Le Barrage de Sounda sur le Kouilou : un vieux rêve en attente de réalisation

08 juin 1996-08 juin 2018, il y a 22 ans jour pour jour que le Professeur Pascal Lissouba présidait la cérémonie officielle de relance des travaux de construction du barrage hydroélectrique de Sonda, en présence de MM. Lambert Galibali (Ministre des travaux publics), Jean Itadi (Ministre du développement industriel, des mines, de l’énergie, des postes et télécommunications), Tangoushi Alvaro (Directeur de la Société Sounda S.A.)

Evalué à l’époque à 925 millions de dollars, le projet de reconstruction du barrage de Sounda visait, selon les estimations de l’époque, à long terme d’atteindre une production de 1 000 mégawatts, soit 14 fois la production actuelle du pays ; de quoi mettre un terme définitif à la dépendance électrique à l’égard à l’égard du Zaïre (actuel RDC). La construction de ce barrage devrait s’effectuer en trois phases. Le financement de la première phase (5 millions de dollars) proviendrait pour 85% de la Rand Marchant bank, une banque sud-africaine, les 15% restant provenant pour 12,5% de l’Etat congolais et 2,5% de la SNE (Société Nationale d’Electricité). La Merchant Bank recherche auprès d’autres investisseurs sud-africains le financement des deux dernières phases estimées respectivement à 325 millions et 550 millions de dollars. Le crédit de 50 millions de dollars monté par la dite banque couvre la phase I (840 MW) déjà en cours.

Le Président Pascal Lissouba a, en effet, procédé le 08 juin 1996 au lancement officiel des travaux. Ainsi, pourrait peut-être se réaliser un vieux rêve congolais, datant de la première tentative faite par le Président Fulbert Youlou en 1961.

C’est depuis 1896 que ce site de Sounda fut localisé pour la première fois, mais les études d’aménagement n’ont débuté qu’en 1952 avec la société d’économie mixte Energie Electrique d’Afrique Equatoriale Française (EE – AEF), sous l’assistance technique de l’Electricité de France (EDF) et de l’Office de la Recherche Scientifique et Technique d’Outre-Mer (ORSTOM) à la recherche d’un site pouvant alimenter Pointe-Noire en énergie hydraulique.

Trois ans plus tard, la Société Civile d’Etude Electrique de Konkouré et du Kouilou (SCEHKK) devait diriger pour le compte de du Ministère de l’Outre-Mer les premières études financées par l’Etat français à travers EDF. C’est seulement en 1958 qu’est créée la Société Hydroélectrique du Kouilou (SHK) avec comme principaux participants au consortium : Péchiney, Ugine, Aluminium Limited (Canada), Olin Mathieson (USA), Société KNAPSACK (Allemagne) et la Société des Engrais et de Produits Chimiques Pierrefille.

Faute de financement, ce projet n’a jamais eu une suite positive ; Il faut espérer que sa reprise en main par la société d’ingénierie sud-africaine INTERPRO, permette la concrétisation ’aboutissement de ce vieux rêve. Ce qui illustrerait de façon significative le développement de la coopération sud-sud.

De plus, Sounda, situé à 100 Km de Pointe-Noire, constitue la garantie d’un approvisionnement optimal en énergie hydroélectrique des industries et du port de la capitale économique du Congo.

Innocente Félicité SATHOUD (Envoyée spéciale)

Source : Revue Internationale de Coopération Sud-Sud Afrique Golfe Magazine N°7 Juillet-Aout 1996.

Actualisation : Wilfrid Olivier Gentil SATHOUD

Transcription des discours prononcé à la cérémonie officielle de lancement des travaux de construction du barrage de Sounda

(24 Mars 1961)

Discours de M. Germain BICOUMAT, ministre des travaux publics de la République du Congo.

Monsieur le Président de la République ;

Monsieur le Représentant du Président de la Communauté ;

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale ;

Messieurs les Ministres ;

Messieurs,

En cette journée qui restera marquée dans l’histoire de notre pays, je suis heureux en tant que ministre des travaux publics, de présenter officiellement le Site de Sounda où va s’implanter le barrage du Kouilou.

Le Site de Sounda où va s’implanter le barrage du Kouilou.

Le site de Sounda fut découvert en 1887688 par un français l’ingénieur hydrographe Jacob, au cours des recherches de l’itinéraire de la voie ferrée qui devait relier la cote à Brazzaville.

Son étude prévoyait l’établissement d’un barrage devant permettre la navigabilité du fleuve Kouilou.

En 1898, la mission Marchand fit des reconnaissances dans le même but.

