Passer de la Dictature à la Révolution au Congo-Brazzaville

Devant les échecs accumulés au fil des années pour désintégrer le système dictatorial de Brazzaville, certains d’entre nous rêvent d’un coup d’État militaire. Cela peut paraître un des moyens les plus faciles et rapides d’éliminer un régime corrompu et génocidaire. Néanmoins, cette option pose de graves problèmes. Le plus important est qu’elle peut permettre à des membres du clan qui ont les moyens financiers et militaires de prendre le pouvoir s’ils sont les auteurs de ce coup d’Etat. Dans ce cas, le renvoi de certaines personnes et cliques des postes gouvernementaux facilitera tout simplement l’occupation de ces postes par des caciques, des brutes qui pourraient avoir un comportement plus violent et corrompu comme cela s’est passé en 1977. L’échec du coup de Dabira nous en dit aussi long sur le sujet. Ils ne le feront que pour conserver leurs acquis et leurs positions dans le système. Cela ne peut donc pas être une réponse acceptable au problème de la dictature que nous subissons.

Quant aux élections, même si certains y courent à bride abattue, il n’en est pas question sous une dictature : elles ne sont pas un instrument efficace de changement politique. Certains régimes dictatoriaux, comme ceux du bloc de l’Est sous contrôle soviétique, firent des parodies d’élections pour paraître démocratiques. Elles ne furent que des plébiscites rigoureusement contrôlés pour faire entériner par le public des choix de candidats déjà tranchés par les despotes. Des dictateurs sous pression peuvent parfois accepter de nouvelles élections, mais en les truquant pour mettre en place leurs marionnettes civiles au gouvernement.

Beaucoup de gens qui souffrent actuellement des brutalités de l’Empereur ou qui se sont exilés pour y échapper, ne croient pas que les populations puissent se libérer elles-mêmes. Mais ils pensent qu’elles ne peuvent être sauvées que par l’intervention de tiers, en l’occurrence la France. Ils placent leur confiance en des forces extérieures et croient que seule l’aide internationale peut être assez puissante pour le renverser.

Cette idée selon laquelle les populations, apeurées et résignées,  sont incapables de se lever comme un seul homme pour désintégrer le système. Cette vision est battue en brèche par les jeunes courageux qui se sont levés à Nkayi, Brazzaville et Pointe-Noire. Toutes celles et tous ceux qui doutent des capacités de nos compatriotes de se révolter ont là la preuve éclatante que ce n’est pas le cas. A ces populations il ne manque qu’une organisation pour les structurer et les mobiliser pour la Révolution qu’elles appellent maintenant de leurs vœux. Il est temps que les réticents autopsient ces situations pour comprendre à quel point les populations en ont marre et sont prêtes à se soulever. La précarisation progressive des populations, le contexte conflictuel de la sous-région et la pression financière sont autant de situations qui fragilisent le système. Il est temps d’agir mais pour cela nous devons organiser les populations parce que l’on ne peut mobiliser que des populations que l’on a organisées.

La vision qui consiste à se remettre aux bras d’un sauveur étranger pour  être sauvé pose de sérieux problèmes. Cette confiance accordée à une puissance extérieure est souvent très mal placée. En général, ce « deus ex machina » étranger ne se présente pas, et s’il le fait, on ne devrait probablement pas lui faire confiance parce que la philanthropie ne fait pas partie du vocabulaire des grands acteurs des relations diplomatiques. Les pays n’ont pas d’amis mais seulement des intérêts. Cette option nécessite de considérer de dures réalités avant de s’en remettre à une intervention étrangère :

  • Fréquemment, les puissances étrangères tolèrent et même soutiennent une dictature afin de faire avancer leur propre intérêt économique et politique. Cela, nous le vivons depuis 60 ans.
  • Certains iront jusqu’à trahir les populations opprimées plutôt que de tenir leur promesse d’aider à leur libération, cela afin de poursuivre un autre objectif. L’amère expérience de l’ancien président français nous a remis le dictateur pour 5 ans. Nous en payons encore le prix.
  • D’autres agiront contre la dictature pour mieux maîtriser le pays aux plans économiques, politiques ou militaires. Méfions-nous de ces puissances étrangères qui nous font miroiter leur aide pendant qu’elles  achètent des pans entiers de notre territoire et organisent le vol de nos richesses en saccageant nos écosystèmes.
  • Les puissances étrangères s’investissent parfois de manière positive pour les populations opprimées, mais seulement si le mouvement intérieur de résistance a déjà ébranlé la dictature au point d’attirer l’attention internationale sur la nature brutale du régime.

