L’INDIGENCE CARCERALE, Par Alexis Bouzimbou

Réagissant à l’article « De l’importance du Greffe dans une maison d’arrêt« , un compatriote, avançant masquer sous un pseudonyme d’emprunt (jogging quotidien de ceux qui n’assument pas leurs opinions), laissait ce commentaire sibyllin sur le site de Zenga-Mambu: « bel article, mais je n’aime pas la prison ».

Ce commentaire angélique aurait eu un sens dans un monde idéal. Hélas!!! Bien des criminels sont des citoyens ordinaires qui, un jour, sous l’effet d’une déraison soudaine, passent à l’acte. Il existe aujourd’hui, de la part de tout citoyen, une grande et légitime exigence en terme de sécurité. Nous vivons dans un monde où les sources de violences sont multiples et variées.

De ce monde clos, qui effraie plus qu’il n’attire, tous les fantasmes sont permis. Surplombée par des miradors et des barbelés, la prison a pour rôle de mettre hors d’état de nuire tous les comportements déviants. Du criminel professionnel, au malfaiteur en col blanc, la prison protège la société. Les coupables, définitivement condamnés par la justice après avoir épuisé toutes les voies de recours, font leur peine et réparent leurs préjudices.

Telle une bombe dans un pays en éveil, la France à découvert le vrai visage de ses prisons en 1993, grâce à Véronique Vasseur, ancien médecin-chef à la maison d’arrêt de la Santé à Paris. Son ouvrage-témoignage avait eu un très grand retentissement et avait beaucoup contribué à sensibiliser l’opinion publique aux conditions de vie des personnes détenues.

Son témoignage écrit sur le quotidien carcéral avait contribué à la création de deux commissions d’enquête parlementaire. Il relatait en substance, l’indigence des personnes détenues quant à l’accès aux soins en détention.

Même si la notion d’indigence est difficile à définir, on peut d’emblée souligner que « l’indigence est une situation, temporaire ou durable, liée à une grave insuffisance de ressources d’une personne détenue sur la part disponible de son compte nominatif ».

C’est dans ce contexte que l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, détenu à la Haye dans le cadre des « crimes contre l’humanité » commis lors des violences post-électorales, se dit « indigent ». Un pré-examen de sa situation laisse penser, que Laurent Gbagbo ne dispose pas de ressources suffisantes pour prendre en charge tout ou partie des coûts de ses avocats devant la Cour Pénale Internationale. Elle prend donc à sa charge la rémunération de l’avocat de Laurent Gbagbo, ainsi que le remboursement des frais engagés pour sa défense.

Concrètement, indépendamment à leur situation financière, l’indigence carcérale au quotidien se matérialise par l’octroi à chaque personne détenue des produits d’hygiène corporelle, et la possibilité de se voir fournir des vêtements.

Pendant la détention, une aide spécifique peut être donnée aux personnes détenues les plus démunies. Les indigents qui s’apparentent aux pauvres, sont les premiers à souffrir de la reproduction des inégalités de la Société en général, et de la vie carcérale en particulier.

L’Europe, par le biais des règles pénitentiaires européennes, tend vers une harmonisation des conditions carcérales des personnes détenues. L’adoption en France de la loi pénitentiaire relève de cette exigence. Aussi, le seuil d’indigence est fixé à 45 euros pour toute personne détenue n’ayant pas cette somme sur son compte nominatif pendant trois mois. Dès que cette indigence est établie, les personnes détenues peuvent s’adresser aux différents services sociaux pour des demandes spécifiques qu’elles ne peuvent satisfaire en raison de l’absence ou de l’insuffisance de leurs ressources. Un lien peut être établi avec des structures associatives susceptibles de les aider dans leurs démarches.

L’indigence est plus perceptible dans le monde libre que dans le milieu carcéral. Elle est médiatisée et interpelle les philanthropes. A l’inverse, celle du milieu carcéral est méconnue, alors qu’elle est aussi préoccupante. Avec plus de huit millions de pauvres en France, sans parler du reste du monde, l’indigence grandissante est saisissante. Découvrant en général l’indigence lorsqu’ils sont en prison, les « puissants », une fois libres, promettent d’œuvrer pour une amélioration significative des conditions de vie en détention. Le Canada a désaffecté d’anciennes prisons dans le but de montrer à l’opinion publique ce qu’est ce monde clos. D’anciens détenus se prêtent volontairement à ces échanges didactiques.

Si l’Europe, à travers différents colloques et réflexions tend à humaniser ses prisons, force est de constater que l’Afrique reste absente dans tous ces échanges. Comme toujours, elle regarde les trains passer. Il manque à l’Afrique dans ce domaine: le Savoir, le Savoir-faire, et le Savoir-faire-faire.

Alexis BOUZIMBOU

Cercle de réflexion pour des idées nouvelles

Diffusé le 11 juillet 2012, par www.congo-liberty.org

Ce contenu a été publié dans Les articles. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire