LA RANÇON DE LA CAUTION : UNE NOUVELLE AFFAIRE DES PIEDS NICKELÉS AU CONGO

Comment, même quand on est absolument dépourvu de légitimité, et de compétence pour cela, on peut tout de même accéder au pouvoir et s’y éterniser ? Cela n’est évidemment possible et envisageable que dans un environnement pas du tout intégré et géré selon les principes élémentaires de la démocratie. En l’occurrence, est illustrée une des pratiques très courantes en Afrique, et qui explique en quelque sorte, largement, son marasme légendaire.

À peu-près tout le monde connaît l’assertion populaire, selon laquelle, « On ne change pas une méthode qui porte des fruits ». Car, pourquoi, et/ou comment en alterner, même si on se doute bien qu’elle ne marchera pas éternellement à tous les coups.

Telle est la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui Sassou-Nguesso, quatre-vingts ans dont quarante consommés au pouvoir, à la tête de l’État congolais, et qui est ainsi dans sa dernière ligne droite. Il n’a, pour assurer ses arrières, pas trouvé mieux que son fils pour lui succéder. Une pratique plutôt banale sous les tropiques. Et, pour le réussir, celui qui en plus d’un demi-siècle de vie politique au sommet de l’État, dont quarante ans comme chef de l’État, n’a jamais réussi à se faire désigner de manière rationnelle-légale, n’a qu’une seule ressource, une seule méthode. C’est celle qui lui a assuré son propre succès, pas moins de trois fois, à savoir, la caution ou garantie de la conquête du pouvoir par la force, soula houlette d’une puissance étrangère, quel qu’en soit le prix. Une caution tout sauf, on s’en doute, gratuite. Donc une parfaite et authentique affaire de Pieds Nickelés, comme l’illustre si bien l’épisode suivant, sans précédent et sanglant du printemps 1977, au Congo-Brazzaville.

L’on sort de la fameuse crise du pétrole de 1973 et, la France se replie et veut se rattraper du chantage des pays du Maghreb sur le pétrole de ses ex-colonies d’Afrique noire dont le Congo. Celui-ci, avec à sa tête le révolutionnaire Marien Ngouabi, qui connait tout autant une crise financière, vient de comprendre et de tirer les leçons de cette crise pour multiplier conséquemment les recettes de cette ressource. La crise, entre les deux partenaires, est, ainsi, manifeste et la situation tendue et même médiatisée comme telle, frisant le blocage. Elf tient pourtant particulièrement, et par tous les moyens, à compenser sur le Congo ce qu’il perd ou ne gagne plus du Maghreb, de la même façon que le commandant-président se dit que c’est l’occasion où jamais de sortir de la crise chronique. Dans des conditions confuses, le président, intraitable sur la manne pétrolière, et dont l’homme de confiance et Ministre de la défense et de la Sécurité, est Sassou-Nguesso, est assassiné chez lui, en pleine journée et en plein Etat Major militaire, à 14h30 précisément. Incroyablement, la Constitution qui prévoyait clairement l’intérim du pouvoir dans ces circonstances est abrogée, ainsi que toutes les institutions politiques du pays. Le nouvel homme fort devient l’homme de confiance du président assassiné, et jusque-là Ministre de la Défense et de la Sécurité, Sassou-Nguesso, qui annonce au lendemain de cette disparition brutale, le 19 mars 1977, dans la matinée, que « L’impérialisme et ses valets locaux, dans un dernier sursaut, a attenté à la vie du camarade Marien Ngouabi qui a trouvé la mort l’arme à la main ». Plus tard, le patron d’Elf du pôle Afrique, André Tarallo, avouera que « Ce n’est qu’en 1977 (C’est-à-dire après la mort de Marien Ngouabi) que les négociations ont pris un tour favorable et qu’une nouvelle convention d’établissement est signée » (ORTP, 2003, pp. 70-105) ! En l’absence de l’assemblée alors dissoute et de tout autre contrepoids !

Avec la mort de Marien Ngouabi donc, on l’a compris, la situation s’est automatiquement décantée, Elf a continué à obtenir son pétrole bon marché, et le nouvel homme fort, Sassou-Nguesso, a obtenu ses lettres de noblesse, sa caution pour le pouvoir, qui sera néanmoins différé de deux ans, après la consécration par l’instance politique en place (le PCT), avec les retombées financières y afférentes. 