En 1927-1930, ce même Site retint l’attention de la mission Darnaut, chargée d’inventorier les ressources hydro-électriques de l’A.E.F.

En 1952, à la demande du territoire du Moyen-Congo, un avant-projet d’ouvrage hydro-électrique fut établi pour les besoins éventuels de Pointe-Noire.

En 1954, à la suite de cet avant-projet, l’E.D.F. décida d’entreprendre l’étude d’un barrage susceptible de fournir la totalité d’énergie évaluée à environ 7 milliards de Kwh.

Depuis 1957, des études de détail ont été poursuivies pour répondre aux divers impératifs, elles furent terminées en 1960.

Pendant cette période, la route Pointe-Noire/Sounda a été réalisée, et certains travaux préparatoires ont été exécutés sur le Site de Sounda.

Aujourd’hui, les travaux d’exécution du barrage commencent par une tranchée préliminaire qui consiste en une galerie de reconnaissance intéressant le futur tunnel de dérivation. Une première portion de cette galerie va étre réalisée sur 50 mètres de longueur en 12 mètres carrés de section.

Au cours de cette période démarrage, un appel d’offres sera lancé pour des travaux complémentaires concernant principalement la tête-amont de la galerie de dérivation.

Pendant que s’effectueront ces travaux préliminaires, des pourparlers vont étre activement menés pour rechercher, dans un cadre international, les financements importants nécessaires pour conduire à sa fin la construction du barrage et l’achèvement de son équipement.

Il faut souligner que ces travaux de démarrage se concrétisent grâce à la générosité de la France qui a accordé à la République du Congo une subvention de 50 millions de francs C.F.A. et un prét à long terme de 250 millions de Francs C.F.A.

Dans les négociations qui vont étre engagées pour la réalisation de la phase terminale, la République du Congo est assurée de l’aide et de l’appui du Gouvernement français.

Ce n’est un devoir de rappeler qu’après le Chemin de Fer Congo-Océan et le Port de Pointe-Noire, le Barrage du Kouilou, pièce maitresse de cet ensemble économique, constituera le troisième chef-d’œuvre français dans notre pays.

C’est grâce à votre ténacité, Monsieur le Président de la République que ce qui était, hier encore, projet incertain devient aujourd’hui réalité.

Le barrage du Kouilou, longtemps et impatiemment attendu par nos populations voit enfin le début de son exécution pour un lendemain meilleur.

Vive la République du Congo !

Vive la Communauté.

Discours de M. Stéphane TCHITCHELLE, ministre des Affaires Etrangères et Député-Maire de la Ville de Pointe-Noire.

Monsieur le Président de la République,

Monsieur le Représentant de la France,

Messieurs les Ministres et Parlementaires,

Mesdames et Messieurs,

Ce jour que nous attendions tous avec impatience est enfin arrivé. Ce mot de Kouilou qui nous a pendant des années procurés de grandes espérances sombrant parfois dans de profondes déceptions, ce mot que pour l’avoir trop répété, nous n’osions plus prononcer que du bout des lèvres, résonne aujourd’hui sur nos tympans comme l’appel irrésistible du tam-tam congolais dans la brousse.

La route qui nous a conduit à pied d’œuvre, nous a paru bien longue parfois même interminable. Cela s’explique, car étant des hommes, nous avons une tendance naturelle à jauger nos désirs en fonction de la vie d’un homme, alors que ce barrage du Kouilou, dont le Président Youlou Fulbert, va dans quelques instants et dans un geste symbolique démarrer les travaux, sera comme la plupart des grandes réalisations humaines, l’œuvre de plusieurs générations, en tout cas l’œuvre souveraine de ceux qui l’auront imaginé, de ceux enfin qui dans quelques années en auront l’utilisation.

Mais qu’importe le temps, lorsque l’on a la foi, Si nous sommes justement réunis ici aujourd’hui, au cœur de ce paysage sauvage, c’est pour célébrer avant tout les mérites de tous ceux qui ont toujours cru aux travaux de Sounda, de ceux qui croient fermement et de ceux qui auront la lourde charge de les réaliser.

Pour celui qui sais attendre, tout viens en son temps et à son heure, surtout lorsqu’il s’agit de dompter la nature et de bâtir pour l’avenir de son pays.

En octobre dernier, visitant le laboratoire national de Chatou, je me suis retrouvé, à ma grande surprise, devant la maquette de Sounda, d’un barrage fidèlement reproduit, où l’eau coulait avec un bouillonnement prometteur ; j’ai pu assister à une projection cinématographique développant la mise en place, si délicate du batardeau premier élément de la voute provisoire de retenue des eaux.

Toute cette vision n’était encore que de l’espérance plus ou moins lointaine mais pour moi déjà une espérance doublée de foi qui commence aujourd’hui à se matérialiser.

