J’ai découvert monseigneur Tchidimbo tout à fait par hasard, en effectuant un travail de recherches sur le grand père du député Jean Félix Tchicaya, Louis Mbuyu Portella. Ce dernier avait des ateliers de couture à Pointe Noire, à Libreville et à …Conakry. Naturellement, j’ai voulu assouvir ma curiosité en essayant d’en savoir davantage sur le prélat. Soussou , Malinké, Vili ou Bambara ? Ce n’est pas ce qui m’importait car les ecclésiastes sont avant tout des missionnaires universels quelle que soit leur nationalité. Ce qui m’a subjugué chez monseigneur Tchidimbo c’est son histoire, son combat face à la dictature de Sékou Touré mais aussi son humilité, humour et sens de la répartie.
J’ai donc souhaité lui consacrer une tribune à l’occasion du septième anniversaire de sa mort pour rendre hommage à l’ecclésiaste exceptionnel, a l’itinéraire tout aussi exceptionnel.
Le père de monseigneur Tchidimbo fit très certainement partie de la toute première génération de tailleurs sortis de l’atelier de Louis Mbuyu Portella à la fin du XIX e siècle. Grand notable vili devenu très riche, il était très en avance sur son temps et possédait déjà à l’époque un atelier à Pointe Noire où il initiait des jeunes à la couture. Devant le succès de ses affaires, il avait ouvert une antenne à Libreville, considérée alors comme un hub et où étaient envoyés ses meilleurs apprentis-tailleurs. Les colons avaient jeté leur dévolu sur cette ville dont ils projetaient de faire leur capitale et leur point de fixation. Le Gabon et le Congo ne faisant qu’un avaient pour gouverneur un certain Noël Eugène Ballay, compagnon de de Brazza lors de sa première expédition dans l’Ogooué en 1879. Suite à un désaccord avec de Brazza, il démissionna et fut promu l’année suivante gouverneur de la Guinée. Lors de son affectation, il emmena avec lui deux jeunes , Louis Pouaty, grand oncle de monseigneur Louis Mbuyu Portella , actuel évêque de Kinkala au Congo-Brazzaville et Tchidimbo le père du futur prélat de Guinée. Monseigneur Raymond-Marie Tchidimbo est né le 15 Août 1920 à Conakry d’un père d’origine congolaise et d’une mère métisse anglo-guinéenne appartenant à la famille Curtis. Voici le récit de sa naissance tel qu’il l’a écrit lui-même dans un de ses livres intitulé « Noviciat d’un prêtre » paru chez Fayard en 1997:
« Je suis né à 2h du matin, à l’heure où les moniales et les moines se levaient pour chanter les matines de l’Assomption de la Sainte Vierge Marie.Et la Vierge Marie m’a séduit et je me suis laissé séduire par elle tant et si bien que les moments forts de ma vie ont été marqués par sa présence enveloppante et sécurisante. Le soir même de ma naissance mon père et ma mère me conduisirent dans notre Église paroissiale de Sainte Marie pour y recevoir le baptême. On m’appela Raymond car le premier vicaire apostolique nommé s’appelait ainsi. Et l’on rajouta Marie pour me mettre sous la protection de la Vierge de l’Assomption »
Il est le cinquième enfant d’une fratrie de sept. Il connaît une enfance paisible à Conakry et durant celle-ci, il côtoie notamment quelques autres enfants de la communauté chrétienne de Conakry. Ce sont notamment :
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Jean et Benjamin Lawrence
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Richard Fowler
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Alfred Ndièye et Jean Marie Pouaty , ses deux cousins. De cette bande de copains, trois d’entre eux feront partie de la famille ecclésiastique de Guinée, Richard Fowler, Jean-Marie Pouaty, et le futur monseigneur Raymond-Marie Tchidimbo. Il entre au séminaire de Dixin près de Conakry pour y effectuer ses études primaires et secondaires. Citoyen français , il est mobilisé durant le conflit de 1939/ 1945 et à l’issue de celui ci, il demande à être affecté au séminaire de Sébikhotane au Sénégal. C’est au cours de son séjour sénégalais qu’il décide de faire partie de la Congrégation du Saint Esprit en 1949, suite à la découverte de la spiritualité du père Liberman. Afin d’approfondir ses études, il est envoyé en France, à Chevilly-Larue, dans le Val de Marne. C’est là qu’il achève ses études en Théologie et qu’il est ordonné prêtre en Octobre 1951. De retour en Guinée, il est affecté dans la préfecture apostolique de Kankan d’où il va connaître une ascension dès 1957, c’est à dire, la veille de l’indépendance de la Guinée et des indépendances africaines. D’administrateur apostolique de Kankan, il est promu en 1960 vicaire général de l’archidiocèse de Conakry. Chargé des relations avec le gouvernement, il connaît tout le personnel politique que compte la Guinée d’alors et se lie même d’amitié avec un certain Ahmed Sékou Touré. Responsable syndical et politique, il a des échanges réguliers avec ce dernier qu’il aide à construire une société guinéenne à la fois fraternelle et juste. Hospitalisé à deux reprises, Sékou Touré rend visite au père Tchidimbo lui témoignant ainsi son amitié. Or, cette proximité entre les deux hommes est vue d’un mauvais œil par l’administration coloniale et vaudra un temps bien des ennuis à l’homme d’église. Son courrier est désormais surveillé.
