Interview avec Dina Mahougou sur son nouveau roman « une contrée sauvage »

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Entretien avec Mingwa Biango pour le site Congo liberty

Ce vendredi 2 décembre 2016, par cette journée fraîche, en fin d’après-midi, Monsieur Mingwa Biango rencontre l’écrivain Dina Mahoungou, pour une interview à l’occasion de la sortie de son dernier roman.

Le rendez-vous a lieu dans un endroit mythique, « les deux magots », à Paris 6ème, en face de l’église Saint-Germain-des-Prés, tout un symbole :

  • Bonjour Dina !
  • Bonjour frangin Mingwa !
  • On se retrouve dans le Paris de votre jeunesse !

Dina : Eh oui, j’y ai fait mes humanités, je suis arrivé à Paris à l’âge de 18 ans à peine. Ce 12 novembre, j’ai eu mes 60 ans. Comme le temps passe vite !

Les deux amis s’installent et l’interview commence :

Congo liberty : après une éclipse de presque 10 ans au Congo, vous êtes revenu à Paname.

Dina : oui, juste en 1996-1997, pendant la guerre civile. C’est une tragédie personnelle et je ne suis plus reparti dans mon pays.

Michel Mahoungou

Michel Mahoungou

Congo liberty : votre 7ème ouvrage, « Une contrée sauvage », commence et se termine sur le thème du temps, comme chez Marcel Proust. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?

Dina : L’héroïne de ce roman fait partie d’une aventure depuis sa tendre enfance dans les Caraïbes, la fac de médecine à Paris et son travail de médecin humanitaire en Afrique noire.

Le temps, considéré comme une fable, est ici un outil d’investigation d’une grande finesse. Le temps apparaît dans ce monde comme un gouffre sans fond.

Congo liberty : Après la guerre, dans cette Afrique sub-saharienne, le processus d’extermination se dévoile en temps réel, les citoyens sont dépossédés de leur vécu, c’est le silence absolu, le mutisme des persécutés.

Dina : Après les sales guerres tribales, les territoires sont réduits à la famine, partout les vicissitudes. On lit dans les yeux du pauvre Congolais la résignation qui du reste est devenue une effarante normalité des choses de la vie.

Congo liberty : Ici, le bourreau qui est l’État policier se pavane dans les cités avec la bienveillance et la bonne grâce du conquistador. La méchanceté est son crédo, un besoin à satisfaire. Tout cela est-il de la fiction ?

Dina : Pas du tout ! Des gens qui reviennent de là-bas nous décrivent les citoyens moyens, crasseux, maladroits et placides. Ils racontent leur quotidien écrasant, ils ont survécu aux événements passés, ce sont des ruines qui vivent à la merci d’autres événements.

Congo liberty : On ne peut donc pas rattraper tout ce temps perdu ?

Dina : Les citoyens sont instables, les mômes vivent de rapines. Dans tout le territoire, il y a cette impression d’incohérence et de vide, le souci tragique de la vie fuyante et du moi qui se décompose. Ils n’ont plus que leurs yeux pour pleurer, des larmes si désespérées de solitude.

Congo liberty : Selon le narrateur, on peut penser que la plupart des hommes ne voient pas la réalité.

Dina : Mais si ! Hélas, tous les instruments d’action, les outils de résistance et d’oppression, les médias, la police et les traîtres laudateurs sont du côté des vainqueurs. Là-bas, rien n’est gouverné par la vertu. L’oppression, la persécution, ce sont les maux de tous les jours et ce sont toujours les mêmes.

Congo liberty : Le personnage principal de votre roman, le docteur Suzy Q, arrive en Afrique pour une mission humanitaire. Elle fait construire un hôpital, des écoles, des moyennes entreprises, mais le pouvoir en place s’accapare de toutes ces valeurs, voila l’idée centrale du roman.

Dina : Contre vents et marées, le médecin humanitaire qui va retrouver la terre de ses ancêtres, veut améliorer le sort des gens de rien. Assidue, opiniâtre, elle pense arriver à quelque chose. Hélas ! Mille fois hélas, les salauds s’accaparent de tout. Discourtois, rustres et grossiers, les politiques tentent de briser la vie du médecin et de ses collaborateurs.

C’est hallucinant, dans cette contrée sauvage, les plus forts gagnent, on navigue en eaux troubles, les camelots du dictateur ont les yeux et les oreilles partout. La ville est une tranchée béante à ciel ouvert. Là-bas, la bêtise est un acquêt, le peuple a accepté la responsabilité de sa défaite.

Congo liberty : Les personnages principaux, Suzy Q et ses amis sont dans une sorte de léthargie réduite à des expressions simples. La durée de l’action est faible, le lieu de l’action inspire de l’effroi, c’est un huis-clos épouvantable où les citoyens attendent tranquillement qu’on vienne les égorger, le désespoir absolu des damnés.

Dina : Dans sa lâcheté égoïste, le Congolais est bloqué, entre le climat de terreur ou la clandestinité. Si on n’y prend garde, l’édifice Congo s’écroulera, parce qu’on y a enlevé un piton : la fraternité. Tout le récit est construit dans la claustration, l’enfermement, l’avalanche, la caverne, le cachot. Les personnages sont nourris de haine, la chute est omniprésente. Ce roman est basé sur les faits et les émotions des hommes et des femmes vaincus.

Congo liberty : Ᾱ vrai dire, en tant que lecteur, je pense que ce récit, « une contrée sauvage », est construit sur le thème de la fatalité. Les chapitres sont clairement orientés dès le début, le passé, le présent et le futur sont indissociablement liés, le temps les fait défiler, inertes dans des emboitements, dans l’unité d’un dessein nettement arrêté : le livre de la mort.

Dina : La vie là-bas est tellement déprimante, et la mort apparaît euphorisante, comme si l’on voyageait. Les dernières heures vous paraissent radieuses et chaudes. Un trouble inexprimable de l’homme en plein tourbillon, en pleine palpitation, comme dans la mer, les gros poissons mangent les petits. J’ai fait exprès qu’il n’y ait pas, comme dans mes précédents ouvrages, une grande profusion et une grande variété de péripéties. J’utilise aussi les chemins de la métaphore. Dans ce récit, la limitation dans le temps contribue à l’effet de concentration dramatique, renforcé par un sentiment d’huis-clos.

Congo liberty : Le dernier chapitre est tragique, la vision du monde est plus sombre, les hommes et les femmes sont là à se gâcher, à se gaspiller. Le vertige du mal, la puissance du péché, les convoitises des hommes, l’attrait du gouffre, l’âme tourmentée des personnages, les passions de la nature mènent le jeu, la bête malfaisante est présente, c’est le vertige de l’animalité.

Dina : Et oui, cher confrère, cette épopée morbide démontre tout l’esprit de tous ceux que l’on piétine, privés de leur juste part.

Le déchirement terrible d’un peuple jusque-là, lucide, les images et les métaphores de fin de vie sont ici présents dans tous les chapitres. On se purge sa frayeur, le citoyen ne peut trouver la paix qu’en se créant des chimères, la folie des tyrans justifie le plus noir pessimisme.

« Une contrée sauvage » précise cette amertume révoltée.

Congo liberty : C’est un livre pour les désenchantés me semble-t-il. Il s’ouvre sans doute, plus que vos autres écrits, sur un plaidoyer pour tous les Congolais à affronter la souffrance de la désillusion, le retour en arrière, les affres de l’ethno-tribalisme, soyons lucides.

Dina : Un pays qui ne nous délivre pas de l’obsession de l’oppression n’est pas le nôtre. On se méfie de l’idée fixe de « l’homme des masses », de « l’homme des actions concrètes », du bla-bla-bla.

Ce fripon universel sera condamné au bûcher perpétuel. Ces yeux lapidaires, tout le temps l’air égaré, un vrai menteur, un sacripant. Ici, plus que jamais peut-être, je m’attarde à écrire, dans ce dernier roman, avec précision, le virage épouvantable que le Congo Brazzaville est en train de prendre. Avec les vieux réflexes irrépressibles du petit bourreau sanguinaire, qui tue toujours plus vite, depuis voilà bientôt 50 ans. Il reste un vrai tueur, mauvais perdant, avec toute cette ambition démesurée du lamentable complexé.

C’est au Sieur Sassou N’Guesso que revient, et à lui seul, me semble-t-il, la maîtrise de l’avenir du Congo Brazzaville. Cet ange déchu, à moitié bouc et à moitié homme, égaré nuit et jour par la frénésie, les plaisirs orgiaques et les libations, est un satyre toujours en démence dans le délire et l’extase. Sa cour est toujours dans des tourbillons, des cris et des danses, des chants, des tambourins, ses ménades sulfureuses et délirantes se saisissent de passions frénétiques en saccageant un pays libre. Ce sont des divinités malfaisantes qui commandent notre Nation.

Dina Mahoungou

Ecrivain et journaliste médias

Dernier ouvrage paru : « Une contrée sauvage » aux éditions Ẻdilivre, novembre 2016, 256 pages (17,50 euros).

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4 réponses à Interview avec Dina Mahougou sur son nouveau roman « une contrée sauvage »

  1. Anonyme dit :

    Belle interview Dina Michel MAHOUNGOU, tu as su décrire le sanguinaire infatigable, comme tu le dis c’est un lamentable complexé

  2.  » Ce sont des divinités malfaisantes qui commandent notre Nation. »

    Vous avez compris maintenant pourquoi son nom est Petit Satan?

  3. LE PATRIOT dit :

    SI LES USA SONT PERTE DE VITESSE C’EST PAR CE QUE L’AMÉRIQUE A EU A COMMETTRE UNE GROSSE ERREUR CELLE D’ÉPOUSER LES IDÉES TORDUES DE LA FRANCE.
    L’ÉCONOMIE SELON LA France = FORMATION DES TERRORISTES POUR ENVAHIR OU MAINTENIR LES TERRORISTES A LE TÊTE DES PAYS POUR ORGANISER LE PILLAGE MASSIVE.
    LA France N’A JAMAIS TRAVAILLÉ LA France SE NOURRIT QUE SUR LE SANG DES AFRICAINS
    MES CHER COMPATRIOTES NOUS DEVRONS ÉVITER D’ASSOCIE LE MASSACRE EN COURS DANS LE POOL OU LE VOLE DES RÉSULTATS DES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES, A UN SIMPLE COMBAT POUR LE POUVOIR.
    NOUS SOMMES DANS SUR UN COMBAT D’INDÉPENDANCE, LE COLON FRANÇAIS N’A JAMAIS ÉVOLUÉ NI APPRIS A SE DÉBROUILLÉ POUR VIVRE. ATTENTION A LA DIVISION, LES MBOCHI C’EST LE PEUPLE LE PLUS IGNORANT DE LA PLANÈTE CAR, ILS SONT INCAPABLE DE FAIRE LA DIFFÉRENCE L’INTÉRÊT NATION ET LES RELATIONS AVEC LA France.
    LES REBELLES OU LES TERRORISTES SONT PERTE DE VITESSE EN ALEPPO EN SYRIE, LA France EST MALADE CAR C’EST SA L’ÉCONOMIE FRANÇAISE.

  4. Anonyme dit :

    Monsieur LE PATRIOT Il y en a marre des jérémiades envers la France et autres.
    Pendant ce temps le tyran d’Oyo poursuit son chemin tranquillement et commence à asseoir progressivement sur le trône sa progéniture en la personne de KiKi pour poursuivre la dynastie mafieuse des Nguesso et pendant ce temps que FONT les CONGOLAIS,,,,, à part pleurer et se plaindre de la France et bien d’autres institutions extérieures ……. RIEN.

    Congolais DEBOUT et chassons le tyran, ce n’est pas aux autres à faire le travail.

    « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère… »
    Thomas SANKARA :

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