CONGO : UNE AUTRE FORME D’EXTERMINATION D’UN PEUPLE par Jean-Claude Mayima-Mbemba

« Plus un ordre viole la nature,

l’habitude et la norme, et plus l’usage

de la violence lui est indispensable »

                                                                                        Lanza Del Vasto

 

Exterminer une population d’êtres humains en masse ne nécessite toujours pas la disposition d’armes conventionnelles de guerre.

Une guerre déclenchée est la voie ouverte à l’utilisation de tout type d’armes, de plusieurs subterfuges. Ceux-ci peuvent être l’incitation de la famine, la privation d’eau, l’empoisonnement des sources, l’abattage des arbres fruitiers, etc. A cela s’ajoute l’intox, la désinformation, la manipulation psychologique, le conditionnement psychique, le lavage de cerveaux, la culpabilisation des victimes, la profanation des tombes aussi (actes d’humiliation de l’adversaire que l’on veut anéantir). Tout ceci est connu des spécialistes et autres experts.

Au-delà des guerres qui visent à exterminer tout ou partie d’une tribu, d’une ethnie ou d’un peuple, plusieurs autres éléments assez nuisibles passent inaperçus et dont, très souvent, on ne parle jamais.

Dans le cas du Congo-Brazzaville, ce n’est un secret pour personne aujourd’hui, la guerre qui a ravagé la région du Pool (où les populations sont exterminées) sans que personne ne bouge, ne dit mot au niveau de la communauté internationale (ONU – UE – UA), renferme un autre aspect plus pernicieux, plus destructeur et ravageur. Cet aspect, indolore et incolore, est celui qui prive les populations vouées à l’extermination d’accéder au savoir, à la culture, à l’éducation, à la santé. Des armes qui ne coûtent rien et pour lesquelles on ne dépense absolument rien ; aucun centime.

Le Congo-Brazzaville est plongé dans la guerre, des guerres successives et interminables depuis 1993. Depuis cette année-là, les enfants des zones Sud de Brazzaville, et à partir de 1998, ceux de toute la région du Pool n’ont plus jamais eu droit à la culture, à l’éducation, à la santé. En un mot au Savoir, à la Connaissance. Les opérations « Colombes 1 et 2 », « Mouebara », « Hérode », « Hadès »[1], et surtout l’opération « Hérode » (de sinistre mémoire), qui se perpétuent et perdurent encore aujourd’hui, n’ont pas seulement pour objectif celui de détruire physiquement la population de cette région, mais aussi et surtout celui de priver les enfants survivants, rescapés de la mort programmée d’accéder au Savoir, à la Connaissance.

Les écoles maternelles et primaires, les collèges et lycées n’ont plus ouvert leurs portes depuis 1997 dans cette région, parce que dans plusieurs localités bombardées les établissements ont été détruits ou fermés. Plus la guerre persiste et se prolonge, plus elle accentue cette privation. Tel est l’autre but que s’est fixé le régime de Brazzaville, installé par Paris dans cette colonie française d’Afrique (CFA). C’est là une autre forme de guerre, une autre forme de destruction de tout un peuple. Que peut-on faire avec le résidu d’un peuple réduit à néant et de surcroît analphabète ?

Il est vrai que Sassou Nguesso n’exterminera pas tous les descendants du peuple Kongo de la région du Pool jusqu’au dernier. Mais combien seront-ils, ou combien de rescapés, de survivants compterons-nous demain ? Combien d’enfants survivront encore, faute de soins médicaux et, parmi eux, combien sauront lire et écrire ? Combien de générations faudra-t-il encore pour que cette région martyre retrouve le niveau adéquat sur le plan de la culture, de l’éducation, surtout du Savoir, de la Connaissance ? Nous faisons abstraction des soins médicaux, une autre arme d’extermination et de destruction massives.

Tout cela, uniquement, parce qu’à une certaine période, nos compatriotes du Nord, tenants du pouvoir actuel, disaient que le Sud-Congo avait trop de cadres, trop d’intellectuels, trop d’élites. Alors, un jour, ils ont décidé de les exterminer et tout faire pour les priver d’accéder au Savoir, à la Connaissance. D’où l’opération dite « Hérode ».

Ce crime-là passe inaperçu et personne ne s’en rend compte. Pas de soins médicaux, pas d’hommes, de femmes et d’enfants valides. Pas d’écoles, pas d’élites, pas de cadres, pas d’intellectuels.

A défaut de les exterminer tous par les armes à feu, Sassou Nguesso a juré de réduire en esclavage tout le reste des rescapés et survivants des populations de la région du Pool. C’est ici que nous en appelons à la conscience de toutes les organisations humanitaires, de défense des Droits de l’Homme et de Protection de l’Enfance, et les invitons à se saisir de ce dossier aussi douloureux que celui de la guerre silencieusement atroce en cours dans la région du Pool, en République du Congo, et qui ne finit pas.

« La France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts », dixit Général de Gaulle. Pour cela, faut-il se livrer à des crimes contre l’humanité par l’intermédiaire des « Affranchis locaux », des « Gouverneurs Noirs » comme Sassou Nguesso ? Et comme la France jouit de tous les veto, alors on peut tout étouffer (Cf. : « Le génocide du Rwanda » longtemps écrasé), et aujourd’hui « le crime contre l’humanité au Congo-Brazzaville » via Sassou Nguesso, l’aveu de Luanda, le 30 juin 1998, faisant foi.

Ce désastre humain, nous le devons surtout à la France et à un homme. Cet homme, c’est M. Jacques Chirac, président de la République Française à cette époque.

Dans tous les cas, avec ou sans Chirac, la situation aurait été la même. La France n’a jamais tiré les leçons de son passé et de son histoire aujourd’hui brocardés. Il lui reste à opérer sa propre décolonisation mentale.

———————————

[1] Jean-Claude Mayima-Mbemba, Assassinats politiques au Congo-Brazzaville. Rapport de la Commission Ad’hoc « Assassinats » de la Conférence Nationale Souveraine (25 février – 10 juin 1991), Tome I, ICES, 2004, Corbeil-Essonnes pp. 171-180.

Ce contenu a été publié dans Les articles. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire