CESSONS DE FAIRE DU PRÉSIDENT YOULOU, LE BOUC ÉMISSAIRE DES ÉVÉNEMENTS DE 1959.

Par Dieudonné ANTOINE-GANGA.

Depuis un certain temps, une cabale est montée contre le Président Abbé Fulbert Youlou. D’aucuns le présentent comme « le faiseur d’un coup d’état constitutionnel en 1959 » ; d’autres le présentent comme « un dirigeant très déstabilisateur du régime, surtout qu’Opangault ne disposait qu’une voix de majorité. » ; d’autres encore voient en lui, « le promoteur ou l’initiateur des émeutes de 1959 entre les militants de l’UDDIA, le parti du Président Abbé Fulbert Youlou et ceux du MSA, parti du Vice-Président Jacques Opangault. »   L’on oublie sciemment et souvent, peut-être, par malhonnêteté intellectuelle qu’il y eut à la veille de la proclamation de la République du Congo beaucoup d’acteurs politiques : Félix Tchicaya, Fulbert Youlou, Jacques Opangault, Simon Pierre Kikounghat-Ngot, Stéphane Tchitchelle, Pierre Goura, Victor Sathoud, Emmanuel Damongo Dadet, Apollinaire Bazinga etc. L’on oublie aussi de dire la vérité sur les événements de 1959. Que s’était-il passé en réalité en 1959 ?

En 1959, l’UDDIA, le parti de l’Abbé Fulbert Youlou accéda au pouvoir à la suite de la politique de la chaise vide appliquée par le MSA, le parti de M. Jacques Opangault ; ce qui fut une erreur politique et fatale pour ce dernier. Il faut le reconnaître. Car la politique de la chaise vide n’est pas payante. En effet, du 25 au 30 novembre 1958, les dirigeants des partis politiques, des organisations syndicales et du Conseil du gouvernement de coalition, se retrouvèrent à Pointe-Noire, capitale du Moyen-Congo, pour se mettre d’accord sur la nouvelle forme des institutions à mettre en place. Les uns et les autres, en l’occurrence ceux des deux principaux partis, l’UDDIA et le MSA n’arrivèrent pas à s’entendre. Au plus fort de la discussion, un député du MSA, M. Yambot, annonça son passage à l’UDDIA. Après quelques échanges houleux, les députés du MSA quittèrent la salle, laissant la place libre à leurs collègues de la majorité UDDIA qui se mirent immédiatement au travail pour voter une constitution qui leur était favorable. Une nouvelle organisation du gouvernement fut mise donc sur pied. M. Jacques Opangault, alors premier ministre, fut remplacé par l’Abbé Fulbert Youlou. Puisque Pointe-Noire, ville originaire de M. Félix Tchicaya, l’allié de M. Jacques Opangault, était hostile au nouveau gouvernement de M. l’Abbé Fulbert Youlou, les députés de l’UDDIA décidèrent le transfert du siège de l’Assemblée à Brazzaville, destination vers laquelle ils se rendirent immédiatement.

