Par Joseph Ouabari-Mariotti
Le Colonel Philippe Bikinkinta, dernier Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation du Président Pascal Lissouba, nous a quittés, le 21 août 2021 à Liverpool, ville maritime, au Nord-Ouest de l’Angleterre.
La mort, ces noces de l’homme avec l’éternité, l’a fauché, en plein exil, loin de son pays, le Congo-Brazzaville, qu’il a intensément aimé et servi, sa vie durant. Rejoignant, ainsi, là-bas, à l’éternel infini, MM. Nguila Moungounga Kombo, Yves Ibala, le Dr Bikandou, ses collègues au gouvernement, sous le Président Pascal Lissouba, eux aussi morts en exil, comme le Président Pascal Lissouba, lui-même, le 24 août 2020, à Perpignan, en France.
Suite aux violences de 1997, le Ministre Philippe Bikinkinta a dû se séparer de sa patrie natale, arraché à un univers familier pour regagner une terre d’exil. Un parcours, dans des conditions rudes, à travers les territoires des pays étrangers, surpris par maintes frayeurs et côtoyant, parfois, la mort.
Au long et pénible exil du Ministre Philippe Bikinkinta, dans la cité de Liverpool, se sont associés plusieurs deuils, dans sa famille, au Congo-Brazzaville et en Europe. Particulièrement les deuils nés de la perte de deux de ses proches parents dont la présence du Ministre Philippe Bikinkinta aux obsèques était indispensable pour des règlements d’affaires familiales post-mortem.
« Aucun lien n’est plus fort que celui du sang. Il lance des ponts au-dessus des plus profonds abîmes ». Quand on néglige ses parents, on se néglige soi-même ». Ainsi, me parlait le Ministre Philippe Bikinkinta lorsque nous échangions sur les traditions et coutumes Kongo.
C’est dire l’attachement à sa famille du Ministre Philippe Bikinkinta qui aura, pendant l’exil, connu la disparition de Mr Bernard Kolélas, son frère, qu’il a pleuré à distance, absent de ses obsèques à Brazzaville et de la phase terminale de l’inhumation à Ntsouélé, dans la région du Pool.
Philippe Bikinkinta a, par ailleurs, été très affecté par le décès à Paris de Guy Brice Parfait Kolélas, son neveu, dont il ne verra plus jamais la dépouille et ne prendra plus part aux funérailles.
Philippe Bikinkinta disparait avec l’idée de la date non fixée des obsèques de Guy Brice Parfait Kolelas, la famille Kolélas n’ayant cesse d’exiger la lumière sur les conditions de la mort de l’ancien candidat aux présidentielles congolaises du 21 mars 2021.
Abandonné son pays natal, jusqu’à la mort, pour cause d’exil est vécu symboliquement comme une mutilation, un démembrement, même si, dans le cas Philippe Bikinkinta, cela est perçu comme une forme de sécurisation, pour fuir les sévices d’un injuste emprisonnement, au terme d’une condamnation par les tribunaux congolais.
Philippe Bikinkinta qui, les 24 ans de son exil, à Liverpool, n’exprimait la douleur de cette expatriation forcée qui l’a soustrait de son sol natal qu’au travers de la souffrance de son corps et de son esprit.
Pour moi qui ai connu Philippe Bikinkinta, sur les bancs d’une école primaire de Bacongo – Brazzaville, tenue par Mr Bremondy, de nationalité française, l’ai côtoyé sur les colonnes du gouvernement, pour ensuite le suivre, de loin, dans son isolement en Angleterre, l’exil a bien usé le Ministre. Il en a souffert. L’exil était un supplice pour lui d’autant plus rigoureux qu’il ne trouvait nulle part, dans son environnement, le moindre agrément de sa patrie.
Pour l’officier de haut niveau qu’a été Philippe Bikinkinta, qui a quitté, sous la contrainte, son pays, s’imposer une vie en terre étrangère avec ce que cela implique de difficultés de langue, d’identité et d’insertion, n’était pas chose aisée. Le sentiment permanent d’éloignement de ses racines rendait ses jours longs et lui coupait le sommeil.