Que tous mes remerciements aillent au Gouvernement français, sans lequel nous ne serions pas là, en ce moment.

Il y a deux ans, c’était le Chemin de Fer de Comilog, il y a six mois, c’était le terminal de Pointe-Indienne, il y a trois semaines c’était l’inauguration des nouvelles installations de la piste d’envol de Maya-Maya, aujourd’hui ce sont les travaux préliminaires de Sounda, demain certainement ce sera l’extension du port de Pointe-Noire.

Ainsi l’aide de la France, à laquelle s’ajoute l’appui concerté des Nations du monde libre soucieuses de l’avenir des territoires d’Afrique et du rôle éminent qu’ils peuvent jouer dans la défense de la liberté et de la survie de l’humanité, se multiplie tous les jours.

Elle se concrétisera d’autant plus, si pays souverain, la République du Congo continue d’affirmer sa politique de sagesse comme son désir d’œuvrer au redressement national.

Cette politique de sagesse qui est aujourd’hui un de nos titres de noblesse, sera le gage indispensable à la sauvegarde des garanties que les pays donateurs sont en droit d’exiger des nations donataires.

Tous les congolais, sont conscients et persuadés, qu’il ne saurait ici comme dans tous les pays du tiers-monde, y avoir des investissements externes sans garanties préliminaires et plus particulièrement sans garanties contre les risques politiques.

La grande préoccupation des économistes mondiaux de ce siècle est d’arriver à une solide conception de garantie international, cela se conçoit aisément et nous le comprenons parfaitement.

Le respect mutuel des engagements est la règle d’or du monde des affaires et notre Gouvernement entend l’appliquer.

Depuis quelques temps déjà, un code des investissements est à l’étude et apportera aux capitaux extérieurs toutes les garanties fiscales qu’ils attendent.

Le Gouvernement de l’Abbé YOULOU Fulbert attache autant d’importance aux risques d’instabilité fiscale qu’à ceux d’instabilité politique. De récents exemples de spoliation par nationalisation sont autant de raisons pour nous d’octroyer toutes les garanties qui s’imposent à ceux qui désirent investir.

Ces garanties, nous les offrons, car nous savons que nous pouvons compter sur la France en qui nous avons mis toute notre confiance et qui depuis notre accession à la souveraineté internationale n’a cessé de nous encourager et de nous apporter sa large part désintéressé d’aide et de coopération.

Ces garanties, nous les offrons, car tous les congolais sont conscients de l’œuvre de redressement national commencée et que nous entendons mener jusqu’à notre émancipation économique totale.

Avertis du rôle qui nous est imparti, dans le combat de chaque jour nous ne nous faisons aucune illusion et savons qu’il nous faudra des générations pour arriver, mais, unis comme nous devons l’étre, nous atteindrons notre but. Les exemples de pays en voie de développement qui ne sont hissés au rang des pays majeurs sont nombreux et nous encouragent à les imiter.

Nous sommes tous convaincus que l’aide extérieur d’où qu’elle vienne et pour si désintéressé soit-elle ; ne pourra jamais remplacer notre volonté nationale, si elle nous permet, il faut le reconnaitre, d’améliorer, d’activer la mise en œuvre de cette volonté.

Le barrage du Kouilou sera avant tout une œuvre de la volonté nationale du peuple congolais.

Parce qu’il est déjà œuvre de volonté nationale, il se fera. Il s’edifiera malgré les sacrifices qu’il réclame de chacun car chaque congolais est prét à répondre présent à la mobilisation qui s’impose pour la réalisation de tous les investissements nationaux et plus que jamais pour mener à terme les travaux de Sounda.

Si le peuple congolais fier et libre, veut consacrer tous ses efforts aux travaux d’intérêt national, il apportera alors la preuve que le développement d’une d’une nation qui se veut souveraine, doit avant tout être financé par cette nation elle-même. Il démontrera que toute aide extérieure doit en premier lieu permettre de combattre les causes du sous-développement plutôt que les effets de la pauvreté. Il rassurera tout le monde en révèlant qu’il a conscience que l’effort de tous les nationaux est indispensable à la fécondité de l’aide étrangère.

Malgré son état apparent de pauvreté, la grande chance de l’Afrique de demain, est de posséder des réserves importantes de matières premières qui la placent auprés des pays industrialisés, comme de détenir des possibilités mondiales hydro-électriques.

Cette chance de l’Afrique est aussi la chance de la République du Congo, favorisée par sa position géographique en zone tropicale.

