NOEL, FETE DE TOUT LE MONDE : CHRETIENS, CROYANTS ET NON-CROYANTS

PAR DIEUDONNE ANTOINE-GANGA.

 L’on va bientôt célébrer dans le monde entier, la fête de Noël.  Sa préparation bat son plein et indique plus ou moins le faste qui accompagne toutes les célébrations de fin d’année : religieuses ou profanes. Dans nos villes et surtout dans nos marchés, et ce malgré la misère et la pauvreté qui cisaillent le peuple congolais, c’est l’effervescence, avec la fête du Nouvel An qui pointe à l’horizon. Les riches et les pauvres se croisent au cours de leurs emplettes, sans se voir, les regards des uns rencontrant les yeux hagards des autres. Le jour de Noël serait-il différent des autres jours ? Non, il n’est pas un jour différent des autres, car il n’y a pas de trêve ni pour les exploités, ni pour les opprimés, ni pour les affamés, ni enfin pour les torturés.

Aussi, me permettrais-je de rédiger cet article, avec la conscience aiguë de ce décalage permanent entre l’idée que l’on peut se faire de la fête et du bonheur, ou de la réalité douloureuse d’une société trop dure pour tous ceux qui vivent dans ses marges.  La conscience aussi du peu de poids des mots pour répondre aux vraies détresses, plus vraies et plus inacceptables encore en ces rendez-vous rituels et profanes. 

Noël n’est pas un jour différent des autres. Pas de trêve pour les exploités, les opprimés, les affamés, les torturés, les miséreux et les nécessiteux.  Et c’est vrai qu’à vouloir écrire ici quelque chose de plus pour fêter Noël, l’on éprouve de la gêne. Mauvaise conscience ? Qui ne la ressent pas dans cette atmosphère de la « rupture » ? Quelle est actuellement la signification de Noël pour la majorité des Congolais ? Celle de la fête des enfants, comme le prônait, depuis quelques années, le PCT ? Celle des cadeaux ? Ou celle d’une petite bouffe ?

Et les chants célestes dont nous abreuverons les chorales de nos paroisses pour célébrer Noël ne couvriront pas plus cette année que d’autres, les cris de détresse qui montent des villages et hameaux des sinistrés de tous les département du Congo, ni les larmes silencieuses des veuves, des orphelins, des enfants de la rue, des enfants des pauvres, des vieillards solitaires, des clochards dormant à même le sol aux carrefours des grandes avenues ou dans les marchés, des diplômés sans emploi, des chômeurs et des retraités maltraités, désespérés qui devront se contenter du spectacle de l’opulence des autres.

Reste inébranlable, même si elle est aujourd’hui minoritaire, la dimension spirituelle de l’évènement que fêtent, le 25 décembre de chaque année les chrétiens, la naissance, parmi les pauvres, d’un enfant, de Jésus à Bethléem, il y a plus de deux mille ans. Dieu qui s’est fait homme et qui est venu apporter aux hommes, un message d’amour et de paix : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté (in terra pax Hominibus bonae voluntatis) ». Ce message est malheureusement souvent déformé, confisqué, dénaturé par ceux-là même qui sont supposés le défendre. Oh l’exécrable collusion encore trop réelle entre l’Eglise et l’argent, Dieu et Mammon !

Ah ! si les chrétiens pouvaient rester fidèles au sens de l’événement en honorant au moins en Jésus-Christ, le non conformiste qui a osé braver les institutions établies, leur dire que leurs actes n’étaient pas conformes à leurs paroles, que tous les êtres humains sont frères ! Jésus, cet Homme en colère qui maniait le fouet pour chasser les marchands du temple !

