CHRONIQUE DU TRANSFERT DE LA DEPOUILLE DE SAVORGNAN DE BRAZZA D’ALGER A BRAZZAVILLE : La préparation du transfert

PREMIERE PARTIE :

Ce texte se propose de raconter le transfert des dépouilles de Pierre Savorgnan de Brazza, de sa femme Thérèse de Chambrun, et de leurs 4 enfants qui a eu lieu dans les premiers jours d’octobre 2006. Quand j’ai été informé de l’organisation de ce transfert, je me trouvais déjà au milieu d’un travail de recherche historique et philosophique centré sur la figure de l’explorateur et sur la période d’expansion impérialiste dans lequel sa vie et son œuvre étaient encadrés. Autant qu’héritier de l’explorateur, je me suis trouvé malgré moi engagé dans une opération politique basée sur  l’exploitation de la mémoire et de l’image d’un défunt.

L’opération s’est déroulée sur deux scènes interconnectées : d’un côté, la sphère politique interne de la République du Congo et, de l’autre côté, dans le milieu des relations étrangères qui contribuent à la collocation du pays dans les mécanismes politiques et économiques régionaux et internationaux.

Les divers points de vue sur les implications politiques du transfert ont produit un débat et des contrastes au sein du nombreux groupe d’héritiers de l’explorateur, ce qui a culminé dans l’effort d’une partie d’entre eux de contrôler ou limiter ces implications.

La participation à la préparation et au déroulement de ce transfert a été une occasion de me plonger dans la complexité des relations de pouvoir internes et internationales qui constituent la base du régime de Denis Sassou Nguesso; de plus, l‘analyse de l’événement semble pouvoir fournir des éléments importants pour la compréhension des structures, des croyances, des procès qui caractérisent la sphère de la politique au Congo et les mécanismes internationaux dans lesquels le Congo et sa région sont engagés.

1. LA PREPARATION DU TRANSFERT

L’idée du transfert

Le début de l’affaire du transfert des restes de Pierre Savorgnan de Brazza en République du Congo est difficile à dater. Au cours de l’année 2000, la « Fondation Pierre Savorgnan de Brazza » est créée à Brazzaville dans le but de mettre en valeur la mémoire de l’explorateur en vue du centenaire de sa mort ; bien qu’apparemment cette mémoire soit encore vivante au Congo, Brazza a été négligé par l’histoire officielle française. La création de cette fondation, dont le président est le ministre d’Etat et chef du cabinet de la présidence Emmanuel Yoka, a été vraisemblablement inspirée par Jean-Paul Pigasse. Ce dernier n’est officiellement que le rédacteur en chef de l’agence de presse France-Adiac ; en réalité, son rôle est plutôt celui de conseiller du président Congolais Denis Sassou-Nguesso, étant chargé d’un travail de relations publiques qui a le but d’améliorer l’image de Sassou-Nguesso, un dictateur qui a pris et consolidé son pouvoir à travers plusieurs coups d’état et guerres civiles, parfois extrêmement brutales. Au mois d’août 2003, Belinda Ayessa, chargée des relations publiques de la Fondation Brazza, se rend au Frioul à la tête d’une délégation pour rendre visite au professeur Detalmo Pirzio-Biroli, l’un des héritiers de Pierre Brazza, et l’invite à visiter le Congo sur les traces de son ancêtre. Le professeur accepte et se rend à Brazzaville en septembre 2003 où il demeure dans la villa de Mme Ayessa.

Pendant son séjour, le professeur participe à l’inauguration des travaux de construction d’un barrage hydroélectrique à 150 km au nord de la capitale, dans la région de Mbe ; après l’inauguration, l’hélicoptère du président sur lequel il voyage le dépose à Mbe pour rendre visite au Makoko Gaston Ngouayoulou.

