LETTRE D’UN VIVANT À ANDRÉ MILONGO, YA MILOS. Par Dieudonné Antoine GANGA

Monsieur le Premier Ministre André MILONGO « Ya Milos », Mon très cher aîné,

Comme je l’ai déjà écrit, à l’occasion de ton départ à l’Orient Eternel, le temps n’a rien changé et je revis en permanence ta disparition, un certain 23 juillet 2007, il y a 15 ans. Je n’y puis rien. C’est plus fort que moi, car Dieu a pris ce qu’il m’a donné. Je ne veux même pas accepter cette mort qui m’a privé d’un ami et d’un être cher, qui a privé le peuple congolais, ta famille, et tous ceux qui de près ou de loin t’admiraient, d’un être humain aussi merveilleux, humble, bon, altruiste, dévoué et patriote que toi et qui ne cessait d’affirmer que « ta conception du pouvoir n’était pas celle du pouvoir pour le pouvoir, pour t’ouvrir les vannes de l’enrichissement, par la rapine de l’Etat, mais celle de servir ce peuple qui t’aurait accordé son suffrage. »

Toi qui étais porté au pinacle des élites de notre Etat, avec tes collègues Henri Lopes, Agathon Note, Marcel Roger Gnali-Gomes, Jean-Jacques Ontsa-Ontsa, Alexis Gabou, Pascal Lissouba, Paul Kaya, Hilaire Bounsana, Pierre Nkounkou Lamartine, Emmanuel Ndebeka, Auxence Ickonga, Joseph Pouabou, Lazare Matsocota, Auguste Roch Nganzadi et Antoine Kaine. Toi et tes collègues, vous nous fasciniez, nous alors étudiants au CESB ou à l’Ecole Nationale d’Administration.

Tu faisais partie de ces hommes politiques à propos de qui le Ministre Joseph Ouabari a écrit : « Le Congo a connu et connaît des hommes politiques humbles, non préoccupés par l’accumulation des biens et ne dérangeant personne, mais très attachés aux valeurs nationales. »

En ce 23 juillet 2022, je me permettrais encore de paraphraser Charles Péguy pour te dire que :

« La mort n’est rien. Tu es seulement passé, dans la pièce d’à côté.

Je continue à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.

Je pense à toi, je prie pour toi.

Je prononcerai toujours ton nom, partout, comme il a toujours été,

Sans emphase d’aucune sorte, sans une trace d’ombre.

La vie signifie ce qu’elle a toujours été.

Le fil n’est pas coupé.

Pourquoi serais-tu hors de mes pensées,

Simplement parce que tu es hors de ma vue ?

Tu n’es pas loin, juste de l’autre côté du chemin. »

Ya Milos,

Je me permettrais d’ajouter aussi que tu étais, avec tes qualités et tes défauts, très humble et toujours à l’écoute des autres. Tu nous as laissé un riche héritage, notamment l’amour pour le pays et pour le peuple ; le respect de la chose publique et l’attachement aux valeurs républicaines ; la notion, le sens du devoir et la glorification du travail ; la rigueur dans la gestion des finances publiques ; l’humilité et le respect de tout être humain ; la résolution des problèmes par le dialogue et non la violence. Ce qui explique que tu fus l’unique leader politique d’après la Conférence Nationale Souveraine de 1991, à ne pas avoir eu de milice dont malheureusement, certains se sont servis comme strapontins ou escadrons de la mort, pour assouvir leur soif d’accéder au pouvoir coûte que coûte ou de semer la désolation, la terreur, la misère et la mort dans certaines régions où les populations ne demandaient et ne demandent qu’à vivre et à vaquer à leurs occupations dans la liberté et dans la paix.

Malgré les dérisions, les sarcasmes et les injures dont tu fus l’objet pendant ton bref mandat de Premier Ministre de la Transition (1991 – 1992) et qui n’étaient pour toi que barbaries, tu ne changeas point d’attitude. A ce propos tu déclarais à qui voulait l’entendre : « Nous sommes entrés définitivement dans l’État de droit ; celui-là qui a mis hors la loi, l’arbitraire, l’injustice, le fait du prince, la gabegie, le vol, le culte de la personnalité, la tyrannie, l’hégémonie d’une famille, d’un clan, d’une tribu ou d’une région.

