Quelques vérités pétrolières…

Il y a peu, au mois de juillet dernier, la Présidence de la République du Congo, annonçait que 10 milliards de dollars étaient nécessaires à Total pour le développement de Moho Bilondo Nord. La compagnie pétrolière n’a jamais confirmé cet élément économique, et surtout financier, de taille et beaucoup d’observateurs ont alors manifesté leur étonnement Total se désolidarise de Sassou N’Guesso : trop c’est trop ! .

Peu de temps après, le président Denis Sassou NGuesso avertissait la population congolaise, qui dans sa très grande majorité ne profite nullement de la richesse pétrolière, que la production d’or noir allait décliner… Nombreuses encore ont été les réactions à cette curieuse déclaration.

Des indiscrétions récentes permettent d’apporter une réponse commune à ces deux dernières interrogations  : « En clair, le Congo, s’il veut conserver son potentiel de production en hydrocarbures doit aller vers des techniques coûteuses, polluantes et dévastatrices pour l’environnement. Ce sera le prix à payer ! » Il s’agira, en « on shore », de l’exploitation des grès bitumineux par l’Italien ENI « Le pétrole le plus sale au monde » et en « off-shore » de l’application des techniques développées par TOTAL au Canada pour l’exploitation des grès bitumineux au difficile et très important gisement Emeraude. Total opère ce gisement et ENI en est également actionnaire.

Bien entendu, le résultat des courses pour les Congolais sera le même, toujours plus de misère, et pour les privilégiés du pouvoir, et pour la famille présidentielle, plus de détournements. Pour le pays, pour l’environnement , il faudra s’imprégner du document, ci-dessous, publié par Greenpeace. Il faudra bien le garder à l’esprit et en tête car il n’augure rien de bon ! Il y est décrit la monstruosité des dégâts qui seront causés à l’environnement par cette exploitation « on shore ».

Cependant, pour ce qui est de l’ « off-shore » l’utilisation de cette technique est encore totalement inconnue. Le Congo en assurera la première planétaire, avec tous les risques que l’on pourra imaginer….. Le permis Emeraude, avec ses énormes et difficilement accessibles réserves, avait déjà inauguré et financé la coûteuse « technique  vapeur », utilisée également dans d’autres pays avec succès. La vapeur injectée sous haute pression fluidifie les huiles lourdes et en améliore l’extraction. Mais pour parvenir à soutirer des entrailles de l’océan les quantités de pétrole, quasi solide de ce méga-gisement, la manière forte et polluante des techniques développées en Alberta devra s’imposer…. Avec, bien entendu, la bénédiction de Denis Sassou NGuesso, qui s’agissant de la manière forte, à maintes reprises, a déjà fait ses preuves…!

Pour être complet, dans la projection des dix milliards de dollars d’investissements pour Total, il serait prévu une exploration ante-salifère des gisements. C’est-à-dire, le même type de schéma qui avait prévalu pour le permis de M’Boundi. Ce permis « on-shore » était un « rendu » de Total qui ne l’intéressait plus, il ne produisait que 1000 ou 2000 barils/jour. La nappe de pétrole exploitée reposait sur les couches salifères. Maurel Prom, de Jean-François Henin, l’obtint pour quasiment rien et décida une exploration sous le sel (ante-salifère). Bingo ! La production atteignit alors 76.000 barils/jours avant la cession du permis en 2007 pour 1,424 milliard de dollars, exonérés d’impôts, à ENI. « On ne sait pourquoi », peu de temps après, la production déclarée par ENI sur ce gisement n’était plus que de 35 000 barils/jour…. !

L’unité de compte dans l’industrie pétrolière, et surtout au Congo, est désormais le milliard de dollars soit 500 milliards de FCFA. Tant chez ENI que chez TOTAL, les montants avancés donnent le vertige. Rien ne dit que la pauvreté de la population congolaise en sera réduite. Rien ne garantit que ces investissements ne viendront pas renforcer l’oppression, par le système actuel, de cette même population et plus encore la destruction de son environnement.

Sergueï Ondaye

Les sables bitumineux : c’est quoi ?

Il s’agit de bitume très visqueux aggloméré à du schiste et du sable, à partir duquel on produit du pétrole. Ces sables bitumineux sont exploités dans des mines à ciel ouvert ou dans des gisements souterrains. Dans le premier cas ils sont extraits à l’aide de pelles mécaniques et de camions géants. Pour l’extraction «in situ», il faut forer, chauffer le bitume en injectant de la vapeur et des solvants en profondeur, puis mélanger le sable extrait avec de l’eau chaude pour le rendre moins visqueux. Enfin, il faut le faire décanter pour en extraire le pétrole. C’est donc un processus complexe, coûteux et extrêmement polluant. Actuellement, les plus vastes réserves de sables bitumineux exploitables se trouvent en Alberta – Canada, au Venezuela (huiles extra-lourdes) et à Madagascar.

Aberration énergétique, climatique et environnementale, les sables bitumineux, avec  les schistes bitumineux, sont les pétroles le plus chers, les plus sales, les plus polluants qui soient.

Le cas de l’Alberta

Une catastrophe écologique

Chaque année, c’est jusqu’à 349 millions de mètres cubes d’eau de la rivière Athabasca qui sont détournés par les compagnies pétrolières. Cette quantité pourrait alimenter une ville de trois millions d’habitants. 90 % de l’eau utilisée termine dans d’immenses mares toxiques (solvants, produits chimiques: arsenic, mercure, xylène, benzène…) qui ne peuvent être recyclées, souillant rivières, les sols et probablement les océans à très court terme. 1,8 milliard de litres de ce liquide toxique sont produits chaque jour et on estime que 11 millions de litres fuient chaque jour dans la rivière d’Athabasca.

Selon, David Schindler, écologistes de l’eau spécialisé dans l’étude des sables bitumineux, les émissions industrielles déposent du bitume, des métaux lourds et d’autres substances toxiques dans le paysage et ces substances se déversent ensuite dans la rivière. Cette pollution est équivalente à 5000 barils de pétrole par an. Une étude publiée dans le Wilson Journal of Ornithology a démontré en septembre 2010, que le nombre d’oiseaux mourant en Alberta chaque année à cause des bassins de décantation est 30 fois supérieur aux chiffres de l’industrie : 2000 oiseaux morts /an contre 65.

Une catastrophe sanitaire

Des données du gouvernement canadien ont montré que les niveaux de produits cancérigènes (arsenic, cadmium, nickel, benzène) dans les bassins de décantation ont augmenté de 30% en 4 ans. Au total, l’industrie pétrolière du pays a produit environ 50 000 tonnes de produits potentiellement dangereux entre 2006 et 2009, d’après les chiffres du National Pollutant Release Inventory. On trouve 30% de cancers de plus que la moyenne provinciale à Fort Chipewyan, petite communauté autochtone en aval des mines et des bassins de décantation de l’industrie pétrolière. Une catastrophe énergétique Produire 1 baril de pétrole bitumineux nécessite 5 barils d’eau, 2 tonnes de sables et ½ baril de gaz (l’équivalent en gaz naturel de la consommation d’un foyer pendant une journée et demi). Il faut 1 baril d’énergie pour produire 5 barils issus des sables bitumineux quand il en faut 1 pour 20 pour le pétrole conventionnel Une catastrophe climatique L’extraction d’un baril issu des sables bitumineux émet jusqu’à 5 fois plus de gaz à effet de serre qu’un baril de pétrole conventionnel. Selon le Potsdam Institute for Climate Impact Research, si l’on veut garder la hausse des températures en dessous des deux degrés, moins d’un quart des réserves prouvées en fossiles (pétrole, gaz et charbon) peuvent être utilisées d’ici à 2050. Nous ne pouvons donc pas brûler toutes les réserves : nous devons sortir rapidement du charbon, ne pas extraire les sables bitumineux et ne pas chercher à pomper jusqu’à la dernière goutte de pétrole. Aujourd’hui, 3000 km² de forêt ont disparus. Si toutes les aires potentiellement exploitables sont prêtées à l’extraction de pétrole, c’est 25 % de l’Alberta qui sera touché, soit 149 000 km², une superficie plus grande que l’Angleterre !

Acteurs peu scrupuleux et gros sous

On les retrouve tous…Exxon, Shell, Chevron, BP, Suncor, Syncrude, Statoil … et bien évidemment Total. Le Canadian Energy Research Institute a estimé à 379 milliards de dollars l’investissement d’ici à 2025 pour produire 4 millions b/j. Cet institut estime que dans le même temps les les revenus gouvernementaux annuels issus de cette production pourraient atteindre 68 milliards $ au cours des 25 prochaines années. De son côté, Total prévoit d’investir 20 mds de dollars dans les sables bitumineux d’ici 20 ans. Selon Novethic, le coût d’extraction des sables bitumineux est extrêmement élevé : de 20 à 50 dollars le baril soit environ 20 fois plus que le pétrole conventionnel. De plus pour que le projet d’extraction des sables bitumineux soit viable, le prix du baril doit se situer entre 70 et 100$.

Sortir de notre addiction à l’or noir

Les pétroles conventionnels -facilement exploitables- se raréfient et les compagnies pétrolières se positionnent sur les projets les plus fous pour s’assurer de garder leur part du gâteau. Ils maintiennent la planète sous haute dépendance en prolongeant notre addiction avec un pétrole plus cher, plus polluant, plus risqué : sables bitumineux, offshore profond, schistes bitumineux : des projets de prospection, voire d’exploitation sont en cours un peu partout dans le monde.

Selon le Potsdam Institute for Climate Impact Research, si l’on veut garder la hausse des températures en dessous des deux degrés et ainsi éviter les pires conséquences des changements climatiques, moins d’un quart des réserves prouvées en fossiles (pétrole, gaz et charbon) peuvent être consommés d’ici à 2050. Nous ne pouvons donc pas pomper jusqu’à la dernière goutte de pétrole. Les gouvernements du monde entier sont aujourd’hui à la croisée des chemins : ils doivent choisir entre la recherche de pétrole à tout prix, symbole d’une véritable fuite en avant, et le développement massif des économies d’énergie et des filières renouvelables.

Les meilleurs investissements en termes de sécurité énergétique sont ceux qui réduisent la demande et la dépendance au pétrole.

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