RADIOSCOPIE ET ORIENTATIONS POUR DES ARMÉES AFRICAINES RÉPUBLICAINES. Par Benjamin MOUTSILA (FCD)

Semaine des résistances africaines

Contribution de Benjamin MOUTSILA


Délégué Général de la Fédération des Congolais de la Diaspora

I- Situation actuelle des armées africaines

En Afrique, aujourd’hui toutes les sous régions connaissent une guerre intra-état, par manque de culture démocratique, par pauvreté morale et de la cupidité de la classe politique. Ces guerres n’impliquent les pays voisins que dans la logistique matérielle, les hommes transnationaux et les mercenaires, etc.
Ces guerres contrairement à celles d’Europe ne sont pas territoriales mais concernent la captation des richesses naturelles au détriment des populations et au profit des multinationales et des groupes politico-mafieux. Les richesses concernées sont :

  • Le Pétrole : Nigeria, Soudan, Angola, Congo
  • Le Diamant : Libéria, RCA, RDC
  • Les Métaux stratégiques : RDC
  • Les Phosphates : Togo
    Ces guerres sont présentées comme ethniques. Les dirigeants de ces états, issus de coup d’état ou de bidouillages électorales, sont tentés ou plutôt ont la propension de vouloir conserver leur pouvoir coûte que coûte. Pour cela ils instrumentalisent l’ethnie, en réalisant une politique clientéliste. Tous les moyens sont utilisés :
  • Armées formatées au service d’un individu avec son clan contre la sécurité des populations. Exemples : Mobutu, Eyadéma, Sassou.
  • Habillages constitutionnels à la taille du dictateur, écrites par des spécialistes des groupes politico-mafieux, pour « bluffer » l’opinion internationale. Ces textes sont systématiquement bafoués, et non respectés (Eyadéma donnant sa parole à Chirac concernant un dernier mandat de sa part et se représentant quelques mois après.)

A- Recrutements et Misions de ces armées

Pendant les périodes coloniales, ils existaient des supplétifs armés (en dehors de l’armée coloniale essentiellement formée d’expatriés). Ils étaient chargés d’aider à la collecte de l’impôt, distribuaient les convocations des « Commandants », des chefs de postes administratifs, des chefs coutumiers et de chefs de terre. Au besoin ils servaient à mater toutes velléités de contestations naissantes. Bref ils intimidaient et réprimaient.
Les personnes qui composaient ces troupes n’étaient jamais issues de régions où ils sévissaient : Diviser pour régner déjà.
Ces corps ont servi d’embryon aux armées africaines.

1- Recrutements

A partir des années 1970, les responsables politiques ont affiné le concept répressif des armées. Ils n’y ont incorporé que leurs obligés et leurs amis, ignorant la mission première de celles-ci c’est à dire la défense du territoire.
Il suffit de regarder les noms, lors des recrutements des officiers pour se rendre compte de l’ethnicisation ou plutôt de la « villagisation » de l’encadrement, puis progressivement, les hommes de troupe. Ce clientélisme dans le recrutement fait qu’une discipline rigoureuse y est difficile à imposer.
Exemples : Sources École de guerre, GERDDES-AFRICA
 [1]
Cas du TOGO : 13 000 hommes
10 000 originaires du Nord ; région d’origine d’Eyadéma
7 000 de l’ethnie Kabyé à laquelle appartient Eyadéma
3 000 originaires du Sud
300 officiers dont 250 originaires du Nord et 200 Kabyés
50 originaires du Sud
26 unités dont 17 commandés par des Kabyés
Les 9 autres par des originaires du Nord du pays.
Cas du RWANDA pas de chiffres disponibles.
Armée à 100% Tutsi dont 90% anciens réfugiés Tutsi en OUGANDA
Cas de la République Démocratique du Congo RDC
Armée à 60% de Katangais Région d’origine de Kabila Père
40% de Banyamulengués en réalité à 90% Rwandais
Tous les officiers de Commandement étaient Rwandais
et ne parlaient qu’anglais, d’anciens de l’armée ougandaise
Cas du CONGO(Nominations depuis le 2/01/2003)
39 Officiers Généraux 28 du Nord
dont 17 de la Cuvette Région d’origine de Sassou
11 du Sud
15 Généraux de division 14 du Nord dont 9 de la cuvette 1 du Sud
42 Commandements 33 confiés aux officiers du Nord et 9 du Sud
De tous ces officiers généraux seuls 9 ne sont pas miliciens : deux saint-cyriens, un  » Navalais de Bordeaux « , un intendant militaire. Tous les neuf n’ont aucun commandement.
Pour accélérer la captation de ce corps, on avait procédé à des séries d’épurations à répétition pour sortir des officiers compétents et non corvéables, formés avec une éthique d’armée républicaine. Alors étaient recrutés tous les miliciens et les copains, qui sont devenus officiers supérieurs. (Procès F-X Verschave : témoignage de Norbert Dabira milicien devenu général et qui encadrait des miliciens cobras, ou Okemba matelot devenu général car neveu du président). La répartition citée plus haut est totalement en inadéquation de la répartition démographique de chacune des régions. Les régions méridionales représentant à elles seules plus des 3/4 de la population totale du pays. Mais les effectifs de l’armée sont aux 4/5 d’une seule région, la cuvette.
La discipline militaire n’existe pas dans cette armée. Les officiers se comportant comme des soudards, des chefs de gang et des « hommes d’affaires » qui jouissent d’une totale impunité de la part du chef de l’État. Ceci a déjà été observé chez : Mobutu avec les Nbgwandi, Bongo et les Batékés, Eyadema et les Kabyés, Kagamé et les Tutsi etc.