Pendant cette visite les deux hommes parlent de la mémoire de Pierre Savorgnan de Brazza et de son désir d’être enterré en terre d’Afrique. Leur colloque aboutit à l’idée de transférer les dépouilles de l’explorateur d’Alger, où il fut enterré selon la volonté de sa femme, au Congo. L’intention du roi est d’enterrer le restes de Brazza à côté de ces de Ilo, le Makoko avec lequel l’explorateur avait conclu le fameux traité.

Dans les jours suivants, lors d’un colloque avec Denis Sassou-Nguesso, Detalmo Pirzio-Biroli propose au président Congolais l’idée de transférer les dépouilles de Brazza « sur les rives du fleuve Congo ». La Fondation Pierre Savorgnan de Brazza est chargée d’organiser le transfert des restes; Detalmo Pirzio-Biroli, devient le représentant des héritiers Brazza au sein de la fondation.

En mars 2003 le Makoko Ngouayoulou meurt « pour causes non naturelles ». Apparemment, il a été empoisonné à cause de son opposition au régime Congolais. En effet, il avait demandé l’aide de Omar Bongo, président Gabonais et membre du peuple Téké, à fin d’empêcher à Sassou-Nguesso de s’approprier de l’idée du transfert. Après sa mort, le Makoko Nguempio est nommé son successeur par le conseil des dignitaires Téké et il est investi selon le rite traditionnel ; cependant, les autorités de Brazzaville désignent un autre membre de la cour royale, Maurice Intsilambia, comme nouveau Makoko. Ce dernier est connu au Congo en tant que féticheur proche de Denis Sassou-Nguesso. Les moyens d’information proches du gouvernement Congolais parlent d’une crise au sein de la cour royale et d’un conflit tribal entre les Téké; toutefois, plusieurs sources parmi les Teké refusent cette interprétation et insistent sur l’illégitimité du mandat de Intsilambia.

En 2004, les autorités Congolaises communiquent l’intention de construire un mausolée à côté de la Mairie Centrale de Brazzaville pour accueillir les restes de l’explorateur ; la construction du mausolée sera financée par l’Etat Congolais, par la France et par des « généreuses contributions » d’un groupe de compagnies françaises qui participent à la commercialisation des ressources naturelles du Congo, parmi lesquels Le groupe TotalFinaElf et le groupe Bolloré. Le 5 février 2005, Intsilambia, invité par la Fondation Pierre Savorgnan de Brazza, participe à la cérémonie de pose de la première pierre du mausolée, en présence de Denis Sassou-Nguesso, de Jacques Chirac et d’Omar Bongo. L’inauguration du mausolée est prévue pour le mois d’octobre 2005, en occasion du centenaire de la mort de l’explorateur.

Alors que la date prévue pour les célébrations approche et que la construction du mausolée commence, l’initiative est de plus en plus durement critiquée par plusieurs groupes : les Téké, outragés par l’exclusion du légitime Makoko ; les opposants du régime de Sassou-Nguesso au Congo et en France qui protestent contre le siphonage des fonds publiques pour la construction du mausolée ; les intellectuels Congolais qui voient dans la célébration du colonisateur une tentative d’affirmer le « rôle positif de la colonisation »; enfin, les membres de l’Eglise Congolaise qui protestent contre leur exclusion des cérémonies orchestrée par le réseaux de la franc-maçonnerie qui connecte les hommes politiques et les hommes d’affaires qui participent à l’exploitation des ressources naturelles du Congo et du Gabon.

Les contrastes entre les héritiers Brazza

Comme Brazza n’a pas des descendants directs vivants, les actuels consanguins descendants tous des frères et sœurs de l’explorateur, et se situent tous à la même distance de leur illustre ancêtre. Cependant, ce sont Detalmo Pirzio-Biroli et ses deux enfants, Corrado et Roberto, qui ont inauguré l’opération du transfert des restes de Brazza; les Pirzio-Biroli n’ont pas hésité à s’approprier de la mémoire de leur ancêtre de façon exclusive, bien qu’ils aient  connaissance de l’existence des autres héritiers, avec lesquels ils ont eu des relations d’amitié. Au début de l’année 2004 Corrado Pirzio-Biroli, délégué par son père, signe les papiers pour autoriser le transfert chez le notaire parisien Robert Panhard; Pierre-Antoine de Chambrun, descendant de l’épouse de Brazza, signe aussi.

