Congo-Brazzaville: Les dés pipés d’une concertation.

C’est un truisme de dire que le Congo est un pays béni des Dieux avec des ressources naturelles abondantes, c’en est un autre de  se résoudre à accepter qu’on y trouve sans conteste,  l’opposition la plus sclérosée d’Afrique. Au moment où l’Histoire lui tend une main généreuse à travers la vague d’indignation qui secoue actuellement le monde occidental, l’opposition congolaise, essoufflée par une espèce d’incapacité   à s’organiser, est assujettie à la conduite des affaires que lui impose le pouvoir.

Le Congo est au tournant de son histoire, il est donc de bon ton de révéler le caractère cauteleux de la «  concertation » qui se concocte dans les officines du pouvoir de Brazzaville. Ce marché de dupes n’attire que les opposants véreux qui rivalisent d’imagination pour garantir leur place à la mangeoire. Ces pseudos opposants, aux rêves si facilement monnayables, mais surtout, si prompts à marchander leur conviction étalent leur cupidité dans toute son horreur. Ces retrouvailles lugubres, aux allures d’un authentique complot contre le peuple, seront d’autant plus teintées de laideur morale que se touilleront dans le chaudron du diable des mots complicité, achat de conscience et prostitution politique. Un mélange indigeste pour un peuple atterré par les frasques d’un clan sans foi ni loi.

Raymond MBOULOU, le ministre congolais de l’administration du territoire et de la décentralisation, au service de son Maître , et qui a toujours menti comme un arracheur de dents, ne peut aucunement se muer en interlocuteur crédible, au regard des grands enjeux électoraux à venir. Une opposition qui sait prendre ses responsabilités devrait,  autant que faire se peut, faire plier le régime en place, afin de concevoir de manière consensuelle, les conditions d’une concurrence ouverte pour le pouvoir et qui soient compatibles avec le respect et la promotion de tous les droits de la personne humaine : civils, politiques, culturels, économiques et sociaux.

Lors des dernières législatives, redoutant un raz de marrée des députés de l’opposition dans l’hémicycle, le satrape d’Oyo avait déjà donné le ton : « Je ne veux pas de ces gens dans mon assemblée » répétait-il avec emphase. Dit autrement, à contresens du choix et des intérêts du peuple, il s’arrogeait le droit de nommer les parlementaires en fonction de leur degré de soumission et nul ne s’y opposerait, tant, son pouvoir est absolu, détenant ipso facto entre ses mains, le pouvoir de défaire des vies, d’en fabriquer, d’ordonnancer même la mort et de l’administrer. En réalité, les futures élections législatives sont sans enjeu pour Sassou. Quelle que soit la couleur politique des députés, l’Homme fort du Congo ne court aucun risque de ballottage; sa constitution de 2002, taillée sur mesure ne prévoit ni cohabitation, ni démission. Les dés sont véritablement pipés !!

Au Congo, Sassou et son clan jouent  une partition aisée alors que l’opposition est complètement désemparée, faute d’un projet politique fédérateur. Contre toute attente, on observe une  ruée vers la mangeoire de Mpila, et ceux qui sont censés incarner une véritable alternance rivalisent de médiocrité et d’amateurisme. Or, conquérir un pouvoir ou s’y maintenir, comme on l’a expliqué à maintes occasions, est forcement une question de gestion des rapports de force. Cette gestion repose, sous d’autres  cieux, sur des valeurs qui fondent l’universalité de sa pratique et de son ancrage au sein de la population.

L’argument qui consiste à dire que l’on souhaite changer les choses du dedans ne prend plus. Seuls ceux qui l’avancent font encore semblant d’y croire, le reste des citoyens a été depuis longtemps édifié sur ces questions. Conséquence, on est en pleine crise de confiance entre ceux qui sont guidés  par le boukoutage éhonté et la partie de l’opposition susceptible d’incarner une véritable alternance. Cette dernière  subit des réguliers coups de  boutoirs de la part du pouvoir  au point qu’elle s’amenuise chaque jour comme une peau de chagrin.

Sans modification de rapport de force, qui cristalliserait toute la fureur de la rue congolaise, il serait illusoire de s’attendre à la mise en place d’un dialogue bipartite aux fins de réviser les listes électorales par le biais d’un recensement objectif du corps électoral. On gommerait ainsi tous les tripatouillages confectionnés en 2009, qui contribuèrent à la réalisation du hold up électoral. En dépit d’énormes sommes d’argent indûment mises au service de la communication de Sassou, avec les résultats d’un recensement qui défient toute la logique mathématique, personne n’est capable de nous expliquer comment des districts comme Ollombo avec une population générale évaluée à 21277habitants peut –il se retrouver avec un corps électoral estimé à 25755 électeurs ? ou le district de MPouya avec 9284 habitants peut-il avoir un corps électoral estimé à 9178 électeurs ?.

