29 Juillet 1963 : Remise de l’avant-projet du premier Plan Quinquennal de développement économique et social du Congo au Président Fulbert Youlou.

Il ya 56 ans, Victor Justin SATHOUD, en qualité de Ministre du Plan et de l’Equipement, remettait solennellement au Chef de l’Etat de l’époque l’Abbé Fulbert YOULOU, l’avant-projet du Plan quinquennal de développement économique et social du Congo.

BRAZZAVILLE 29/07/1963 – Une grande solennité a présidé samedi à la remise au Chef de l’Etat congolais de l’avant-projet du Plan quinquennal de développement économique et social du Congo par M. Victor SATHOUD, Ministre du Plan. C’est dans le grand salon d’honneur qu’a eu lieu cette cérémonie qui a été marquée par la présence du Président de l’Assemblée Nationale Marcel IBALICO, de tous les membres du gouvernement présents à Brazzaville, du Président du Conseil Economique et Social, Nicolas SONGUEMAS, de l’Inspecteur Général des Affaires Administratives, M. Jacques MALONGA, des Directeurs des services de la Santé, de la Douane, du Travail, de l’Information, de la Statistique et de M. Gilbert PONGAULT, syndicaliste.

Avant de remettre au Chef de l’Etat l’important document qui deviendra l’espoir du Congo, M. SATHOUD devait déclarer :

« Monsieur le Président de la République,

« Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

« Messieurs les Ministres et chers collègues,,

« Messieurs les Députés, Messieurs,

« C’est pour moi un insigne honneur et un agréable devoir, Monsieur le Président de la République, de vous remettre solennellement ce jour, l’avant-projet du premier Plan quinquennal de développement économique et social du Congo.

« Ce document est le fruit d’un travail collectif acharné auquel ont participé à tous les niveaux de sa réalisation, avec les représentants des pouvoirs publics, des Députés, des Administrateurs, des Syndicalistes, des Chefs d’Entreprises, bref des représentants de toutes les forces vives de la nation et de l’économie congolaise. Il a été élaboré par les commissions de préparation du Plan et a pris son aspect définitif avec la série des additions et modifications adoptées par la Commission Générale de l’Equilibre, le 23 juillet 1963. Cet avant –projet peut donc étre soumis au Gouvernement qui le présentera pour avis au Conseil Economique et Social, avant de l’inscrire à l’ordre du jour d’une session extraordinaire de l’Assemblée, préalable à la session budgétaire.

« Ses caractéristiques essentielles sont les suivantes :

  • Ligne directrice : Le premier Plan se propose de préparer l’indépendance économique du pays, grâce à la coopération loyale des initiatives privées et publiques, et à la mobilisation de toute les énergies.
  • Montant des investissements : Les investissements nouveaux atteindront un total de 50 milliards pour la période quinquennale, compte non tenu de ceux que va requérir la Société Sucrière Congolaise de Jacob, d’un montant de probable de 8 milliards. Cela correspondant à une somme de 12 500 francs CFA d’investissement net par tête et par an.

55% de ces investissements concernent le secteur de l’industrie et des services, 6% le développement de l’économie rurale (industrie agricole exclue), 18% les infrastructures, 17% l’aménagement des centres urbains, 2% l’éducation-nationale et 2% la Santé Publique.

  • Financement des investissements : Les fonds publics et semi-publics intérieurs et extérieurs financeront 60% de ses investissements (dont 8% à la charge du budget d’investissement congolais).

Les apports en capital et le crédit privé assurant la totalité des investissements industriels et commerciaux.

Le développement de l’économie rurale est financé en entier par les fonds publics et semi-publics.

En ce qui concerne l’aide extérieure, la participation du FAC a été retenue pour 4 milliards environ dont 380 millions figurent au programme 1962 et 1963.

La participation du FED a été inscrite pour 7,4 milliards dont 2,2 restants engager sur le FED I et 1,6 représentant une estimation de la quote part congolaise sur l’aide à la diversification des productions agricoles.

Ces chiffres indicatifs constituent l’enveloppe dans laquelle s’inscriront les négociations à mener.

  • Production : Dans le domaine agricole, la production commercialisée d’arachide doublera de 1963 à 1968, de même que celle d’huile de palme et celle du paddy. Le café progressera de 56%, le cacao de 78%, et la production de viande de boucherie de 128%.