Idanna Pucci, une autre héritière qui est en contact avec les Pirzio-Biroli, est mise au courant de l’opération en 2003, à l’occasion du voyage de Detalmo au Congo ; Mme Pucci, n’étant pas encore à connaissance des implications politiques de l’opération du transfert, décide d’organiser une exhibition à Rome pour célébrer la mémoire de Brazza en Italie à l’occasion du centenaire de sa mort, en concentrant l’attention sur son respect pour les peuples africains et sur son opposition aux compagnies concessionnaires. En effet, jusqu’à l’année 2005, les autres héritiers de Brazza (la majorité d’entre eux) ne sont pas au courant du projet de transfert de ses dépouilles.

A partir de 2005, plusieurs représentants de la population Congolaise, des Téké et de l’Eglise Congolaise informent Detalmo Pirzio-Biroli, Idanna Pucci, et Pietro di Serego Alighieri, des problèmes causés par ce transfert aux Téké du Congo.

Ces héritiers apprennent que la tombe de Brazza à Alger a été profanée en mars 2004 par un groupe de personnages proches de Sassou-Nguesso à la suite de la signature de l’autorisation pour l’exhumation signée par Corrado Pirzio-Biroli ; cette profanation fait part d’un effort conduit par le président Congolais pour s’approprier de la force spirituelle du père blanc de la nation Congolaise à travers des rituels qui rentrent dans la sphère des pratiques magiques des féticheurs.

Le 18 juin 2005, à l’occasion d’une messe en mémoire de Brazza au Frioul,Detalmo Pirzio-Biroli reçoit les plaintes d’une délégation Congolaise qui représente la cour royale du Makoko, la Ngalifourou et des religieux congolais, guidée par Monseigneur Ernest Kombo.

A partir d’octobre 2005, les héritiers qui n’ont pas été consultés pendant la concession de l’autorisation, commencent à échanger une dense correspondance au sujet de l’initiative de transférer les dépouilles de l’explorateur. Plusieurs héritiers des branches Bracci Testasecca, Papafava, Piccolomini, Pucci, Ruspoli di Morignano, San Bonifacio, Savorgnan di Brazzà, di Serego Alighieri, se mettent en contact à plusieurs occasions (notamment lors de rencontres familiales, conférences et célébrations consacrés à l’explorateur en Italie). Les problèmes concernant la construction du mausolée (son contraste avec les conditions de vie des Brazzavillois et son financement lié à la franc-maçonnerie) et l’affaire du ‘faux roi’ Intsilambia sont portés à la connaissance de tous les héritiers. A la suite d’une visite à Brazzaville et a Mbe, en octobre 2005, dans le cadre de l’organisation de son exhibition, Idanna Pucci confirme que la construction du mausolée risque de nuire à l’image de l’explorateur parmi la population Congolaise ; de plus, Mme Pucci vérifie que les Téké ne sont pas divisés par des conflits tribaux, et témoigne que la construction du bâtiment est en grave retard, vraisemblablement à cause du détournement des fonds destinés à la Fondation Brazza pour les travaux. En effet, dans les semaines suivantes les autorités Congolaises décident de renvoyer l’inauguration du mausolée au 15 Juin 2006.