Les évêques, les prêtres, les pasteurs, les diacres et autres évangélistes ainsi que tous les chrétiens devaient rendre à Noël, sa vérité et son actualité. Sa vérité, car si Dieu s’est fait homme comme l’annonce l’Evangile, Noël est d’abord la fête de l’homme et de ses droits qui prennent ce jour-là une dimension d’éternité. Son actualité, car Dieu sait si les droits de l’homme solennellement proclamés par les Nations Unies et repris dans la Constitution de notre pays, le Congo, vivent aujourd’hui des temps d’incertitudes : l’errance, l’exil, l’exclusion, la faim, le long retard du paiement des pensions des veuves et des retraités, le chômage, le manque de structures sanitaires et scolaires, les angoisses, les soucis quotidiens, la prison et son horreur qui atteignent l’homme dans sa dignité et au cœur de lui-même, qui le rongent. L’on ne dira jamais assez comme l’on ne combattra jamais assez pour la liberté et pour la paix. Mais les droits de l’homme ne s’arrêtent pas là où finissent la prison ou l’exil ou encore l’errance. Ou plutôt, il existe d’autres exils, d’autres prisons et d’autres errances.

Par exemple, le père de famille harcelé par les usuriers ou qu’un implacable désordre économique laisse sans emploi et donc sans salaire, est un exilé dans son propre quartier. Lui aussi marche à la recherche d’un avenir où sera reconnu son droit à l’existence en même temps que sa dignité. Et que dire du jeune sans emploi, réduit au chômage avant même d’avoir travaillé ?  Que dire de l’enseignant vacataire qui attend in fine son embauche définitive et sa titularisation ? Que dire du retraité, délaissé et abandonné sans pension, attendant en vain le paiement de ses arrérages et de ses six mois de préavis ? Et quand sera-t-il jour de bonheur pour ces adolescents, pour ces adolescentes, pour ces jeunes filles-mères qui vendent à la criée, dans nos rues, dans les carrefours, dans les ronds-points, des sachets d’eau glacée et de jus de gingembre, des tranches de noix de coco, des tranches de mangues mûres ou vertes assaisonnées de piment, des pots de crème lactée et glacée ? Ils travaillent, les pauvres, douze à treize heures par jour, sous une chaleur accablante voire suffocante, pour un bénéfice dérisoire de misère.

Quand sera-t-il jour de bonheur pour toutes les personnes qui se sentent perdues, pour celles qui ne savent plus où aller ; pour celles qui se terrent dans le noir, pour celles qui à cause de l’oisiveté errent dans nos rues sans but, pour celles qui souffrent dans leur corps, pour celles qui tirent le diable par la queue, pour celles qui se sentent abandonnées de tous, pour celles qui ne connaissent que de la solitude, pour celles qui ne parlent pas ou souffrent en silence, pour ces jeunes enfin qui, pour noyer leurs soucis permanents, leurs angoisses et chagrins, s’adonnent dès 9 heures du matin, à des beuveries dans les ngandas de fortune, érigés à même les trottoirs de nos rues et de nos avenues ?  Ce qui fait d’eux des adeptes indécrottables du dieu Bacchus.

Toutes ces personnes vivent comme dans un « goulag ». A ce propos, le Congo serait-il devenu un « goulag » où vivraient et seraient enfermés, les affamés, les miséreux, les clochards, les nécessiteux, les laissés pour compte et les jeunes à l’avenir incertain ?

Il serait très souhaitable qu’en ces périodes de l’Avent et de Noël, les Chrétiens rappellent à tous, cette vérité et sauvent l’honneur : qu’il n’est pas de foi qui vaille qui ne se situe, par principe, du côté des faibles, des exclus et des opprimés ; que la dévotion des riches et des puissants ne pèse pas. Qui d’entre nous ignore le pauvre Lazare aux portes de leurs banquets ; que les droits de l’homme, tous sans exception, doivent être respectés : le droit de penser et d’écrire, le droit de rire et de dire publiquement ce que l’on pense. Mais aussi le droit de travailler, d’aller à l’école, d’être soigné lorsqu’on est malade, le droit de se reposer, de jouir de sa retraite dans la dignité et enfin le droit de manger et de vivre.

