Y-a-t-il un sentiment anti français au Congo-Brazzaville et/ou en Afrique francophone de l’Ouest ?

Par Lucien PAMBOU

            Le sentiment « anti-quelque chose » est guidé soit par la passion, soit par la raison. Etudier la notion de sentiment, c’est s’exposer à une levée de bouclier car la définition du sentiment est large et charrie approximations et faits avérés. Les opinions hostiles à la France, surtout en Afrique de l’Ouest (Burkina-Faso, Mali, Guinée, etc.) s’expriment toutes dans des manifestations à forte connotation idéologique. Au Congo-Brazzaville, le sentiment anti-français peut exister, mais il est diffus et, d’ailleurs, Dénis Sassou-Nguesso avait dit au cours d’une intervention sur les chaînes de télévision française, qu’il était le rempart de la France au Congo. Il n’y a pas donc de sentiment anti-français au niveau du gouvernement congolais car celui-ci veille à ce que les intérêts français soient préservés. Qu’en est-il de ce sentiment au niveau de l’opinion publique congolaise ? C’est le silence absolu, à la différence de ce qui se passe au Burkina-Faso, au Mali et en République Centrafricaine.

            Les concepts d’anticolonialisme ou d’impérialisme ont peu de prise sur les opinions congolaises alors que celles-ci étaient en pointe pour dénoncer l’impérialisme français au plus fort moment de la création du Parti Congolais du Travail en 1968 par Marien Ngouabi. Que s’est-il passé depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui ? Les crises politiques et les guerres civiles au Congo depuis les années 90 à nos jours, ont contribué à la passivité intellectuelle de la doxa congolaise qui, politiquement et intellectuellement, réfléchit à la marge sur le développement économique de leur pays, même si elle dit le contraire en préférant un enrichissement rapide et sans cause grâce au concept que je mets en place, celui d’un fonctionnariat politique, ethnique et tribal.

            Si au Congo le sentiment anti-français est diffus, en Afrique de l’Ouest de nombreux évènements anti-français en Côte d’Ivoire (2003/2004, 2010/2011), le coup d’État de Traoré au Burkina-Faso, le récent caillassage de l’ambassade de France au Burkina-Faso, le sentiment anti-Damido ancien président et considéré comme valet de la France, expliquent ce sentiment anti-français aux motifs que la France considère l’Afrique comme son arrière-cour, son garde-manger stratégique dans le domaine des matières premières et minérales.

            Le sentiment anti-français s’est traduit par une guerre civile en Côte d’Ivoire jusqu’au départ de Laurent Gbagbo du pouvoir. Depuis la France est décriée par sa présence, par sa monnaie scélérate de domination que représente le CFA et par la contestation de la force Barkhane au Mali alors que jusque-là le Mali et la France étaient dans une coopération de lune de miel.

            Le sentiment anti-français est plus ressenti en zone Sahel et de combat où le djihadisme veut dicter sa loi et ses pratiques en matière de gouvernance politique et de charia en imposant une vision de la société politique et sociale dans certains pays d’Afrique de l’Ouest. La plupart des responsables politiques en Afrique de l’Ouest souhaitent négocier avec les djihadistes, ce que la France n’accepte pas au nom d’une mission qu’elle considère comme historique de sa part du fait de la colonisation française.

            La question du sentiment anti-français n’est pas résolue et risque d’être l’arête dans la gorge qui empoisonne les relations entre la France et ses anciennes colonies qui, pour la plupart, estiment qu’elles sont devenues majeures pour traiter leurs problèmes de sécurité, ce qui justifie pour certains, en RCA, la milice privée russe Wagner.

            Doit-on accorder de l’importance au sentiment anti-français ? Quelle est la place des réseaux sociaux dans ce sentiment contestataire. En Afrique de l’Ouest, Facebook, Twitter ont souvent été utilisés pour favoriser les mobilisations des populations. RFI, TV5 et France 24 ont souvent été conspuées, voire suspendues en Afrique de l’Ouest. En Afrique centrale, rien de tel, les réseaux sociaux sont à l’état trop embryonnaire pour être utilisés efficacement. Ceci explique peut-être pourquoi le débat autour du sentiment anti-français est moins brûlant en Afrique centrale qu’en Afrique de l’ouest.