Les héritiers qui n’ont pas étés consultés lors de la concession de l’autorisation, décident d’interroger les Pirzio-Biroli sur l’organisation du transfert et demandent d’être tenus au courant des décisions et du développement de l’affaire. Les Pirzio-Biroli ne répondent pas à leurs appels ; lorsque la nouvelle de la visite de Mme Pucci à Mbe est diffusée, Detalmo Pirzio-Biroli prend les distances d’Idanna Pucci et de son initiative de se rendre chez le Makoko Nguempio ; de plus, il dément la volonté des descendants de s’engager dans le « conflit tribal » entre les deux Makoko dans un article sur Les Dépêches de Brazzaville. Giannozzo Pucci, l’un des héritiers, décide d’envoyer une lettre au notaire Panhard en exprimant son désaccord au sujet du transfert des dépouilles ; selon la loi, il suffit que l’un des héritiers exprime son désaccord pour arrêter l’exhumation.

A cause du manque de volonté de coopérer témoigné par les Pirzio-Biroli, la majorité des héritiers décide de se réunir dans un « conseil de famille » dans le but de participer aux décisions qui ont étés prises jusqu’à ce moment-là de façon unilatérale par Detalmo Pirzio-Biroli et ses enfants. Ce conseil regroupe les représentants de toutes les branches des héritiers de Brazza, avec l’exception des Pirzio-Biroli, qui refusent d’en faire partie. Le conseil de famille se retrouve pour la première fois le 4 mars 2006 à Florence, à la présence de plusieurs représentants de la population Congolaise, des Téké, et des religieux Congolais.

Les points soulevés par ces représentants sont : 1) Le mausolée est considéré comme une insulte par les Congolais, notamment à cause du coût élevé comparé au manque de fonds pour l’entretien des services essentiels (électricité, eau,santé et éducation) dans la ville qui porte le nom de l’explorateur ; de plus, le détournement de fonds destinés à la construction est confirmé par plusieurs sources, parmi lesquels l’entreprise Italienne chargée de la réalisation des marbres du mausolée. 2) Célébrer un colonisateur dans un pays décolonisé depuis plus de quarante ans constitue un paradoxe et une attaque à l’identité nationale. 3) Le légitime Makoko et le pouvoir spirituel Téké ont étés exclus des cérémonies par le gouvernement Congolais. 4) La perception du mausolée comme un ‘temple des francs-maçons’ par la population Congolaise, et le désir de l’église de s’opposer au pouvoir de la maçonnerie en soulignant le caractère chrétien du lieu du repos de Brazza. 5) La tombe de Brazza a été profanée.

Le conseil de famille des héritiers Brazza cherche de rassembler des témoignages, documents et rapports pour comprendre la situation du Congo. En effet, une partie des héritiers présents remarque que la connaissance des affaires Congolaises est trop limitée. D’un côté, l’exploitation de l’initiative du transfert par le gouvernement Congolais est évidente ; cependant, qui peut garantir que les représentants de Téké et de l’Eglise, en diffusant leur cri d’alarme et en demandant l’arrêt du transfert, ne cherchent pas eux-mêmes d’instrumentaliser les héritiers Brazza? Est-ce qu’ils peuvent effectivement exprimer la voix du peuple Congolais? Les conclusions du conseil sont unanimes : avant d’arrêter l’affaire il faut recueillir plus d’informations. De plus, on affirme que la mémoire de Brazza peut devenir un exemple pour les générations à venir si son histoire est racontée dans tous ses aspects. Notamment, on estime que plutôt que montrer son travail de représentant de l’autorité coloniale Française il faudrait mettre en évidence sa façon originale d’approcher les Africains par le respect mutuel, et diffuser l’histoire oubliée de son projet utopique d’un colonialisme « différent » ; en effet il avait poursuivi constamment ce projet malgré la série de sacrifices que cet idéalisme lui avait imposé, tels que sa mise en congé en 1898 ainsi que sa mort pendant la mission d’enquête de 1905.