Si l’on en croit les économistes, c’est la conjonction de la bauxite et de l’énergie hydro-électrique, fréquente sous les tropiques, qui déterminera les grandes implantations industrielles de demain. C’est dire les atouts que nous possédons et que nous pouvons jouer.

Mais cette chance, dont de la nature, nous ne devons pas la laisser passer car, au moment où sous nos yeux étonnés, s’ouvre l’ère nucléaire, on est tous les jours en droit de se demander combien durera l’ère des grands barrages hydrauliques.

Le Gouvernement congolais, j’en suis intimement persuadé, ne laissera pas passer sa chance, car guidé par la clairvoyance de son Chef d’Etat, l’Abbé YOULOU Fulbert, il entend affermir l’indépendance politique de la République, par une promotion économique et sociale de toutes les populations. Cet objectif qui est aussi celui des autres Etats Africains et Malgaches d’expression française, sera poursuivi non pas isolément mais en coopération étroite avec nos amis, avec tous ceux qui réunis à Brazzaville et à Dakar, demain à Yaoundé, sont soucieux de contribuer à l’accroissement de la solidarité interafricaine dans le respect des engagements internationaux auxquels ils ont souscrits.

Encore une fois, au nom de toutes les populations congolaises, je dis merci du fond du cœur au Gouvernement de la République française et à son Chef le Général de Gaulle, je dis merci à tous ceux qui sont prêts à collaborer avec le Gouvernement congolais à la réalisation du barrage du Kouilou.

Vive la France,

Vive la République du Congo,

Discours de M. BOKANOWSKI, ministre français des postes et télécommunications et Maire d’Asnières délégué par le premier Ministre Michel Debré au nom du Général Charles de Gaulle et pour le compte du Gouvernement de la République française.

Monsieur le Président de la République ;

Messieurs les Présidents ;

Messieurs les Membres du Gouvernement ;

Messieurs les Membres du Parlement ;

Messieurs,

Je suis particulièrement heureux d’avoir été désigné par le Général de Gaulle, Président de la Communauté, pour assister à cette cérémonie, et chargé par M. Michel Debré d’y représenter le Gouvernement français, puisqu’elle constitue une manifestation nouvelle de cette amitié Franco-Congolaise qui nous tient si profondément à cœur.

Comme la pose d’une première pierre, le premier coup de pioche donné à un chantier est, en effet, toujours un acte symbolique, mais il est rare qu’on puisse lui attribuer, comme c’est le cas aujourd’hui, une portée aussi, lointaine aussi riche de signification.

Par les circonstances qui l’entourent et la qualité de ceux qui y assistent, il est, en effet, à la fois un acte de volonté et d’espoir.

Vous avez voulu, Monsieur le Président de la République, qu’au moment méme où vous conviez le peuple congolais à établir les bases de l’Etat, soient inaugurés également les premiers travaux de l’œuvre que le peuple du Congo identifie à raison avec sa promotion économique et sociale ; vous manifestez ainsi avec éclat que vous entendez mener de front la construction politique du pays et son assise industrielle afin de la doter harmonieusement de tous les moyens nécessaires à son progrès.

Dans cette entreprise, certes exaltante, mais dont les difficultés ne vous sont pas inconnues, vous avez fait appel au concours de la France et des Français et vous voulez associer ceux-ci à vos efforts aussi bien dans le domaine technique et financier du barrage du Kouilou, que dans celui du civisme, puisque vous les aviez conviés a participer à la consultation populaire du 26 mars.

En témoignant ainsi de la confiance et de l’estime que vous gardez à nos compatriotes et au Gouvernement français, vous les mettez en face d’une sorte de responsabilité, celle de ne pas décevoir vos espérances.

La France qui a tenu le Congo sur les fonts baptismaux de la liberté n’a pas ménagé des efforts pour l’aider dans sa volonté de croissance ; elle les poursuit aujourd’hui dans toute la mesure de ses moyens.

Mais, entré dans le concert des nations, votre pays au moment où il est confronté avec les responsabilités internationales, aborde pour son équipement un problème qui, par son envergure et par ses multiples implications, est précisément aussi d’une ampleur mondiale.

Ce n’est pas à une assistance aussi qualifiée que celle qui est réunie ici qu’il faut rappeler que le devis de l’ensemble industriel du Kouilou était estimé dès 1958, à plus de 110 milliards de francs CFA dont 40 pour les seuls aménagements hydro-électriques et 70 pour les installations industrielles utilisatrices. Pour fixer les esprits, on peut noter que cette somme représente au total environ six ou sept années de tout le revenu national du Congo.

Alors que les études du projet et les travaux d’accès ont déjà exigé plusieurs milliards de francs, la France, par les nouvelles facilités qu’elle vient d’ouvrir, accomplit un acte de foi : acte de foi dans l’avenir du Congo, mais aussi acte de foi dans la solidarité des pays libres.