Finis donc ces spectres du passé. Bâtissons désormais, ensemble dans la paix, dans l’unité de toutes les filles et de tous les fils du pays, un Congo de la liberté, de la dignité et de l’honneur.

Nous devons renaître et vivre, désormais, dans la nouvelle culture démocratique qui fait, de chacun de nous, un citoyen libre et vertueux

Pour ma part j’ai toujours placé l’intérêt supérieur de la nation avant toute autre considération ; et que malgré les provocations et les humiliations de toutes sortes, j’ai toujours cherché à éviter à notre peuple les épreuves douloureuses où l’égoïsme et les ambitions des politiciens véreux ont voulu nous entraîner. J’ai sacrifié à l’idéal de paix et d’unité nationale qui m’a toujours animé ». Tu appliquais ainsi à la lettre, la maxime latine « Régis est tueri cives », c’est-à-dire « C’est le devoir du roi de protéger ses concitoyens ». Quelle sagesse et quelle vision !

En travaillant avec toi, je n’ai jamais cessé de te respecter, toi qui agissais avec conscience et honnêteté, toi qui exerçais ton libre arbitrage avec sagesse et habileté, toi qui enfin as été pour moi, ce que Mendès France fut pour François Mitterrand, un modèle de père, d’aîné, de cadre, d’intellectuel et d’homme politique et visionnaire.

Elle me plaisait et me fascinait ton attitude de bon citoyen intègre qui savait l’importance de la joie et la prônait par l’exemple, motivé, convaincu et enthousiasmé par la réussite de nos nobles idéaux communs dont la paix, le dialogue, la tolérance, la liberté, l’égalité et la fraternité.

A tes côtés j’ai compris aussi le sens profond de l’amitié. Combien de fois ne m’avais-tu pas dit d’être toujours fidèle en amitié, quelques soient les circonstances, tant dans le bonheur que dans le malheur ? Combien de fois ne m’avais-tu pas répété qu’un « véritable ami était une douce chose et que l’amitié était la plus étroite des parentés et que pardonner était une action plus noble et plus rare que celle de se venger ? »

Tu me faisais chaud au cœur, toi qui, par tes plaisanteries, m’enseignais à vivre avec humour le caractère éphémère de l’existence. Je continue à rire toujours, quand je pense à cette question que tu me posas en latin, lors de notre dernière rencontre à Washington DC, en mai 2007, « Usque tandem mi fili, eris ex Patria ? » c’est-à dire jusques à quand, mon fils seras-tu hors du pays ? ». Je te répondis en latin « Nescio. » c’est-à-dire, « je ne sais pas. ». J’ajoutai aussi avec Victor Hugo « Fidèle à l’engagement que j’ai pris vis-à-vis de ma conscience, je partagerai jusqu’au bout l’exil de la liberté. Quand la liberté rentrera, je rentrerai. » Et tu éclatas de rire. C’est la dernière fois que je t’entendais rire et que je te voyais.

Chaque fois que j’étais avec toi, tu ne cessais de me répéter et de me confier que la sensibilité, le courage, la solidarité, la bonté, le respect, la tranquillité, les valeurs, la joie, l’humilité, la confiance, l’espérance, la sagesse, les rêves et l’amour pour les autres et pour soi-même étaient les points fondamentaux pour être un homme libre et de bonnes mœurs.

Enfin, je conclurai cette lettre en paraphrasant Kipling dont nous avons souvent lu ensemble son poème « Tu seras un Homme, mon fils », pour te dire que je « t’ai vu supporter d’entendre tes paroles travesties par tes adversaires pour exciter leurs militants, et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles sans mentir toi-même d’un mot. Que tu étais bon, que tu savais être sage sans être moral ni pédant. Et que tu fus un HOMME », Ya Milos.