En considérant la difficulté de se rapprocher aux problèmes internes du pays et pour éviter les risques qui impliquerait une intervention dans la sphère politique interne, le conseil de famille décide de baser son action sur : (1) la solidarité avec la population Congolaise, d’où le souhait de la famille de faire en sorte que le transfert soit une occasion d’améliorer les conditions de vie des Congolais de façon tangible, en encourageant une série d’interventions visées à restaurer la provision de services essentiels pour la population ; (2) l’originalité du rapport de respect mutuel entre Brazza et Makoko Ilo, d’où la nécessité de célébrer leur alliance plutôt que de mettre en lumière la figure du colonisateur Brazza ; (3) le lien de sang qui existe entre les héritiers de Brazza et le Makoko, d’où le désir des héritiers que la cérémonie d’inauguration du mausolée se déroule en présence du Makoko Auguste Nguempio ;  l’insistance sur le respect du caractère chrétien du repos éternel de l’explorateur. A la suite de la réunion du conseil, 15 de ses membres décide d’envoyer une série de lettres aux autorités Congolaises et Françaises qui participent à l’événement, parmi lesquels Denis Sassou-Nguesso et Jacques Chirac, afin de les remercier pour l’initiative de célébrer leur ancêtre et de leur communiquer les 4 points ci-dessus.

Après une rencontre avec les représentants de la fondation, qui a lieu le 11 mars 2006, le rôle de Corrado et Roberto Pirzio-Biroli, les enfants de Detalmo, devient de plus en plus important ; leur père, âgé de plus de 90 ans, est affaibli par des problèmes de santé ; il semble ne pas être toujours capable de prendre des décisions et se trouve de plus en plus exclu de l’affaire. Detalmo Pirzio-Biroli meurt à la fin du mois de mars 2006. En adoptant la position du gouvernement Congolais qui classifie le problème du faux roi comme une dispute ethnique entre les Téké, Corrado et Roberto Pirzio-Biroli décident de ne pas vouloir rentrer dans les détails de l’organisation du transfert et de l’inauguration du mausolée. Les raisons de cette décision ne sont pas claires ; on vient à connaissance d’une candidature de Corrado Pirzio-Biroli comme représentant de l’Union Africaine (présidé à l’époque par Sassou-Nguesso) auprès de l’UE, d’un engagement de l’architecte Roberto Pirzio-Biroli dans la finalisation du projet du mausolée, et d’un financement de la Fondation Brazza pour la restauration de la demeure des Pirzio-Biroli au Frioul. Cette décision est accompagné par un travail de désinformation parmi les autres héritiers, qui oscille entre, d’un côté, de vagues promesses à propos des demandes des Téké et de l’Eglise Congolaise, et, de l’autre côté, la menace de graves conséquences pour la stabilité du Congo en cas d’intervention des héritiers Brazza dans le déroulement des cérémonies.

Evidemment, l’entrée d’autres héritiers dans l’affaire du transfert est considérée une menace pour le rôle de guide que les Pirzio-Biroli se sont attribués.

Les négociations entre les 15 héritiers Brazza et les autorités Congolaises

Les lettres envoyées par un groupe d’héritiers Brazza ne provoquent aucune réaction de la part des destinataires; de plus, les préparations pour l’initiative continuent. Le conseil de famille se trouve face à des circonstances qui demandent un engagement profond ; avec le consensus et le soutien de la majorité des héritiers vivants de Brazza, les 15 signataires des lettres envoyées à Sassou-Nguesso et Chirac décident de s’engager à fond dans la question et de nommer un avocat avec le mandat de défendre leurs intérêts dans l’organisation du transfert : la choix tombe sur Maître Erich Ravinetti, connu pour avoir défendu avec succès divers clients dans des actions légales contre le régime de Sassou-Nguesso. Maître Ravinetti prend les mesures nécessaires pour communiquer aux autorités Congolaises, Françaises et Algériennes l’intention de ses clients, à savoir celle de suspendre le transfert.

