Félix Tshisekedi : de la victoire contestée au devoir de rassemblement

Une dictature peut être vaincue dans les urnes

La RDC a, depuis ce 20 janvier, un nouveau président. Sauf coup de théâtre de dernière minute, comme l’Afrique en a le secret, à la fin de ce mois, il y aura passation de témoin entre l’ancien et le nouveau président de ce pays-continent.

Tshisekedi-père, le mal-aimé de l’Occident pour son souverainisme, s’en est allé après avoir contraint (avec l’aide de la CENCO) Kabila à se retirer du pouvoir en acceptant l’alternance. Qui aurait cru un seul instant que de son vivant, une élection libre, démocratique, donc transparente ne l’aurait pas consacré président ? La victoire ne lui a échappé en 2006 et 2011 que par l’hypocrisie de la communauté internationale. Cette dernière ne jurait alors que par Kabila, défenseur acharné de ses intérêts. Cette communauté internationale qui ferme les yeux sur le tripatouillage constitutionnel partout en Afrique Centrale, du Rwanda-Burundi au Gabon-Cameroun, en passant bien sûr par le Congo-Brazzaville de Sassou sans oublier le Tchad, se révèle brusquement si regardante en RDC, parce que Kabila, vulgaire dictateur comme ses pairs, chef de comptoir esclavagiste à leurs yeux néocoloniaux, a eu la mauvaise idée de livrer son pays aux Chinois, Indiens, Sud-Africains etc. Sans cela, il aurait marché sur sa constitution et des cadavres, sans que cela n’inquiète personne.

La communauté internationale (France en tête) s’est vite cabrée lorsque Kabila l’a surprise en ‘’concédant’’ la victoire à Tshisekedi. La vérité des urnes devient brusquement le nouvel évangile selon Saint-Thomas de la communauté internationale. Ce que l’on oublie de souligner, c’est que tous les schémas des officines internationales qui veulent contrôler les richesses de ce pays se sont retrouvés sérieusement bousculés. Lamuka qui souhaitait au départ boycotter le scrutin en surnommant les machines à voter, machines à tricher, s’est ravisée à la dernière minute. Convaincue de la tricherie à grande échelle, elle ne participait que pour prouver la mauvaise foi de Kabila. Lamuka s’attendait à la victoire programmée de Shadari et s’était préparée en conséquence. La communauté internationale, si carrée sur le droit, n’a pas hésité il y a quelques mois à sortir MBemba de sa prison hollandaise afin d’envoyer un signal fort à Kabila : « Malgré la honte que cela nous coûte, nous sortons un chef de guerre, si tu persistes, on te colle une guerre que tu perdras en très peu de temps ». Kabila, dos au mur a accepté de s’effacer en espérant passer en force son dauphin Shadari. Ayant constaté le rejet de ce dernier par la population, il n’avait plus le choix qu’entre Fayulu et Tshisekedi. C’était à qui lui offrirait une sortie en douceur. Etait-ce un arrangement à la Poutine-Medvediev ? Il est trop tôt de le dire, car seul l’avenir possède les clés de ces énigmes.

Arrangements politiques, marchandages ? Parlons-en entre défenseurs de la démocratie athénienne contre les dictatures spartiates qui prolifèrent partout sur la planète. Quand Macron crée le Mouvement en Marche en faisant exploser le paysage politique français, siphonnant les voix du PS et débauchant de gros calibres de l’UMP, on admire l’exploit du jeune prodige politique. Si Macron était africain, son « coup de génie » serait passé pour un achat de consciences. Quels postes a-t-il promis à Le Drian, à Bayrou, Le Maire, Edouard Philippe et tous les autres transfuges ou prises de guerre ? En France, cela passe pour de la haute stratégie, en Afrique, c’est de la politique de caniveau. Le suffrage universel est une trouvaille fantastique. Macron tire sa légitimité des urnes. Tshisekedi est un mal-élu auquel on n’accordera jamais les circonstances atténuantes d’un Trump dont l’élection serait (soit disant) due à l’intrusion russe dans le processus électoral pour barrer la route à Hilary Clinton. Trump préside aux destinées des USA depuis deux ans, quel sursis accordera-t-on à Tshisekedi avant de le pendre comme Lumumba, avec l’éternelle complicité des Congolais ?

