Congo-B : LA SOLIDARITE D’ABORD, par Jean Claude Beri

Les congolaises et congolais sont choqués par le drame qui vient d’avoir lieu à Mpila. Il serait indécent de notre part de profiter de cette situation dramatique de faire des récriminations. Nous présentons avant tout nos condoléances à toutes les familles de nos compatriotes éprouvés dans ce terrible et effroyable accident. De même, il serait injuste intellectuellement et certes pas du tout prématuré de ne pas se poser des questions adéquates relatives à ce drame. Loin de nous toute polémique stérile qui n’a pas d’ailleurs sa place dans les circonstances actuelles. Comment une poudrière militaire située en pleine zone urbaine peut-elle contenir une quantité aussi élevée de munitions ? Toutefois, comment peut-on admettre que les procédures de sécurité puissent être aussi défaillantes dans une caserne blindée se situant dans une zone urbaine ? Le problème de la délocalisation des casernes hors du périmètre urbain fut posé à l’époque du président Marien Ngouabi et le ministre de la défense nationale était Denis Sassou Nguesso. Cette problématique déjà soulevée, pourquoi cette lenteur dans l’exécution?

Le Congo n’est pas doté d’une politique de gestion des catastrophes

Le drame du 04 mars 2012 à Mpila, comme bien d’autres antérieurement, l’inorganisation des secours et l’accueil des blessés dans les hôpitaux, prouvent une fois de plus avec regret que le Congo n’a toujours pas un plan local et national de gestion de catastrophes naturelles (1). Un plan d’organisation des secours (ORSEC) dans nos villes est inexistant. De même, il est inconcevable de continuer à accepter qu’à Ouenzé et à Talangaï, qu’il n’y ait pas de points d’eau tels que réservoirs et borne à incendie ?

Nos villes s’étant agrandies, le gouvernement et les maires doivent décentraliser les casernes des sapeurs-pompiers et les équiper des engins adéquats de lutte contre les incendies. Ce qui implique la gestion du risque dans nos villes.

A ces problématiques qui méritent une réponse convaincante pour rassurer les populations, il conviendrait de s’interroger sur la crédibilité des ministres de la défense et de la sécurité dans leur honteuse défaillance de gestion de cette crise. A 8 h 52, il y avait déjà plus de 100 morts et des centaines de blessés. Nos deux responsables du gouvernement n’annonçaient à 12 h que deux blessés s’appuyant sur des informations reçues de leurs experts sur le terrain. C’est inadmissible !!! De quels experts nous parle-t-on ? Pourquoi ces deux ministres ont attendu le lendemain pour se rendre sur le lieu du sinistre ? Ne s’étant pas déplacés sur le lieu de l’explosion, pour s’enquérir personnellement de la situation, au lieu de venir faire des déclarations qui discréditent la nation entière devant des milliers d’observateurs étrangers, qui eux détenaient déjà des informations fiables ? Pendant ce temps le peuple succombait sous des obus meurtriers. C’est vraiment lamentable. Il est évident que la responsabilité du pouvoir est engagée à plusieurs niveaux. D’abord sur les causes prévisibles du sinistre, ensuite sur l’absence totale de consignes d’évacuation des populations  alors que le sinistre a duré toute la matinée, les carences dans la prise en charge médicale des victimes et enfin l’absence d’une politique d’intervention urgente et préventive de protection des populations civiles, un plan national de prévention des catastrophes(2), comme nous l’avons déjà signifié dans nos colonnes ici depuis des mois. Dans d’autres cieux ces erreurs impardonnables mériteraient un limogeage des ministres concernés.

L’absence d’un plan de secours au Congo

Ce gouvernement n’a tiré aucun enseignement des évènements de juin 1997. De même, il serait insuffisant que M. Denis Sassou Nguesso limite son action par la simple convocation d’un conseil de ministres. S’il existait un plan de gestion des catastrophes, le gouvernement aurait dû installer au moins deux hôpitaux de campagne sur le boulevard des armées ou aux alentours du stade Alphonse Massamba-Débat afin d’administrer les premiers soins aux blessés et orienter les cas les plus graves au CHU et à l’hôpital des armées.

Un politologue congolais a dit avec circonspection :« …Ce deuil passé, je demande avec humilité au Président de la République de considérer que seule une Concertation Nationale sans Exclusive permettra à notre pays de panser ses plaies. La vanité de croire que l’on détient, tout seul, la solution du bien être collectif nous conduira à des drames encore plus graves et incompréhensibles.

