Le communiqué de l’Élysée est très clair (signalé par le site Congo Liberty) : validation d’un conseil militaire de transition, validation des institutions dissoutes -gouvernement et assemblée nationales-, suspension de la Constitution adoptée en 2018 et organisation de nouvelles élections après une période de 18 mois, élections impliquant toutes les forces civiles et politiques tchadiennes.
L’opposition tchadienne, ou ce qu’il en reste, conteste cette vision française et souhaite un conseil de transition constitué à parité de militaires et des membres de la société civile. La vision géopolitique nouvelle de la France en Afrique noire francophone est réaffirmée par le président Macron : recherche de la stabilité et de la sécurité pour le Tchad au nom de la lutte contre le terrorisme djihadiste, dont le Tchad et surtout Déby étaient des figures de proue.
En son temps, le président Jacques Chirac (1995/2007) avait clairement dit que l’Afrique n’était pas prête pour la démocratie. Il y eut un tollé de la part des intellectuels africains, alors que Jacques Chirac ne faisait que reprendre une position ancienne/nouvelle mise en place depuis le Général De Gaulle jusqu’à Macron : préserver les intérêts économiques et politiques de la France dans l’ensemble de ses anciennes colonies. Cela suppose la recherche d’une stabilité et la mise à l’écart de troublions intellectuels africains qui demandent et souhaitent la démocratisation des institutions de leurs pays.
Cet élément de géopolitique n’a pas toujours été bien perçu par les intellectuels africains auprès desquels la France et ses dirigeants tiennent souvent un double langage. Ce double langage permet aux dirigeants politiques français de faire naître de l’espoir chez les opposants politiques africains qui viennent chercher un adoubement à Paris alors que, en même temps, la France continue de consolider et de maintenir au pouvoir les dirigeants politiques dont la longévité dépasse les trente années de gouvernance pilotées et gouvernées depuis Paris.
Quelles leçons peut-on tirer de la mort de Déby pour l’Afrique noire francophone ?
- Déby est arrivé au pouvoir en 1990 en renversant Hissène Habré dont il avait été le chef d’Etat-Major. Ce renversement s’est fait grâce à François Mitterrand qui n’a jamais accepté que Françoise Claustre, ressortissante française, soit l’otage de Hissène Habré. François Mitterrand a su jouer des oppositions entre tribus et clans, comme la France l’a toujours fait en Afrique (il suffit de voir ce que dit le récent rapport sur la responsabilité de la France au Rwandas à propos du génocide des Tutsis par les Hutus). En valorisant la tribu Zaghawa de Idriss Déby, la France a permis à Idriss Déby d’organiser sa gouvernance politique autour de sa tribu, comme c’est souvent le cas en Afrique centrale. Déby a pu ainsi étoffer son réseau social politique avec des obligés et désobligés. D’ailleurs, le conseil militaire de transition est formé, pour la plupart, de généraux issus de la tribu Zaghawa qui ont fait allégeance à Mahamat Idriss Déby, le fils du Président, général quatre étoiles, âgé de 37 ans et directeur des services présidentiels en matière de sécurité des institutions de l’État (DGSSTE).
- Si le clan victorieux du père en 1990 contre Hissène Habré était composé de plusieurs chefs de rébellion appartenant à plusieurs tribus, la composition actuelle du conseil de transition est à majorité Zaghawa où l’entente n’est pas souvent au beau fixe. D’ailleurs en 2008 les propres neveux de Déby Itno, à savoir Tom Erdimi et Imam Erdimi, ont contesté le pouvoir de leur oncle et Idriss Déby ne doit sa survie qu’à l’intervention des forces françaises alors que la rébellion avait occupé la capitale Djaména. A travers ces remarques se pose la question de la légitimité de Mahamat Idriss et du rôle que va jouer l’opposition politique et la société civile dans un espace qui se trouve déjà être cadenassé par les militaires.
- Comment va s’opérer le partage du pouvoir au nom de la stabilité et de l’intégrité territoriale voulues et exigées par Paris ? Le Tchad joue un rôle important au sein de la force Barkhane. 1200 soldats tchadiens sont sur les fronts de la lutte contre le terrorisme. Barkhane a son siège politique et opérationnel à Djaména et la France ne peut accepter un désordre démocratique aux dépends de la stabilité pour la valorisation mondiale de sa lutte contre le djihadisme en Afrique. Que vont faire la société civile et les oppositions politiques ? Iront-elles au dialogue inclusif qui sera, ou non, organisé pendant ces 18 mois de transition ? Contesteront-elles la légitimité politique de Mahamat Idriss ? Participeront-elles à un gouvernement d’union nationale (gouvernement à construire et sur quelles bases) ? La croissance et le développement du Tchad seront-ils au cœur de cette nouvelle organisation étatique et gouvernance institutionnelle pour le bonheur du peuple tchadien ?
Lucien Pambou Diffusé le 21 avril 2021, par www.congo-liberty.org
Ecouter l’interview de Mingwa BIANGO sur l’assassinat du Président tchadien Idriss Déby réalisée le 20 avril 2021 par le service francophone de la Radio Nationale de l’Afrique du Sud
Mr Pambou,vous faites une bonne analyse des mecanismes mis en place pour maintenir le statu quo.Qui manipule reellement les ethnies sur le continent.
Dans ce drame,je pense qu’il y a quelque chose qui joue un mauvais tour aux Africains du moins a ceux qui sont senses de bien orienter les populations,c’est le manque de choix intelligent,du serieux et de la constance.Generalement parlant,comment l’Amerique latine et l’Asie sont parvenues de sortir de cette connerie.
Les ethnies,c’est la population elle n’est pour rien.Elle est tout simplement victime.