A la suite de ces menaces, la Fondation Brazza contacte les 15 héritiers et leur propose de participer à une rencontre entre ses représentants, des émissaires du gouvernement Congolais, et l’ensemble des héritiers de Brazza. Cette rencontre a lieu dans la soirée du 10 septembre 2006 à Rome dans une salle souterraine du luxueux hôtel Esedra à la présence des 15 héritiers qui avaient protesté pour lés modalités du transfert, de Corrado et Roberto Pirzio-Biroli, des représentants de la Fondation Brazza, parmi lesquels Belinda Ayessa et des autorités Congolaises comme Mamadou Kamara-Dekamo, ambassadeur du Congo en Italie, et Hugues Ngouelondélé, maire de Brazzaville et beau-fils de Sassou-Nguesso ; ce dernier,en tant que Téké, cherche d’exercer la fonction de médiateur entre la fondation et les 15. Cette réunion, caractérisée par une atmosphère tendue, termine à 3h du matin avec la rédaction d’un communiqué de presse qui annonce l’intention de la fondation d’assurer la participation du Makoko Nguempio aux cérémonies et de transporter à Brazzaville les pierres tombales de la tombe Brazza d’Alger, qui contiennent le symbole de la croix. Les représentants de la fondation s’engagent à publier le communiqué sur le site internet des Dépêches de Brazzaville en une semaine.25 La promesse n’est pas tenue et le 24 septembre les 15 héritiers chargent Maître Ravinetti d’accomplir les procédures pour arrêter le transfert comme prévu par le droit international.

Bien que la rupture semble définitive, une nouvelle voie de négociation est ouverte per des autorités Italiennes: Liliane Murekatete, conseiller pur l’Afrique du Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères Italiennes, se met en contact avec les 15. Son message est clair : arrêter le transfert au dernier moment peut produire des effets très négatifs pour la stabilité du Congo et pour la sécurité des membres de la cour royale Téké. Les héritiers de Brazza ont la possibilité d’ouvrir un processus de négociation avec le pouvoir Congolais pour modifier le caractère de l’événement et chercher de faire en sorte que les célébrations portent des bénéfices à la population du Congo et que l’initiative perde son caractère de révisionnisme de l’œuvre colonisatrice française. Les 15 décident de suivre son avis et de participer à une rencontre avec Sassou-Nguesso, qui se trouve à Naples.26 Idanna Pucci et Pietro di Serego Alighieri, en qualité de représentants du groupe des 15, se rendent à Naples le 26 septembre accompagnés par Mme Murekatete. Un membre de la cour royale Téké, a été amené à Naples avec l’entourage de Sassou-Nguesso, et, au cours de la rencontre qui a lieu avec les deux représentants des 15 avant l’entrevue avec Sassou-Nguesso, il fait comprendre que sa fonction est celle de faciliter la recomposition de la rupture entre les 15 et les autorités Congolaises. L’impression est qu’il se trouve forcé à exercer ce rôle et est divisé entre la fidélité à son lignage et la puissance du pouvoir politique Congolais ; il évite, donc, de proposer une stratégie concrète pour un compromis. Sassou-Nguesso reçoit les deux représentants dans une chambre blindée d’un hôtel de Naples, à la présence de Mme Murekatete comme témoin ; les représentants ouvrent l’entrevue en exprimant à nouveau les soucis sur le déroulement du transfert qui ont poussé le 15 à s’y opposer. La réaction du président Sassou-Nguesso est dure : il accuse ses interlocuteurs de vouloir arrêter un événement international, planifié depuis longtemps, et de nuire à l’image du Congo seulement pour des « détails », et il demande les raisons qui ont amené les 15 à s’adresser à un avocat. Les deux héritiers Brazza répondent en soulignant que la raison de leur opposition est le manque de bonne foi des représentants de la Fondation, et que les 15 ne considèrent pas les problèmes qu’ils ont soulignés comme des détails ; les objections de la famille regardent des aspects fondamentaux de l’opération, notamment l’image de Brazza chez le peuple Congolais, le lien entre l’explorateur et le Makoko, le respect des traditions chrétiennes selon lesquelles leur ancêtre a été enterré à Alger. Sassou-Nguesso ne montre aucune sensibilité pour les préoccupations et les demandes de ses interlocuteurs, et renouvelle sa requête de retirer leur opposition sur le transfert dans un délais de 24 heures. La rencontre avec Sassou-Nguesso se termine donc sans avoir atteint aucun résultat. Idanna Pucci et Pietro di Serego décident de rentrer à Florence, leur ville de résidence, persuadés de continuer les actions légales pour arrêter le transfert. Liliane Murekatete, étonnée par l’agressivité de Sassou-Nguesso, qu’elle a connu comme un homme équilibré et raisonnable à d’autres occasions, décide de rester à Naples pour tenter un dernier effort de médiation avec l’aide de l’ambassadeur Kamara-Dekamo. Après quelques heures,M. me Murekatete apprend que, avant le rencontre avec les deux représentants,Sassou-Nguesso a longuement rencontré Jean Paul Pigasse, qui a communiqué à Sassou-Nguesso son avis défavorable sur les 15 héritiers et qui a provoqué la réaction agressive du président face à leurs représentants.