Diffusé le 12 octobre 2022, par www.congo-liberty.org

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6 réponses à Y-a-t-il un sentiment anti français au Congo-Brazzaville et/ou en Afrique francophone de l’Ouest ?

  1. Val de Nantes dit :

    La France nourrit la dictature exotique pour sauvegarder ses propres intérêts, d’où cette étrange animosité à son égard.
    Elle doit se poser la question du caractère universel de la démocratie sans lequel aucun peuple ne peut se sentir libre .
    Nous demandons à la France de faire retour sur soi , c’est à dire de faire son examen de conscience quand à la nature des relations bilatérales qu’elle entretient avec ses vassaux dont sassou demeure un sinistre personnage.

  2. christian Biango dit :

    C’est bien la preuve que les noirs africains auront toujours du mal à s’adapter à la réalpolitik mondiale! Détester un colonialiste blanc européen occidental pour choisir un blanc européen oriental slave, il faut vraiment oser l’épreuve de sadomasochisme. Et pour quand le choix des africains par les autres civilisations?

  3. Samba dia Moupata dit :

    Cher Christian, je te le concède , la Centrafrique et le Mali qui ont fait appellent aux Russes, mais restent toujours dans la même situation de servilité du CFA . Poutine aide au maintien des dictatures c’est tout ! Comme Sassou Denis qui veut imposer un empire Mbochi au Congo Brazzaville vient de signer des accords militaires avec Poutine en cas de résistance dans le sud du pays .

  4. christian Biango dit :

    Merci mon cher Samba dia Moupata de dénoncer cette schizophrénie, nous n’avons vraiment rien compris et pour longtemps je le crains!

  5. val de NANTES . dit :

    C’est ce manque de penser par soi même , comme le sujet cartésien qui se pense lui même ( res cogitans ) qui fait défaut à l’être congolais ou sujet congolais .
    La pensée de @CHRISTRIAN en la pathétique illustration .
    Vous aurez compris pourquoi , nous ,fédéralistes , avons , gardé par devers nous , une pensée institutionnelle innovante dont l’objectivation dépendra du départ de SASSOU du pouvoir .
    *Un sentiment anti -français est la preuve de la servitude volontaire de laquelle nous sommes , patriotiquement , forcés à nous défaire ,sans quoi , notre séjour terrestre restera marqué par une finitude intellectuelle (erreur ) …
    Lier notre liberté ontologique ,c’est à dire notre liberté existentielle à la pensée d’autrui ;c’est nous priver du libre arbitre …c’est à dire choisir .
    Ne pas choisir ,c’est confirmer un certain déterminisme dont la cause demeure l’influence française dans l’existence d’un peuple ,notamment celui du peuple congolais .
    Le sentiment anti français est presque une insulte ,à certains égards , au peuple , en ce qu’il met en évidence une impuissance , un démembrement, un handicap , de la pensée congolaise .
    D’où la nécessité de convoquer la sapience du génie congolais pour conjurer ce ressentiment congolais .

  6. delbar dit :

    Je partage l’avis de Val de Nantes.
    Il est plus facile de critiquer l’autre que soi-même.
    La situation catastrophique de certains pays est avant tout de leur faute.
    Il faut que le pays qui demande l’aide soit le donneur d’ordre avec une politique à long terme.
    Le pays qui donne l’aide doit être sous l’autorité de celui qui la reçoit.
    Soyons lucides : que vont apporter et qu’apportent la Russie et la Chine à l’Afrique ?
    Un asservissement encore plus important, un pillage des ressources naturelles et une corruption illimitée …
    Il ne s’agit pas de défendre la France qui part une politique paternaliste et technocratique de ses énarques a lamentablement échoué.
    Il faut investir massivement dans l’éducation afin qu’une nouvelle génération de jeunes africains émerge et prenne en charge l’immense potentiel de ce continent au service de l’intérêt général.

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