L’INAUGURATION DU MAUSOLEE PIERRE SAVORGNAN DE BRAZZA, Par Pietro di Serego Alighieri

Troisième partie 

 L’inauguration du mausolée

Le 3 octobre, tous les personnages engagés dans l’affaire du transfert se retrouvent sur l’esplanade devant le mausolée. Omar Bongo, Philippe Douste Blazy le ministre Français des affaires étrangères; à leur côté se trouvent Jean Paul Pigasse, Belinda Ayessa et les représentants de la Fondation Brazza ; les héritiers de Brazza occupent les sièges à côté de ceux destinés aux régnants Téké. Le Makoko Auguste Nguempio et la Ngalifourou Ngassa arrivent entourées de leurs cours et par la musique et les danses des jours de fête. Ensuite, Denis Sassou-Nguesso fait son entrée accompagné par sa femme et par la musique d’une bande militaire; avant de prendre sa place, entouré par les applaudissements du public, il va rendre hommage au Makoko et à la Ngalifourou.

Au début de la cérémonie, pendant plus d’une heure, Omar Bongo, Denis Sassou-Nguesso, Philippe Douste Blazy, Hugues Ngouelondélé, et d’autres personnalités se succèdent à plusieurs reprises sur la scène où ils reçoivent les médailles d’honneur Françaises, Congolaises et Gabonaises. Ensuite, les allocutions des autorités se déroulent selon l’idée que l’importance d’un discours se juge d’après sa durée; à la fin, la cérémonie se termine par l’allocution d’un représentant de la cour royale Téké et par les interventions des héritiers Brazza.

Ensuite, les cercueils sont transportés dans le mausolée, suivis par Sassou-Nguesso, Douste Blazy et Bongo.

Dans le bâtiment construit par les héritiers des compagnies concessionnaires qui avaient exercé des pressions sur le gouvernement Français pour la mise en congé du Commissaire General Brazza, même la climatisation semble démentir les mots des autorités qui ont décrit l’événement du transfert de Brazza comme un « retour parmi les siens ».

Au cours de l’après-midi, les héritiers de Brazza sont reçus dans la maison forteresse de Sassou-Nguesso. Après une attente de deux heures, sans doute une forme de punition pour l’embarras que les 15 ont causé, le président offre une boisson aux héritiers Brazza et se réjouit des félicitations de Corrado Pirzio-Biroli, qui, à l’étonnement des autres héritiers, remet au président un coffre avec les cendres de son père Detalmo, en priant de les colloquer à l’intérieur du mausolée à côté des dépouilles de Brazza. Les célébrations se concluent dans la soirée par un dîner organisé à l’abri d’énormes tentes placées à côté de la présidence.

Le jour suivant, les héritiers rentrent en Europe avec l’avion officiel, sur lequel se trouvent réunis ceux qui ont participé au transfert. Sur les sièges de première classe, les « éminences grises » et les Pirzio-Biroli. Derrière, les journalistes, les musiciens, les intellectuels qui ont étés convoqués dans le cade de l’événement, avec les représentants de 15 héritiers.

Idanna et Giannozzo Pucci décident de rentrer plus tard de Brazzaville, et sont reçus par le Makoko Nguempio; ce dernier, en soulignant la force du lien entre les Téké et les héritiers Brazza, exprime sa gratitude pour l’engagement des 15 qui a été déterminant pour la reconnaissance de son autorité de la part du gouvernement Congolais; de plus, le Makoko exprime l’espoir que le gouvernement respecte les engagements de l’accord.

Impressions

Malgré les concessions faites aux Téké, on peut affirmer que le transfert des dépouilles de Brazza s’est déroulé comme prévu par ses organisateurs Congolais.

En effet, tous les héritiers, les Pirzio-Biroli d’un côté et les 15 signataires de l’accord de l’autre, se sont trouvés à jouer une partie dans les mécanismes de cette opération sans en connaître en profondeur le fonctionnement, la portée et les implications. Les Pirzio-Biroli ont préféré ne pas se poser la question du respect de la mémoire de leur ancêtre et ne pas recueillir le pari posé par leur ignorance sur la situation congolaise : ils se sont limités à profiter de la possibilité d’apparaître sur la couverture des Dépêches de Brazzaville, de l’hospitalité du gouvernement Congolais dans les grands hôtels d’Alger et Brazzaville, pour lequel ils continuent à exprimer une naïve gratitude, et vraisemblablement d’autres avantages matériels. Au contraire, les 15 ont cherché de toucher avec leurs mains la réalité de la société congolaise. Cependant, leur intervention n’a entravé qu’une petite partie des implications négatives de l’événement.

En effet, bien que le problème du « faux Makoko » ait été résolu et que l’autorité du Makoko Auguste Nguempio ait été reconnue par Denis Sassou-Nguesso, les engagements prévus par l’accord ont été respectés par le gouvernement congolais seulement pour ce qui concerne le déroulement des cérémonies. Le mausolée reste un énorme monument en marbre à un colonisateur blanc, et,indirectement, à l’oeuvre de « civilisation » de la France et au passé colonial. Ce bâtiment, qui se trouve être le monument plus important de Brazzaville, a été construit au centre d’une ville et d’une nation caractérisées par l’absence de n’importe quelle forme d’intervention étatique pour contraster le manque de services essentielles. En 2009, le gouvernement Congolais n’a toujours pas respecté les engagements prévus: le réaménagement du Lycée Pierre Savorgnan de Brazza, la construction de la route et l’approvisionnement du dispensaire de Mbe. Les voix des 15 héritiers, qui ont cru pouvoir faire en sorte que ce transfert soit une occasion pour divulguer l’histoire tragique de Brazza en tous ses aspects, y compris son opposition au système des concessions et sa mise en cause des méthodes de l’administration coloniale au Congo, ces voix ont été suffoquées.