Dans le domaine industriel, les points saillants sont :

  • Développement des industries agricoles et alimentaires (minoterie, conserves de fruits) amenant une production additionnelle annuelle de 4 milliards en fin de Plan (Sucrerie Congolaise non comprise).
  • La croissance des industries de bois (production additionnelle de 2,5 milliards) ;
  • L’exploitation des Potasses de Holle donnera en 1968 une production de 3 milliards. Au total, la valeur de la production industrielle sera augmentée de 11,6 milliards en fin de Plan, auxquels s’ajoutent 3,5 milliards de service et 2,2 milliards pour le bâtiment et les Travaux Publics.
  • Emploi : Le nombre des salariés (secteur privé et secteur public) passera de 37 000 en 1963 à 76 000 en 1968, (compte non tenu de 8 à 10 000 emplois salariés créés dans le cadre de la Société Sucrière Congolaise), soit une création de 19 000 emplois nouveaux, dont 16 000 relevant du secteur privé.

Le nombre des cadres supérieurs africains doublera de 1 000 à 2 000. Le niveau de qualification des travailleurs s’élèvera notablement.

  • Revenus : La masse des salaires passera de 12,2 milliards en 1963 à 17,4 milliards en 1968. La proportion des salaires payés aux expatriés baissera de façon sensible. Si l’on tient compte de l’ensemble des revenus monétaires (salaires et revenus d’exploitation) distribués aux Congolais (expatriés exclus) et en admettant que les revenus d’exploitation n’augmentent pas, le revenu monétaire par habitant qui est de 19 000 francs CFA en 1963 (pour 900 000 habitants) atteindra 24 000 francs CFA en 1968 (pour plus d’un million d’habitants). Le taux de progression annuel (5,1% est un taux satisfaisant).
  • Promotion sociale et culturelle : Un effort considérable est prévu dans le domaine de la formation, du perfectionnement et de la prise en charge par les Congolais des taches et des responsabilités de gestion économique.

Les investissements de l’Education Nationale assurant de nouveaux progrès au niveau culturel d’ensemble.

  • Aménagement du territoire : Pour créer et développer la vie économique interne, et assurer une mise en valeur rationnelle du territoire, un effort considérable est consacré à la promotion économique et sociale de 7 centres secondaires, constituant autant de pôles de développement coordonné, et d’ancrage des populations. Densification et coordination des activités sont les thèmes majeurs de l’action de décollage de la vie régionale et rurale.

Les objectifs du Plan ont été déterminés avec un souci constant de réalisme. Ils peuvent étre dépassés. Mais la persévérance est la condition impérieuse de la réussite du Plan.

« Monsieur le Président de la République, une fois cet avant-projet adopté par les diverses instances de la nation, ce Plan quinquennal qui s’inspire d’une analyse sérieuse de nos besoins nationaux pendant les 5 années à venir, sera notre charte fondamentale.

En effet notre promotion économique et sociale a besoin d’un Plan. Nos charges deviennent de plus en plus nombreuses :

  • Charges de croissance démographique, de transformations économiques et de progrès social. La population augmente, ses besoins augmentent aussi, et ce serait manquer à notre devoir que de laisser faire cette évolution, si légitime soit – elle sans la guider, sans la contrôler, gouverner étant prévoir.

Mais le Plan c’est qu’un document. Son succès est subordonné à des conditions précises dont il importe que tous les hommes soucieux des affaires de l’Etat prennent une claire et nette conscience : sacrifice financiers et mobilisation au travail de toutes les énergies de la nation.

Conscients de l’intérêt que vous portez à tout ce qui touche à la promotion économique et sociale de la nation, Monsieur le Président de la République, nous sommes convaincus que ce Plan qui sort à la veille de l’application de la Convention de Yaoundé sera, sous votre dynamique impulsion, entièrement réalisé et même dépassé ».

Le Chef de l’Etat a alors expliqué l’importance du document qui venait de lui être remis en ces termes :

« Voici donc tracée pour cinq ans la voie dans laquelle va se développer l’économie congolaise, grâce au Plan quinquennal.

« Je retiens surtout deux chiffres, qui parlant particulièrement à la nation. Le Plan se propose de créer 19 000 emplois nouveaux, et peut-être même 29 000, en incorporant les projets de la SIAN.

« D’autre part la masse des salaires doit passer de 12 à 17 milliards dans le même temps.

« Je pense, pour ma part, que ces chiffres, aussi importants soient-ils, peuvent être encore largement dépassés. Quand on crée une nouvelle production et que l’on distribue de nouveaux salaires, il s’ensuit toujours de nouveaux besoins qui, pour étre satisfaits, créent à leur tour de nouveaux emplois.

