République du Congo : Après 36 ans au pouvoir de l’ « empereur », peut-on parler des droits humains ?

Opinion : Par Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale

Les libertés d’expression, d’information et de réunion pacifique sont violées depuis bientôt 40 ans en République du Congo, ce pays d’Afrique centrale où les opposants, activistes et journalistes paient le prix fort de leur engagement. Alors que la situation socio-économique demeure dramatique, personne ne peut la dénoncer sans risquer la répression. C’est dans ce quasi-silence forcé que le président se présente, dimanche 21 mars, pour un nouveau mandat de cinq ans.

L’élection présidentielle du 21 mars qui va voir le président au pouvoir depuis 36 ans sur deux périodes briguer un quatrième mandat consécutif, doit être l’occasion pour les États partenaires et organisations africaines et internationales de faire entendre leurs voix pour rappeler aux autorités de ce pays leurs obligations en matière de respect des droits humains. Une voix que les Congolaises et les Congolais n’ont que rarement pu exprimer.

La longévité au pouvoir de « l’empereur », surnom donné au président Denis Sassou Nguesso par ses pairs, aurait de quoi surprendre. Un peu moins quand on sait que toute personne osant critiquer sa gouvernance fait l’objet de pression ou de répression. Nul besoin de remonter à sa première année à la tête de l’État congolais en 1979 pour le constater, les dernières offrant suffisamment d’exemples.

Les opposants ou activistes politiques sont les premiers à en payer le prix

Quatre sympathisants du mouvement d’opposition « Incarner l’espoir », dont le chef avait annoncé sa candidature à l’élection présidentielle, ont été arrêtés entre novembre et décembre 2019 et inculpés d’atteinte à la sûreté de l’État. Une accusation maintes fois utilisée et instrumentalisée pour étouffer toute voix dissidente. Ils ont attendu un an avant d’être libérés tout en restant en attente de leur procès.

Jean-Marie Michel Mokoko, candidat à la précédente élection présidentielle est toujours en prison après sa condamnation en 2018 pour atteinte à la sûreté de l’État. Une détention qualifiée d’arbitraire par l’ONU. En raison de son état de santé préoccupant, il avait été envoyé pendant un mois en août dernier en Turquie pour y être soigné. Au préalable, une manifestation des soutiens de Mokoko pour son évacuation médicale avait été interdite.

Le mouvement pro-démocratie « Ras-le-bol » est aussi sur la sellette. Hallel Bouesse, un de ses membres, a été arrêté en mars 2020 à l’aéroport international Maya-Maya de Brazzaville, alors qu’il se rendait au Sénégal. Conduit à la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), il a subi un interrogatoire au sujet de son voyage, de ses liens avec le mouvement « Ras-le-bol » ainsi qu’avec l’Observatoire congolais des droits de l’homme.

Au Congo, le métier de journaliste est également à risque

Rocil Otouna, présentateur du journal sur la chaîne publique nationale Télé Congo, a été suspendu de son poste après avoir animé un débat en avril 2020 durant lequel il eut l’audace de poser des questions sur l’absence de données chiffrées sur les personnes infectées ou guéries de la COVID-19, et les conséquences sociales des restrictions mises en place par le gouvernement.

Raymond Malonga, directeur de publication du journal satirique Sel-Piment a été arrêté le 2 février 2021 pour des charges de diffamation pour avoir repris un article qui rapportait des accusations de détournement de fonds par une personne proche du président Denis Sassou Nguesso.

Les autorités cherchant à étouffer toute critique, les syndicalistes ne sont pas épargnés. Pour exemple, quatre étudiants syndicalistes de l’Université Marien Ngouabi à Brazzaville ont été arrêtés en février 2018 par la DGST pour avoir réclamé le paiement de quatre trimestres de bourse. Déférés en mars 2018 à la maison d’arrêt de Brazzaville pour « complicité et tentative de trouble à l’ordre public », ils ont été libérés 15 jours plus tard à la suite d’une forte mobilisation des organisations de la société civile.

Les libertés d’expression, d’information et de réunion pacifique sont ainsi en péril dans le pays. Mais c’est également le cas des droits économiques et sociaux.

La double crise économique et sanitaire dans laquelle est plongée le pays a renforcé la violation des droits et les inégalités dans ces secteurs.

En 2016, la baisse du prix de l’or noir pour ce pays dépendant budgétairement des revenus du pétrole a entrainé des politiques d’austérité qui se sont immédiatement répercutées dans la vie quotidienne des Congolaises et Congolais. Une situation renforcée par la corruption, comme dénoncé par le FMI, et la paralysie temporaire de l’économie liée aux mesures de restrictions pour lutter contre la pandémie de COVID-19.

Conséquences, de nombreux salariés de la fonction publique ne sont pas payés contrevenant au droit du travail ; les bourses des étudiants ne sont plus versées entravant le droit à l’éducation ; les établissements hospitaliers ne répondent pas aux normes minimales, violant le droit à la santé ; les représentants d’intérêts professionnels communs sont sanctionnés, bafouant les droits syndicaux. 

La situation économique demeure fragile. La situation des droits humains est quant à elle, dramatique. Mais personne dans le pays ne peut dénoncer cette situation sans risquer d’être harcelé judiciairement ou arbitrairement détenu. C’est dans ce quasi-silence forcé que le président qui a dirigé le pays durant bientôt quatre décennies se présente pour un nouveau mandat de cinq ans.

