RÊVONS L’IMPOSSIBLE, POUR CHANGER LA VIE ! Par Dina Mahoungou

bonobo_ClaudineAndreOn ne le dira jamais assez, le pays des droits de l’homme nous aura offert au cours du siècle dernier et cela continue toujours : l’image d’un Etat au secourisme paradoxal dans les affaires intérieures de ses anciennes colonies. 

Mais lorsque des animaux dans nos forêts, dans notre jungle sont abattus pour leurs peaux, leurs cornes et leurs chairs, on entend des cris d’orfraie s’élever hautement de la part de certaines célébrités françaises. Des pétitions sont signées par des sommités scientifiques, des artistes reconnus pour faire entendre leur colère, alors des équipes de télé sont sur place en Afrique, nos gorilles de plaine sont protégés, nos sous-bois, notre canopée, les buissons, les broussailles, les clairières ensoleillées sont respectées et le braconnage sévèrement puni ; pour les recycleurs financiers et leurs valets locaux, les raisons d’espérer ne manquent pas.

Et l’homme dans tout ça ? Ah, l’homme ! L’homme fait ce qu’il veut, il est libre, il peut se défendre, il est assez grand !

Mais nous la France, nous avions des partenariats avec des Etats africains, un point, un trait.

Par principe, nous laissons les africains régler entre eux leurs problèmes.

Quant aux droits de l’homme, c’est devenu un grand art de la conversation, c’est du bluff dirons-nous. Et puis, par les temps qui courent, tout le monde a ses épreuves : la récession, le chômage etc…

Pour l’Afrique aujourd’hui , la question n’est pas de savoir si on est faible ou fort. Est-ce qu’un peuple, innocent, sans protection, abandonné de tous, peut-il encore soutenir le poids de sa souffrance éternellement ?

Comme disait Napoléon « Aujourd’hui, la tragédie, c’est la politique ». Nous autres, les intellectuels, tendons souvent un miroir cruel et cocasse à notre pays le Congo Brazzaville. Et si nos écrits pouvaient réveiller la torpeur de l’Occident chrétien, et pourquoi pas ?

Dans ce jeu pervers de pouvoir au Congo Brazzaville, tout va très bien. Dans les semaines qui viennent, tous les gueuletonneurs attitrés à la cour vont accompagner l’imprécateur narcissique et névrosé au pays de Victor Hugo.

Ᾱ Paris, capitale, les crapuleux, les magouilleurs en tout genre seront de la noce. Quant aux anciennes colonies, c’est une histoire du passé, regardons la vérité en face : Kinshasa la belle morcelée, Bangui la coquette, sous son capuchon de brume poisseuse en agonie, Bamako aux abois, Abidjan, jadis métropole arrogante et troublante cumule les sortilèges et les déconvenues, Niamey aux abonnés absents malgré l’uranium, Ouagadougou sous les ténèbres, Brazzaville déchiquetée, humiliée, désaxée, voilà notre chère Afrique pessimiste et désorientée, mais où allons-nous ? sassou et Hollande

Viendra le temps où tout être humain, quel qu’il eût été, sera rejeté à la terre et à la pourriture, et alors ? En quoi le chef de l’Etat congolais se permet-il de brimer au quotidien tout un peuple ? Tous ces flatteurs, intellectuels organiques qui, éblouis par la gloire sont parvenus à vivre à ses côtés pour mieux le cajoler, à s’exhiber dans des carrosses. Le pays est désolé, tandis que les conseillers bienveillants ne disent rien, ils consentent à tout. Tout le monde le sait, la servilité des autres, tous les potentats de la terre la convoitent.

Ceux de l’occident chrétien, magnanimes et zélés, dans la solidarité des loges, participent à cette fantasia, aux parades illuminées des cierges. 

Eux aussi n’entendent ni l’écho de nos cœurs en souffrance, ni les couteaux aiguisés des abstracteurs perfides qui nous zigouillent. Les bons sentiments des méchants se laissent aller à leur vraie nature. Assurément, l’avidité, la gabegie exprimée rendent les hommes médiocres.

Il y a, chez le chef d’Etat dictateur, cette pénombre qui l’habite toujours dans toute sa noirceur. Le général Président cherche uniquement, et à tout point de vue, à se dépasser lui-même dans sa barbarie. Au jour le jour, les Congolais sont punis davantage, nous sommes les vivants en sursis, de pauvres petits rabouilleux . 

Regardez-nous mourir de tristesse et d’épuisement. Nos corps misérables sont des lieux où toute cette brutalité transparaît  Nous nous détruisons progressivement par mépris de l’autre et il s’est formé, autour du tyran et à l’abri de sa réputation, les enchantements de la sauvagerie : les exactions des brigands. Tous les Congolais sont des spectateurs perdus entre la faim et le désarroi. Il nous faut faire vite, peut-être un peu d’accalmie, mais qui nous l’apportera ?

Pas tous ces illuminés intellectuels organiques qui compatissent avec les bûchers de l’enfer, faut pas rêver !

