07 Aout 1960 : Discours du Président Fulbert YOULOU à Owando au sujet de l’indépendance

Un enfant devenu grand est amené à se séparer de ses parents, sans pour autant rompre avec eux…Soko mwana a komi monene, a keyi kotala tata na ye : « Tata, ne komi monene mpe na lingui ko fanda na mboka na ngayi ».

Mais mwana yango, est ce que a ko boya tata ? La foule répond spontanément : _ Te. A ko boya mama na ye ? _ Te.

Quand un enfant est devenu grand, il va voir son père : « Papa, je suis grand maintenant, et je veux construire mon propre village, je me suis marié, j’ai des enfants, et je tiens à habiter dans mon propre village ».

Mais est-ce que cet enfant va renier son père ? la foule répond spontanément : Non ! Est-ce qu’il va refuser sa mère ? Non !

Nous, nous sommes devenus grands, nous avons des hommes qui sont capables de régler nos affaires, mais nous ne voulons pas.

Bisou komi monene; to yali na bat oba ko koka ko kolenguele makambo na bisou.

Mais nous ne voulons pas rompre définitivement avec la France; nous restons dans la COMMUNAUTE.

Ba mindele ba ko fanda seko na mokili na bisou ; nous aurons toujours nos amis besoin d’eux. Ils seront toujours chez eux ici…

Awa, M. MAZENO à zalaki na pouvoir te na ko kata makambo nioso : na pessa ye pouvoir ; a komi Préfet na binou…

Les Blancs resteront toujours nos amis, nous aurons toujours besoin d’eux…

Ici, M. MAZENOT n’avait pas les pouvoirs de régler toutes les affaires ; je lui donne maintenant ces pouvoirs ; il devient votre Préfet.

Georges MAZENOT fut un administrateur colonial de la France d’Outre-Mer (FOM), qui avait longtemps servit dans la partie septentrionale au Nord de notre pays, depuis l’époque du « Moyen-Congo », jusqu’à la fin du règne de l’Abbé Fulbert YOULOU et la chute du régime de la première République du Congo, en passant par les différentes tractations pour le retour à la paix après la fin des hostilités consécutives aux émeutes de 1959, et la proclamation de l’indépendance.

Voici à ce sujet son témoignage en tant que acteur de l’activité politique et administrative de l’époque :

« Pour moi, la période 1959-1963 représente la deuxième moitié d’une carrière commencée en 1952, dans ce qu’on appelait alors « Moyen-Congo », ce qui veut dire que j’ai servi dans ce pays avant et après l’indépendance.

Mon poste de début a été celui de Secrétaire Général de la Mairie de BRAZZAVILLE, fonction que j’ai exercé cumulativement avec celle de Chef du Service Social Municipal. A ce titre, je m’occupais notamment des cercles culturels de la capitale, ce qui m’a permis de faire connaissance, dès cette époque, et entre autres, de l’Abbé Fulbert YOULOU, futur Président de la République du Congo, de Jacques OPANGAULT, leader local du MSA (Mouvement Socialiste Africain), , rival politique du précèdent et homme fort du Nord du Pays, de Dominique NZALAKANDA, futur Ministre de l’Intérieur, donc mon autorité de tutelle, etc…

Vue de la façade principale de l’Hôtel de Ville de Brazzaville, qui a conservé quasiment sa même configuration architecturale initiale, et où trône désormais un monument érigé en mémoire de son premier député-maire autochtone noir élu démocratiquement : l’Abbé Fulbert Youlou

Le deuxième poste que j’ai occupé après un congé en France et un bref intermède à BRAZZAVILLE, comme Adjoint au Maire a été celui de Chef de District de MAKOUA 51956-1958) ; c’est là que j’ai exercé le métier d’administrateur territorial comme on le pratiquait autrefois. J’y ai fait la connaissance d’un autre futur ministre, le Conseiller OKOMBA Faustin, et c’est aussi à MAKOUA que j’ai éprouvé les premières difficultés provoquées par l’évolution des esprits dans certains milieux de la société locale.

Je suis revenu au Congo en février 1959 au terme d’un congé de neuf mois en métropole, pour être nommé Adjoint au Chef de Région de l’Alima-Léfini et Chef de District de DJAMBALA. Puis, ce fut l’affectation à FORT-RPUSSET (OWANDO), comme Préfet de la Likouala-Mossaka où je suis resté trois ans en deux séjours.

