HARO ! Sur un « Etat-Entrepôt » : le Congo Brazzaville , Par DINA MAHOUNGOU

Parmi tous les évènements qui, au cours du milieu des années 90, se sont produits dans la sphère politico-économique au sein de laquelle évoluent les opérateurs professionnels de la mondialisation, un seul aspect majeur marque une rupture totale avec le Congo-Brazzaville des années d’après les indépendances : l’absence phénoménale des structures de l’Etat.

Malgré les commissions installées dans le pays par le gouvernement actuel dont le fameux « observatoire congolais de lutte contre la corruption » dirigé par un inspecteur d’Etat, le pays reste une plaque tournante des activités frauduleuses, toutes les frontières sont poreuses au nord via le Tchad, par la Centrafrique, à Brazzaville par le beach via Kinshasa (RDC), à Pointe-Noire via le Gabon, l’Angola vers l’Afrique du Sud. 

Le Congo s’est transformé depuis trois décennies en « Etat mafieux ». 

Toute la famille du chef de l’Etat contrôle le fret lié aux projets miniers. Tout appartient au clan ou du moins est contrôlé, l’exploration en offshore profond, les intérêts divergents en matière de politique pétrolière, la délivrance des permis d’exploration, les contrats, la gestion du portefeuille des blocs, la coordination des services secrets. 

Le Congo-Brazzaville, un « Etat-Entrepôt » : des milliards s’évaporent sous forme de trafics affectant l’ensemble des secteurs économiques. La mafia est omniprésente du haut commandement militaire jusqu’au petit planton zélé des bureaux communaux. 

Au palais présidentiel vit un héros de fronde, ambitieux et cupide. Ici comme chez le surintendant Fouquet, le service de l’Etat se confond avec la constitution des fortunes personnelles.

Le Général Président s’est approprié tous les symboles du dominant, il n’y a qu’un capo, c’est lui. Tous les autres sont des oiseaux qu’on a mis en cage, comme dans un piège. 

Le pays est dans une panique indicible à cause du gourou qui domine. Dans un gros ricanement, celui-ci contourne tout et joue avec la réalité.

Les épreuves de M’Pila, plus de 20 000 quidams qu’il fait déplacer dans un ballet silencieux : l’art du contresens. Le Général Président et ses généraux dans la sous-région s’adonnent au commerce très secret des armes. 

Il dégage une insolente prodigalité, une entêtante reptation, un déblaiement permanent. Avide de mangeailles et de chair, il s’est accaparé des effloraisons incontrôlées de toutes les économies de l’Etat. Sa vie ressemble à un vaste patchwork et il n’est dupe de rien.

Sassou N’Guesso joue les devins comme un haruspice, notamment par l’examen des entrailles des victimes, des sacrifices (la plupart des cadavres des prisonniers d’opinion). Il doit tout savoir sur l’avenir. 

Ce héros de fronde contrôle des millions de barils de brut, des millions de mètres cubes de gaz naturel, des montages juridiques, des prises de participation dans des start-up. Un intrigant spéculateur, le plus gros prédateur que le pays ait jamais connu.

Pour lui, comme pour tout le monde, la vie est trop brève et alors le monde devient l’objet d’une sorte de haine. Ce nihiliste est conçu pour s’imprégner d’une méprise de la morale, d’une sorte de culture du vice apocalyptique. Il se veut un destin tragique du héros épris de sa propre image, tel Narcisse. Sassou N’Guesso, la contemplation de soi, un héros cynique plus proche de notre réalité et qui porte toutes les mutations d’un monde en déroute. 

Une ville meurtrie, des maisons brûlent, le chaos s’installe. Le Général Président est toujours vivant, invincible, un mythe est né : Sassou N’Guesso, le roi du fiel, ce stupide guerrier a démoli les certitudes les mieux établies au Congo Brazzaville. Angoissé, grossier personnage, il règne sur un peuple triste et déprimé. Cet ancien dirigeant Marxiste-Léniniste de la République populaire du Congo adore son idole le grand Staline qui a dit à ses affidés : « la mort d’un homme est une tragédie, la mort d’un million d’hommes une statistique ».