2 – Missions ou Dérives                                                                                                                                 

Ces armées au lieu d’assumer les missions de l’État ont servi et servent plutôt à :

  • La conservation du pouvoir au profit d’entités étrangères, de Multinationales
    (Elf, Bolloré, Shell etc.) ou autres groupes mafieux, et leurs suppôts les clans ethnicisés qui s’accaparent des richesses nationales cités plus haut.
  • Captation des prérogatives de l’État au profit d’un groupe clientélisé.
    Les méthodes utilisées sont du pur terrorisme :
  • Intimidations diverses presse muselée, écoutes téléphoniques, menaces verbales et tracasseries administratives, entrave à la libre circulation des personnes et des biens, établissement de « bouchons » pour rançonner les populations, faisant entrave à la libre circulation des personnes et des biens etc. (13 sur les 77 kms de BZV à Kinkala, 60 sur les 300 kms de BZV à Gamboma)
  • Bouclage militaire de régions entières au mépris de bien-être des populations qui se retrouvent privées de TOUT : Nourriture, Logement, Santé, Education, Emploi etc.
  • Interdictions aux ONG humanitaires et autres d’apporter une assistance aux populations (Pool, Darfour, Itouri, etc.)
  • Vols organisés et absences d’enquêtes donc impunité sélective organisée.
  • Viols par les hommes armés ; miliciens et mercenaires.
  • Exactions diverses depuis les bastonnades jusqu’aux assassinats crapuleux et extrajudiciaires
  • Trafics d’armes de guerres et détournements des fonds publics sous prétexte de missions de sécurisation des biens et des personnes. Les officiers généraux devenant commerçants ou exerçants des activités lucratives (Dabira : Tv ; Adoua : Fermes ; Okemba : activités financières etc.)
  • Organisation d’un véritable pillage des richesses publiques et privées à la tête de leurs troupes. Celles-ci commettent de véritable rezzou en terrorisant les populations civiles.
    Les armées actuelles sont totalement milicianisées donc prédatrices. Elles ne peuvent garantir une véritable démocratie. A tel enseigne que les nationaux leur ont donné des sobriquets :
    L’armée des oncles en RDC « Ba sodats ya noko « 
    L’armée des cousins au Togo
    L’armée d’Oyo au Congo ou « l’armée des neveux »
    etc.

II- Quelles doivent être les Missions d’une armée républicaine.

Comment arrêter les guerres en Afrique ?      

Il devient impérieux que s’installe sur ce continent une véritable démocratie en tant que régime de contradiction, avec une presse libre et une vraie société civile.