Les partenaires du Congo, les instances régionales et internationales et les médias doivent profiter de ce moment où l’attention est portée sur le pays pour relayer les appels étouffés de la société civile pour la libération des personnes détenues arbitrairement, le respect des libertés d’expression et de manifestation et la protection des droits économiques et sociaux, notamment le droit à la santé et à l’éducation.

Source : https://afrique.lalibre.be/59178/republique-du-congo-apres-36-ans-au-pouvoir-de-l-empereur-peut-on-parler-des-droits-humains/

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6 réponses à République du Congo : Après 36 ans au pouvoir de l’ « empereur », peut-on parler des droits humains ?

  1. Congolais Sauvage dit :

    Merci pour avoir relaté la triste réalité que nous vivons au quotidien depuis que ce méchant dictateur est au pouvoir.
    Le pouvoir en place et ses partisans ne pourront jamais cesser tant qu’ils ne seront pas sanctionnés et écartés définitivement de ce pays.
    Seul Dieu sait le lendemain de la réelection du plus grand criminel le sort qui va s’abattre aux pauvres congolais apeurés et balotés par une classe politique et ecclésiastiques complices sous le regard impuissant des grandes puissances.
    Il n’a jamais été acculé par ses paires qui voient en lui un apôtres de la paix alors qu’il est plus diabolique que le feu mobutu.

  2. Isidore AYA TONGA 100% Intérêt général dit :

    Que demain l’histoire se souvienne que nous peuple du Congo n’auront pas pris part à une parodie, à un coup d’état constitutionnel, et institutionnel. N’allez nul part , ce n’est pas ce rendez-vous, qui vous apportera ce que vous n’avez eu depuis presque quarante ans ! Restez chez vous !
    Le peuple congolais, restera dans ses chaumières, et laissera aux moutons de panurges , l’illusion d’isoloirs factices, gavés de faux et d’usages de faux !
    Cette élection au Congo, est un non événement ! Car dès le départ des manquements graves en terme de démocratie, n’ont été respectés!
    Le salut du Congo viendra du peuple ; et non de ces élections et de la communauté internationale, dont nous abreuvons les greniers !
    La conjugaison des pressions populaires ( insurrectionnelles) et des menaces géopolitiques des intérêts de la France dans la sous-région l’obligera dans quelques jours de lâcher son mercenaire au Congo, Denis Sassou Nguesso. https://www.youtube.com/watch?v=AwoeS5MGSCc

  3. Val de NANTES : dit :

    Je vais peut être embrayer sur ce qu’a dit mon frangin @ aya , à propos de ces organismes internationaux . L ‘hypocrisie et la cécité sont les deux venins qui servent de supports politiques au tyran ,empereur , SASSOU .
    Cet organisme est complice de la mort physique et donc géographique du CONGO .
    Cette communauté internationale pratique une émotion politique à géométrie variable .La Birmanie hérisse plus des poils des européens qu’ils ne s’émeuvent de la situation tyrannique que vivent les congolais mis sous apnée par un tyran transformé en Empereur exotique par ces pairs hilares .

  4. Samba dia Moupata dit :

    Le moins que l’on puisse dire , c’est que seule la réalité économique rattrapera la folie de Sassou Dénis . Car comment comprendre Sassou qui organise sa pseudo élection avec 100% des membres de sa famille , qui refuse les observateurs de l’union Européennes et ceux de l’église catholiques du Congo . On n’est là sur les choses factuellement inacceptables . Malheureusement nous avons ici et là quelques imbéciles , fondamentalement idiots , justifions la traîtrise de kolélas ou Dzon .

  5. Anonyme dit :

    les congolais doivent mettre dehors les pilleurs chinois, libanais, violeurs senegalais, beninois, rwandais, sassou gueux sot deni et sa clique d’oyo…
    Il est temps de mettre fin aux manoeuvres de ces criminels !

  6. CD JUMEAU dit :

    Here we go again! Le chef terroriste, l’usurpateur Sassou Nguesso Denis, veut encore faire croire au monde entier qu’il se déroule une élection présidentielle en ce moment au Congo. Pour nous autres là, c’est un non-événement parce que faudrait-il d’abord que lui, ce sanguinaire et maudit empereur, soit un dirigeant légitime pour organiser une élection. Or, nous savons tous qu’en 2016 c’est par la force et la fraude qu’il s’est incrusté ce ce poste qui lui tient tant à coeur (s’il en dispose). Et, mis à part ses 8%, qui peut voter un idiot pareil qui a transformé ce pays en enfer? Là il vient encore de couper internet comme l’ont fait ses amis les WATTARA, les CONDÉ etc… pour bien préparer la tricherie et museler le peuple avec la bénédiction du jeune parrain MACRON, prenant les Congolais pour leur bétail. On est fatigué, fatigué, fatigué!

    Le Rwanda avait compris assez vite qu’il fallait coupé tous les liens avec le prédateur (la France). Aujourd’hui ce pays prospère dans son économie et son développement social. Près de chez nous, nos amis Centrafricains viennent de le comprendre et se battent, avec l’appui russe, pour arracher leur souveraineté des mains de la force prédatrice. Au Congo, le peuple est résigné sans parler de tous ces faux opposants et fini par s’accommoder des conditions inhumaines et dégradantes que nous impose le maudit empereur.

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