Les citoyens face au tyran imprévisible subissent au quotidien les infractions de son existence.

Le vice-roi des cons n’a ni le don de l’éloquence, ni le sens de la rhétorique. Il maîtrise avec panache cette animalité plutôt cruelle d’ignorer tout le monde, de leur offrir l’enfer. Dans les cachots du palais, ses interrogatoires instaurent d’emblée une tension dramatique. 

Les haines sont affamées de pureté, c’est un méticuleux. Cet homme médite d’abord sur son propre salut, son sort individuel. Le Général Président affronte l’éternité avec vacuité et bravoure, le sadisme jusqu’à l’excès. On sent en lui une force qui est en contact permanent avec Lucifer. Dans la vie de tous les jours, Denis Sassou N’Guesso est un piètre jongleur, inquiet, maladroit et fragile.

Toute sa quête spirituelle et sa morale reposent sur des fureurs. Il se voit tantôt « moche », tantôt « mal calibré » et prend plaisir à détruire tout ce qui est beau, sain, valide et innocent. Tout désordre l’émeut jusqu’à la jouissance, il simplifie l’existence des autres pour mieux la comprendre. 

Ses amis du grand capital saignent le pays tous les jours, lui roule sa bosse avec cette volubilité canaille que l’on retrouve chez la fouine, chez Sassou le regard est un peu plus vulnérable.

Le chef de l’Etat qui s’essaya jadis à l’enseignement en qualité de moniteur d’école de l’instruction publique a peur de la pensée. Il voue à la culture, le plus haut de nos sacrements, des aigreurs manifestes. Il met les mêmes qualités d’énergies à tuer un opposant qu’à humilier un intellectuel : pour tous la même destinée. 

Là-bas, dans cet « Etat-Entrepôt », nos parents dans les entreprises sont des forçats couverts d’opprobres, alors qu’ils ne demandent qu’à nourrir leur famille. Nos parents les Bakongo sont des oublieux, des prolétaires, ceux qui cordent du bois, les témoins piteux d’un pays saccagé par des pirates. L’on fait porter le chapeau de la résignation au citoyen lambda. Ce mutisme et la fatalité sont chargés de calomnies et de médisances, les Bakongo, une lâcheté leur est mise sur le dos. 

Mais nous, nous avons avec les puissances de l’intellect, la vie de l’esprit.

Sassou N’Guesso : tout son règne ne restera qu’une pochade. Nous avons refusé de collaborer avec ce tyran qui bousille la patrie avec une ingéniosité magistrale. 

Tous les congolais n’ont plus les moyens de cette ambition, seulement vivre. Le choix de l’embarras, c’est que ce pays appartient à tous les Congolais.

Le 4 mars 2012, Sassou a offert en pâture à la sauvagerie ambiante la mort de ses proches parents, dans son propre quartier de M’Pila. Cette hantise de l’extinction est son plat préféré : bouffer son semblable. 

Pauvre Kongo ? 

Lorsque la réalité se difforme, cela s’appelle une caricature.

Et ne l’oubliez jamais : il y a le rapport au temps ! 

Dina Mahoungou Arpajon, le 8 avril 2012 

Ecrivain et journaliste free lance 

Auteur du roman « Agonies en Françafrique » aux Editions l’Harmattan

Prochain ouvrage à paraître fin avril, un recueil de nouvelles : « Les parodies du bonheur » aux Editions Bénévent.

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Une réponse à HARO ! Sur un « Etat-Entrepôt » : le Congo Brazzaville , Par DINA MAHOUNGOU

  1. Mascad dit :

    Si on n’y prend garde, cet homme risque d’être la malédiction des Mbochis au Congo-Brazzaville, des générations durant !

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