Fayulu qui avait opté pour la confrontation avec le camp Kabila s’est retrouvé dans son propre piège. Ayant déclaré la machine à voter, machine à tricher, comment pouvait-il accepter la victoire d’un candidat quel qu’il soit ? Théoriquement, et logiquement, il devrait même contester sa propre victoire, puisque les élections, selon lui étaient pipées. Si la balance est tronquée, comment peut-on affirmer connaître le poids exact de ce qu’on mesure ? La seule option pour lui était d’obtenir l’annulation de cette élection. Or le piège se refermait totalement, car l’annulation signifiait aussi report de l’alternance.

Oui, le moins que l’on puisse dire, c’est que la balance électorale de la RDC était tronquée. Le président qui sortait d’un pareil processus ne pouvait être que mal élu. Kabila n’avait aucun intérêt à organiser un scrutin limpide, tout le monde le savait. Tshisekedi a choisi dès le début la stratégie du risque d’être mal élu que de boycotter la présidentielle. Sa stratégie est aujourd’hui payante (en tout cas temporairement). Reconnaissons-leur, lui et son équipe, cette forte intuition. Fils du mal-aimé, il est mal-élu, quoi de plus logique en cela ? La communauté internationale, avide des richesses de la RDC qui semblent lui échapper, surfera sur ce moment de fragilité pour tenter d’imposer sa vision. L’activisme suspect de la France (qui est allée jusqu’au conseil de sécurité de l’ONU) en est la preuve irréfutable. Rapidement montée au créneau avec une fougue inhabituelle et loin de la réserve diplomatique dont elle a fait montre dans les crises post-électorales au Congo-Brazza et au Gabon, la France a dû rétropédaler en sous-traitant son activisme à l’UA. Cette dernière n’aura d’autre choix que de prendre note de la situation sur le terrain.

Et sur le terrain, les heures à venir seront déterminantes. Assisterons-nous à une contestation pacifique généralisée reflétant les 61% revendiqués par Lamuka, ou au contraire, ayant obtenu l’alternance tant désirée, la population accordera-t-elle au nouveau pouvoir un satisfecit mitigé, un oui-mais ? S’il s’agissait d’une note scolaire, on parlerait de « passable, peut mieux faire »

Peut mieux faire, et c’est ce qui met les détracteurs internationaux de Tshisekedi mal à l’aise, car partout, cette même communauté a fermé royalement les yeux sur les horreurs au Burundi, au Congo-Brazzaville et au Gabon, comment peut-elle oser critiquer les résultats en demi-teinte en RDC ?

Le scénario de Kinshasa met à mal toutes les théories selon lesquelles un dictateur ne cède le pouvoir que par les armes. Kabila a réalisé ce que Sassou a refusé de faire au Congo-Brazzaville : céder la place à un autre. Kabila peut désormais sortir en douceur par la grande porte. Que Sassou s’en inspire pour le bien des Congolais en 2021 serait une session de rattrapage. Ceux qui avaient positionné des forces dans la sous-région pour faire face à des troubles inévitables en RDC doivent réviser leurs copies. L’embrasement attendu de la RDC n’a pas eu lieu. Prions le bon Dieu qu’il éloigne ce spectre de ce pays qui n’a que trop souffert. Cela empêchera-t-il les prophètes de malheur de souffler sur les braises ? Ne crions pas trop tôt victoire pour l’Afrique qui se cherche.  

L’UDPS, malgré les défections et les trahisons, reste un acteur majeur de la scène politique rdcéenne. Tshisekedi est certes mal-élu, à lui de transformer cette demi-victoire en triomphe de la démocratie. Pour cela, il doit se mettre au service de tous les Congolais et surtout de l’ambition légitime de ce pays qui n’a que trop souffert. Rassembler, réconcilier et soigner les nombreuses blessures.

Une route de plusieurs kilomètres commence par un premier pas. La RDC a fait un premier pas dans la bonne direction. Aidons-la à faire les pas suivants avec plus d’assurance, de conviction et de transparence.

La route est longue et semée d’immenses embuches. Les défis sont colossaux. Souhaitons au peuple-frère de la RDC, bonne chance sur la difficile reconquête de sa liberté pour bâtir un avenir meilleur dans la paix et la prospérité partagée.