Ainsi donc, et logiquement, dans la séquence du moment, contrairement à ce que certains pourraient penser ou croire par naïveté, de la même façon que Elf (la caution) ne lâcha jamais Sassou-Nguesso, le pouvoir rwandais ne lâchera pas le postulant-successeur Sassou-Nguesso fils dans la concrétisation de son ambition. Puisque c’est la condition pour la jouissance effective de la rançon (le pétrole/les terres), du ‘tour favorable…(et décisif)’, comme disait André Tarallo à propos du pétrole. Et c’est ce qui explique sans doute pourquoi la ratification de l’accord-cadre du 12 avril 2022 est en stand-by depuis deux ans, le processus, bien qu’initié en considération de la personne (c’est-à-dire intuitu personae) n’excluant pas des supercheries et substitutions avant ou après terme. Comme il en va souvent dans les affaires de Pieds Nickelés. De la même façon que la pression de l’heure à l’endroit du despote-fils de publier les vrais accords est vaine. Puisqu’elle consisterait en quelque sorte, après la mort de Marien Ngouabi, et avant le 5 février 1979 (date de conquête définitive du pouvoir), de convaincre Sassou-Nguesso de mettre à la disposition de l’opinion publique congolaise la convention d’établissement illégale et indécente qu’il avait seul signée avec Elf, après la dissolution de l’Assemblée nationale. Et, contre la volonté du commandant-président assassiné, qui y a sacrifié sa vie !

Toutefois, et en définitive, le pouvoir rwandais a besoin de l’usurpateur en puissance de même que ce dernier a besoin du pouvoir rwandais, sans exclure de part et d’autre circonspection et suspicion.

Si hier, c’est toujours auprès de la France, et de ses réseaux politiques et financiers, que le despote en place avait toujours misé, c’est, aujourd’hui, « au nom de la coopération Sud-Sud », auprès d’un voisin, éminemment prédateur dans la sous-région, le Rwanda, que le pouvoir éternellement illégitime a, cette fois-ci, recherché la caution. Avec des arguments et moyens pour le moins saugrenus. Si hier encore, le dictateur radicalisé offrait comme rançon de la caution l’Or Noir, au nouveau prédateur, ce sont les terres arables qu’il transige, c’est-à-dire « les bijoux des familles congolaises », démunies à qui il ne reste que cela (cf. notre document : « Quand Sassou-Nguesso s’en prend et liquide les bijoux des familles », in Mediapart, 30 avril, 2022).

L’incertitude n’en demeure pas moins présente, dans le contexte d’aujourd’hui ausculté par les réseaux sociaux au contraire des précédents. Et aussi en raison de son casier politique singulièrement chargé, toxique, éprouvé et connu. Mais, surtout, d’une population très majoritairement plongée dans une « misère endémique » et dans le désarroi. Dans un tel environnement, la stratégie habituelle, débusquée, s’enraye et, forcément, intoxique désormais la vie socio-politique congolaise depuis plus de deux ans.

C’est pour y apporter un peu d’éclairage que nous avons été invité…

Diffusé le 23 juin 2024, par www.congo-liberty.org

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4 réponses à LA RANÇON DE LA CAUTION : UNE NOUVELLE AFFAIRE DES PIEDS NICKELÉS AU CONGO

  1. Val de Nantes , dit :

    Sassou a une autre conception du pouvoir démocratique. . Sa manière animale de gérer la res publica en témoigne…
    Un homme du passé ,perdu dans notre siècle des lumières numériques , où tout de sait .

  2. Jean OKOMBA dit :

    Certains cadres militaires notamment les généraux du multirécidiste puschiste( 1977, 1979, 1997, 2016, 2021) Sassou Nguesso ont besoin d’un enseignant d’expression orale ou de remise à niveau tout court. Hier lors du procès fantaisiste de 2021 du régime Sassou Nguesso contre les généraux Dabira, Nianga Mbouala Ngatsé et Mokoko les congolais ont été désagréablement surpris de la locution des deux premiers officiers qui laissait à désirer. Seul le général Mokoko avait une expression orale qui me paraissait irréprochable pour un officier de son rang dénotant d’une personne ayant suivi régulièrement un parcours scloaire et académique. Dans cette liste des généraux dont l’expression orale est quasiment nulle, on peut insérer le général Mondjo. Son allocution lors du 63 è anniversaire des forces armées congolaises devant les différents corps de l’armée et la gendarmérie nationale, le 22 juin 2024, en dit long sur le parcours scolaire de cet officier général. Comment un officier de ce rang peut il faire une lecture presque du mot à mot? J’invite les congolais à écouter le général Mondjo dont l’allocution en cause, circule sur le Wasshapp.