  • A la classe politique, une éthique, des valeurs démocratiques comme le respect des contre-pouvoirs et des textes constitutionnels et réglementaires, une transparence et une probité dans la gestion de la chose publique, etc.
  • A l’institution militaire, des missions spécifiques de construction nationale doivent être assignées : Intégration nationale et développement économique national.
    Cela implique une neutralité, une impartialité sur le plan politique et une discipline rigoureuse.
    Cette armée doit être le plus professionnel possible surtout dans son encadrement.
    Elle ne doit pas être utilisée dans des fonctions politico-administratives.
    Ses missions doivent garantir un régime démocratique et républicain pour bâtir des sociétés nouvelles en Afrique fonctionnant avec une harmonie à toute épreuve.
    Nous avons listé cinq missions essentielles :

Première : Défense de l’Intégrité Territoriale et de la Souveraineté
Nationale. Donc un respect de la hiérarchie et d’une discipline
rigoureuse sans faille. Ce qui entraînerait une utilisation concertée
et adaptée de l’armement

Seconde : Maintien de l’Ordre Républicain, et Protection du Citoyen.
Ce qui permet de bâtir au sein des incorporés et des citoyens
un esprit de Nation et de Patrie.
Elle assurera une instruction civique et citoyenne des différentes
classes d’âge qui apprendront le respect de la personne humaine
et des biens publics et privés. Balayant de ce fait l’éthnicisme et le
régionalisme. Mettant en exergue les devoirs et les droits du
citoyen.

Troisième : Missions humanitaires face aux fléaux naturels (Inondations,
Tempêtes, Éboulements et autres catastrophes naturelles).
Missions de maintien de la paix et d’interpositions sous mandats
de l’ONU et de l’UA.

Quatrième : Missions socio-sanitaires, sa logistique peut lui permettre en
complémentarité des services de l’État d’assumer des campagnes
d’éradication de certaines épidémies et autres maux occasionnels.
Elle peut assumer des missions d’éducation sanitaire et
de maintien du capital sanitaire, grâce aux passages en son sein
de toutes les classes d’âge.

Cinquième : Missions socio-économiques spécifiques limités aux
Infrastructures nationales : ponts et routes. A la Protection des
Domaines naturels environnementaux. Construction, Entretien,
Sauvegarde et Garde des parcs naturels.

III-Quelle type d’armée pour ces missions                                                                                               Lutte contre les armements.

Des accords passés n’ont jamais fonctionné car dirigés les uns contre les autres ou souffrant des inerties de commandements et du manque de la principale qualité d’une armée : une discipline rigoureuse et un respect de la hiérarchie.
Il faut à ces pays sans sentiment  » de nation « , (d’ethnies et de cultures différentes) une armée mixte.

  • Une conscription pour permettre de créer ce sentiment d’appartenir à une nation et d’y développer le patriotisme. Grâce au melting qui se créé dans les différentes classes d’âge et un enseignement citoyen qui y sera dispensé.
  • Enfin un encadrement de métier où tous les sous-officiers et officiers seront formés avec rigueur et une éthique dans le respect de la hiérarchie et de la discipline militaire.
  • L’interdiction formelle de recrutement de mercenaires et autres officines de sécurité.
  • Une neutralité, une non-éligibilité de ses membres.
  • La CNS avait adopté cinq actes fondamentaux qu’il faut remettre en vigueur :
  • 1 Transformation de l’APN en FAC
  • 2 Restauration de la Gendarmerie Nationale
  • 3 Dissolution de la Garde présidentielle
  • 4 Dissolution du bataillon autonome de garde nationale et sécurité présidentielle.
  • 5 Démilitarisation de la police nationale et affectation au ministère de l’intérieur.
    Il faut penser une intégration des armées africaines dans une politique de sécurité collective des populations permettant d’arrêter les trafics ou la prolifération d’armes de guerre.
    Il faut initier des traités militaires régionaux, puis interrégionaux d’assistance aux populations : Droit d’ingérence humanitaire et non des traités dit de non-agression qui sont plutôt dirigés contre les populations. Ce qui annihilerait les attaques contre les ethnies transfrontalières cas du Pool, du Darfour, du nord de l’Ouganda, de l’Est de la RDC, du Nord de la Côte d’Ivoire, etc.
    Les conseils pour le fonctionnement de ces traités devraient être constitués à parité entre les Politiques, la Société Civile, les Autorités morales, les Autorités religieuses. (Pour éviter la constitution de syndicats de chefs d’Etat)

IV Dispositions actuelles de l’UA                                                                                                                   

Le nouvel OUA ou UA ont créé en son sein un Conseil de Paix et de Sécurité.
Il a comme règles essentielles :

Dispositions actuelles de l’UA                                                                                                                   

Le nouvel OUA ou UA ont créé en son sein un Conseil de Paix et de Sécurité.
Il a comme règles essentielles :