Pascal Malanda

LE CONGO ETERNEL

Diffusé le 21 janvier 2019, par www.congo-liberty.org

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6 réponses à Félix Tshisekedi : de la victoire contestée au devoir de rassemblement

  1. mwangou dit :

    Ce que je vois, c’est la similitude du scénario sur les deux rives du fleuve Congo: Kolélas pére eut beau s’opposer à la dictature communiste, que le fils, bizarre héritier du père, s’est vite posté sous l’abri du dictateur… De l’autre côté, le Tshisekedi père fut d’une intransigeance sans pareil contre les usurpateurs du pouvoir du peuple, que le fils, héritier, applaudit et couru se mettre sous l’abri de l’usurpateur…
    tant que nos partis politiques n’auront pas de ligne canonique claire, ça sera toujours et toujours pour si longtemps, la victoire du Mobutisme… et les magouilles ne cesseront jamais. je souhaite tout de même « bonne chance sur la difficile reconquête de sa liberté pour bâtir un avenir meilleur dans la paix et la prospérité partagée. »

  2. OYESSI dit :

    Il y a un peu du tout dans le papier de mon frère Malanda. On peut choisir un bout pour essayer de donner un point de vue.
    « Le scénario de Kinshasa met à mal toutes les théories selon lesquelles un dictateur ne cède le pouvoir que par les armes »
    Mais mon frère Malanda, aviez vous fait la comptabilité des Congolais tués par Kabila et qui continuent à être tués jusqu’à ce jour pour l’avènement de la démocratie en RDC? Lui même n’est arrivé au pouvoir que par les armes après avoir tué son père adoptif. Toutes les rébellions qu’il a crée en RDC pour se donner bonne conscience que la RDC est attaqué n’ont jamais pris fin. Il ne pouvait donc céder le pouvoir par les armes parce lui seul en détient.

    S’agissant de « Tshisekedi-père, le mal-aimé de l’Occident pour son souverainisme, s’en est allé après avoir contraint (avec l’aide de la CENCO) Kabila à se retirer du pouvoir en acceptant l’alternance. Qui aurait cru un seul instant que de son vivant, une élection libre, démocratique, donc transparente ne l’aurait pas consacré président ? »

    Je dirai un seul mot sur Tshisékedi père. Il n’était pas le mal aimé de l’occident pour son souverainisme, bien au contraire il faut suivre l’itinéraire politique de celui qui était devenu opposant professionnel en RDC pour ses propres intérêts. Tshisékedi est celui qui le 23 Décembre 1960 occupant la fonction du Commissaire Général Adjoint à la Justice donc Ministre Délégué à la Justice envoie LUMUMBA,(le crapeau) ELENGESA Pierre, YINANT Jean Pierre, NZUZI Emmanuel,MUZUNGU Christophe, MBUYI Joseph au Sud Kassai pour se faire massacrer.
    C’est pour le compte de l’occident qu’il le fait et non pour le compte du Congo à peine indépendant. Dès lors il devient leur homme de mains. Ses jeux de pirouette sous Mobutu, tantt premier tantôt opposant n’était qu’une pièce de théâtre de mauvais goût que les deux agents de l’occident nous jouaient, chacun trouvant son compte. Mobutu a tué beaucoup de ses opposants sans toucher à la tête de Tshisékedi qui menait belle vie d’opposant. Il avait le verbe facile ce qui faisait de lui un grand communiquant qui envoûtait des foules entières sans réellement savoir qu’était cet opposant aux multiples facettes.

    De  » l’élection  » de son fils, je dis ici que ce n’est qu’un président postiche qui va vite se rendre compte qu’il s’est fait rouler dans la farine par KAMERHE et son clan Ruandais pour que Kabila continue à garder le pouvoir en faisant croire à tout le monde qu’il y a eu changement de pouvoir sans effusion de sang.
    Comment pourra t-il commander sans avoir la possibilité de nommer un Premier Ministre parce que sans Majorité au Parlement,sans armée aux mains de Kabila et ses frères Ruandais,sans parlement, sans contrôle des Provinces et peut être même sans Ministres acquis à sa cause aux postes des Affaires Étrangères, Défense, Finances etc.
    Pour moi Kabila reste le vrai Président de la RDC et personne d’autre. Laissons la communauté Internationale tranquille car elle ne défends que ses intérêts.C’est connu. C’est à nous de mieux organiser nos élections sans combines aucune pour que nous soyons au moins respectés. Ce qui vient de se passer en RDC est une honte pour pour ceux qui aspirent réellement à la démocratie telle qu’elle se passe ailleurs dans le monde. Si nous voulons de la démocratie de combinards pour la conservation du pouvoir où l’on cherche toujours les maillons faibles pour passer en force moyennant quelques privilèges , nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

  3. @ oyessi

    Bravo pour ce rappel historique. Il faut ajouter a cela le role d’Etienne Tchitchi sur la mort d’Evariste Kimba et ses compagnons le jour de la pentecote.