Ces droits n’ont pas la moindre chance d’être respectés et garantis à tous, aussi longtemps que la richesse, l’arrogance et le bonheur de quelques-uns seront nourris dans notre pays, par la misère et le malheur des autres.

En cette période Noël, l’occasion est donc donnée à tous les chrétiens, à tous les croyants pour affirmer haut et fort que le seul message de Noël est commun à « tous les hommes de bonne volonté », qu’ils croient au ciel ou qu’ils n’y croient pas. C’est leur raison d’être, eux les chrétiens qui attendent le Christ ; leur attente n’est pas et ne doit pas être une attitude de passivité, une démission par rapport au monde où comme l’a affirmé Saint Jean-Paul II « la menace du mal qui s’enracine si facilement dans le cœur des hommes d’aujourd’hui et qui, avec ses effets incommensurables, pèse déjà sur la vie actuelle et semble fermer les voies vers l’avenir ! ». Il s’agit pour eux « d’aller avec courage sur le chemin de la justice à la rencontre du Seigneur ».

Qu’ils ne se lassent point de la clamer d’un Noël à l’autre et tous les jours que Dieu a faits : c’est l’exigence de la charité, de la justice, de l’égalité, de la liberté, de la fraternité, de la tolérance, de la paix et du bonheur entre les hommes. Cette exigence qui est au cœur de tous les hommes : les chrétiens, les croyants et les non-croyants.

Dieudonné ANTOINE-GANGA

Ancien Ministre des Affaires étrangères du Congo-Brazzaville

Ancien Ambassadeur à Washington (USA) du Congo-Brazzaville

Diffusé le 23 décembre 2023, par www.congo-liberty.org

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4 réponses à NOEL, FETE DE TOUT LE MONDE : CHRETIENS, CROYANTS ET NON-CROYANTS

  1. Samba Dia Moupata dit :

    Merci ya Ganga, votre article est révélateur d’une extrême pauvreté qui sévit dans le sud Congo qui frôle les 100% d’inactivité de la jeunesse et nos retraités oubliés qui ne dépendent plus de la charité de leurs parents de la diaspora surtout Française . Tandis que Brazzaville Nord abritent majoritairement les populations Mbochi , c’est la ferveur préparatifs des fêtes très visibles! En effet avec le machiavélisme de Sassou Denis les Mbochi sont prioritaires à l’emploi avec la DGSP , la GR , l’état Major Mbochi avec okoi , la SNPC , avec une fonction publique pléthoriques Mbochi. Voilà mon vécu pendant mon récent séjour à Brazzaville et pointe Noire.

  2. Val de Nantes.la Nakba congolaise. dit :

    Oui ,vous parlez de l’exode ou Exodus,ce fameux bateau qui ramena les juifs à leur point de départ….
    Bref ,sous Sassou,et peu importe, Noël : Nous sommes les exilés de la Nakba. Autrement dit : les pourchassés et exilés de Sassou … Tels les juifs, avant d’atterrir , en 1948, en terre sainte c’est à dire Israël..
    Mais quelle terre sainte,au vu de ce qui s’y passe ??…
    À cette allure,je crains que cette vie diasporique se mue en une allégorie de l’exodus juif.
    En cette période spirituelle de grande envergure,l’on se demande si l’homme est fait à l’image de Dieu ??.
    C’est Fueurbach, père idéologique de Marx qui disait : » Et l’homme créa Dieu ». Et Marx ajouta « : La religion,qui est le lien entre l’invisible et le visible, est l’opium du peuple ».
    Nous sommes tous des goulaguisés en sursis. Le règne de terreur, institué par Sassou aux fins de profiter des revenus pétroliers ,nous est inhospitalier et intolérant.
    De ce point de vue,il faudrait convoquer Voltaire pour décrire la situation chaotique dans laquelle baignent les congolais de Brazza , victimes d’une démocratie illiberale..
    Voltaire,le chantre de l’intolérance religieuse et notamment politique en ce qui concerne le Congo Brazzaville aurait écrit « : écrasez l’infâme » tout simplement…
    Donc , heureux ,fils de dieu qu’est Jésus ,dont le principe de post partum de virginité de sa mère Marie reste une énigme pour les non croyants.. Et pourtant, c’est l’un des dogmes chrétiens de l’église catholique…
    Au point que certains vont jusqu’à spéculer que le pauvre charpentier, Joseph,vieillard et en couple, avec Marie, fut cocufié ….
    Pauvre Joseph !!!.