En 1959, pour éviter que l’UDDIA ne s’organisât au pouvoir et ne consolidât sa situation dans le pays, le MSA réclama en vain la dissolution de l’Assemblée et l’organisation de nouvelles élections législatives. Entre temps, les militants du MSA et du PPC incités par quelques députés dont M. Pouy, lancèrent des appels réitérés à la guerre civile et sortirent un tract dans lequel ils déclarèrent « le larisme insolent et envahissant. »  Des émeutes éclatèrent alors, tant à Bacongo qu’à Poto-Poto entre les militants de l’UDDIA et du MSA-PPC., et non entre Bakongos et Mbochis, comme on le raconte. Des pillages et des viols furent enregistrés. Le bilan de ces émeutes se présenta comme suit : plus de 100 morts, 177 blessés et 350 maisons détruites. Le Président Abbé Fulbert Youlou, le Vice-Président Jacques Opangault, M. Stéphane Tchitchelle et leurs collègues, en grands patriotes, avaient pu faire preuve de dépassement dans l’intérêt du pays et des populations congolaises. Le Congo et les populations congolaises connurent une ère de paix. La preuve : les nouvelles élections présidentielles de 1961 au cours desquelles l’Abbé Fulbert Youlou, candidat unique, fut élu Président de la République, se déroulèrent sans incident. Le Président Fulbert Youlou et le Vice-Président Jacques Opangault donnèrent la priorité au Congo. Qu’on se le dise, une fois pour toutes. Ils n’incitèrent point à la guerre civile. Ils comprirent que construire ensemble notre pays était un défi qui devait aller au-delà de leurs propres frustrations, de leurs propres échecs, de leurs propres haines de leurs propres deuils. Pour sa part le président Fulbert Youlou déclara au lendemain de l’indépendance de notre pays : « Notre nation s’est faite dans l’harmonie et la concorde mutuelle, unissant le Nord et le Sud, l’Est et l’ouest du pays dans un même idéal de paix, de prospérité et de progrès. Ce qui a été construit, ce qui a été atteint n’a pu l’être que grâce à vous, qui vous êtes montrés les artisans infatigables d’une œuvre commune si digne d’être tentée. Mais la construction d’un pays est une création continue. Il n’est point de pause et le progrès nécessite un effort sans cesse renouvelé. Sachons nous convaincre qu’un État comme celui dont nous rêvons, où chacun trouvera de justes possibilités d’épanouissement, un État moderne ne peut s’édifier sans le concours actif de chacun – oui de chacun de ses habitants. Qui que nous soyons, quelle que soit notre place dans la nation, ayons donc la fierté, par notre travail, notre discipline et notre civisme, d’apporter, dans la paix sociale et l’Union Nationale, notre pierre à l’édifice commun. »  C’est le cas d’affirmer donc ici haut et fort que le Président Abbé Fulbert Youlou, le Vice-Président Jacques Opangault n’étaient pas d’aigris et de revanchards. Ils étaient des hommes supérieurs, c’est-à-dire pour paraphraser Confucius « ceux qui d’abord ont mis leurs paroles en pratique, ensuite ont parlé conformément à leurs actions, ont eu une bienveillance égale pour tous et qui ont été enfin sans égoïsme et sans particularité. »

Au lieu de jeter toujours l’opprobre sur le Président Abbé Fulbert Youlou, pour camoufler nos échecs, nous les intellectuels, les cadres, les ouvriers, les paysans, la classe politique et tout le peuple, sachons que nous avons l’obligation historique de réparer les dommages que nos actions immodérées ont causé au pays, depuis 1963, c’est-à-dire depuis sa démission. « Un intellectuel a pour mission de réfléchir, d’analyser et, s’il est conséquent envers lui-même, de proposer des solutions aux problèmes de la société. Lorsque certaines personnes se livrent à une analyse fallacieuse, celle-ci prend rapidement la forme d’une idée fixe. » dixit le Président Pascal Lissouba. Nous les intellectuels, nos place et rôle dans l’histoire du pays en dépendent. Il revient, principalement aux autorités actuelles de notre pays et secondairement aux autres dirigeants ou acteurs politiques, de prendre les nécessaires initiatives dans ce sens et surtout de prendre compte essentiellement les intérêts de nos populations qui aspirent à la paix, à la sécurité et au bien-être social.  Il est temps de passer de la violence au dialogue, de la domination au service, du profit à la solidarité, de l’exploitation à la justice, de l’oppression à la liberté, du mensonge à la vérité. Cessons d’être des malhonnêtes qui fabriquent leur propre morale, qui cherchent toujours à établir avec les autres des rapports de supériorité. Eux peuvent savoir, pas les autres Or, le non – respect d’autrui ressemble au non – respect de soi-même, le principe d’une existence étant de ne pas rougir de soi. Cessons enfin de toujours fouiller dans la poubelle du Président Abbé Fulbert Youlou, qui est certainement moins puante. Si l’on se mettait à fouiller les nôtres, qui peut nous assurer qu’elles seraient moins puantes que la sienne ? Il y a tellement eu dans notre pays, d’événements depuis le 15 aout 1963, date de la démission du Président Abbé Fulbert Youlou…

 La profondeur de la déchirure du tissu national congolais encore en construction, l’importance des destructions tant sur le plan humain que matériel et la gravité des traumatismes etc. doivent nous inciter les voies pour créer un climat politique apaisé et surtout de nous permettre de bannir l’exclusion, la calomnie, la méfiance et toutes formes de discrimination aux fins de vivre de nouveau ensemble, dans l’acceptation de notre enrichissante diversité culturelle, politique et religieuse, de promouvoir la confiance réciproque entre les principaux acteurs de la vie politique nationale par la neutralisation des principales causes de tension et d’affrontement à travers une véritable gestion transparente et démocratique de notre cher et beau pays. Oublions ce qui nous divise, soyons plus unis que jamais, et vivons pour notre devise : Unité-Travail-Progrès.