Chaque jour, les raisons du ras-le-bol s’amoncellent dans la gibecière des indignés congolais. De l’arrestation et la détention arbitraire du Jeune Amédée Deleau Louemba, en passant par le pillage systématique des recettes pétrolières au seul profil du clan, sans oublier la dégradation des conditions de vie du congolais lambda, les tenants de ce pouvoir s’acharnent à ôter cette lueur d’espoir jamais concrétisée en raison de leur facétie et de leur morgue. Ils sont absorbés par la versatilité, la mondanité et l’excès de confiance, mais surtout enivrés par des recettes pétrolières abondantes.

Comme partout ailleurs, le mot indignation fait liesse, le concept fait florès, la scansion fait promesse. Il ne fallait plus s’appuyer sur les partis politiques- frappés d’une intrinsèque incapacité à créer un véritable rapport de force- pour faire aboutir leurs revendications.

Qu’ils soient baptisés « indignés » ou non, leur contestation sous forme d’occupation s’étend bien au-delà des rives de la Méditerranée. Du mouvement « Y’en a marre ! » au Sénégal notamment porté par les rappeurs Thiat et Sidy Cissokho à celui « du 15 mai » en Espagne rallié au chant des Républicains espagnols de 1936, No nos moveran (« Ils ne nous feront pas bouger ! »), les insurgés de notre monde globalisé prennent bien garde à ne pas être récupérés.

« Le mouvement du 1712 », qui est la traduction congolaise de cette indignation entend se situer dans le sillon tracé par les acteurs du « printemps » arabe et des autres mouvements des « indignés ». L’action de ce mouvement n’aura de sens que si elle devenait le point de départ d’une véritable révolution qui ébranlerait ce pouvoir despotique.

Comme à la veille de la CNS en 1992, nous avons un contexte qui sied à un vrai dialogue entre fils et filles de ce pays. Une occasion où on se parlerait franchement, sans langue de bois, pour réaliser de façon concertée un véritable audit du Congo. En dépit des exponentielles recettes pétrolières, «  l’indice de pauvreté multidimensionnelle » ( IPM), indique que les Congolais vivaient mieux dans les années 70 qu’aujourd’hui, ce qui traduit la dimension du désaveu et, ceux qui s’accrochent encore à ce pouvoir ont tout faux. Le monde change, les acteurs mêmement. Sous Sassou NGuesso, le Congo connaît vingt sept années d’un pouvoir liberticide, inégalitaire et boulimique qui a fini par réveiller soudain la conscience des congolais pressurés et foudroyés par l’onde de choc des promesses non tenues, remplacées par des projets mal ficelés, quitte à sacrifier le destin de tout un peuple plongé dans la précarité. Espérons que ce peuple réveillé ne sera plus rendormi et réussira à contourner la grande supercherie que lui prépare, une fois de plus, ce pouvoir en organisant de façon unilatérale les élections futures, alors qu’aucune condition de transparence n’est garantie.

En réalité, il convient de briser l’aboulie et rétablir un climat de confiance  qui  casserait cette logique de non démocratie générée par la monopolisation du pouvoir par le PCT et  arriver à une dévolution du pouvoir digne des nations modernes. Nous sommes en face d’un pouvoir qui n’a aucune ambition noble pour le pays, il revient donc à tous les congolais de concevoir  un dispositif qui mettrait en avant l’alternance comme  moyen assurant la continuité de l’Etat.. Afin de mettre définitivement le peuple à l’abri des affres d’une indigence provoquée par le pouvoir et éviter les bégaiements de l’Histoire à chaque alternance, ce dispositif devra être conçu de manière consensuelle.

Au delà des vraies tractations susceptibles de préparer des consultations crédibles et transparentes, il faut se projeter dans la gestion des conditions de l’éviction de toute l’équipe dirigeante. Le Congo trouverait ainsi l’occasion de pansement des blessures d’un peuple broyé par la mauvaise foi d’un régime cupide, tyrannique, dénaturé et infecté par des transfuges éhontés. L’ampleur du désappointement de ce peuple en quête d’équité, de justice et de liberté n’avait jamais autant atteint son paroxysme. En jouant le pourrissement, Sassou et son clan courent le risque d’être désavoués et défenestrés par le réveil brusque d’un peuple prétendu fataliste, longtemps grugé, humilié et opprimé.

 

Djess Dia Moungouassi : « La plume libre au service du peuple »

Membre du cercle de Réflexion LA RUPTURE

Le Blog de Djess

http://demainlecongo.kazeo.com

 

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