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L’accession à la souveraineté nationale de la Guinée en 1958 coïncide hélas avec le début des moments difficiles de l’église. Dès 1960/1961, les écoles privées sont nationalisées, monseigneur Milleville et le père Tchidimbo deviennent les symboles de la résistance de l’église face à la dictature du « guide éclairé » . Ils sont désormais dans le viseur de Sékou Touré pour avoir protesté contre cette spoliation et surtout avoir refusé d’agréer à sa lubie « d’église nationale » . Le « guide éclairé » veut une église aux ordres !!!
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En représailles, monseigneur Milleville est expulsé le 26 Août 1961 et l’abbé Tchidimbo pour avoir bravé Sékou Touré, devient l’homme du « Non » . En dépit de cette période trouble, le pape Jean XXIII le charge de renouer le dialogue avec le leader guinéen et dans la foulée le nomme évêque de Conakry en mai 1962. Il devient à 42 ans, le tout premier prélat africain de Guinée. Une ère de dégel entre l’église et le pouvoir semble s’instaurer mais les relations se gâtent dès 1967, au tout début du mois de Mai où Sékou Touré donne un préavis d’un mois à tous les missionnaires blancs pour quitter le territoire guinéen. Il veut ainsi contraindre le clergé à une africanisation des postes. Un plan de remplacement par des prêtres et religieuses africains est organisé par les évêques, ils arrivent même à Conakry, mais sont victimes de tracasseries administratives. Monseigneur Tchidimbo proteste vigoureusement. Le nonce apostolique, monseigneur Benelli à Dakar est informé et monseigneur Tchidimbo fort de son entregent se démène comme il peut pour retarder l’échéance, mais en vain. Le chef de l’état à qui il a demandé une audience, ne daigne même pas le recevoir. Entre les deux, le divorce semble bel et bien consommé, d’autant plus que l’abbé Seck , se désolidarise du clergé pour se rapprocher dangereusement de Sékou Touré et du pouvoir. Sans état d’âme, monseigneur Tchidimbo le remet à la disposition de son diocèse d’origine au Sénégal, ce qui provoque l’ire du président. Courroucé, Sékou Touré, supporte de moins en moins que l’archevêque de Conakry lui tienne tête de manière aussi ostensible. La preuve, l’étau se resserre autour de sa résidence à Conakry où son arrestation programmée est de plus en plus proche. Plusieurs amis dont un ex membre du gouvernement lui suggèrent même pour sa sécurité de quitter la Guinée, projet que le prélat balaye d’un revers de la main. Il précise d’ailleurs que « tout évêque a eu à jurer la veille de son ordination de rester fidèle à son poste quoiqu’il advienne » Il ne quitterait la Guinée que sur ordre exprès du souverain pontife, le pape Paul VI qu’il prévient lui-même le 2 Décembre1970 de son arrestation à venir .
