DEUX ACTES POUR LA POSTÉRITÉ . Par Victor Kissambou-Makanga

KOLELAS, YOMBI ET LISSOUBA

Établis sur un des espaces que le Bon Dieu a généreusement dotés, sol, sous-sol et climat pris en considération, les congolais ont tout pour être le peuple le plus heureux sur Terre. Pour ce faire, ils n’ont pas besoin de s’installer à l’étranger, exil, asile ou autres circonstances. Avec une population n’excédant pas 5 millions d’habitants, le Congo est moins peuplé que de très nombreuses mégalopoles du monde et certaines capitales d’Afrique. Autant considérer que les congolais, dans une grande proportion, peuvent tous se connaitre, d’abord entre eux ou éventuellement par procuration. Se connaitre, mais aussi s’apprécier dans les performances; s’assister et se souder dans les épreuves. Pris globalement, les établissements scolaires, les entités religieuses, les milieux sportifs, les cercles culturels et le cadre professionnel ont joué leur mission fédératrice. A cet égard, il suffit d’assister à des événements sociaux pour constater que les congolais de tous horizons se retrouvent. C’est ce qui fait le charme du vivre ensemble congolais, et c’est inscrit dans les gènes de ce généreux peuple. Les mariages et autres formes d’union civile entre congolais démontrent qu’il n’y a pas de familles mono-ethniques au Congo. Il n’y existe pas un seul établissement scolaire destiné à la formation d’une élite exclusivement régionale, « des cadres de… ». Pourtant, malgré (et même dans) ce contexte idyllique, il semble persister une curieuse dimension ethnocentrique, honteuse et rétrograde à la fois. La riche histoire politique du Congo compte au moins un épisode qui est venu battre en brèche cette tendance négative et, partant, renforcer la dynamique du vivre ensemble : la conférence nationale souveraine de 1991. Deux Actes de cette haute tribune ont eu pour but d’établir une Charte de l’Unité nationale, et son pendant, la Charte des droits et libertés. Toutes les deux ont été adoptées le 29 mai et promulguées le 29 juillet 1991. Il s’agit aussi, et il convient d’insister sur ce point, de deux textes d’une grande richesse intellectuelle. Les centaines d’éminentes personnalités, qui ont entrepris l’œuvre grandiose de refondation d’une république nouvelle, ont-elles seulement été entendues ? Force est de constater une application sélective des Actes de la conférence nationale souveraine. La restauration des symboles de la République, la création du département de la Cuvette-ouest, les dénominations de la ville de Dolisie et des forces armées notamment, en sont l’émanation. Pour ne citer que ces exemples. Les deux chartes ci-dessus mentionnées font partie de ces Actes expressément ignorés, alors qu’ils devaient être intégralement respectés.

Qu’il nous soit permis de faire un aperçu de la quintessence de ces engagements historiques.

La Charte de l’Unité nationale, brève et bien synthétisée, ne comporte tout juste que 4 chapitres. Le premier, qui se rapporte à l’Unité nationale, détermine le cadre de la Nation congolaise, voulue unie et indivisible. Il reprécise l’égalité en droits et devoirs de tous les citoyens, et donne les trois axes de règlement des difficultés de cohabitation : l’élimination de toute tendance à l’hégémonie ; la protection des minorités ethniques et la bonne gestion du patrimoine national.

Le deuxième chapitre traite du tribalisme, ici considéré comme le fruit du sous-développement, de l’égocentrisme et de l’ignorance. La Charte le traite sur les plans politique, économique, social, et culturel.

Le troisième chapitre traite du régionalisme, et stigmatise la tendance de l’utiliser pour en tirer un profit quelconque.

Enfin, le chapitre IV établit la stratégie de lutte pour renforcer l’unité nationale. Cette ambitieuse perspective est destinée aux pouvoirs publics, aux groupements politiques et Associations, aux Confessions religieuses et l’ensemble de la communauté nationale. Ainsi, la lutte contre le tribalisme et le régionalisme doit avoir pour objectif principal le renforcement de l’unité nationale. La Charte engage toutes les parties prenantes à en assurer, par l’enseignement et l’éducation, la reconnaissance, le respect et l’application. Ce qui n’est certainement pas le cas, sauf erreur ou omission.