  3. Val de Nantes , Désondayisation de l'économie... Urgent !! dit :

    Questions au ministre de l’économie, Ondaye ?
    Quel sont les taux directeurs pratiqués par le Trésor public congolais,à défaut d’une banque centrale congolaise, à l’économie nationale par le biais des banques commerciales du Congo ??.
    Quel est le rôle exact du trésor public dans l’économie nationale ?
    Quels sont les instruments institutionnels qui participent au financement de l’économie nationale ?
    Combien des ménages congolais ont obtenu des crédits bancaires en vue de financer leurs investissements et consommations ?
    Où en est l’épargne congolaise ?
    Quel est l’indice de prix à la consommation IPC au Congo Brazzaville ?
    Le salaire congolais est il indexé sur l’inflation si oui , quel est le taux d’inflation en 2023? ..
    Y a-t-il une relation financière et économique entre le Trésor public et les banques du pays ?
    Pourquoi la société générale a fermé ses portes au Congo,pays pétrolier et gazier ??.
    Pouvez -vous nous éclairer sur la présence de la Bdeac,dirigée par votre petit frère ??
    Car la macroéconomie ne comprend pas son rôle économique dans l’économie nationale….
    Qui décide du taux commercial au Congo Brazzaville ? , Encore faudrait-il existât !!.
    Quelle est la nature exacte des transactions courantes entre la RDC et le Congo Brazza ? . .
    Quelles corrections pensez vous y apporter au regard du taux de change défavorable au Congo Brazzaville ? …
    Nous achetons leurs produits du fait de notre monnaie forte , ils sont exportateurs nets sur le Congo depuis des années..
    Quelle est la réplique commerciale congolaise ??. Car ce déséquilibre commercial ne peut durer,il va falloir y travailler sérieusement.. C’est çà l’économie !! .
    L’un des critères en économie, c’est la recherche de l’équilibre comme signe d’une économie saine et crédible…..
    Leur vendre du manioc ,est ce une solution ??.
    C’est qoui ,selon vous ,la théorie ricardienne du commerce international ??.
    Vital Kamerhe en sait la réponse ,le président de l’Assemblée nationale d’en face…
    Du manioc contre du manioc ne marchera jamais. Il va falloir faire davantage sur le plan technique et technologique. ..
    D’où l’exigence absolue d’une politique structurelle pour doter le pays d’une politique industrielle favorable à la production des biens industriels. Aaaah les 14000 milliards de CFA !!!. Telle la chouette de Minerve de Hegel , qui s’envole au crépuscule….
    Quelle occasion divine !!. Nous ne nous aimons pas .. C’est le ressenti que me vient à l’esprit.. Incroyable !! ….
    Que dire de plus !!
    La somme de 14000 milliards de CFA a t -elle existé ?
    Je peux le confirmer,au vu de l’interview accordée à Sassou par une chaîne.
    Quel en est le rendement actuel ,en supposant que vous l’ayez placé dans un compte bancaire ?. Et surtout nous aurions souhaité savoir les rémunérations annuelles dégagées par un tel capital et la durée du placement. ..
    Voilà ce sont des questions basiques de l’économie,qui ont objet de faire connaître à la nation où va notre économie et la manière dont elle est gérée..
    Le congolais lambda ne comprend pas très bien les ratios financiers et économiques débités par la banque mondiale et le FMI .
    Inutile de parler du ratio au congolais,qui est à la recherche d’un crédit d’investissement . Son quotidien est une concrétude économique dont vous êtes l’initiateur..
    Le ratio n’est qu’un simple geste mathématique .Mais au départ ,il y’a le fonctionnement de l’économie nationale avec ses faits palpables sur les paniers des congolais ..
    C’est comme parler du PIB congolais, qui n’en est pas un au regard de sa définition économique..
    C’est plus un PIB du kouilou que de celui du Congo..
    Pourquoi ?
    Cet agrégat économique est une addition des valeurs ajoutées produites par un pays pendant une année ?
    Avez -vous réduit le Congo Brazzaville au Kouilou ??..
    Vu la définition qu’en donne le dico, j’ai bien peur que vous soyez à côté de la plaque.
    Monsieur Ondaye faites aimer l’économie aux congolais.. N’en faites pas un bunker Russe..

  4. Val de Nantes , Doux Congo.!!. dit :

    Alibaba et ses 74 jouisseurs des recettes pétrolières..
    On aimerait savoir leur attitude si les budgets relevaient d’une région fédérale!!.
    À défaut de nous séparer, émiettons l’économie nationale pour mesurer le degré de conscience de chaque fils de ce pays..
    C’est un comportement irrationnel en microéconomie. Et pour Aristote, Sassou n’est pas « : un zoon logikon ‘.c’est à dire un animal non raisonnable..
    Le Congo subit les effets nocifs de la sénilité d’un homme devenu robot à force de s’agripper inutilement au pouvoir.
    Une balade russe pour oublier l’enfer congolais, où le minimum vital n’existe nulle part..
    En ingénierie de désenfumage, on parlerait d’exécutoires de fumée , où les fumées s’échappent du foyer incendié à la moindre ouverture de ce DAS ( dispositif actionné de sécurité) placé au dessus des toits des ERP , comme les magasins, hôpitaux, cinémas etc …
    En termes de prévention incendie, c’est un bien ,car l’ouverture de ce DAS laisse évaporer les effets thermiques du feu ,telles que la chaleur, les particules incandescentes ..Ce Das met l’ERP en sécurité.
    En termes de notre pays, c’est une récréation, car les voleurs ont décidé d’aller voir ailleurs.. Un répit financier !!. Parler leur du fédéralisme,ils n’en dorment plus.!!.
    Oui ,mais jusqu’à quand ??…
    Fatiguant ,ce Sassou , puréeeee !!.

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