Le jour suivant (27 septembre), Mme Murekatete communique aux 15 héritiers le succès de sa médiation : Sassou-Nguesso a déclaré l’intention de signer un accord avec eux pour régler le déroulement du transfert. Giannozzo Pucci, Idanna Pucci et Pietro di Serego Alighieri se mettent au travail, en suivant l’avis de Maître Ravinetti, pour rédiger le texte de l’accord. Mme Murekatete les rejoint à Florence pour collaborer. Les heures suivantes (jusqu’à 12h du 28 septembre) sont consacrées aux négociations sur les points de l’accord avec les représentants de Sassou-Nguesso (M. Kamara-Dekamo et M. Ngouelondélé). C’est à ce moment que les représentants Congolais font savoir que Sassou-Nguesso a changé d’avis et demande que l’accord soit signé par un représentant de la Fondation Brazza à sa place. Les représentants des 15 réagissent en se rendant à l’ambassade du Congo à Rome pour présenter aux autorités congolaises une dernière version de l’accord. Maître Ravinetti a alerté les autorités à Alger : si Sassou-Nguesso n’acceptera pas de signer l’accord, le transfert sera interdit comme prévu par la loi.

Le 29 septembre Sassou-Nguesso accepte de signer l’accord, qui prévoit : (a) le respect du repos de Brazza : la bénédiction du mausolée, la célébration d’une messe à Brazzaville, le transport des pierres tombales historiques d’Alger ; (b) l’entretien des lieux liés à la mémoire de Brazza : la restauration du Lycée Pierre Savorgnan de Brazza, du dispensaire de Mbe et de la route la reliant à Brazzaville. (c) La participation du Makoko Nguempio et de la Ngalifourou Ngassa à l’inauguration du mausolée ; (d) la participation des représentants des 15 signataires aux célébrations : 2 d’entre eux seront présents à l’exhumation à Alger et 8 seront invités aux cérémonies à Brazzaville. Les autorités Italiennes, malgré leurs promesses et les demandes des 15, refusent de se faire garants de l’accord pour des raisons diplomatiques ; en effet, le vice-ministre Sentinelli se trouve au centre des négociations pour la réduction de la dette avec les représentants de la République du Congo. Ces négociations vont produire de maigres résultats sur le front du développement du Congo, mais seront fondamentales pour la croissance du rôle de l’ENI dans l’exploitation du pétrole Congolais.28 Donc, l’accord sera simplement transmis aux autorités Italiennes et Françaises.

2e Partie : LE TRANSFERT DE LA DEPOUILLE DE PIERRE SAVORGNAN DI BRAZZA, Par Pietro di Serego ALIGHIERI

3e Partie : L’INAUGURATION DU MAUSOLEE PIERRE SAVORGNAN DE BRAZZA, Par Pietro di Serego Alighieri

 

Par PIETRO DI SEROGO ALIGHIERI

Diffusé le 5 juillet 2012, par www.congo-liberty.org

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