« Nous pouvons donc regarder l’avenir avec confiance, et même avec optimisme.

« Mais un plan est un plan. Aussi étudié soit-il, il n’est en lui-même qu’un projet. Il trace les grandes lignes de l’action. Mais c’est en fin de compte, seul l’action qui compte.

« On peut avoir le plan d’une case parfaite dans sa poche. Mais cette case, je préfère la voir construite, jusqu’au toit, pour qu’elle puisse abriter un foyer.

« Il en est de même du Plan. Ce qui importe, c’est de le réaliser, de l’accomplir. Et cela peut se faire qu’avec le concours de tous.

« Pour réaliser les objectifs que nous avons fixés, à la nation, pour sa prospérité et son progrès, il faut que chacun, homme ou femme, où qu’il soit se trouve, non seulement en soit conscient, mais y collabore de sa personne.

« Un pays ne peut grandir et se développer qu’avec l’effort de tous.

« Et je voudrais profiter de la solennité qui préside à la mise du Plan sur ses rails pour adresser un appel grave à tous les Congolais.

« Vous savez tous, aussi bien que moi, que l’on ne peut construire que dans la paix, dans l’ordre et dans la confiance mutuelle.

« La critique est facile, et rien n’est parfait dans ce monde.

« Mais, aussi sévère soit-on pour soi-même, on doit regarder au dehors. Et si vous savez regarder, vous serez fier du Congo, que la plupart des Etats envient pour l’ordre qui y règne, la fraternité qui est la nôtre, et la franche liberté que nous avons adoptée comme règle de vie entre nous.

« C’est que je veux vous dire et vous rappeler, Congolais mes frères, au moment où votre Gouvernement travaille pour votre bonheur et celui de vos enfants.

« Personne, au Congo, n’a davantage que moi l’ambition, le désir et la volonté de vous apporter le bonheur et la prospérité.

« A vous tous de le savoir, de le comprendre, et de m’aider vous-mêmes si vous voulez que, tous ensemble, nous puissions réussir.

« Pour le faire, je compte sur vous comme vous pouvez compter sur moi ».

Source : Bulletin quotidien CONGO BRAZZAVILLE Information du lundi 29 juillet 1963 (Extrait Fonds documentaire Victor-Justin SATHOUD).

Transcription : Wilfrid SATHOUD

[email protected]

Diffusé le 25 mai 2019, par www.congo-liberty.org

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5 réponses à 29 Juillet 1963 : Remise de l’avant-projet du premier Plan Quinquennal de développement économique et social du Congo au Président Fulbert Youlou.

  1. OYESSI dit :

    Merci cher frère Wilfrid de nous ouvrir toujours les archives probablement de ton illustre grand père SATHOUD qui appartient à la génération des Congolais qui avaient l’amour de notre Congo et qui savaient bien faire les choses.

  2. Wilfrid SATHOUD dit :

    Merci de noter qu’il s’agit de mon père et non mon grand père.

  3. saturnin okabe dit :

    c’est tres bien cela prouve qu al massamba debat s’etait inspire du plan quinquennal concu par votre pere mr sathoud.merci bcp cher ami et c’est tres bien.je vous lis souvent.ou etait donc le dit vol dont les gens avaient reproche a fulbert youlou?franchement merci. je savais que la fao avait deja demande aux etats africains de concevoir des plans quinquennaux en sinspirant des plans quinquennaux de l’urss. la tanzanie de julius nyerere avait ete le premier pays a concevoir des plans quinquennaux.le premier au congo avait ete le plan triennal de marien ng puis le plan quinquennal de sassou ng.mais je ne savais pas que fulbert youlou en avait deja concu un.merci.

    saturnin okabe

  4. Wilfrid SATHOUD dit :

    Merci Tonton Saturnin Okabe, comme quoi cette révélation valait bien son pesant d’or, dans la perspective de la relecture sereine et lucide des différents Programme de développement économiques expérimentés dans notre pays depuis son indépendance. Je me souviens vous avoir abordé à Pointe-Noire, en 1997, dans les salons de l’hôtel Novotel et lorsque je m’était présenté à vous comme le fils de mon père, nous avions échangés cordialement.

  5. dgfip dit :

    Ils etaient jeunes. Pour la plupart moins de 30 ans. Chapeau.

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