute dans l’ethnie, en privilégiant l’élite issue de sa propre ethnie, et en construisant quelques réalisations dans le fief de sa tribu, comme le souligne si bien, Denis sassou Nguesso «  On ne construit que là où on aime. », trahissant sa conscience en chute.

Nous ne le dirons jamais assez, le combat de notre temps, au Congo comme en Afrique, est le combat du surgissement de la conscience nationale, de l’élargissement de notre conscience d’une solidarité ethnique quasi animale à une solidarité citoyenne ancrée dans la conscience nationale. Sans cette conscience, tous les combats d’envergure sans vouer à l’échec, le panafricanisme devient incantatoire car un peuple qui ne peut pas le moins ( conscience nationale), ne pourra jamais le plus ( conscience panafricaine). La conscience nationale est l’escabeau nécessaire pour aboutir à la conscience plus élargie panafricaine, l’Europe a d’abord été celle des nations avant de devenir une union politique veillant sur les intérêts du peuple Européen. Sans la conscience nationale, ne nous étonnons pas que naissent des idées de scission du Congo, parce qu’une conscience qui constate l’injustice qui lui est causée du fait de son identité ethnique, se recroqueville dans cette identité et s’en sert comme arme.

Notre génération n’a pas le choix, nous devons impérativement inventer des mécanismes de surgissement d’une conscience nationale au sein de l’élite et des populations, sinon l’expérience d’être congolais ne sera que frustrations, guerres, et discriminations. Chacun fera de son ethnie un Etat, et d’un pays ou d’un continent uni dans la préservation de ses intérêts vitaux, nous n’aurons que la dispersion des peuples comme à l’issue de l’expérience de Babel, et cela au grand bonheur de ceux qui depuis des siècles nous oppriment et nous exploitent. Soyons courageux, et imaginatifs, notre génération ne peut pas hériter du manque d’imagination de nos ainés et de leur soif du pouvoir pour le pouvoir, en attisant à nouveau les feux de la haine ethnique, promesse des guerres prochaines où seule la tyrannie de Sassou et de son clan tirera son épingle du jeu parce que préparée à cela.

Nous devons dire que l’après Sassou doit être une période de RUPTURE avec toute la culture politique de nos aînés, une période au cours de laquelle un nouveau Congo devra être en gestation pour renaître dans une véritable unité de son élite et de son peuple dans le cadre des institutions à même de préserver ses intérêts vitaux. Nous devons commencer par le commencement, c’est-à-dire en faisant signer aux chefs coutumiers représentatifs des ethnies du Congo, au cours d’une cérémonie solennelle et symbolique, un contrat social comportant les principes fondamentaux de gouvernement, de répartition des richesses, de la préservation de l’unité nationale en s’abstenant de soutenir tout recours à l’ethnie de la classe politique. Ces principes essentiels contenus dans ce contrat social pourront faire partie du préambule de la constitution à venir, et donc être le fondement des nouvelles institutions dans lesquelles une institution sera réservée à ces chefs coutumiers qui pourront y siéger avec voix consultative. La vertu de ce mécanisme sera de permettre aux sujets tribaux de ces chefs coutumiers de s’identifier aux institutions de l’Etat puisque ces derniers y siègeront dorénavant et de faire en sorte que ces chefs coutumiers ne soutiennent plus les tendances politiques de ceux qui veulent les manipuler pour renverser les nouvelles institutions.

Par ailleurs, un projet éducatif de RUPTURE devrait être mis en place en visant la génération d’une conscience nationale à travers une éducation développant l’esprit critique, le sentiment de son individualité et des droits qui lui sont inhérents, et la préservation de ses intérêts en les défendant devant la justice. La vertu d’un tel projet éducatif est le surgissement d’un congolais imbu du sentiment individuel et de ses droits, séparé du sentiment ethnique et de ses intérêts. Un congolais capable de discerner ce qui est véritablement dans son intérêt et ne se laissant pas berner par une solidarité ethnique qui ne sert pas ses intérêts.

Nous ne pouvons tout développer ici, chacun a suffisamment d’imagination pour envisager les solutions adaptées aux enjeux mondiaux de notre temps, sans céder à la facilité, et le moment venu, les proposer au suffrage de notre peuple. Nous devons croire en la mission de notre génération qui est de générer une conscience nationale après 52 ans de conscience en chute dans l’ethnie.

 

MAITRE BRICE NZAMBA

Président du Cercle LA RUPTURE

Diffusé le 22 juin 2012 , par www.congo-liberty.org

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