Centrafrique : les en-dessous des récentes violences intercommunautaires à Bangui

BANGUI, 6 juin

Le mardi 31 mai dernier, la découverte de corps deux mineurs centrafricains de 4 et 5 ans dans le coffre de la voiture d’un sujet musulman d’origine tchadienne, a créé un affrontement entre chrétiens et musulmans à Bangui, capitale de la République centrafricaine, faisant 11 morts et des dizaines de blessés dans les deux camps.

Les dégâts matériels ont été considérables. Véhicules, maisons et mosquées ont été brûlées, saccagées et pillées, de sorte que l’ on s’interroge comment l’assassinat de deux enfants pouvait provoquer des violences d’une telle ampleur entre les musulmans d’ origine tchadienne et les chrétiens.

Pour certains observateurs, l’événement du 31 mai est « la goûte d’eau qui a fait déborder le vase » à cause des enjeux économiques et politiques. Au KM5, le quartier où l’événement s’est déroulé, le petit commerce est surtout tenu par des sujets tchadiens, ce qui frustre les autochtones. Politiques à cause de la présence des Tchadiens dans l’armée nationale.

Le quartier populaire KM5 comporte une forte communauté musulmane composée de Maliens, Nigériens, Sénégalais, spécialisés dans la bijouterie et l’artisanat, des nigérians dans la vente des pièces détachées des bicyclettes et des véhicules et, le tout dominée par une forte colonie tchadienne spécialisée dans la vente des friperies. Mais seuls les Tchadiens ont été visés par ce soulèvement.

« Vous voyez, tous ces kiosques appartenaient aux Centrafricains, mais ils les ont tous revendus aux Tchadiens. Dans le marché, ce sont eux qui contrôlent tout, les balles de friperies de vêtements ou de chaussures, ils nous les vendent trop chers malgré qu’ils sont chez nous », affirme un jeune vendeur à la sauvette rencontré au KM5.

A la question de savoir qui empêchait les Centrafricains de faire du commerce, les jeunes pensent que les autorités du pays facilitent plus les conditions d’installation aux étrangers qu’aux nationaux. Ils accusent aussi les musulmans d’observer des pratiques occultes qui les empêcheraient d’évoluer dans leurs initiatives.

Cette situation crée une frustration au sein de la population. Lorsqu’il y a un malentendu et que les sujets musulmans n’ouvrent pas les magasins, la population connaît à priori une crise. Les produits de première nécessité deviennent rares et chers.

Selon Dr Kpamo, les Centrafricains et les Tchadiens ont eu le destin lié depuis la création de l’Afrique Equatoriale Française ( AEF) en 1910 avec l’appellation de l’AEF Oubangui Chari-Tchad.

Dans ce contexte, on peut compter trois phases décisives de l’ arrivée des Tchadiens en Centrafrique. D’abord ceux de l’AEF à l’ époque coloniale. Ensuite il y a des rebelles pourchassés par le régime d’Hussein Habré arrivés à Bangui dans les années 1980 et qui se sont reconvertis dans le commerce.

La dernière vague est celle de 2003, ceux qu’on appelle des  » libérateurs » et qui ont accompagné le président centrafricain François Bozizé à renverser le régime du défunt président Ange Félix Patassé 15 mars 2003.

« Jusqu’ici, nous collaborons bien avec nos frères tchadiens, mais ce sont les libérateurs qui ont gâté nos relations avec leur brutalité et leur violence », a relevé Etienne Koyambi, un quinquagénaire habitant le quartier KM5.

« Après la prise de pouvoir du président Bozizé en 2003, des sujets tchadiens sont restés dans la garde présidentielle. D’ autres sont intégrés dans l’armée nationale. Si bien que dès qu’il y a un problème, ces derniers viennent s’interposer pour venger leurs frères », a déploré un chef de quartier qui a requis l’ anonymat.

Lorsque les corps des deux enfants ont été découverts le 31 mai, c’est un lieutenant tchadien de la garde présidentielle qui est arrivé le premier sur les lieux et a tiré sur une femme, c’est ce qui a déclenché « le soulèvement antimusulman ».

Mais depuis toujours les chefs d’Etat tchadien et centrafricain ne cessent de dire que leurs deux peuples sont « condamnés à vivre ensemble ». L’idée de la mise en place d’une commission mixte de sécurité tchado-centrafricaine annoncée par les deux gouvernements semble être une des solutions pour une véritable cohabitation entre Tchadiens et Centrafricains.

Source: Radio chine internationale

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