Congo : La problématique de la gouvernance des partis politiques après la mort ou la retraite des président-fondateurs. Cas d’illustration : PCT, UPADS, MCDDI, RDPS, RDD, MWINDA.

JEAN CLAUDE BERIL’espoir que suscitèrent la conférence nationale souveraine de 1991 et l’engouement de la population envers des partis politiques dont ils croyaient fonder sur des idéologies novatrices du 21e siècle s’est vite volé en éclat après la mise en congé, ou la disparition des pères fondateurs de ces dits partis. Livrés à eux-mêmes, comme des navires sans boussoles, ces partis se livrent à un spectacle désolant qui accroit de plus en plus le repli des militants, le dégout de la politique et surtout, le manque total de confiance envers les actuels dirigeants. Le charisme des président-fondateurs éteint, les successeurs peinent à définir une ligne politique digne au-delà des partis pour rassembler les populations autour d’un projet identifiable et surtout capable de reconstruire le pays ravagé par les années PCTéistes sous l’ère SASSOU. Présentement, il se pose un réel problème démocratique de gouvernance de ces partis politiques après la retraite des président-fondateurs qui de ce fait, est devenu un champ de bataille des chiffonniers qu’à un réel combat d’idées.

Le PCT, hégémonie aveugle au service de l’écurie familiale

Marien Ngouabi devrait se retourner dans sa tombe en voyant ce qu’est devenu le PCT, le parti du peuple pour le peuple. Loin de moi l’idée d’approuver une conception quelconque de perfection dans la doctrine du PCT du temps de Marien Ngouabi, force est de constater que ce leader œuvrait pour le bien du peuple. Au delà de la lutte de pouvoir qui battait son plein au sommet de la direction du Comité central, Marien Ngouabi ne cessait de privilégier le bien-être du peuple. L’économie, très peu ancrée sur la prédominance du pétrole, offrait une ouverture de perspective d’emploi acceptable pour les congolais. L’éducation des jeunes atteignait 80% de taux d’alphabétisation, la santé remplissait son quota de 65% de soins à la population, le sport excellait à des niveaux glorieux… Bref seul le volet démocratique était très déficitaire et critiquable comme d’ailleurs il l’était dans tous les régimes monopartismes de surcroit marxiste léninisme. Le PCT de Marien Ngouabi avait une âme, une idéologie et une vision du futur.

38 ans après la disparition de Marien Ngouabi, le PCT a subi de profondes mutations politiques qui l’ont conduit à l’abandon de l’idéologie marxisme léninisme en passant par une période de « mutation » politique où l’idéologie glissait lentement vers le régionalisme avéré. L’ère du PCT de Sassou Nguesso a fini par le dénaturer, le galvauder, le dépouiller de son essence en transformant sa devise « tout pour le peuple rien que pour le peuple » en «  tout pour le clan rien que pour le clan ». Nous passons là d’une gouvernance d’état à une gouvernance clanique. Le pays s’enfonce dans une perdition jamais connue où les accumulations des déficits sont aux rendez-vous des bilans annuels. L’injustice sociale et la corruption sont érigées en politique d’Etat. Le PCT perd ainsi son âme et se transforme en une « épicerie familiale » adoptant la seule philosophie qui leur est chère « le pouvoir est au bout du fusil, pour le bonheur et la survie du clan. » « La ligne rouge avait été franchie depuis belle lurette. Après l’épouvantable catastrophe du 4 mars 2012, le PCT se conduit avec une arrogance détestable alliant le manque de courtoisie démocratique relevant d’un complexe de supériorité qu’on qualifierait sans hésiter du « voyoutisme et de terrorisme politique » http://www.dac-presse.com/actualites/a-la-une/politique/963-le-pct-un-parti-voyou-.html

L’immobilisme du pouvoir est dissimulé à travers des slogans creux faisant miroiter le peuple des lendemains meilleurs tels que « la santé pour tous en l’an 2000, l’autosuffisance alimentaire en l’an 2000 » ou encore « l’an 2012, année de l’amélioration de l’offre de santé. »

L’actuel président du PCT, Denis Sassou Nguesso, a familiarisé le parti avec des critères subjectifs d’appartenance à une famille, à un clan, à un village, à une ethnie, à un district et à un département. Au sommet de l’Etat, le népotisme et la préférence ethno-régionale sont érigés en principes de gouvernement. Le président du PCT a placé au sommet des corps de l’Etat que des ressortissants d’une seule aire géo-ethnique. La cohésion nationale relève de la mystification.

L’UPADS, champion toute catégorie du nombrilisme !