  • De ne formuler que des recommandations, le pouvoir de décisions revient à la conférence des chefs d’état.
  • De ne pas intervenir dans un Etat que sur décision de la Conférence dans certaines conditions : Crimes de guerre ; Génocide ; Crimes contre l’humanité.
  • Non-ingérence d’un Etat membre dans les affaires intérieures d’un autre Etat membre.
  • Ses 15 membres sont de deux collèges. Un de 5 membres ayant un mandat de 3 ans et un autre de 10 membres un mandat de 2 ans. Aucun n’est permanent, ni ne dispose de droit de veto. Ce conseil est présidé par le Président de la Commission de l’UA.
  • Il doit promouvoir la Paix, la Sécurité, la Stabilité.
  • Anticiper et prévenir les conflits ou encore faciliter la consolidation de la paix dans les pays qui sortent d’une période de conflits.
  • Il est secondé par un système d’alertes rapides chargé d’identifier les crises naissantes.
  • Il est secondé par un groupe de sages : 5 personnalités susceptibles de mener des actions de prévention.
    Cette tentative sur l’initiative des chefs d’État anciens putschistes, ou ayant une interprétation particulière de la démocratie rejoint en fait les avatars des anciens traités de non-agression dans leur philosophie tels : Casablanca ou Monrovia. Excluant totalement la sécurité des populations et leur participation. Mais par contre la survie des régimes dictatoriaux. Le grand initiateur étant M Sassou, spécialiste des coups d’État et des forfaitures. Ce sera une autre maison de retraite pour les anciens dictateurs en quête de tapis rouge.

V- Dispositions passées                                                                                                                                          

Il a existé des traités qui malheureusement ont fait long feu car inefficaces :

  • Groupe de Casablanca qui comptait les pays suivants : Ghana ; Guinée ; Maroc ; Égypte. Ces pays du 3 au 7 janvier 1961 avaient signé une charte qui prévoyait un Haut commandement conjoint pour la coordination des politiques de défense, une opposition aux stationnements des troupes et des bases étrangères. Promouvoir la liberté de toute l’Afrique. Une unité d’action et la sauvegarde de l’indépendance. Libérer les territoires sous domination étrangères.
  • Groupe de Monrovia qui regroupait les pays du Conseil de l’Entente, ceux de L’UAM ; Congo RD, Ethiopie, Liberia, Nigeria, Sierra Leone, Somalie, Tunisie, Soudan, Tanganyika, Togo qui se sont réuni du 8 au 12 mai 1961. En réponse au groupe de Casablanca. Ils avaient rajouté la non-immixtion dans les affaires intérieures et le respect et l’inviolabilité de la souveraineté nationale.
  • L’OUA avec son article 20 Commission de défense qui n’a connu plus d’échecs que de succès.
    Conflits : Algéro-Marocain, Somalo-Ethiopien, Ouganda, Tanzanie n’avaient pu être mis sur pied que des missions Ad Hoc d’observation de cessez le feu.
    Invasion de la Guinée 1970, Mutinerie au Tanganyika 1964 Échecs cuisants par inertie décisionnaire.
    ECOMOG au Libéria et Sierra Leone a plutôt confirmé l’affairisme des officiers sans éthique ni scrupule.
    Le seul succès c’est une force de maintien de la paix au Tchad ; où les troupes étaient africaines : Congo, RDC, Maroc, Sénégal et la logistique européenne : G-B, France.
    Aujourd’hui l’UA a lancé des tentatives sur l’initiative des chefs d’État anciens putschistes, des traités de non-agression dans la philosophie des anciens traités tels : Casablanca ou Monrovia. Ils privilégiaient la survie des régimes dictatoriaux. Le grand initiateur étant M Sassou, spécialiste des coups d’État et des forfaitures.
    Un politique disait :  » L’armée est une chose trop sérieuse à ne pas confier à des militaires « 

« Journée de la lutte contre les guerres et armements en Afrique »
Stand animé par les délégués de la FCD :
Benjamin Moutsila, Christian Manckassa, Olivier Bidounga, Francis Hombessa.

© Document FCD

[1] Groupe d’ÉTUDES et de Recherches sur la Démocratie et le Développement Économique et Social

Posté le 14 janvier 2005

TABLE RONDE SUR LA REFORME DE L’ARMÉE DU CONGO-BRAZZAVILLE – 15 FÉVRIER 2020 ( FILM INTÉGRAL)

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