Pour avoir crû au multipartisme, à la différence, à l’usage de la liberté, des milliers de citoyens ont été étranglés, abattus, nous avons franchi les barrières de l’ignominie. Au Congo, le pouvoir est un grand outil discriminant. 

Et tout ce peuple apprivoisé mis à nu. Sa candeur et sa bonté naturelle sont effacées : toutes les actions sont entravées, toutes les félicités sont contrariées. A Brazzaville, personne ne pense : la médisance, l’alcool et la débauche s’en chargent. Quand le chef de l’Etat tue, son propre sanglot s’achève souvent en un fou rire. C’est un auteur qui assume ses fantaisies. 

Pour l’utilisation exclusive d’un jeu d’esprit, il tue facilement. Observez-le dans l’espièglerie de son regard, l’homme des masses est une forme particulière de gloire. Il élimine qui il veut, quand il veut. Tout dans le détail, dans l’accessoire. Ceux qui l’embêtent doivent crever le plus tôt possible. 

La fatalité des Congolais, le tyran s’en nourrit. Pendant des décennies, il en joue et y interroge des sorts magiciens. Dans ces ravages des temps qui passent, lui seul atteste la vérité.

Est-ce la malédiction d’avoir répandu tant de sang ? Tout le pays, lentement et docilement, s’est apprêté à devenir la grande muette. Regardez-moi ce goujat maléfique qui s’acharne tous les jours sur les deniers de l’Etat comme une volaille à l’engrais. 

L’enfoiré à tout eu, les crimes publics, le prestige des conquérants, l’exaltation mystique, c’est un petit sanguin qui place les commencements où il peut.

Sa bizarre ambition glaciale de tout contrôler, sa passion de la destruction est bien réelle. Tous les autres sont nus et à genoux pour recevoir les subsides. Le versant secret sait que c’est un homme de terreur. Ses actes abominables retentissent sur le destin d’autres gens. Tous ses amis avec lesquels il a usurpé le pouvoir sont morts, sans qu’il l’ait voulu, raconte-t-il. C’est un tourmenté paranoïaque qui détruit tout à son passage.

Alors aujourd’hui, il recherche le consentement de soi, mûri et fortifié par le goût de l’aventure, il recherche la paix de l’esprit, semble-t-il. Tout le Congo est interdit à son apparition et ne peut conjecturer quel est le destin de cette visite ? Ce peuple est terrifié, un terrassement par l’émotion. L’amour a été subjugué. La constance et le foyer passionnel sont éteints pour jamais. Tous les citoyens sont en permanence dans le vague et l’indéterminé. Ce qui nous émeut tout le temps, dans cette confusion, c’est le sentiment de la perte. C’est un pays nocturne qui dégage des idées noires, de la tristesse. Les citoyens parlent peu, ils sentent beaucoup. C’est une chose incroyable chez les gens sans voix, en se regardant attentifs dans le silence, ils se comprennent. Leur bonheur s’échappe par intervalles devant l’homme et la postérité.

Le Congo est dans l’anomie : c’est-à-dire dans une absence de lois qui permettent l’épanouissement de toutes les énergies et de toutes les passions individuelles.

Me revient tout le temps cette citation du grand écrivain français, le regretté Jean-Edern Hallier dans « Chagrin d’amour » :

« France, comment te serais-je infidèle ? Chagrin d’amour ou nostalgie d’une vieille liaison, où que j’aille, ton image me poursuit ».

Dina Mahoungou Le 30 mars 2013

Ecrivain et journaliste médias. 

Auteur des ouvrages suivants :

« Agonies en Françafrique » aux éditions l’Harmattan (roman)

« Les parodies du bonheur » aux éditions Bénévent (nouvelles)

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2 réponses à RÊVONS L’IMPOSSIBLE, POUR CHANGER LA VIE ! Par Dina Mahoungou

  1. Marché total dit :

    Cher frère Dina Mahoungou,

    Eh oui, comme vous le dites mon frère, les blancs ont plus de considération pour nos fôrets et nos Bonobos, que pour les africains, en particulier pour les congolais.
    Que dire de plus sur le gang qui officie et rapt tout avec sassou, nordistes comme sudistes …C’est aux congolais de prendre les choses en main, et merci encore à l’auteur pour ce très beau texte.

  2. Dieudos Eyoka dit :

    « L’occident, les blancs, les Français sont sourds aux souffrances qu’endurent les Africains. »

    Combien y a t il d’ Africains ou de Français d’origine africaine dans la région parisienne ? 100.000, 200.0000 , 500.000 ou près d’un million ?

    Au lieu de responsabiliser les descendants des esclavagistes et des colons ne devons nous pas nous jeter la première pierre ? Qui, au lieu de nous plaindre sur Internet, nous empêche de manifester par dizaines de milliers dans les rues de Paris contre les dictatures qui nous oppriment ?

    Ne cherchons pas d’autres coupables à notre indifférence et notre lâcheté !

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