Pourtant il faut se rendre à l’évidence, les dictatures existent principalement à cause de l’insuffisante répartition du pouvoir dans le pays lui-même. La population et la société sont trop faibles pour poser des problèmes sérieux au pouvoir dictatorial, la richesse et le pouvoir sont concentrés en trop peu de mains. Nos compatriotes ont commencé à s’affranchir de cette situation quand ils crient dans les réseaux sociaux leur colère contre le régime. La survie des dictatures dépend principalement de facteurs internes, même si elles peuvent être renforcées ou affaiblies par des actions internationales.

Il est évident que la seule solution viable est d’affronter le dictateur en renforçant la détermination naissante des populations. Pour ce faire, il est impératif de travailler à cinq tâches :

  • Renforcer la détermination de la population et sa confiance en elle-même, et améliorer ses compétences pour résister ;
  • Fortifier les groupes sociaux indépendants et les institutions qui structurent la population opprimée pour s’en servir des outils pour organiser la résistance;
  • Créer une puissante force de résistance interne grâce aux outils technologiques qui raccourcissent les distances;
  • Fragiliser les soutiens et collaborateurs du système ;
  • Développer un plan stratégique global de libération judicieux et le mettre en œuvre avec compétence. La plupart de mouvements de résistance contre le dictateur ont échoué par manque de stratégie claire, de planification et d’approche méthodologique.

Cette lutte peut aussi poser les fondations de construction d’un peuple uni parce que c’est un temps d’affermissement de la confiance en soi et de renforcement de la cohérence interne entre les populations, un double objectif qui permet de bâtir une démocratie et une indépendance réelles.

Quand la dictature doit faire face à une force solide, sûre d’elle-même, dotée d’une stratégie intelligente, avec des actions disciplinées, courageuses et vraiment puissantes, elle finira par s’écrouler. Mais, au minimum, les cinq  conditions énumérées ci-dessus devront être remplies. Comme nous venons de le montrer, la libération des dictatures dépend finalement de la capacité des populations à faire leur révolution. 

David LONDI

Diffusé le 22 janvier 2020, par www.congo-liberty.org

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8 réponses à Passer de la Dictature à la Révolution au Congo-Brazzaville

  1. Le dernier Kongo bantou dit :

    Bonjour ! 24 ans déjà,mais 60 ans que ça dure d’un entretien sournois de l’ambiguïté. Cher aîné Londi,le préalable est de définir une fois pour toute la notion de peuple en ce qui concerne le Congo Brazzaville pour expliquer la diversité comportementale que tu évoques dans ton texte. La volonté de rechercher l’unicité populaire pour faire valoir une efficacité sera toujours vaine. Coup d’État militaire ou révolution de palais,ne sont que l’expression d’un rapport de force qui prouve l’impuissance des intellectuels à mobiliser des réseaux intérieurs et extérieurs puissants politiquement et économiquement. Je désapprouve la vindicte de l’étranger que l’on ne sait jamais désigner. Une chose est sûre,tant que nous refuserons de nous inspirer d’expériences positives,les congolais observeront le statut quo du c’était mieux avant avec les mêmes de la génération MNR. Poussés à l’extrême,les congolais n’ont plus d’autres choix qu’à passer à la phase critique du sacrifice d’eux-mêmes,le big-bang a bien servi à façonner le monde