La réalisation d’un tel ensemble, avec les 7 milliards de Kwh qu’il représente, pose, en effet, des problèmes d’une ampleur inhabituelle puisqu’elle suppose l’installation d’usine de production qui pourront mettre sur le marché mondial : 250 000 tonnes d’aluminium, 200 000 tonnes de ferro-manganèse, 30 000 tonnes de ferro-sillicium, 35 000 tonnes phosphore, 15 000 tonnes de carbure de silicium et 10 000 tonnes de magnésium. La seule production d’aluminium représente le double de la production francaise actuelle, et le dixieme de toute la production mondiale.

On conçoit qu’une entreprise de cette dimension implique que des assurances soient acquises aussi bien dans le domaine de l’approvisionnement que dans celui de l’écoulement de la production, sans parler de celui de l’écoulement de la production, sans parler de celui de la stabilité politico-économique dont, Monsieur le Président de la République, vous étes le garant et le symbole.

Ainsi l’importance des moyens de financement à rassembler, de la production d’énergie à couler, de l’approvisionnement à assurer, des fournitures à placer, est telle qu’elle reclame le concours de toutes les bonnes volontés.

Tout comme vous avez voulu, Monsieur le Président de la République, réunir les energies du peuple congolais autour de vous-mêmes pour donner l’infrastructure nécessaire à l’Etat, il conviendra sans doute demain de faire appel au concours de tous nos amis communs pour réaliser l’œuvre immense à laquelle nous mettons aujourd’hui la première main.

Vous avez su, assurément, Monsieur le Président de la République, créer ici un climat de sympathie et de confiance ; c’est un capital considérable dans un monde si troublé, et, si vous l’avez fait, c’est que vous pensiez donner ainsi à votre peuple une chance supplémentaire d’accélérer sa promotion.

Nous n’ignorons pas, en effet, que malgré les efforts qui peuvent étre accomplis dans les autres secteurs de l’économie congolaise, c’est d’abord en sa vocation commerciale et en ses perspectives industriélles que votre pays peut espérer un avenir meilleur.

Déjà l’infrastructure nécessaire à l’évacuation du minerai de manganèse extrait du Gabon voisin et ami, a apporté au Congo une activité accrue en donnant au port de Pointe-Noire un niveau de développement et en ouvrant à l’exploitation, des zones forestières jusqu’ici dépourvues d’un accès à la mer.

Les conditions mêmes qui ont présidé à l’installation de la Comilog sont, toutes choses égales d’ailleurs, celles qui peuvent permettre au projet du Kouilou d’étre mené à son terme.

Pour la Comilog, l’ampleur des investissements à entreprendre et la production escomptée ont rendu nécessaire le concours des grandes sociétés privées et le recours aux organismes mondiaux de financement. A plus forte raison, cette aide de tous nos amis, et, en particulier, du monde occidental qui prend de plus en plus conscience de sa solidarité avec les pays africains, parait-étre nécessaire pour mener à bien un projet aussi vaste que celui du Kouilou.

Vous pouvez étre assuré, Monsieur le Président de la République, que la France ne manquera pas de vous apporter tout son concours pour faciliter la recherche des appuis nécessaires, tant auprés des sociétés privées que des organismes internationaux et des pays amis qui peuvent collaborer à la réalisation de l’œuvre nationale que vous entreprenez, et tout ceci, bien entendu, la France le fera en dehors de son propre effort dans ce domaine.

Cette œuvre, Monsieur le Président de la République, est pour le Congo le symbole de sa promotion économique et sociale. Vous comprenez donc tout l’intérét qu’à ce double titre mon pays peut y attacher.

En cette solennelle occasion, au nom du Général de Gaulle, au nom du Gouvernement français, je m’associe de tout mon cœur aux efforts et aux espoirs du peuple congolais.

Discours de l’Abbé Fulbert YOULOU, Président de la République Française

Monsieur le Représentant du Président de la Communauté ;

Monsieur le Président de l’Etat du Katanga ;

Messieurs les Présidents de l’Assemblée Nationale ;

Messieurs les Ministres ;

Messieurs les Parlementaires ;

Messieurs les Ambassadeurs ;

Mesdames et Messieurs

Nous voici rassemblés en un site unique au monde. Ici, à Sounda, la nature a realisé l’un de ses plus extraordinaires exploits. Un fleuve langoureux a tranché une montagne et, ce faisant, a décuplé ses forces.

