Le poids des intérêts Français au Congo.

Le dictionnaire usuel du Français définit l’intérêt « comme ce qui est utile et profitable à quelqu’un. C’est la recherche égoïste de ce qui est avantageux pour soi ».

L’épisode des mallettes et des porteurs de valises ressassée par l’avocat Robert BOURGI et reprise en chœur par la presse française pour faire du sensationnel, est bien connue des africains en général, et des congolais en particulier depuis belle lurette. Le documentaire sur la Françafrique diffusée par les chaînes publiques françaises conforte la réalité du poids des intérêts français au Congo. « Il fallait déposer le président Lissouba, réinstaller Sassou, qui est à même de protéger et de garantir les intérêts de la France. »

En dépit de la littérature abondante sur le Congo dans laquelle on peut voir à quel point la politique d’Etat-client menée par la France a englué le Congo dans un paternalisme désobligeant, la politique économique du Congo(s’il en existe une) est définie par Paris, capitale de l’Afrique noire francophone. Ceux qui seraient appelés à gouverner dans ce Congo-orphelin étant systématiquement traités comme des subalternes, et le pays dont ils ont la responsabilité n’est qu’un marche-pied à la remorque de la France. Le Congo est à jamais soumis à la loi du plus fort.

De même qu’aucun congolais n’était convié à la conférence de Brazzaville(30 janvier-8 février 1944), pour le bonheur et le malheur des africains, le Congo reste aujourd’hui absent des grands débats qui décident de son avenir. Les grandes puissances économiques, la France dans le cas congolais, grâce à leur puissance technologique, financière et militaire, imposent leurs points de vue aux africains en général, et aux congolais en particulier, en négligeant de prendre en compte leur personnalité ou leurs choix, et en les contraignant à un conformisme aberrant.

Le Congo, pillé à volonté hier sous le crédo de « l’Afrique berceau de l’humanité », est à présent abandonné, délaissé, pour avoir eu le tort de se laisser bercer de l’espérance qu’il allait être plus heureux en suivant à la lettre des modèles de survie. Aujourd’hui marginalisé, le « berceau de l’humanité » s’est transformé en « pays à risques », où il faut éviter de partir, parce qu’infecté par le Sida. Antoine Glaser et Stephen Smith pensent qu’en dévaluant leur monnaie, « le Congo est désormais dévalué sur tous les plans: diplomatique, politique, sécuritaire, économique… La banalisation du Congo passe « forcément » par cette dévaluation politico-monétaire ».

Toute tentative d’un supposé « décollage » bute généralement contre ces systèmes complexes mis en place par la France: mécanismes du marché, dette, systèmes monétaires, idéologies, intimidations, corruption… Pour la bonne orthodoxie de la politique congolaise, la stratégie consiste toujours à faire en sorte que la décision prise par Paris paraisse venir des Congolais eux-mêmes. Ce qui est conforme à l’appellation « Colonisation » paraît moins acceptable que « Coopération ». C’est évident, car dans le premier cas, « on dit », et dans le deuxième cas « on fait dire ». Quant au résultat, il reste le même.

Aussi consternant que soit le constat, le combat d’intérêts entre la France sur le patrimoine congolais se déroule loin de ceux qui seraient en être propriétaires. Véritable « chasse gardée » française, le Congo est soumis à une censure systématique dans toute entreprise qui touche au « développement ». Tout contrat passé hors l’assentiment de la France est considéré comme un incident dont les conséquences sont à la hauteur des engagements de « coopération ».

Que le gouvernement congolais signe par exemple, en avril 1993, un contrat de vente par anticipation de 75 millions de tonnes de pétrole avec la compagnie américaine OXY, il s’agit pour la France, au mieux d’une « intrusion », au pire d’une « agression », dans sa « chasse gardée » congolaise. La France ne cesse de faire la sourde oreille devant la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide dans sa pratique tutélaire du Congo. C’est à partir de cette année(1993) que sont nées à la fois les prémisses d’une guerre civile, et les rivalités entre les autorités congolaises élues et françaises.

La conférence nationale souveraine organisée en 1991, avait pour objectif la prise de conscience de cette situation. Aussi, en pleine « démocratie naissante », la France, par sa stratégie de la division, recrutait des « valets locaux », pour saborder ce qui fut décidé par le biais du Parti Congolais du Travail, qui résistait contre sa perte légale du pouvoir. De nombreuses réunions se tenaient à Paris et à Brazzaville. Elles visaient à convaincre l’opinion et les bailleurs de fonds occidentaux, que seul un « président garantissant leurs intérêts(de la France) serait à même de les défendre, à condition qu’il ait la possibilité de stabiliser son pays, et que d’autre part, l’action du gouvernement de transition d’André Milongo, était systématiquement critiquée. Pour y parvenir, il fallait préparer une partie de la population congolaise à la guerre, en alimentant la tension, dont le paroxysme a poussé des compatriotes à s’entre-tuer ».

Tout ceci visait à contrecarrer un tournant pro-américain de la politique extérieure que les congolais furent accusés d’instituer dans leur pays.

« L’alliance avec plus puissant que soit a quelque inconvénient, et la raison du plus fort est toujours la meilleure », disait la Fontaine. Qu’un ministre français estime avoir plus de droits qu’un président congolais, c’est après tout, l’illustration de la lutte entre le pot de fer et le pot de terre. « Lorsque l’on veut se faire respecter, on commence par respecter autrui ». On sait aussi que les tensions qui caractérisaient les rapports entre le milieu pétrolier français et les autorités élues en 1993, n’étaient pas étrangères à la guerre civile congolaise, et à la situation sans cesse catastrophique que connaît le Congo. La politique africaine de la France, consiste à mettre des moyens économiques au service d’une stratégie politique, en combinant des relations économiques et des relations politiques, débouchant ainsi sur l’affairisme, présentant ainsi le risque de bloquer pendant longtemps tout effort de « développement » du Congo.

Pour l’histoire, les congolais retiendront sans conteste cette révélation faite par Pascal Lissouba:  » J’ai été mis dans l’obligation de donner des gages et des garanties, de prouver que je ne m’attaquerai en aucune manière aux intérêts de ceux qui nous aident… Nous vous garantissons vos intérêts, garantissez-nous au moins la paix et la vie sauve, non pas ma vie à moi, mais celle de mon peuple et de tous les innocents qui meurent chaque jour ».

Pétrole en échange de vies humaines, les congolais auront attendu trop longtemps pour se plier à la loi du plus fort: celle de la France. La guerre fratricide qui a déchiré le Congo en 1993-1994 et 1997, était due aux intérêts égoïstes de la classe politique congolaise, et à l’appétit vorace des intérêts français au Congo.

 

Alexis BOUZIMBOU.

Cercle de réflexion pour des idées nouvelles

www.congo-liberty.org

 

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