De plus, l’idée d’utiliser le transfert des restes pour imposer au gouvernement Congolais un effort, bien que modeste, vers l’amélioration des conditions de vie de son peuple, s‘est révélée une utopie. En effet, les 15 ont décidé de rentrer dans les mécanismes du pouvoir et de la société Congolaise sans en connaître les caractéristiques et les équilibres. Pour cette raison, malgré leur bonne foi, ils n’ont pas réussi à modifier le caractère de l’événement : malgré l’octroi de quelques concessions, les organisateurs de l’événement ont atteint leurs objectifs.

Ça a été accompagné par une campagne de déformation de sa mémoire et d’apologie du passé colonial en conflit avec les idéaux de respect et de non-violence qui inspirèrent l’œuvre colonisatrice de Brazza. Après plus de 3 ans, il est devenu clair que le transfert a permis l’exploitation de la mémoire de Brazza par les descendants de ses anciens adversaires.

Conclusion. Les interrogatifs du transfert

La majorité des médias qui ont décrit le transfert ont souligné d’un côté le contraste entre le mausolée et la pauvreté des Brazzavillois et de l’autre l’hypocrisie qui se cache derrière la célébration d’un colonisateur blanc dans une ancienne colonie. Ces critiques ne sont pas dues à l’intervention des 15 héritiers, qui ont protesté contre les modalités du transfert.

La sévérité des journaux comme Le Monde et des networks comme la BBC dans le jugement du mausolée et des célébrations était parfaitement prévisible du côté de ceux qui ont voulu et organisé le transfert, notamment Denis Sassou-Nguesso, Emmanuel Yoka et Jean Paul Pigasse. Donc, une  question reste ouverte :

pour quelles raisons a-t-on poursuivi ce projet?

Les avantages matériaux, notamment quelques villas qui ont été construites à Brazzaville et quelque Mercedes achetées, ne semblent pas suffisants pour expliquer l’effort -notamment si on considère les montants de revenues pétroliers habituellement détournés par les « hommes du pouvoir » au Congo.

En effet, plusieurs voix indiquent la présence d’au moins deux séries de raisons.

La première est constituée par le renforcement du pouvoir du régime de Sassou-Nguesso dans la sphère politique nationale de la République du Congo ; le transfert des restes de Brazza, et la profanation de sa tombe, s’inscrivent dans une « stratégie de la terreur » qui mire à diffuser l’image du président « puissant féticheur » capable d’exploiter le pouvoir des fétiches pour agrandir le sien et contraster ses adversaires. Vraisemblablement, le succès de cette stratégie s’inscrit dans un discours de réappropriation du contrôle sur la sphère corporelle par les Congolais à l’issue d’un procès d’aliénation déterminé par le contact avec les intérêts commerciaux européens et par la recherche de légitimité parmi les nouvelles élites au cours de la période coloniale et postcoloniale.

La deuxième série de raisons insiste sur le renforcement des liens qui connectent entre eux les participants du « pillage à huis clos » des ressources Congolaises sur la scène internationale. Malgré les critiques des médias et le fait que l’événement n’a pas amélioré la perception du régime Congolais au sein de l’opinion publique Française et internationale, on peut affirmer que celle-ci a été pour le régime de Sassou-Nguesso une occasion pour affirmer sa présence dans le cadre des relations « informelles », dans lesquelles on trouve engagés des « messieurs Afrique » plutôt que des institutions. Dans ce sens, l’initiative du transfert, avec les financements et les faveurs qu’elle a permis de distribuer, s’inscrit dans le contexte de la compétition entre différents compagnies et entre les gouvernements des pays auxquels elles sont liées pour s’emparer des droits d’exploitation des ressources naturelles du Congo.

Ce texte n’a pas la volonté de rentrer dans le débat entre ceux qui attribuent les problèmes politiques et sociaux du Congo aux influences d’acteurs étrangers et ceux qui insistent sur la prééminence de facteurs locaux dans la détermination des perceptions et des structures qui caractérisent la politique du Pays. Le transfert des dépouilles de Brazza semble plutôt donner de nouveaux éléments pour réfléchir sur les interactions et les dialectiques entre mécanismes locaux et influences extérieures dans la scène politique au Congo.

 

1ere Partie : CHRONIQUE DU TRANSFERT DE LA DEPOUILLE DE SAVORGNAN DE BRAZZA D’ALGER A BRAZZAVILLE : La préparation du transfert

 2e partie :  LE TRANSFERT DE LA DEPOUILLE DE PIERRE SAVORGNAN DI BRAZZA, Par Pietro di Serego ALIGHIERI

Par PIETRO DI SEROGO ALIGHIERI

Diffusé le 27 juillet 2012, par www.congo-liberty.org

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Une réponse à L’INAUGURATION DU MAUSOLEE PIERRE SAVORGNAN DE BRAZZA, Par Pietro di Serego Alighieri

  1. Alessandra Cardelli dit :

    Buon testo.

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