Soupçonné de trafic de devises et d’intelligence avec l’ennemi lors du « complot portugais » de Novembre 1970, il est incarcéré le 23 Décembre 1970 d’abord au Camp Alpha YAYA puis au célèbre et funeste Camp Boiro où il sera détenu 8 ans durant. Comme il le dit avec l’humour et la répartie qui le caractérisait, c’était le début de ses vacances. « Vacances » au cours desquelles il sera, humilié, torturé, et condamné à mort. C’est sur l’intervention de l’ambassadeur soviétique en Guinée que sa sentence sera commuée en détention à perpétuité. Dans son « Quatre Étoiles » du Château Boiro, il parlait de sa captivité comme d’un temps privilégié d’expiation de ses péchés pour une communion totale avec le Christ Rédempteur. Au cours de cette captivité, il disait avec beaucoup de légèreté sa gratitude à Sékou Touré qui lui fit perdre gratuitement la bagatelle de 23 kilos. La délivrance viendra des pressions exercées sur le régime de Sékou Touré à la fois par le Vatican, le président Tolbert du Liberia, un pasteur baptiste et monsieur André Lewin, l’ambassadeur de France en Guinée. En effet, le 06 Août 1979, monseigneur Tchidimbo est conduit à l’aéroport de Conakry, direction Monrovia puis Rome. Son complice, le pape Jean Paul Il le reçut à déjeuner au Castel Gandolfo, résidence estivale des pontifes. Les deux hommes ont en commun d’avoir eu l’outrecuidance de se poser en rempart du totalitarisme, ceci au péril de leur vie.
A la fois paranoïaque et rancunier, Sékou Touré, n’aura jamais digéré qu’un homme d’Église lui dise doublement « non ». D’abord en 1953, un non en guise de veto au projet de mariage de Sékou Touré avec une cousine du prélat, ressenti par le dictateur comme une humiliation suprême. Puis en Mai 1967, au moment de l’expulsion de tous les missionnaires européens. Entre temps , il avait douché de Gaulle en Août 1958. L’arroseur arrosé en quelque sorte. D’où son ardent désir de vengeance vis a vis du prélat et de l’intellectuel brillant qu’était monseigneur Tchidimbo. Comme beaucoup de dictateurs, Sékou Touré ne supportait pas la contradiction et craignait énormément les intellectuels. En témoignent les Diallo Telli, Diawadou Barry, Yacine Diallo, Mamba Sano. Sans oublier ceux nombreux comme Camara Laye, Thierno Monénembo qui durent s’exiler.
Décédé le 26 Mars 2011, à Vénasque près d’Avignon dans le Vaucluse, monseigneur Tchidimbo nous laisse un message de grande foi, de tolérance et d’amour de son prochain.
Lionel GNALI
Diffusé le 02 avril 2018, par www.congo-liberty.org
Voilà un évêque très courageux et il est heureux de rappeler l’héroïsme de Monseigneur Tchidembo.
Malheureusement les évêques aussi courageux sont peu nombreux …
Si nous avions, ne fusse que deux ou trois évêques au Congo de la même trempe…
mgr pôrtella mbuyu est eveque de kinkala pour la bonne forme. le pool a ses propres prophetes comme « me daniel » « me kipepeler » frederic bistangou dit pasteur ntoumi le pasteur elie ….. tous grand manipulateurs de la kalachnikov.le pool a ses propres eveques merci pour l’histoire
@Mr Le commandant LS Ngoma
Vous tenez des propos horripilant pour un ancien dirigeant du Congo. J’avais entendu dire que vous aussi aviez été un premier ministre de façade, et que vous seriez même d’origine guinéenne. Ceci expliquerait-il votre sortie médiatique tel un animal qu’on a débusqué. Mais assumer qu’on n’est totalement congolais n’est pas une tare. Personne ne choisit ses parents ni l’endroit où l’on naît.Mais votre haine du Pool fait pitié. Vous confondez L’Église catholique romaine et les Églises de réveil, bien que tous relevant du christianisme. A l’idée que ce genre individu a dirigé le Congo, j’en fais des cauchemars.Notez que les dirigeants actuels n’ont rien à vous envier dans la haine du Pool
Ainsi soit-il!
Cher Mr Gnali ,
Grand merci pour cette tribune consacrée à notre oncle Mgr Tchidimbo. Etant un des petits-fils de Marc Tchidimbo, père de Mgr Tchidimbo, j’aimerais faire des recherches sur le parcours de mon grand-père depuis son Congo natal, jusqu’en Guinée, en passant par le Gabon et le Sénégal. Vu que ce parcours géographique est quasi identique à celui du gouverneur Noël Ballay, j’envisage explorer cette piste également pour collecter le maximum d’informations disponibles et consacrer à titre d’hommage, une biographie à ce pionnier panafricaniste que fut notre grand-père.
Merci d’avance pour votre concours en voulant bien me contacter à l’adresse e-mail suivante:
[email protected]
Bien cordialement,
Tchidimbo Patrick