Dieudonné ANTOINE-GANGA

Source : La Semaine Africaine N°3948 du vendredi 24 janvier 2020

FILM INTÉGRAL – TABLE RONDE SUR LA JUSTICE TRANSITIONNELLE AU CONGO-BRAZZAVILLE : Justice pénal pour les crimes de sang ; Fin de l’impunité ; Non à la vengeance ; Réparation pour les victimes ; Réconciliation et refondation du Congo-Brazzaville…

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6 réponses à CESSONS DE FAIRE DU PRÉSIDENT YOULOU, LE BOUC ÉMISSAIRE DES ÉVÉNEMENTS DE 1959.

  1. Felix BANKOUNDA MELE dit :

    Un discours honnête et digne. Ce n’est pas très courant, hélas, auprès de nombreux Congolais. Et l’on comprend pourquoi l’accessoire a fini par prendre le dessus sur l’essentiel, le circonstanciel sur le pérenne, le sentiment sur le rationnel, le particulier sur le collectif, le village et la région sur l’État, les stratégies mercantiles sur la restauration démocratique au pays. Si les tendances sur ces paramètres étaient inversées, aucun dictateur, aucune organisation politique, aucune puissance étrangère ne manipuleraient les Congolais ou ne joueraient de leur avenir. Vivement la prise de conscience, dans l’intérêt de tous et, surtout, des générations futures…

  2. mpaty dit :

    Rendre possible ce que suggere ce discours, c’est a dire ramener l’amour et la comprehension au sein du peuple congolais, voudra que l’on passe necessairement par une phase essentielle : les retrouvailles des enfants du pays. C’est au cours de cet evenement que l’on pourra, sereinement , avec intelligence et sans se presser, mettre a jour ce qui n’a pas marche dans le Congo et par consequent proposer la nouvelle voie a suivre pour les decades a venir. Cet evenement, ou sa suite logique (transition) prendra le temps que ca prendra; nous ne sifflerons pas sa fin tant tous les dossiers ne seront pas epuises. Cela voudra dire que, pas un seul parti politique n’osera influencer son deroulement. Cela suppose que TOUS les enfants intelligents du pays sont appeles a apporter leur contribution. Ne faisons pas la politique de la chaise, car la NATURE A TOUJOURS EU HORREUR DU VIDE. On le regretterait par la suite.

  3. Maître Rudy mbemba dit :

    Maître Rudy MBEMBA Avocat de l’abbé Fulbert à titre posthume valide ce texte qui s’accorde avec son ouvrage « Plaidoirie pour l’abbé Fulbert YOULOU » publié aux éditions l’Harmattan en 2009.

    Il était temps de présenter les faits historiques ayant ensanglanté le Congo-Brazzaville en 1959 de la manière la plus juste qui soit d’autant plus que chez les BANTOUS, de toutes les lois qui concourent au maintien du tissu social, la justice reste la loi suprême. Ce n’est pas la démocratie mais la justice qui, par ailleurs est plus proche de la vérité que la démocratie. C’est ainsi que, le KIMUNTU est, par essence l’illustration même chez les BANTOUS de la JUSTICE.

  4. Malanda ma koumbi dit :

    La donne a changé. Aujourd’hui entre les Ngalas et les Kongos les choses se passent très mal. Le comportement de nos frères Ngalas d’aujourd’hui ne milite pas pour continuer à vivre dans un même ensemble.

  5. Anonyme dit :

    Ce ne sont pas nos frères et ça n’a jamais été nos frères

  6. Malanda ma koumbi dit :

    La cohabitation Ngalas et Kongos dans un même ensemble est à revoir. Les Kongos et les Ngalas n’ont pas les mêmes valeurs.
    On ne peut plus continuer dans la même direction.
    Les réflexions doivent commencer.

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