La croissance économique congolaise : une escroquerie politique ?

Tout en fissurant les vieux piliers de nos certitudes, patiemment échafaudés par les stipendiés du « Chemin d’Avenir », je viens une fois de plus nous dessiller  sur l’euphorie née de la croissance annuelle du taux de Produit intérieur Brut ( PIB) de notre pays. Ces taux de croissance du PIB  qui s’élevaient  à  10.20% en 2010 et  même à  8.4% attendue pour 2011(1), ne sont  pas un exploit du gouvernement congolais, d’autant que, n’importe quel piètre dirigeant, pour un pays nanti  comme le Congo, pouvait  au minimum réaliser de telles « performances ». Dont acte !

 

Ces taux de croissance  anormalement élevés,  que les autorités congolaises, arborent en bandoulière comme un trophée, pour camoufler leur insigne impéritie à conduire le pays vers la modernité, ne sont en réalité qu’une poudre aux yeux. Une véritable escroquerie politique, puisqu’ils ne sont pas  le fruit d’une dynamique entrepreneuriale  ayant des effets d’entraînements  sur les secteurs essentiels de l’économie. Une telle dynamique serait le fruit des politiques économiques rigoureuses, engagées par des gouvernants, soucieux d’une croissance saine, stimulée par  l’expansion d’industries de petite ou de moyenne taille, à haute intensité de main-d’œuvre. Le dynamisme de ces dernières à travers le tissu industriel du pays, reflet d’une gestion efficace et transparente, pourrait attirer les investissements étrangers. A défaut  d’une croissance économique vertueuse, les taux de croissance congolais,  sont dus  pour l’essentiel, à la valorisation de la rente pétrolière qui constitue 80 % des recettes d’exportation et contribue à hauteur de 70%  dans le PIB. Du reste, cette croissance appelée « Croissance incursive » est pauvre en création d’emplois, mais surtout inappropriée pour la mise en oeuvre de stratégies de réduction de la pauvreté (SRP). Mal gérée, elle peut même être contre-productive.

 

Les effets positifs induits par la croissance d’un  PIB sur l’économie d’un pays, dépendent  non seulement de sa structure, mais également des relais sur le terrain. Toute économie a ses fondements réels en grande partie assis sur la culture même du peuple. Le système socio-productif n’étant que le reflet des habitudes de consommation et de production; du système des valeurs et des anticipations sur l’avenir (déterminant pour l’épargne). En ce sens, une Stratégie de réduction de la pauvreté (SRP) taillée ou transposée d’une réalité culturelle à une autre peut tout de suite présenter ses limites. Notons d’ailleurs que,  la richesse générée par 10% de taux de croissance au  Mozambique n’est plus entraînée que par 0.08% de croissance en Corée du Sud et 0.008% au Japon. Et les richesses créées par 10% de taux de croissance au Congo seront les mêmes que celles créées par 0.0079%  de croissance en France.

Dormant ainsi sur les lauriers de cette croissance, notre pays a fini par cultiver, de façon inconsciente, des impedimenta d’ordre politique et économique. Au total,  «  l’indice de pauvreté multidimensionnelle » ( IPM), cet indicateur qui  prend en compte, non seulement des paramètres monétaires, mais aussi des déprivations ( privation d’une chose à laquelle on avait droit auparavant)   auxquelles sont confrontés les pauvres, indique clairement qu’en dépit d’une explosion des recettes pétrolières ces dix dernières années,  les Congolais vivaient mieux dans les années 70 qu’aujourd’hui.  D’ailleurs, mis à part le clan des tenants du pouvoir qui se vautre dans la rente pétrolière, on ne peut plus occulter cette pauvreté tenace, agressive et, presque structurelle qui  s’est obstinément installée sur toute l’étendue du territoire national à tel point  que 75 % de la population congolaise vivrait  désormais dans une extrême pauvreté.

Sous les apparences d’une manne tombée du ciel, la « richesse » créée par la rente devient une source majeure d’incitation à la corruption, qui s’érige à son tour en obstacle au développement entrepreneurial, source de croissance durable, mais aussi à la redistribution et à une gouvernance démocratique. L’illusion de richesse induite par la rente et son accumulation devient une fin en soi et finit par exacerber les espoirs des plus démunis et installer ad vitam, une dysharmonie sociale.