Au-delà des contraintes que lui dictait son exil, Philippe Bikinkinta maintenait, cependant, en lui, la fière posture d’un colonel Saint Cyrien, façonné selon les règles. Pour lui, l’autorité politique de son pays, par méchanceté, haine et antagonisme à son égard, l’a forcé de s’installer, injustement, hors de sa patrie.
Sur la guerre du 5 juin 1997, Philippe Bikinkinta balaie, d’un revers de main, les accusations de chef d’opérations Ninja, portées contre sa personne. Tout en s’interrogeant sur les motivations partisanes du pouvoir de Brazzaville qui a fait bénéficier certaines personnalités proches du Président Pascal Lissouba des mesures de largesse, au détriment des autres.
Tombé malade, les soins se prolongeant, les médicaments ne soulageaient plus Philippe Bikinkinta. Tout est allé de mal en pis. Homme de convictions, il croyait, malgré tout, en l’avenir du Congo-Brazzaville, pour le bien des populations et pour les siens qu’il allait quitter.
Depuis Paris, dans l’attente de la remise en liberté de Philippe Bikinkinta que je sollicitais, depuis quelques années du Président Sassou-Nguesso, au travers des réseaux sociaux, j’ai appris que du côté de Liverpool, la vie du colonel Philippe Bikinkinta s’était arrêtée, le 21 août 2021.
Ce 21 août 2021, j’ai écrasé une larme. Puis, une deuxième. A coulé une troisième. Me souvenant de ce Philippe Bikinkinta, mon camarade de classe, très doué, au point d’impressionner notre maître, Mr Bremondy. Lui, Philippe Bikinkinta, ce Ministre de l’Intérieur, très discret, de grande humilité, cultivé, intervenant, peu en conseil de Ministres où il avait toujours, posé devant lui, un code de procédure civile, de couverture rouge. Lui, ce Philippe Bikinkinta qui a fait les bons offices, auprès du Président Laurent Désiré Kabila qui venait de s’installer à Kinshasa, lorsque les obus de la force publique congolaise ont échoué de l’autre côté du fleuve Congo, au cours des affrontements armés du 5 juin 1997.
Depuis la fin des hostilités, entre camps congolais rentrés en conflit, des voix de portées locale et internationale s’élèvent, au nom de l’apaisement au Congo-Brazzaville et aux fins d’obtenir des autorités nationales qu’elles fassent preuve de tolérance.
Des voix qui exigent du Président Sassou Nguesso, par le biais de l’amnistie générale ou de la grâce présidentielle, l’effacement des condamnations pour faits de guerre ou autres infractions, s’il en existe, liées à l’exercice du pouvoir, sous le mandat précédent du Président Pascal Lissouba.
Aux lendemains du scrutin présidentiel congolais de 2016, reprise, à l’identique de ces exigences pour demander la remise en liberté de Jean Marie Michel Mokoko, André Okombi Salissa, concurrents du Président Sassou Nguesso auxdites élections et de leurs compagnons d’infortune, incarcérés dans les prisons du pays.
Aussi bien pour les condamnés du régime du Président Pascal Lissouba dont l’ancien Ministre des Hydrocarbures, Benoit Koukébéné reste la figure dominante que pour les détenus des suites de l’après présidentielle de 2016, le pouvoir de Brazzaville demeure insensible à l’exigence de leur libération.
La tolérance, une vertu qui facilite l’apaisement dans le pays et contribue à substituer une culture de paix à une culture de guerre, semble ne pas préoccuper, outre mesure, les autorités, pour les cas cités.
Et, pourtant, la tolérance n’est ni une concession, ni une condescendance, encore moins une complaisance. Elle n’est pas le laisser faire, le laxisme. N’est pas signe de faiblesse. Mais, une qualité supérieure, d’autant qu’elle accepte l’altérité de l’autre.
Pratiquer la tolérance, ce n’est ni tolérer l’injustice sociale, ni renoncer à ses propres convictions, ni faire concession à cet égard. C’est l’acceptation par les dirigeants du Congo- Brazzaville du fait que tous les citoyens de la République ont le droit de vivre en paix, à l’abri d’injustes tracasseries, et d’être tels qu’ils sont, avec leurs opinions, aussi différentes soient elles de celles du pouvoir.