D’autres ont déjà vanté la beauté sauvage de ces gorges abruptes et ardentes, qui nous offrent une si étonnante perspective. Et il suffirait de les contempler dans l’émerveillement, si nous n’étions venus ici, poussés par une plus noble ambition.

Depuis longtemps, mais sans en définir toute la portée, les hommes savaient que ce lieu était un lieu prédestiné. Pour le marquer à leur manière, en avouant leur doute, ils ont laissé le fleuve sans nom, ne sachant lequel lui donner. En amont, il s’appelle Niari. En aval, il s’appelle Kouilou. Ici, nous le baptisons aujourd’hui Barrage.

Car c’est un barrage que nous sommes venus construire, écoutant la la leçon de la providence qui l’a déjà dessiné pour nous et presque sculpté dans le roc.

Ce fleuve, qui coule sous nos yeux dans un si étroit passage, a un débit exceptionnel, qui égale celui du Zambèze à Livingstone et la moitié de celui du Nil à Assouan. Rarement , disait un des experts les plus qualifiés, on aura vu passer tant d’eau en un si petit espace.

Le barrage, dont les assises sont naturellement tracées, offre des facilités exceptionnelles. Il donnera naissance à un lac, trois fois et demi grand comme le lac de Genève, et qui ira jusqu’au-delà de Loudima à 230 kilomètre d’ici.

Le volume de béton nécessaire est le même qu’a Bort, c’est-à-dire quatre cent cinquante mille mètres cubes. Mais à Bort, le volume de la retenue des eaux est de 300 millions de mètres cubes, tandis qu’au Kouilou il sera de 60 milliards, dont la moitié utilisable, ce qui donne un rapport de un à cent.

D’ici, Pointe-Noire se trouve à vol d’oiseau à 85 kilomètres, ce qui est une courte distance pour les lignes de transport de force. Le port de Pointe-Noire offre toutes les facilités pour la construction des usines utilisatrices et l’exportation des produits sans rupture de charge, dans des conditions rarement égalées.

La puissance obtenue sera de 7, peut étre de 8 milliards de Kwh, c’est-à-dire plus que n’en fournit le Rhône dans les cinq grandes centrales qui s’étagent de Génissiat à Montélimar, et ce qui correspond environ au cinquième de la production hydro-électrique française.

Enfin, le prix du courant produit sera parmi les plus bas du monde et, pour la première fois, on pourra venir chercher en Afrique ce qui est moins cher qu’ailleurs.

Voilà, Messieurs, pourquoi nous voulons nous mettre à l’œuvre, et tout de suite. Le barrage se fera, et il sera avec vous tous, qui êtes venus jusqu’ici.

Les premiers efforts ne datent pas d’aujourd’hui, mais remontent à 1887 quand l’ingénieur de la marine Jacob entreprit les études de navigabilité du fleuve. Depuis lors, combien de pionniers n’ont-ils pas apporté leur contribution à l’œuvre qui se dessine.

Je m’excuse de ne point les citer tous et de me borner à remercier l’électricité de France, représentée par M. Lousteau, la société hydro électrique du Kouilou, filiale de Pechiney qui a délégué M. Ribadeau Dumas, l’Orik dont la tâche est maintenant reprise par l’Organisation Nationale du Kouilou, Onako, présidée par le ministre Bicoumat.

Par une loi du 22 décembre 1960, l’Assemblée nationale a déclaré d’utilité publique les travaux d’aménagement hydro-électrique du Kouilou, qui s’effectuent désormais sous l’impulsion de la République du Congo.

Nous avons pris cette décision pour étre mieux à même de raccourcir les délais préparatoires, qui semblaient s’éterniser. La France l’a compris et, après avoir dégagé les crédits nécessaires à l’ouverture de la route de Sounda que nous venons de parcourir, et dont le revétement reste à faire, à inscrit au FAC le montant des premiers travaux du barrage pour l’ouverture du tunnel de reconnaissance, confié à la société FTM et du canal de dérivation.

Ce sont ces travaux que nous inaugurons solennellement, en un jour que j’ai voulu de Fête nationale pour en marquer l’importance et associer le peuple congolais tout entier à notre volonté d’aboutir.

L’avenir du Congo est ici méme, et le barrage conditionne et détermine à lui seul notre évolution. Il est capable de transformer le pays selon les données les plus modernes, de nous hausser au rang de puissance économique et industrielle, de transformer radicalement les conditions de vie et le ^pouvoir d’achat de la masse en fournissant à bon compte l’énergie qui nous manque et de parachever l’indépendance politique acquise par l’indépendance économique toute aussi forte et tout aussi impérieuse.