 

«  La municipalité accélérée »,  qui est un véritable monstre à mille têtes, s’inscrit dans la logique de redistribution de la rente, où seuls les prédateurs du clan de la mafia d’Oyo y sont conviés.  Le temps d’une saison, ils se transforment en Opérateurs économiques pour la conquête des contrats obtenus sans appel d’offre et qu’ils n’honoreront jamais. On ne s’improvise pas Chef d’entreprise dans un environnement où l’incompétence et l’avidité sont promues en vertu. Avec la bénédiction tacite de leur parrain, ils se partagent à qui mieux – mieux, la manne pétrolière. L’immense courtisanerie qui entoure Sassou ne sera jamais inquiétée, tant les ficelles sont forcément tirées par une justice godillot (2).

Par conséquent, l’urgence serait de  neutraliser les distorsions structurelles causées par le syndrome hollandais (3), de telle sorte que la croissance dopée par le secteur générateur de la rente stimule le développement des secteurs dynamiques (industrie et agriculture), créateurs d’emplois et de valeur ajoutée. Il faudra donc, surclasser l’excédent  des recettes de la rente dans les secteurs  économiques productifs qui valorisent la division du travail  et donc la productivité à long terme. Or, c’est tout le contraire qui se produit au Congo. Ce syndrome ne favorise pas le développement du secteur privé hors pétrole qui ne représente que 10% du PIB.  Très avisés, le Brésil et le Mexique entre 1930 et 1980, avaient réussi à établir des fonds de richesse souverains et à investir l’excédent dans les dépenses collectives ( éducation, santé, infrastructure).  En fin de compte,  il y eut une hausse de la productivité et des salaires réels moyens dans les secteurs agricole et  industriel avec comme corollaire, une réduction progressive et soutenue de la pauvreté.

Quelles leçons peut-on tirer  de ces réflexions ? Une stratégie de réduction de la pauvreté axée sur la promotion d’une croissance stimulée par la valorisation d’une rente soumise aux aléas conjoncturels ne peut venir à bout d’un phénomène aussi complexe qu’est l’émancipation de l’être humain, vu sous toutes ses dimensions. Les entraves d’ordre politique et économique, insidieusement induits par cette croissance mystificatrice, expliquent le taux de chômage effrayant de plus de 50% chez les jeunes diplômés notamment,  car, les faits nous le démontrent chaque jour sur le terrain ; notre pays est à un stade précapitaliste où le contrôle de l’appareil étatique est une condition nécessaire à l’appropriation du surplus économique et réciproquement. Pour assouvir des desseins d’accaparement de cette rente, des outils idoines  comme    la  SNPC ont été inventés.  De même,  le caractère aléatoire de cette croissance,  inhiberait d’une part, toute perspective d’amélioration de revenu des pauvres par rapport à celui de ceux qui profitent de la rente et, d’autre part, la précarité de revenu induit celle du bien-être en termes de volume de biens et de services qu’ils pourraient se procurer.

Ce sont les hommes qui font l’histoire, mais l’idiosyncrasie de chaque histoire dépend de la qualité des hommes qui la font. Des histoires et des peuples divers, mais les aspirations au bien –être sont transversales à tous  les peuples.  Là où les uns réussissent, les autres le peuvent aussi. Le devoir, la volonté, l’ambition et même le mandat confié par son peuple, sont les moteurs du succès.  Pour ces raisons, avec l’afflux massif des capitaux,  les Hollandais et les suédois avaient pu relever le double défi :  une accumulation productive interne atténuant la pauvreté d’une part, et le développement d’un avantage comparatif permettant l’insertion dans la compétition internationale, d’autre part. Plutôt que de surfer sur cette croissance trompeuse, les autorités congolaises devraient se dégriser des recettes pétrolières, et réussir à lever une aube sereine pleine d’espérances, afin d’honorer le contrat  tacite qui les lie au citoyen.

 

(1)Perspectives Economiques en Afrique

(2) Lire à ce propos le rapport de la C.n.l.c.c.f

(3) Pour approfondir la question Voir la 4e plaie du système SASSOU

 

Djess dia Moungouansi  «  La plume libre au service du peuple »

– Membre du cercle de Réflexion La Rupture

– Expert Financier auprès du cabinet  MIQ

Le Blog de Djess

http://demainlecongo.kazeo.com

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Une réponse à La croissance économique congolaise : une escroquerie politique ?

  1. patchos ngambou dit :

    bravo mister , juste un oeil sur le ministre de finance,tres meconnaissable dans les annees 90 95,avec une guimbarde irreparable dans un garage de la rue bangangoulou a ouenze , aujourd`ui tres riche , se fait bon eleve.

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