LE CRÉPUSCULE DES DIEUX. Par Brice Nzamba

Le soleil qui s’était levé à la conférence nationale souveraine avec l’espérance de la démocratisation de la société congolaise vient d’atteindre son crépuscule. Tous les espoirs suscités par ce moment de consensus national historique, du rétablissement de la souveraineté du peuple en imposant des élections libres et transparentes dans le choix des dirigeants, au redressement économique, en passant par l’unité nationale, ont fondus comme neige au soleil.

Pourtant, il n’eût pas été  nécessaire d’être grand clerc pour comprendre que cette conférence nationale n’a pas été une révolution effective, et que le soleil chanté dans l’hymne national allait avoir du mal à finir son cycle,  puisque d’une part les jeunes loups de cette époque se sont laissés damés le pion par les aînés dont ils reprochaient la gestion calamiteuse du marxisme léninisme, et que les responsables des crimes de sang et économiques, loin d’être inquiétés par les actes de la conférence nationale, et d’être mis hors jeu de la politique, ont tous fait semblant de devenir démocrates.

Sassou Nguesso annonçait les couleurs lors de son discours de clôture de la conférence nationale en déclarant que : «  La démocratie appartient non à ceux qui prétendent être innocents, purs et sans taches, mais à ceux qui sauront se convertir à cette nouvelle exigence. »

il est sans conteste que Sassou Nguesso se considérait lui-même être de ceux qui n’étaient ni purs ni sans taches, et croyait pouvoir se convertir à cette nouvelle donne démocratique. Là encore, il n’était pas nécessaire d’être un prophète pour comprendre que le seul lavement des mains n’aurait pas suffit à symboliser cette conversion puisque dans l’ordre de la symbolique même, et s’il faut se référer à la symbolique musulmane des ablutions( ceci étant vrai aussi pour la symbolique chrétienne), seule la grande ablution nommée Ghoust qui est le bain ou l’immersion complète du corps assure la conversion de l’individu et non la petite ablution des mains nommée abdest.

Aussi, il ne faut pas s’étonner qu’il n y ait jamais eu une conversion sincère au jeu démocratique de la part des leaders qui ont été propulsés par la conférence nationale, au grand dam des jeunes conférenciers qui n’ont pas été capables d’asseoir une véritable rupture dans le jeu politique congolais. Aujourd’hui, quinze ans après le coup d’Etat le plus sanglant de notre histoire, l’homme qui avait dit  lors de son discours de clôture de la conférence nationale souveraine : « Faut-il enjamber d’autres corps  pour arriver à la démocratie ? Ma réponse est non »  a bel et bien enjambé des corps par milliers pour rétablir la dictature.

Oui, Sassou Nguesso n’est pas prêt à des sacrifices pour la démocratie, ça n’est pas dans sa nature, il est essentiellement contre le suffrage populaire libre et transparent, tous les intellectuels et politiciens qui nous ont vendu ce monsieur comme un démocrate qui allait rétablir la démocratie bafouée par le président LISSOUBA, sont aujourd’hui aux abonnés absents et rasent les murs. Il y a même un professeur de droit bien connu ( il se reconnaitra), qui nous a soutenu le plus sérieusement du monde qu’il était possible de réguler la démocratie par un coup d’Etat. Il confondait le système romain consistant à suspendre la République lorsque l’ennemi était aux portes de Rome en confiant tous les pouvoirs a un dictateur, le temps de faire face au péril, et de revenir ensuite à la république, système prévu également avec « les pleins pouvoirs » de l’article 16 de la constitution française, à un système tyrannique qui est dans son essence même contre la République et la démocratie.

Nous avons affaire à une tyrannie, et non une dictature, en tout cas pas dans son sens originel romain, et dans la lutte politique, les mots ont leur sens. Cette tyrannie instaurée au prix du sang et de la peur a fait perdre de son superbe le soleil de l’espérance démocratique issu de la conférence nationale souveraine, et tous les espoirs qui lui étaient associés.

Ainsi, les étoiles politiques nées du big bang de la conférence nationale se sont toutes éteintes, emportées par la tourmente Sassou Nguesso. Elles sont tour à tour sorties de leurs orbites initiales, abjurant leur orientation prémière, et se désintégrant dans les solitudes intersidérales.

Bernard Kolelas, l’homme qui s’était autoproclamé Moïse de tout un peuple, redoutable opposant, tellement aimé de sa jeunesse que celle-ci ne recula pas à aller au sacrifice suprême pour celui-ci,  s’est rendu, confiant sa progéniture au Dictateur. Le MCDDI est aujourd’hui vidé de sa substance, il est devenu une caisse de résonance du PCT, se contentant des miettes du festin du clan au pouvoir, loin, très loin des attentes de sa base. Totale désillusion pour la base de ce parti, que d’espérances éteintes, des rêves de liberté brisés.

Tchystère Tchicaya s’en est allé à Mpemba, non sans avoir adoubé la dictature, alors que son parti fait des pieds et des mains pour plaire au PCT.

Pascal Lissouba est devenu l’ombre de lui-même, alors que l’UPADS vogue sans boussole tel le radeau de Méduse, se contentant d’une opposition minimaliste et molle, laissant la part belle au pouvoir, à un pouvoir qui pourtant a usurpé la légitimité dont ce parti détenait du peuple. L’UPADS est passée d’une stratégie de non reconnaissance du régime actuel à la suite du coup d’Etat à un aplatissement total, oubliant la constitution du 15 mars 1992 dont le président LISSOUBA, son fondateur, était le garant. Cela nous rappelle les paroles célèbres que saint Remi prononça lors du baptême du roi Clovis alors qu’avant ce dernier  rejetait le christianisme : «  Courbe la tête, fier Sicambre, adore ce que tu as brulé et brûle ce que tu as adoré ».

Il n y a aucun doute, nous sommes en plein crépuscule des dieux issus de la conférence nationale souveraine. Les ténèbres se font de plus en plus épaisses, et ce n’est pas le moment d’entonner l’hymne national car le soleil de la liberté a été éclipsé par les nuages de la tyrannie trônant à Brazzaville. Disons le sans détours, le sud du Congo est orphelin de ses leaders, il n a plus de foi dans les partis issus de la conférence nationale, ses étoiles se sont éteintes. C’est minuit au Congo, l’obscurité est devenue opaque, la nuit peine a engendré un jour nouveau, et le règne tyrannique du clan au pouvoir est véritablement l’abomination de la désolation dans les lieux saints de la liberté.

Dans ce marasme de désespoir demeure notre foi inébranlable au renversement prochain de cette tyrannie qui porte en elle-même les germes de sa destruction, car lorsqu’un peuple est opprimé et a atteint un niveau de saturation où il fait monter ses pleurs et ses lamentations au ciel, le génie de ce peuple lui suscite des chefs dignes, capables de le libérer et de restaurer sa dignité en initiant un nouveau cycle politique.

 

Maître Brice NZAMBA

Président du Cercle LA RUPTURE.

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