Je suis fier et honoré d’avoir été ton ami et toncollaborateur.

Là où tu es, prie pour la paix véritable et pour l’unité au Congo, prie pour le peuple Congolais, prie pour ta famille et pour nous qui t’avons aimé et qui continuons à t’aimer ad multos annos.

 Repose en paix. Ya Milos !

Dieudonné ANTOINE-GANGA

Ancien Ministre des Affaires étrangères du Congo-Brazzaville.

Diffusé le 20 juillet 2022, par www.congo-liberty.org

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9 réponses à LETTRE D’UN VIVANT À ANDRÉ MILONGO, YA MILOS. Par Dieudonné Antoine GANGA

  1. VAL DE NANTES . dit :

    Ce fut UN BON PREMIER MINISTRE , cochant toutes les cases d’un premier ministre sous la férule fédérale .
    Mais le CONGO a plus besoin des idées fortes , pensées , construites sous l’emprise de la raison que la totemisation du personnel politique .
    D’où notre arrachement à cette forme de nostalgie politique synonyme au renoncement des atavismes politiques , sources des difficultés existentielles du CONGO .

  2. Val de NANTES . dit :

    LIRE;; synonyme de renoncement aux atavismes politiques …

  3. Samba dia Moupata dit :

    Milongo André et le président Massamba Débat sont restés gravés dans les anales du Congo comme étant les grands serviteurs de l’état avec une gestion irréprochable ! Mon désaccord avec Ya Milos c’était quand il participe à l’assemblée de Sassou Dénis au sortir du génocide du pool, non ça n’est pas acceptable, mais son cousin m’expliquera que c’est Laurentine sa femme qui avait beaucoup peser pour adhérer dans la bêtise Mbochi ! D’ailleurs il avait été empoisonné par le chef de la barbarie Mbochi Sassou Dénis.

  4. Val de Nantes . dit :

    Ces morts suspectes sont l’énigme de cette période politique où les congolais ne prêtaient pas attention au caractère diabolique de ceux qui savaient comment domestiquer les finances publiques dans une perspective futuriste…
    Lorsqu’on rapporte les intrigues politiques actuelles à la disparition de ces anciens politiciens ,on peut aisément en conclure à une élimination programmée de cette génération politique par un plus malin qu’elle……
    Est -ce que ce sont des morts dues à la vieillesse , à la politique , à la maladie ?.
    Le théâtre législatif auquel le PCT nous a donné à assister ,nous fait douter de la mort naturelle de ces anciens…
    Parmi ces morts , beaucoup s’originent dans le terrain politique…
    Le Congo en a pris l’habitude depuis la mort honteuse de Marien …Un mort des morts des congolais innocents…
    Tant que le pouvoir politique sera perçu comme le seul domaine de l’élévation sociale ,le Congo deviendra le tombeau ouvert des morts politiques innocents…
    D’où l’obligation impérieuse de réorienter la masse populaire vers le savoir ,seul moyen de remettre les congolais sur le chemin de la raison et donc d’exploiter leurs intelligences respectives au service de l’économie nationale…
    Le pouvoir politique est une dette provisoire envers les attentes légitimes de son peuple. En sortir riche , c’est violer sa volonté générale…