Quand à ce que fut le plus grand parti politique du pays, il est plus ou moins l’ombre de lui-même. Crée sur la base des accords explosifs et semés d’intrigues ayant porté à sa tête le président P. LISSOUBA adoubé par son charisme, l’UPADS n’a cessé de cultiver en lui les germes de sa propre perdition. Les tergiversations constitutionnelles de 1995 et la guerre qui s’en est suivie, conduit par l’armada putschiste et anti- démocratique de SASSOU, ont sonné le glas de l’UPADS. Privé de son Président et surtout de son aura national et international, l’UPADS perd son âme et se fourvoie dans les divisions intestines. Au lieu de s’inspirer du projet de son président, les acteurs politiques de ce dernier ressuscitent les tensions ethniques et nous pondent une direction collégiale de 25 vices présidents. Ainsi l’UPADS devient un mammouth noyé dans son excès d’orgueil, le premier parti au monde avec 25 vices présidents où tous excellent dans la poursuite du gain facile ou tout le monde veut être calife à la place du calife. Au moins au sein de cette organisation on est épargné du spectacle affligeant de guerres de successions du père en fils.

Actuellement l’UPADS est un serpent, pardon, un parti à deux têtes qui se neutralisent à tout coup fleurir. Chassé du pouvoir par un coup d’état, et avant qu’il ne soit affaibli comme tout être humain par la maladie, Pascal Lissouba, imbu de sa personnalité n’avait pas clarifié les règles de sa succession au sein du parti. Pire, il n’a jamais déclaré son retrait à la tête du parti, créant de ce fait « un champs de mines » pour des potentiels successeurs. Ce qui a conduit à la bataille des bûcherons pour la conquête du Parti. Les uns tirant à boulet rouge sur les autres, l’UPADS est devenu un bateau ivre en plein océan sans commandant de bord en l’absence d’un processus acceptable par l’ensemble des cadres du parti. La crise de leadership au sein de ce parti traduit l’enjeu de « trouver un successeur » à Pascal Lissouba. Un congrès unitaire, plusieurs fois reporté, se tiendra le 31 mars 2013. Cette grand’messe politique interne permettra aux membres de ce parti politique de regarder tous les contours de la gestion de ce parti. Y arriveront-ils ?

MCCDI, au nom du père, je préside…

Qui se souvient encore du très charismatique Bernard Bakana KOLELAS qui défendait une certaine idée de la république et de la démocratie, arrêté et torturé durant des années mais qui à la fin finit par emporter une belle victoire : la création de son parti : le MCDDI. Le visionnaire intégriste menait ses militants d’un bras de fer et d’un verbe exaltant qui haranguait les foules à la moindre intonation. Mais la comparaison avec son idole « Mandela » s’arrête là. Quatre ans après la tragique disparation de Bernard KOLELAS, les militants découvrent avec amertume que leur parti politique se réduit aujourd’hui à un conflit d’étalage d’égoïsme, à une prostitution politique réduisant le combat d’idée à l’embourgeoisement de ses héritiers autoproclamés. Les incantations des vieux Matsouanistes qui servaient hier de veille à l’équilibre du parti sont invoquées aujourd’hui pour souhaiter la mort de ceux qui furent un temps la paire gagnante du renouveau MCDDI : Brice Parfait Kolelas et Hellot Matson Mampouya.

Brice Parfait Kolelas, qui s’autoproclame Président entend imposer sa loi aux militants qui exigent le respect des textes. Qui d’autres qu’un Kolelas pour remplacer un autre Kolelas ? « Le parti, c’est une affaire familiale » ! Ce qui est accepté au PCT, pourquoi ne le serait-il pas au MCDDI ? Au nom du père, je préside ! C’est le comble de la démocratie à la congolaise, un fiasco dont seuls les congolais en sont capable. Une guerre fratricide est déclarée au sein de ce parti politique dont l’issue ne présage rien de bon pour notre démocratie.

Le RDPS, l’ombre de lui-même !

Là aussi le scenario est identique aux autres partis. Jean-Pierre Thystère-Tchicaya, président-fondateur, disparait en juin 2008 laissant derrière lui un parti en décomposition. Une crise interne sur la question de la succession mettait en conflit Bernard Mbatchi et Mabio Mavoungou-Zinga. Rien d’étonnant au Congo où l’homme politique se cramponne à ses acquis non pour servir le parti mais pour utiliser le parti à des fins égoïstes. L’unité construite et acquise par son président vole en éclat et les militants perdent toute orientation.

La réconciliation de 2011 peut laisser penser que l’orage est passé entre les deux protagonistes. Mais la victoire de Jean-Marc Thystère-Tchicaya (fils de Jean-Pierre Thystère-Tchicaya) aux élections législatives du 15 juillet à Mvoumvou (Pointe-Noire) relance le débat sur ses ambitions. En tout cas, il est encouragé par les notables vilis qui veulent qu’il reprenne le flambeau pour redynamiser le parti et remettre les idéaux du progrès social de son fondateur. Malgré le calme apparent, le RDPS est encore assis sur des braises qui peuvent être réchauffées par le PCT qui voit d’un mauvais œil l’unité du RDPS. C’est ce que redoutent les militants du RDPS.

RDD, de l’hibernation à la prostitution politique.

Depuis le retour d’exil de son Président YHOMBI OPANGO, les militants auraient pensé retrouver la ferveur et le dynamisme de son leader pour redonner vie à un parti entré en hibernation politique. Mais le Général Jacques Joachim Yhombi Opango, ancien chef de l’Etat (1977-1979), et ancien Premier ministre (1994-1996) de Pascal Lissouba, est actuellement malade en France et presque incapable de diriger cette formation politique, depuis janvier 2012, après sa crise de tension artérielle

Le fiasco électoral dernier est la résultante d’une incapacité de ses cadres à se prendre en main. Le RDD a perdu son identité et sa légitimité politique. La démobilisation de ses militants tend à prédire que ce parti risque d’être qu’une antenne du PCT ou pire, va disparaître dans les années à venir en tenant compte de l’hégémonie du PCT dans le département de la Cuvette. Entouré des cadres et autres lobby à la solde du PCT, le général YHOMBI perd ses moyens et n’agit plus que sur commande. Comme si cela ne suffisait pas, la crise ouverte entre deux de ses cadres Martial Mathieu Kani et le professeur Anaclet Tsomambet finit aujourd’hui à entraîner ce parti vers une prostitution politique indescriptible. La création de l’association ASIYO du fils du Président YHOMBI OPANGO, et oui encore un fils, Jean-Jacques YHOMBI OPANGO n’arrange guère les choses. Ce dernier entend promouvoir les idéaux de son père de les préserver ainsi qu’assurer leur pérennité. Jean-Jacques YHOMBI OPANGO fustige les cadres du RDD qui se sont vautrés dans une inertie politique grave, de livrer le parti à la merci du PCT, d’avoir trahi les idées de son père. Eh oui encore un fils pour défendre un parti qui logiquement est régi par des statuts, textes et lois mais pas par une réaction épidermique familiale.

L’UDR-Mwinda, la lampe s’est éteinte !

Depuis le décès d‘André Milongo le président fondateur de l’URD MWINDA on a l’impression que la lampe qui éclairait la maison MWINDA s’est éteinte. Les militants de ce parti sont chaque jour secoués entre les trahisons de Guy-Romain Kinfoussia qui préside l’UDR-Mwinda, (l’Union pour la démocratie et la république), les dérives politiques de l’U.d.r-Mwinda Authentique de Stéphane Milongo (fils du président fondateur André MILONGO) et la révolte des militants qui viennent de créer un autre courant baptisé CDR (Congrès pour la démocratie et la république) de Jean Ngouembé, expert et co-fondateur du C.d.r. Le bateau MWINDA est à l’agonie et ne survit que grâce à des ponctions de perfusion qui lui sont injectées par le PCT.

En conséquence, tous ces partis ont un vrai problème de gouvernance, de non respect des statuts et textes qui pourtant devraient régir leur fonctionnement normal. Nous assistons dans tous ces partis aux violations flagrantes des règles démocratiques compatibles au bon fonctionnement des partis. On a beau jeter la pierre sur le PCT qui fait tout pour rester le seul parti politique enachetant les consciences des membres de l’opposition, absorbant les formations satellites en cas de refus de dissolution de celles-ci pour créer des clones sous un autre nom et avec d’autres dirigeants, cela n’explique en rien le délabrement des partis politiques au Congo qui ne s’accrochent pas aux idées. En retour ils utilisent les mêmes avatars, le même déni de démocratie.

Il y a un déficit de perception des notions de gouvernance démocratique où les fils se croient investi du droit de succession à la tête des partis, où les clans s’érigent le monopole d’absorber les partis. Les partis deviennent des chasses gardés familiaux pour promouvoir la culture et le bien–être d’un clan voire d’une région.

Nous avons pourtant tous les atouts pour réussir, tous les atouts pour être un grand pays et une grande organisation démocratique en Afrique et pourquoi pas un exemple dans le monde. Mais nous sommes si souvent enfoncés ou enfermés dans nos propres impasses. Les leaders des partis politiques dans notre pays doivent s’imprégner de trois vertus pour insuffler une nouvelle ère démocratique dans notre pays.

La première de ces vertus, c’est la lucidité. On ne peut pas avancer si l’on n’ouvre pas les yeux sur la réalité de la situation de notre pays, si l’on ne voit pas à la fois les risques, les chances et les obstacles à lever.

La deuxième vertu, c’est la volonté. Quand on sait où on en est, il faut choisir un cap, et il faut que ce cap soit clair pour tout le monde, qu’il rassemble les énergies disponibles.

La troisième vertu, c’est l’unité. Un peuple, spécialement un peuple en crise, comme l’est le peuple congolais, ne peut pas s’en sortir s’il ne rassemble pas ses forces, toutes les forces disponibles, les forces qui peuvent lui permettre d’avancer, les forces qu’il a en lui-même. Cette vertu d’unité elle est indispensable au moment où nous sommes, indispensable pour franchir les étapes nécessaires.

Par JEAN CLAUDE BERI 

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Une réponse à Congo : La problématique de la gouvernance des partis politiques après la mort ou la retraite des président-fondateurs. Cas d’illustration : PCT, UPADS, MCDDI, RDPS, RDD, MWINDA.

  1. Albo dit :

    Pour une fois votre analyse est bonne et très pertinente.

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