La transformation sera si profonde que de Loudima à Pointe-Noire, un nouveau pays va surgir, ouvrant de multiples possibilités. On estime, par exemple, que le lac artificiel, en permettant l’exploitation de régions jusque-là, inaccessibles, augmentera la production forestière de 200 000 tonnes, dont 150 000 tonnes d’okoumé.

A Pointe6Noire, les industries utilisatrices devraient rapidement arriver à atteindre une production de 200 000 tonnes d’aluminium et de 300 000 tonnes de ferro-alliages. En outre, quantité d’industries annexes pourraient grâce au courant à bas prix, trouver avantage à installer.

Toutes ces previsions ne sont pas contestées ; ce sont des certitudes, et il n’y a pas d’écho discordant sur le Kouilou.

M. Perrin, membre de l’institut, vice-président et directeur général d’Ugine, a toujours estimé que le site du Kouilou était le plus favorable parmi les sites actuellement connus dans le monde. « La connection du barrage du Kouilou, du port de Pointe-Noire et de l’exploitation du manganèse de Franceville, à t’il écrit, sera sans doute un des plus beaux complexes du monde. Je souhaite que la France profite des énormes possibilités qui lui sont offertes, mène à bien cette entreprise dans les plus brefs délais, car il importe dans ce genre de compétition internationale d’arriver parmi les premiers ».

M. Robert Buron, ministre des travaux publics de la République Française, qui a eu l’obligeance de se faire représenter par M. Bonnal et nous a toujours temoigné une grande sollicitude, disait il n’y a pas si longtemps :

« Le Kouilou retient l’attention combinée de l’industrie de l’aluminium, de l’industrie des ferro-alliages, des industries de l’azote et du phosphore, et méme dans une certaine mesure des industries nucléaires, puisqu’il n’est pas exclu que la séparation isotopique, à l’échelle européenne, soit conduite à chercher une solution de son problème au Congo ».

La France étonne parfois ses amis, lorsqu’elle leur donne dans certains cas l’impression de préférer engager de vastes dépenses à fonds perdus plutôt que de rechercher des participations bénéficiaires. Tout ce qui a été fait ici, jusqu’à ce jour, en recherches et travaux, a été entrepris sous une impulsion française.

Mais le financement d’un ouvrage de cette importance nécessite de tels capitaux que, tout en conservant à la France le rôle de Chef de file, des participations étrangères et internationales semblent devoir intervenir. Et c’est pourquoi, Messieurs les ambassadeurs, votre présence aujourd’hui parmi nous prend un sens déterminant auquel je me pliais à rendre hommage.

J’ai tenu à ce que, en un tel jour, le Président Tshombé soit aussi à nos côtés. Il représente, plus qu’aucun autre Chef d’Etat, l’Afrique minière et industrielle, le Katanga étant sur ce point le plus favorisé et le plus en avance de tous nos jeunes Etats. Que la caution qu’il veut bien nous apporter dans une amitié indéfectible soit pour nous l’occasion de lui témoigner notre reconnaissance sans limites.

Un proverbe dit : « C’est au pied du mur que l’on voit le maçon ». Nous y voici au pied du mur. Le Général de Gaulle, le plus grand ami du Congo, le sait et il n’a pas voulu nous y laisser seuls. Sont intérêt pour le barrage s’est manifesté chaque fois que nous l’avons sollicité. Il nous a toujours aidés et conseillés dans ce sens.

Aujourd’hui encore, le Président de Gaulle s’est fait représenter par M. Maurice Bokanowski, ministre des postes et télécommunications de la République française et maire d’Asnières, fils lui-même d’un célèbre ministre de la IIIe République, épris de l’idéal et de progrès.

Votre présence, mon cher ministre, nous est d’un précieux réconfort et, en vous disant toute la joie que j’ai eue de vous accueillir avec Mme Maurice Bokanowski, je sais que je puis compter sur toute votre compréhension et tout votre appui.

La grande famille équatoriale que nous formons est heureuse de saluer M. Gantar représentant notre grand ami le Président Tombalbaye.

Nous sommes sur le bon chemin et il est une nouvelle que je tiens à annoncer d’ici méme car elle s’inscrit dans le cadre de nos préoccupations.

Le Congo industriel est en marche. Dans quelques jours, sous l’égide du bureau minier et de la compagnie minière du Congo, va commencer l’exploitation de gisement de plomb et zinc de M’Passa, évalué à 50 000 tonnes. Les recherches se poursuivent sur le cuivre et il est possible que des amas de minerai en cours de reconnaissance puissent aussi étre exploités. Enfin, pour les potasses de Holle, un sondage vient de donner d’excellents résultats. Une campagne est en préparation pour reconnaitre l’extension du gisement.