  2. David Londi dit :

    @Le dernier kongo bantou,

    cher cadet, je suis d’accord avec toi quand tu dis « le préalable est de définir une fois pour toute la notion de peuple en ce qui concerne le Congo Brazzaville pour expliquer la diversité comportementale que tu évoques dans ton texte ». Oui, bien sûr, les notions de « Nation » et « Peuple » sont de vieilles promesses non tenues depuis les indépendances. Les murs invisibles entérinés par la Conférence restent un handicap sérieux pour les populations africaines. Les outils qui auraient dû servir à former le moteur d’intégration des populations (armée et école) pour faire une Nation et un Peuple ont échoué. Même la notion de l’Etat qui doit assurer l’égalité de tous devant la loi a été battue en brèches par des déclarations intempestives et opportunistes du genre « Bakongo ba bomi Marien » ou « S’il m’arrivait de mourir à 11h, à 15h on n’entendrait plus parler du nord … ». L’Etat livre à la vindicte populaire des pans entiers de la population et dresse les citoyens les uns contre les autres. L’Etat congolais n’existe plus. Il est à reconstruire. C’est pour ces raisons que je n’utilise jamais les termes de « Nation congolaise ou de Peuple congolais » mais plutôt « Population congolaise » parce que cela représente une donnée statistique. C’est de ce constat que partent mes convictions pour le fédéralisme: unir dans la diversité, comme étape importante pour matérialiser les notions de « Nation » et de « Peuple ».

  3. Val de Nantes dit :

    Le drame du Congo a un nom : la marchandisation de la politique au détriment des capacités ou des dons acquis au travers de nos parcours intellectuels et autres.
    Nous nous sommes habitués à la faculté financière ; la politique étant devenue le lieu d’assouvissement de nos désirs les plus fous ….
    La notion de servir le Congo est reléguée aux oubliettes sous le sceau de la vengeance socio – familiale ,car la conception individualiste du bien être dépasse le souci collectif du mieux vivre ensemble …
    Rousseau disait : « la volonté générale est la part de liberté que donne chaque citoyen à la construction des lois censées régir nos comportements au sein d’une nation .. » .
    En gros ,il voulait dire : » nous devons respecter les lois que nous nous sommes prescrites .. ».
    D’où cette interrogation : Est ce que le pouvoir est un savoir ?
    Si la réponse est oui : nous validons ,sans filtre,la défaillance de l’intelligence vis à vis de la médiocrité et donc de la dictature .Les doctrines dictatoriales ont pour fondement la prise de pouvoir sous quelque forme qu’elle soit en monirant la puissance du savoir ,qui est l’antidote du pouvoir dictatorial…
    C’est plutôt le « savoir qui est un pouvoir  » ..
    Du savoir née l’éthique ,comme horizon des possibles où tout le monde possède ce pouvoir de réflexion sur la façon de penser soi même ,pour soi pour trouver sa juste place dans notre univers qu’est le Congo …
    L’univers congolais est un lieu des caïmans à la recherche des poissons et mollusques qui s’y trouvent ,c’est la jungle car le menu est réservé à l’aristocratie politique auto – proclamée et avide de tout .
    Comment dans cette ambiance de quête de richesses personnelles peut on construire une nation où le politique détient le monopole de la démolition de l’écosystème économique ?..
    Je crois ,pour ma part ,à une remise en conformité institutionnelle de notre pays pour mettre en évidence  » la parabole des talents  » assise sur l’équité sociale …
    L’intrusion étrangere dans nos affaires nationales est le produit de notre notre manque de nationalisme ,de vision économique , de peu d’intérêt pour nos souffrances séculaires …
    Changer le code d’accès institutionnel est le début de la maximisation de nos espoirs ,et de la potentialisation de nos acquis économiques ….
    La parabole des talents ,c’est quoi ?.
    Si vous êtes ingénieur et riche ,c’est grâce à votre réussite scolaire ..
    Si vous êtes riche ,c’est grâce à l’exploitation de votre intitution dans le domaine des affaires .
    Si vous êtes pauvre , vous devrez tenter de sauter la digue qui se dresse devant vous . À l’impossible nul n’est tenu . Il suffit que le Congo appartienne à tout le monde ..
    Voilà mon très cher @David Londi ,ce que j’estime être la conception politique la plus attendue de nos compatriotes ..
    Comme l’avait su dire ,le grand Einstein : » Pour voir plus loin ,étant un nain ,je me suis posé sur les épaules de géant . »autrement dit ,il s’est servi des savoirs des savants qui l’ont précédé pour bâtir sa  » théorie de la gravité « .
    En se servant des meilleurs exemples ,on peut dépasser les meilleurs exemples d’hier …