La Charte des droits et libertés contient des dispositions qui sont reproduites dans toutes les Constitutions élaborées et approuvées depuis la Conférence nationale. Elles ont une reconnaissance explicite sur les lois internationales, ces normes supérieures aux lois nationales. Consacrant l’Etat de droit, la Charte se porte d’abord sur les droits et libertés fondamentaux dont doivent bénéficier les citoyens (Titre I). Elle se porte ensuite sur les deux grandes catégories des droits humains, que sont les droits civils et politiques d’une part (Titre II), et les droits économiques et socio-culturels de l’autre (Titre III). Enfin, le Titre IV présente les devoirs que tout citoyen est censé observer, notamment envers les autres membres de la société. La jouissance effective des droits de l’homme, ainsi que le respect de ceux-ci, passent nécessairement par leur connaissance. Un effort constant devrait aller dans cette direction.

L’actualité récente, en plus de l’observation de certains comportements dans la société, font apparaître que la quête d’une réelle unité nationale est encore un défi et un immense chantier. Ainsi, le procès du général Dabira a démontré qu’un complot envisagé sur la personne du chef de l’Etat, visait essentiellement à préserver l’hégémonie d’une tribu. Lors des mêmes instances, il a en outre été évoqué l’éventualité d’un plan identique, si d’aventure un autre chef d’Etat venait à marginaliser les cadres, membres de ladite tribu. Il s’agit ici, évidemment, de la crainte fondée d’un hypothétique retour de manivelle. De nombreux cadres d’autres entités en souffrent déjà, certainement avec courage et dignité. Des actes, certes isolés mais qui peuvent faire tâche d’huile, révèlent des expulsions de locataires, au motif que ceux-ci n’ont pas la bonne couleur politique devant leurs logeurs. Ceci est une violation des droits politiques propres à chaque individu, et du droit au logement reconnu à l’être humain et sa famille. Des organisations de la société civile, actives dans le domaine des droits humains, font état d’autres formes de violations des droits humains, des discriminations, et autres pratiques illicites. Il est apparu que des citoyens, anonymes ou responsables politiques, font sourdre une certaine volonté à la partition du Congo. De ce fait, ils seraient tentés de saisir les instances internationales. Il est opportun de récuser ici une telle initiative, et inviter le commun des congolais à se conformer au caractère uni et indivisible de notre nation. La Congolaise, l’hymne national, est là pour nous le rappeler.

Pour le respect de la mémoire de ceux qui ont travaillé à rétablir la force et la dignité de la Nation congolaise, il importait que nous rappelions ces Actes pris pour la postérité. Il est souhaitable que l’on s’en souvienne, à quelques mois de la célébration du 60e anniversaire de la Proclamation de la République, le 28 novembre.

Que Dieu bénisse le Congo.

Par Victor KISSAMBOU-MAKANGA

Éducateur aux droits humains

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2 réponses à DEUX ACTES POUR LA POSTÉRITÉ . Par Victor Kissambou-Makanga

  1. Bakala Téléma dit :

    Le Congo n’a pas de légisticiens pour rédiger des textes de lois compatibles à notre société. Les congolais ont fait du copier-coller, discipline dans laquelle ils excellent, des textes qui existent ailleurs sans faire des etudes d’impact pour s’assurer de l’applicabilité de ces textes dans la société congolaise où cohabitent la loi écrite et la loi non écrite qui préséance sur la loi codifiée.

    c´est beau d’écrire des textes, mais l’étude de leur faisabilité est mieux. Vous parlez d’actes issus de la conférence nationale . En combien de temps ces textes ont été rédigés? Quelques mois. Qui a été consulté ? Des experts étrangers et une dizaine de congolais. C’est cette approche qui est la cause de la non application voir appropriation de ces textes au Congo que 99% de la population ignore l’existence.

    Je dois m’arrêter là. Peut-être Félix pourra vous instruire sur les méthodes et conventions de rédaction des textes de lois.

  2. kikadidi leo dit :

    bientot li y aura plus de congolais a l etranger que au congo comme pour cuba si le systeme ne change pas..je parle du systeme pas des individus dont le choix dans un etat de droit se fait par etapes democratique.

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