Vous voyez, Messieurs, que vous étes dérangés à bon escient. Je vous remercie d’étre venus si nombreux et suis certains que nos efforts conjugués porteront leur fruit.

Ce que nous sommes venus bâtir ensemble est d’abord une grande œuvre humaine. Et ne croyez-vous pas que nous donnons aujourd’hui, au milieu d’une Afrique en proie en tant d’endroits à de si graves convulsions, la leçon de la sagesse et de l’espoir dans le triomphe de l’effort et de la liberté.

Tel est le sens que je voudrais donner, devant vous tous, et avec vous tous au premier coup de pioche pour le barrage du Kouilou.

Transcription : Wilfrid Olivier Gentil SATHOUD

A LIRE : du même auteur et sur le même sujet

L’épopée du Barrage hydroélectrique de Sounda. Par Wilfrid SATHOUD. Publié le 20/02/2014 in congo-liberty.org

Ce contenu a été publié dans DISCOURS HISTORIQUES, Les articles. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

6 réponses à Le Barrage de Sounda sur le Kouilou : un vieux rêve en attente de réalisation

  1. Mascad dit :

    Ensuite, on a dit : « YOULOU A TOUT VOLE ! »
    Alors, les « BATISSEURS INFATIGABLES » qu’ont-ils réalisé, à part le pillage et les crimes de sang, les génocides et les crimes contre l’humanité ?
    Les charognards, les hyènes se vautrent sur la dépouille CONGO !
    Pitoyable !
    Mais rassurez-vous, tout va bien, très bien !
    Un très grand merci à M. Wilfrid Olivier Gentil SATHOUD de nous rappeler cette époque des grands projets détruits par les prédateurs… de 1968.

  2. zika wa zika dit :

    Sujet à méditer : la nostalgie n’est-elle qu’un aveu d’impuissance ?

  3. Anonyme dit :

    De bons sujets a mediter. Laissez un moment le debat politique se vautrer dans son torrent

  4. Bokilo dit :

    Fulbert Youlou était un visionnaire. Massamba Débat, Milingo des vrais architectes. Sassou Nguesso le vrai destructeur, parasite.

  5. Bokilo dit :

    Comme l’avait écrit le journaliste Canadien Thierry Hyves, la stratégie la plus efficace, la plus sage, la moins coûteuse pour l’électrification et le développement Congo, reste la reprise de la construction du barrage sur le fleuve Kouilou – « débitant 1000 m³/seconde en moyenne », abandonnée à tord en 1963.
    http://mampouya.com/article-35223295.html
    Sassou Nguesso est venu au pouvoir par Putsch . » Il s’est par la suite attelé à manipuler les institutions démocratiques pour garder le pouvoir à vie et d’ hypothéquer le futur des peuples qu’il gouvernent pour leur enrichissement personnel.Sassou Nguesso, ses enfant, particulièrement Kiki détournent sans scrupule, depuis des années une masse incroyable d’argent de fonds publics du Congo, les revenus du pétrole, ddu bois, des minerais, des taxes de douane pour le bien personnel , afin d’acheter des biens de luxe, des propriétés en France et ailleurs. »

  6. commandant louis sylvain goma dit :

    merci de vous relire youlou n’etait pas president de la republique francaise. cet article prouve que l’etat est une continuite. ns attendons pareil ecrit pour le cfco.

    sassou ng est pas arrive au pouvoir par putch. c’etait une guerre civile qui avait oppose delinquants cocoyes de p lissouba aux delinquants cobras de denis sassou ng meme si a la fin les delinquants ninjas du mcddi de b kolelas avaient pris le relais depuis septembre 1997 jusqu a ce jour . un putch ne mobilise pas une telle quantites d’acteurs tous des delinquants.p lissouba aurait pu gagner cette guerre surtout qu il s’en etait ouvert au rwanda pour qu on lui pretat les banyamulenges(enfants soldats extremement tueurs). qu’auriez vous ecrit dans un tel cas de figure.quel age aviez vous en 1997? b kolelals aurait pu gagner cette guerre et que mme kolelals serait devenue la marraine de toutes les municipalisations accelerees. b kolelas aurait change le constitution et transfere le pouvoir a guy b p ,kolelas. LE POOL N Y AURAIT VU AUCUN INCONVENIENT.

    alors ns lisons que le « congo industriel » est en marche dixit l’abbe fulbert youlou. CE NETAIT DONC PAS AL MASSAMBA DEBAT LE PERE DE LINDUSTRIALISATION DU CONGO.MERCI CHER AMI POUR CET ECLAIRAGE

    denis sassou ng n’a aucun enfant repondant au nom de kiki, un journaliste est un officiel

Laisser un commentaire