  4. Val de Nantes dit :

    Lire ,,en minorant la puissance .
    Correction :
    La théorie de la gravitation a été l’oeuvre scientifique ( révolution scientifique )par Newton au lieu d’Einstein .
    Einstein s’était posé sur les épaules de Newton pour pondre sa  » théorie de la relativité  » issue de la chute d’une pomme du pommier …
    Cette précision est très importante dans la chronologie des découvertes scientifiques rythmées par le dépassement des anciens auxquels nous devons du respect .

  5. Samba dia Moupata dit :

    Une révolution dévient impérative , pour rétablir la république du Congo, prise en otage par ces crétins saboteurs Mbochis . Cette fois ci , la population sortira toute seule , plus besoin des corrompus escrocs comme parfait kolélas ,Mbaya ,Kihoulou , j’apprends que Paulin Makaya est le visiteur du soir de Pierre Ngollo, le président du Sénat Mbochi .

  6. Val de Nantes . dit :

    Cette révolution en devenir prendra la forme de la lutte des classes théorisée par K .MARX .Dans sa dialectique historique ,il est question de la lutte sans merci entre les détenteurs des moyens de production et les vendeurs de leur force de travail que sont les ouvriers .
    Sous l’angle politique ,il s’agit de renverser ce pouvoir dictatorial par la prise de conscience commune de l’état d’oppression dans lequel vit le peuple congolais ….L ‘HISTOIRE A TOUJOURS ÉTÉ un antagonisme des intérêts entre les faibles et les plus forts ,le peuple congolais doit s’y mettre pour retrouver tous ses droits confisqués par une dictature ethnique et sauvage habillée des oripeaux de fausse démocratie .
    Encore faudrait -il que ce même peuple ,conscient de son état de sujétion , agisse à l’unisson pour constituer une armature compacte contre SASSOU ?
    Le fanatisme tribal au CONGO est l’essence qui tourner ce pouvoir morbide qui tire sa longévité de la dévotion de l’armée tribal à son chef tribal .
    La malédiction se trouve logée dans cette armée au service de cette vermine .

  7. David Londi dit :

    @Val de Nantes,
    je valide cette analyse, frère !

  8. Val de Nantes dit :

    Lire ,,armée tribale
    fait tourner .
    Au Congo ,la marmitte est entrain de bouillir ,mais personne n’est encore capable de soulever le couvercle ….
    Dans mes premiers commentaires ,j’avais fait état de la genèse du penchant dictatorial ,qui était une transgression du surmoi motivée par la nécessité de se venger de la société par la prise du pouvoir politique en y instaurant la dictature ,comme affirmation de soi ,devant tout un peuple ….
    Mon dernier commentaire examinait la stratégie historique de la désintégration des régimes dictatoriaux par le soulèvement unifié d’un peuple contre son oppresseur s’appuyant sur un outil d’oppression qu’est la milice ethnique .
    Comprendre une dictature ,c’est en comprendre sa raison d’être ….
    Mettre le pays à l’abri d’une potentielle dictature doit s’inscrire dans un processus
    d’acquisitions des valeurs culturelles et surtout politiques comme garantes du mieux vivre ensemble ..
    La nature humaine ou l’état anthropologique de l’homme ne nous garantit pas contre les excès des désirs d’accaparement des uns sur les autres …
     » Pendre aux autres ,pour satisfaire sa libido prédatrice  » .
    En gros ,l’homme étant guidé par la quête de ses propres intérêts et l’égoïsme comme église imprenable , ,c’est au droit bien réfléchi que revient la charge de protéger le pays de la folie humaine .
    Cette analyse épouse la thèse Hobbesienne dans le Léviathan  » l’homme est un loup pour l’homme ‘ .Sassou ,dans sa folle conception du pouvoir, en fait l’expérimentation sur le pays …..

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