  4. VAL DE NANTES dit :

    C’est une victoire à la pyrrhus ,pour KABILA ,dont le soldat SADHARI n’a pas pesé devant les adversaires invisibles dont la procuration a été confiée à MARTIN FAYULU ,satisfait peu ou prou nombre des rdcéens .
    Le minimalisme a vaincu la voracité .
    C’est le scénarii où la dictature s’accorde une pause en se greffant sur un organe dont la durée de vie ne dépend que du médecin qui manipule le bistouri au gré de ces humeurs .
    Mais ,faudrait il se rappeler que ,le plus important a été accompli ;en dépit des miasmes internationaux dont KABILA ne sait que faire .
    En témoignent ,les annulations des pourparlers des émissaires africains à KINSHASA autour de cette équation présidentielle dont KABILA avait déjà théorisé la solution .
    Oui ,KABILA avait un coup d’avance sur ces conseillers dictateurs couverts sous les oripeaux des missi – dominicis és élections .
    N’avait il pas dit , à ces confrères qu’il préférait les bientôts aux aurevoirs .
    La dictature est en mise en berne en RDC .Contrairement ,au CONGO BRAZZA où la dictature ne connait pas des moments de répit .
    L’Afrique centrale refuse le développement par la voie de la démocratie ,et s’estime inapte à comprendre les exigences des évolutions protéiformes qui frappent à sa porte .

  5. Obs dit :

    Bonsoir à tous

    Oyessi a dit « De » l’élection » de son fils, je dis ici que ce n’est qu’un président postiche qui va vite se rendre compte qu’il s’est fait rouler dans la farine par KAMERHE et son clan Ruandais pour que Kabila continue à garder le pouvoir en faisant croire à tout le monde qu’il y a eu changement de pouvoir sans effusion de sang.

    Comment pourra t-il commander sans avoir la possibilité de nommer un Premier Ministre parce que sans Majorité au Parlement,sans armée aux mains de Kabila et ses frères Ruandais,sans parlement, sans contrôle des Provinces et peut être même sans Ministres acquis à sa cause aux postes des Affaires Étrangères, Défense, Finances etc. »

    Cette analyse est acceptable, MAIS si je peux me permettre … ce raisonnement est tout aussi parfaitement valable dans l’autre hypothèse. Celle de fayulu élu président. Qu’il fût Choisi ou nommé par le tireur de ficelles qu’est kabila.

    Oyessi a dit aussi « Pour moi Kabila reste le vrai Président de la RDC et personne d’autre. Laissons la communauté Internationale tranquille car elle ne défends que ses intérêts.C’est connu. C’est à nous de mieux organiser nos élections sans combines aucune pour que nous soyons au moins respectés.  »

    J’y souscris.

    Donc à mon avis Tant que c’est kabila était à la manoeuvre, il y avait une grande probabilité de tricherie ou de négocier sa sortie.
    Pour avoir une révolution réussie, c’est à dire un président avec tous les attributs du pouvoir, il aurait fallu que kabila fût dégagé par un soulèvement populaire par exemple, l’article 64. Avec cependant un prix probable fort élevé en pertes humaines.

    Dans l’état actuel des choses, rien n’empêche en effet kisekedi de louvoyer et de réaliser finalement ce que fayulu propose : c’est d’y aller doucement. Tellement kabila a foutu des mines partout… prêtes à embraser tout le pays. Autrement dit Une autre stratégie pour le même but ?

  6. VAL DE NANTES dit :

    L’UE et ,l’UA , ces deux ovni ,gardiens de la conservation des dictatures exotiques situées en AFRIQUE , viennent de valider la forfaiture présidentielle en RdC .
    Il eût été incongru que les dictateurs africains réunis autour de cette cause ,s’en singularisent .Le bal hypocrite ,pour résoudre cette problématique de maladie présidentielle ,dont les africains de l’AFRIQUE CENTRALE sont génétiquement porteurs ,est vite fini ,car les organisateurs n’en sont pas eux même guéris .
    La mouise présidentielle en AFRIQUE CENTRALE nous sied ,bien ,pourquoi ,en changer?

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