Je suis donc aussi « congolais » puis que ma carrière Outre-Mer, s’est déroulé exclusivement au Congo, et par l’énumération des postes qui m’ont été confiés, on peut constater que je suis un « nordiste » : sur onze ans de séjours, j’en ai passé huit dans le Nord du territoire.

La carte ci-après montre les deux circonscriptions administratives auxquelles je viens de faire allusion, l’Alima-Léfini et la Likouala-Mossaka, qui ont une limite commune, la rivière Alima, et sont dénommées maintenant « Plateaux » et « Cuvette ».

Il fait expliquer également la date de 1963 : le 15 aout de cette année-là, alors que je passais quelques semaines de congé près de NICE, le Président YOULOU fut contraint de démissionner, et les nouveaux dirigeants de la République du Congo me firent savoir, par Ministère de la Coopération interposé, qu’ils n’avaient plus besoin de mes services.

Sans cela, je serais revenu au Congo, toujours comme Préfet de la Likouala-Mossaka (devenu entre-temps Préfecture de l’Equateur), mais pour une période d’un an seulement : c’était la condition mise par les services de la Rue Monsieur à mon retour sur des fonctions de commandement. Tous les postes de Préfet avaient été africanisés au 1er juillet 1963, sauf celui de FORT ROUSSET, on voudra bien admettre que ma position d’acteur-observateur au cours de ces années particulières ne manquait pas d’originalité.

C’est pourquoi mes carnets contiennent de nombreuses références à la politique intérieure congolaise – vue par un broussard qui, encore une fois, n’était préoccupé que par les fonctions de « commandant ».

En cette qualité, j’ai été par ailleurs directement confronté aux problèmes administratifs entrainés par l’accession du pays à l’indépendance, comme le remodelage continuel des circonscriptions – Il faut traduire le dédoublement de leur nombre par division des cadres territoriaux hérités de la période coloniale – et l’africanisation des Sous-Préfectures, puis des Préfectures.

J’ai eu à faire face également aux difficultés – le mot est faible – entrainées par l’insuffisance des moyens tant en personnel qu’en matériel.

Mais plus directement encore, j’ai été confronté aux problèmes politiques – à considérer sous l’angle des rapports « Nord/Sud » qui ont agité le Congo : la rivalité YOULOU/OPANGAULT et la « balalisation » de la Likouala-Mossaka, c’est-à-dire l’affectation systématique de fonctionnaires « Sudistes » dans la grande région du Nord.

Tous ces problèmes ont eu, bien évidemment, des répercussions sur la vie et l’action d’un fonctionnaire français occupant des postes de commandement dans un pays indépendant.

L’Enseigne de Vaisseaux Pierre Savorgnan de Brazza et l’Abbé Fulbert Youlou, autour de la carte géographique du Congo

A la « fermeté » administrative de mes séjours d’avant 1958 (fortement tempérée il est vrai, par mes convictions sur le rôle de la France d’Outre-Mer après la deuxième guerre mondiale), a succédé une approche beaucoup plus diplomatique des situations qui n’est pas sans rappeler les comportement que devaient avoir les premiers explorateurs ou missionnaires pour pénétrer dans les régions s’ouvrant à l’influence occidentale, mais il fallait quand même faire tourner la machine administrative, d’où la nécessité d’un minimum de rigueur.

Cela devait faire beaucoup de préoccupations direz-vous ; oui, sans doute. Il y’en a pourtant d’autres, d’un genre particulier totalement différent qui m’habitaient déjà à cette époque, celles d’historien.

Sources :

  • Carnet du Haut Congo 1959-1963, de Georges MAZENOT, publié aux Editions l’Harmattan à Paris en 1996.
  • Fonds documentaires Victor-Justin SATHOUD

Transcription: Wilfrid Olivier Gentil SATHOUD

Email : [email protected]

Diffusé le 11 septembre 2019, par www.congo-liberty.org

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2 réponses à 07 Aout 1960 : Discours du Président Fulbert YOULOU à Owando au sujet de l’indépendance

  1. kikadidi leo dit :

    tant que les congolais auront tant de haine pour la france les revolutionnaires qui ont inculque cette haine resteront au pouvoir pour toujours

  2. OYESSI dit :

    Merci toujours à notre frère de nous rappeler ces pages d’histoire. Juste un rectificatif. A cette époque il n’y avait pas d’Owando mais Fort Rousset.

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