J’exhorte M. Denis Sassou-Nguesso à se départir de son orgueil et à privilégier l’intérêt national parce qu’aucun projet viable ne sortira d’un pays miné par des ressentiments politiques et les injustices. » (3)

 

La solidarité d’abord

 

Toutefois au-delà des mesures d’aides qu’apporte le gouvernement aux blessés et aux sinistrés,  il serait utile de rassurer les populations sur les mesures envisagées de dédommagements. Beaucoup de familles ont perdu leurs parents, le bilan provisoire est de plus 200 morts, des centaines de disparus et plus de 3000 personnes sans abris. C’est énorme pour que les responsabilités du gouvernement puissent être occultées. Le plus haut responsable du pays s’est engagé sur la prise en charge de tous les blessés, c’est la moindre des choses en espérant que cette fois-ci les promesses seront tenues.

Tout de même, nous sommes en droit d’exiger non seulement que les responsabilités soient clairement établies mais surtout que les sanctions soient à la hauteur du drame et ensuite, suivront les dédommagements. Si on a assez des milliards pour acheter autant d’armes pour, semble t-il, protéger ces mêmes populations, il nous parait logique qu’on puisse dépenser autant, sinon plus, pour aider les compatriotes sinistrés à se reconstruire, à recommencer une nouvelle vie. Ce qui est arrivé, sans de se tromper de jugement, est imputable à l’état congolais dans son incompétence, son laxisme, dans sa poursuite des politiques incohérentes. Ces structures sensibles qui méritent plus d’attention et de rigueur ne doivent jamais être maintenues dans les zones à forte densité urbaine. Cet accident qu’on aurait sans doute évité nous montre, encore une fois de plus, le désintéressement au Congo des politiques prévisionnelles à cout, moyen et long terme.

 

Le système de santé au Congo frise l’embolie

 

La prédominance de l’inexemplarité au sommet de l’état n’est pas tolérable et ne doit pas être érigé en mode de gestion du pays. Le silence coupable des ministres, des députés, des directeurs généraux et autres responsables d’État prouvent leur suivisme absurde d’un idéal mercantile et protectionniste d’un pouvoir moribond et inhumain. (4)

Il est absurde de constater que Brazzaville et Pointe-Noire ne sont pas dotés des entrepôts publics de stocks d’urgence afin d’assurer l’approvisionnement en cas de catastrophe en tout genre. (5)

Qui peut encore douter que l’État congolais est présentement, le reflet de ces personnes qui pendent des lois et des décrets incohérents, sans aucune prévision du court, moyen et long terme sans états d’âme pour assouvir des ambitions contraires à la volonté du peuple. Comment concevoir qu’avec un budget de 3005 milliards de F.CFA pour l’exercice 2012 que le gouvernement manque des ambulances, des tentes, des médicaments dans les hôpitaux et peine à soigner correctement les blessés ? A quand des hôpitaux modernes qui seront bien gérés par des professionnels compétents et non des mouroirs sanitaires au Congo-Brazzaville ?

Dans un état qui se veut être moderne, il ne doit pas être fait droit à une gestion approximative de l’à-peu-près et ne doit pas être géré par des slogans pieux du genre : « La santé pour tous en 2012 »

Notre cri de solidarité de ce jour est que ces hommes rendent aux congolais le peu de dignité, de fierté qui leur reste. Que la solidarité s’articule autour de ces enfants innocents et ces jeunes sinistrés.

Nous exigeons que les responsables favorisent l’élan patriotique inhérent aux valeurs humanistes et de solidarité du Congo profond de nos ancêtres. Que cet élan de solidarité s’inscrive dans un esprit de partage dans l’unité patriotique car la souffrance actuelle de tout un peuple est loin d’être sélective. Elle doit se traduire par la communion de toutes les filles et tous les fils du pays en convergeant nos efforts vers les lieux du sinistre pour participer comme un seul homme à la recherche, à l’aide et au secours. Cette leçon d’entraide, nous devons de nous la donner dans les moments difficiles. C’est cela la vraie solidarité des congolais que nous sommes.

 

Jean-Claude BERI,

Contact@dac-presse.com

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(1)et(2) Congo-Brazzaville: l’urgence d’une politique de prévention des catastrophes naturelles

(3) Marion Michel Madzimba Ehouango : Message à M. Denis Sassou Nguesso

(4) Congo-Brazzaville : Changeons le système politique actuel

(5) Les entrepôts de stocks d’urgence doivent contenir les fournitures suivantes :

* des trousses d’hygiène;

* des denrées alimentaires non périssables;

* des tentes, matelas et moustiquaires;

* du matériel de traitement de l’eau…


 

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