  3. Delbar dit :

    Je vous souhaite à tous un joyeux Noël avec vos proches.
    J’ai en ce moment une pensée pour tous les prisonniers politiques qu’ils soient de Sassou, de Poutine et de tous les autres dictateurs.

  4. Val de Nantes. dit :

    Faudrait-il repréciser ma pensée sur le mot  » Nakba » dont beaucoup d’entre vous découvrent l’existence.
    D’origine arabe Palestinienne,ce mot vient des souffrances des palestiniens, infligées par les juifs au moment de la prise des terres arabes pour y créer l’État d’Israël.
    Cet exode palestinien a des allures similaires à celui des congolais sous Sassou..
    Ce tyran, soutenu et adoubé par la France,se permet toutes violations des droits humains pour être le négre de service des puissances étrangères…
    C’est ce principe de raison suffisante, qui aliène Sassou, lequel s’applique à en faire subir les conséquences au peuple congolais dont il n’a que faire,tant son pouvoir procéde de la fraude et du visa français.
    Les nigériens doivent se plaindre de notre condition politique,qui n’est que la volonté de l’être politique congolais téléguidé . Une aberration.
    Non issu des urnes,Sassou est conscient de lui-même, de sa future triste fin . Il ne se figure pas à quel point le Congo Brazzaville lui en veut à mort.
    Tant de familles attendent sa finitude politique pour lui régler son compte,car , quoiqu’il ait fait, l’homme est soumis au temps.Seul Dieu est éternel, pour les croyants en ce moment de la naissance de Jésus, personnage conceptuel,selon Michel Onfray.. Sacré Michel !!.
    Pourquoi ?
    C’est parce que la religion est une abstraction et donc une invention de l’être humain.
    Autrement dit,se créer un être transcendant ou Dieu pour apaiser les souffrances terrestres, une sorte de sirop spirituel… Et Nietzsche y ajouta « : le nihilisme ».
    Bref, sous Sassou,le congolais est un être nihiliste dont l’existence ressemble à ce croyant espérant retrouver la meilleure vie à côté de dieu…
    D’où le ressenti congolais qui se résume à deux dieux : le dieu terrestre Sassou, dieu congolais et le dieu céleste ou de la cité céleste de St Augustin d’Hippone..
    Au Congo Brazzaville, c’est Sassou qui a créé la religion.
    N’a – t-il pas financé l’institut polytechnique catholique d’oyo ??…
    Mais enfin, quelle est cette hypocrisie irréligieuse??…
    Pour les non croyants congolais ; c’est du pain non béni.Noël est vidé de sa substance religieuse du fait de l’ amour entre Sassou et la patristique congolaise…
    Le Congo Brazzaville,en termes religieux,est une bergerie sans berger.
    Quelle est la mission du berger ???…
    À quoi ça sert de Noëlliser pour qu’à la fin on se retrouve en face d’un Ponce Pilate ??…..
    Qui n’est pas Jésus qui veut. Et encore !!. Reste à savoir si lui aurait aimé…..
    Comment l’église catholique peut cautionner l’impensable gouvernance de Sassou sans lui rentrer dedans ???…
    En face, l’arrivée de Fatschi Béton au pouvoir,est la manifestation du courroux religieux. Kabila a déserté la scène politique. ..
    Qu’en est-il du Congo Brazzaville ?. Rien.!!.
    Noël païen, peut être !! .
    Communiqué : Congo Brazzaville cherche prêtres courageux…

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