Autant les autorités congolaises ont une obligation de tolérance à faire prévaloir, autant la cohésion nationale est nécessaire pour préserver la paix civile et conforter l’apaisement dans le pays, face aux déchirures ethnocentriques et autres velléités de partition qui menacent la nation.
Sans consolider l’unité nationale et sans développer plus encore le sentiment d’appartenance à une nation commune par des gestes forts, à l’image de ceux posés par le Président ivoirien Alassane Ouattara, il ne sera jamais atteint, au Congo-Brazzaville, le renforcement des valeurs communes s’imposant comme des paramètres essentiels du progrès dans le pays.
Rien n’est aussi dangereux, pour les autorités congolaises, que la certitude d’avoir raison, sur toute la ligne, dans les dossiers Philippe Bikinkinta, Benoit Koukébéné, Jean Marie Michel Mokoko, André Okombi Salissa. Des dossiers auxquels s’ajoutent ceux des défunts Nguila Mougounga Kombo et autre Yves Ibala.
Ce sont là, des personnalités politiques, pour celles qui sont en vie, dont les dirigeants congolais privent de liberté, pour des chemises judiciaires aux accents controversés pour l’opinion nationale et internationale.
Et, bien plus, rien, par ailleurs, ne cause autant de destruction, au sein de la nation congolaise, que l’obsession par les autorités d’une vérité considérée comme absolue sur laquelle celles-ci ne voudraient entendre de son contraire.
Philippe Bikinkinta,
Te voilà parti, condamné. Dans ta tombe, condamné tu le demeureras. Une salissure sur ta mémoire d’officier noble et sur les loyaux services rendus à ton pays.
Que la force de ton esprit et le sacrifice de ton exil injustifié soient le canal et l’effet d’entraînement par lesquels Benoit Koukébéné, Jean Marie Michel Mokoko, André Okombi Salissa recouvrent la liberté.
Viendra, alors, pour toi, le temps d’effacement posthume de ta peine.
Repose, en paix, Philippe.
Puisse ta famille trouver, ici, dans la dure épreuve qu’elle traverse, l’expression de mes condoléances les plus attristées et la traduction de ma solidarité.
Ouabari Mariotti
Paris, le 22 août 2021
Aimons-nous vivants et laissons les morts pleurer les morts.
Consacrons la vie et non la mort.
Les Congolais que nous sommes, nous nous mobilisons pour les cotisations mortuaires. Lorsqu’il s’agit de se mobiliser pour les vivants, il n’ y a plus grand monde.
Les Congolais que nous sommes braillons beaucoup sur les réseaux sociaux contre la dictature de Sassou, mais lorsqu’il s’agit d’aider des patriotes qui se battent sur le terrain, chacun trouve une bonne raison de ne pas y participer.
Lorsqu’on ne prétexte pas le décès d’un parent, on accuse sans preuve de la connivence de certains patriotes avec le pouvoir, comme si, dans nos canapés et devant nos ordinateurs, nous ferons partir Sassou et son système.
Nous avons une occasion de participer à une collecte de fonds pour soutenir des frères, alors, faisons-le.
On accède aux sites d’informations du Congo Brazzaville gratuitement, sans savoir que le traitement de l’information a un coup financier.
N’attendons pas seulement la mort pour être solidaire.
Merci à tous ceux qui ont déjà participé à la collecte de fonds pour les frères DONGUI-GANGA, ALEX DZABANA et JEAN-LOUIS PAKA.
Cliquer sur ce lien pour votre contribution http://congo-liberty.com/?p=26437
Mingwa BIANGO
C’est très triste ya philo c’est mon ainé, comme on l’aimait l’appeler à Moungali , j’ai joué au foot avec lui aussi notre regretté frère Loutounou Noël . Comme disait le philosophe Alain ,une nation c’est une volonté de vivre ensemble . Or dans notre pays Sassou Dénis a monté un système Mbochi qui permet le crime et qui exclu les kongo , car l’autre génocide c’est privé l’argent du pétrole aux kongo .Sauf une douzaine des kongo qui brillent par leurs médiocrités abyssale , accompagnons ce fou furieux Mbochi.