CONGO: L’ART DU DIVERTISSEMENT INUTILE. Par Alexis Bouzimbou

Au-delà de sa posture va-t’en-guerre dans les médias, Bernard Henri Lévy eut le mérite de publier un essai qui tranche avec ses velléités, et qui doit être remis au goût du jour dans le contexte congolais: la pureté dangereuse.

Il y met en relief les dangers d’exclusions multiformes, susceptibles d’entraver la cohésion et l’unité d’un pays, pierre angulaire de toute construction nationale.

Les dernières élections législatives qui ont eu lieu au Congo, et qui ont connu un taux d’abstention record, ont hélas fait renaître les vieux démons du tribalisme et du régionalisme tant honnis.  Cette technique s’apparente à la devise du dirigeant chinois Deng Xiaoping: « Peu importe que le chat soit blanc ou noir, du moment qu’il attrape les souris ». Le mur de Berlin est tombé sans emporter avec lui les murs mentaux et les idées passéistes que nous pensions anachroniques.

A partir de cette métaphore, les congolais ont parfaitement cerné la diversion. Ce vieux serpent de mer n’a qu’un objectif inavoué: détourner les congolais de leurs préoccupations quotidiennes. L’abstention galopante lors des dites élections législatives en est l’illustration parfaite. Des quatre coins du pays, les congolais sont restés chez eux, refusant de cautionner un pouvoir qui se détourne ostensiblement de leurs problèmes. C’est tout simplement le bon sens.

La candidature d’un congolais originaire du Nord dans la localité de Vindza, a donné du grain à moudre à certains « extrémistes ». C’était pour eux une occasion inespérée de s’adonner à exploiter la grosse ficelle ethnico-régionaliste. La haine a été mise en avant et vantée comme telle. Des billets d’une absurdité incommensurable ont vu le jour sur les réseaux sociaux.

Or, ni la Constitution de 1992 votée par 98% des congolais, ni celle de substitution imposée de facto, ne rompent le principe d’égalité entre les citoyens, affirmé avec force par le droit positif. Dès lors, cette attitude grotesque de dresser les congolais les uns contre les autres mérites d’être clairement désavouée. Sa pratique tant décriée devrait être proscrite dans nos us et coutumes. En réalité, nous devons changer de logiciel. Le « modèle » sur le quel notre pays a été bâti est complètement obsolète. Les politiques sont incapables de faire face, d’anticiper, et d’analyser tous ces errements. Un changement radical de registre est impérieux.

Le parachutage est loin d’être un phénomène nouveau en politique. Pour preuve: Ségolène Royal et Claude Guéant, respectivement candidats parachutés à la Rochelle et à Boulogne-Billancourt, ont été sèchement battus grâce à la liberté de vote des électeurs. Par conséquent, l’électeur congolais est assez mature pour choisir librement le candidat qu’il juge apte à apporter des solutions à ses multiples problèmes quotidiens. S’approprier la tribu ou la région comme argument pour disqualifier ou faire battre un candidat a des conséquences pour le pays et la population.

Le tribalisme, véritable cancer, mine la cohésion et l’unité nationales. Il constitue un handicap majeur à toutes initiatives à vocation nationale, et se révèle être un frein majeur au développement et à l’éclosion du pays.

Peut-on, réellement, espérer construire un jour une Nation et entamer la lutte du développement avec une population s’excluant mutuellement? Qu’on soit du Nord ou du Sud, les congolais aspirent et rêvent d’un Congo meilleur, éloigné de la misère, de la précarité, et des injustices du quotidien.

Il faut reconnaître qu’aucun gouvernement n’a pris la mesure de combattre ce fléau qui gangrène le pays. Aucune institution aussi louable soit-elle ne peut lutter efficacement contre le tribalisme. Il faut des Hommes intègres, indépendants et susceptibles de résister aux pressions politiques de tous bords, et qui soient capables d’éduquer, de conseiller, de condamner le tribalisme, ses pratiques et ses travers. La lutte contre le tribalisme doit être permanente. C’est une urgence nationale, même si la réalité tribale précède l’Etat. Tant qu’il y aura des tribus, le tribalisme en sera vraisemblablement le pendant. Il est donc nécessaire de réduire ce Mal et de le contenir dans des proportions qui le réduirait à néant.

« La lutte contre le tribalisme ne doit pas se faire contre la réalité tribale. La tribu est un trait de notre pays et fait partie de l’identité de chacun de nous. L’amalgame a fait que dès qu’on évoque la tribu, on est directement renvoyé au tribalisme. Pourtant, il y a des forces, des effets positifs que le pays pourra tirer de la réalité régionale ou tribale dans le cadre d’un vrai fédéralisme, celui qui ne nie pas l’Etat, mais qui fait la place à l’imagination locale, à une saine concurrence entre les régions et au développement intégré »(Chris Sassa).

L’apprentissage démocratique est certes long, mais nous devons apprendre la tolérance, l’acceptation de l’autre, et le respect des règles établies. Le pouvoir de l’argent qui salit et qui corrompt, ne divertira pas continuellement tout un peuple. Dans un  monde en perpétuelles mutations, les congolais préfèrent l’attentisme et le divertissement. Alors que tous les pans entiers du pays s’effondrent les uns après les autres, nous attendons, passifs, que les solutions à nos problèmes  viennent d’ailleurs.

Du prêt-à-porter institutionnel fustigé naguère par Joseph Ki-Zerbo, à l’acceptation des programmes d’ajustement structurels drastiques sans résultats significatifs pour le peuple, nous montrons au grand jour nos limites quant au manque de perspectives pour le pays. Le moment est venu de mutualiser nos forces et nos intelligences dans l’intérêt supérieur du Congo. Du divertissement inutile (tribalisme), en passant par le divertissement sciemment entretenu par le pouvoir (sapelogie), qui est une pseudo réponse homéopathique à une jeunesse en déshérence, le Congo est en définitive malade de lui-même et de son divertissement inutile. Pour comprendre l’avenir, il faut connaître le passé.

 

Alexis BOUZIMBOU

Cercle de réflexion pour des idées nouvelles

www.congo-liberty.org

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Une réponse à CONGO: L’ART DU DIVERTISSEMENT INUTILE. Par Alexis Bouzimbou

  1. CONGO-MFOA dit :

    Le problème au Congo n’est pas la tribu. La tribu est donnée sociologique sur laquelle reposent la cohésion et l’équilibre nationales. C’est la base de départ de la nation. La tribu elle-même est victime de la pratique politique nationale qui, elle, apporte le « ISME » qui, lui, est la gangrène de la nation. Le vecteur de ce « isme », c’est l’homme dit « politique » qui exacerbe toutes les fibres et sensibilités d’où sortent toutes les frustrations… Comment, par exemple, expliquer que la seule région de la Cuvette dispose de 25 officiers généraux, sans parler des cohortes de colonels, commandants, capitaines, etc. ?
    Ce n’est donc pas le régime ou le système en place qui apportera les réponses et les solutions attendues.
    La vraie question est désormais : « Comment se débarrasser du système prédateur et ségrégationniste pour éradiquer ce cancer appelé : tribalisme ? »

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