  5. Val de Nantes... dit :

    C’est honteux de s’enrichir pendant l’exercice du pouvoir politique…Un aveu d’échec social.
    Que diriez – vous à votre progéniture ?
    Des deux choses l’une : Soit renoncer aux études pour prioriser le pouvoir politique ; soit faire des études ,comme seule voie honorable, pour répondre aux besoins de sa famille et ceux du pays…
    La classe politique congolaise est la plus maudite de l’histoire politique africaine.,Car jamais ,on n’aura vu le niveau de médiocrité pareil depuis les pères des indépendances.. africaines..
    Et dire qu’elle a le culot de reprocher à la diaspora numérique congolibertyste d’être une menace pour la nation congolaise… C’est de la rigolade gratuite .
    Que dire des voleurs certifiés de la république ayant le visa de Sassou ?..
    Comment pouvez -vous dire de nous que nous sommes tribalistes ,alors que tous les faits politiques que vous posez sont d’origine tribale…
    Comment pouvez- vous en prendre à des compatriotes qui n’ont jamais touché un seul centime de CFA du trésor public du Congo ?…..
    Freud , réveille – toi !.
    Mais enfin,regardez vous dans la glace avant de perroqueter n’importe quoi pour camoufler vos forfaits pathologiques impactant l’unité nationale…
    C’est l’hôpital qui se moque de la charité …
    Ce site est multiethnique , c’est son ADN .Son rôle est d’être un lanceur d’alerte sur l’éloge de la folie du pouvoir politique au Congo , théorisée par Erasme.
    Ce site est donc la preuve du ciment unissant des fils et filles du même pays sans discrimination ethnique…
    D’ailleurs ,vous devrez vous en inspirer..Notre culture se veut cosmopolite.
    Je vous renvoie à l’article 25 de la constitution de Sassou sur les libertés individuelles pour vous mettre en porte à faux contre votre pensée institutionnelle…

  6. Val de Nantes . dit :

    Lire ,,,plus maligne qu’elle .

  7. Val de Nantes . dit :

    Toutes mes pensées à mes parents de Mouyondzi. Je les encourage à faire le bon choix entre Munari et Mikolo ,toutes deux filles de cette région.
    La seule consigne reste le pragmatisme politique qui se traduira par la réalisation des meilleures conditions de vie …
    Soyez exigeants dans votre choix électoral …
    À vous de jouer .

  8. Le tyran Denis Sassou Nguesso n’a pas concurrent militaire à sa taille tant que la ration journalière du militaire congolais, lorsqu’il est de garde au Congo-Brazzaville est d’1 morceaux de poisson et 1 pain de 75 frs (0.30 euros).

    FAUSSE ALERTE//COUP D’ÉTAT MILITAIRE SALUTAIRE CONTRE SASSOU N’A PAS LIEU CE DIMANCHE ET POURQUOI? https://www.youtube.com/watch?v=wFl0S7yjnG4

  9. Val de Nantes . Politiciens congolais !. dit :

    Je me permets encore de me répéter : »fâchez – vous contre les conditions de vie exécrables que vous avez imposées à nos compatriotes restés au Congo Brazzaville…
    Votre honneur en dépend . …Et les intimidations vous ridiculisent….
    Aucun congolais ,que je ne sache , qui ne soit demandeur d’un personnel politique , jugé voleur des deniers publics……
    Vous vous êtes imposé au pouvoir sans la volonté générale du peuple ,mais au moyen barbare d’une milice dévote à votre désir inépuisable des biens matériels….
    La situation socio- économique ne vous permet pas des hallucinations du type Orwellien . C’est au pays que se jouent les vies des milliers des congolais dont le quotidien ressemble à celui dont disposaient les habitants de l’antiquité…..On y croiserait Socrate…
    La seule comparaison du Congo factuel à celui des années post – indépendance ,laisse à penser que le Congo de Sassou est en état de mort cérébrale..En témoignent l’état du chemin de fer Congo océan.et l’était cadavérique des gares qui s’y trouvent…..
    D’où mon appel à vous fâchez contre cette incompétence incompréhensible ,sinon honteuse , qui régit votre sinistre séjour au pouvoir…
    Ayez l’honnêteté intellectuelle de savoir de quel côté se loge la bêtise congolaise pour enfin d’y remédier pour l’amour du pays….
    Vos oukases du type Poutinien traduisent une incapacité congénitale à résoudre les urgences sociales , sociétales et économiques auxquelles demeurent soumis les congolais au nom desquels vous prétendez diriger …
    Je crains que votre inquisition sur la possibilité de virer les lanceurs d’alerte autour des problématiques effroyables que vivent les congolais de ce site soit sans effet…
    Quel en serait le bénéfice pour le Congo ?.

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