A quoi servent les ministères de la culture et du tourisme au Congo ?

Par Lionel GNALI

Le dernier remaniement gouvernemental de mi-janvier 2025 a confirmé une chose: le peu d’intérêt de nos autorités pour ces deux départements . Il n’y a qu’à voir le rang protocolaire de ce ces départements….  Quasiment avant dernier. Il est loin le temps où le député Jean Félix Tchicaya cultivant l’excellence s’intéressait et appréciait les travaux des commissions marine marchande , pêche et tourisme auxquelles il appartenait. Il avait d’ailleurs bâti son projet de développement du Congo, à partir de secteurs au demeurant porteurs, tels que le tourisme, la culture mais qui sont hélas les parents pauvres dans les budgets des états africains en général et congolais, en particulier. En effet, il ambitionnait de faire de Pointe Noire et de la région du Kouilou la vitrine et la locomotive du Congo.

Porte d’entrée du pays, il avait imaginé une architecture majestueuse avec des édifices aux courbes inspirées par la nature, à l’image de mammifères marins ( requins, baleines, crustacés) afin de donner à la ville océane un cachet spécifique. Ponton la belle, ne pouvait se concevoir sans développement touristique et une véritable industrie hôtelière. Cette ville où il n’existe même pas de palais des congrès avait tous les atouts pour prendre le leadership de la sous-région dans ce domaine. Jean Félix Tchicaya voulait faire du Congo, un hub de référence internationale, attirant à la fois une clientèle tournée vers le tourisme de loisirs et le tourisme d’affaires. Le Congo abrite pourtant quelques joyaux, tels que : la route des esclaves, à Loango, dont le potentiel est équivalent au moins à celui de Gorée, au Sénégal, le parc de Conkouati, situé en périphérie de Pointe Noire, les chutes magnifiques de Béla et de la Loufoulakari, dans le Pool, la Likouala aux herbes, rappelant Venise, les parcs d’Odzala et de Nouabale Ndoki, dans la Cuvette et la Sangha, qui abritent les derniers grands primates du monde , selon l’éthologue britannique, Jane Goodall. Certains de ces sites sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Sans oublier la faune et la flore exceptionnelles, richesses que nos enfants découvrent hors du Congo, puisqu’il n’existe quasiment plus de parc zoologique, ni de jardin botanique dignes de ce nom dans tout le pays. Une ville comme Pointe Noire , devrait aussi attirer les organisateurs de congrès, de symposiums, de salons économiques. Ce développement serait possible si nous avions des dirigeants patriotes ayant une vision et désireux de conduire le Congo vers…L’émergence. 

Qui se souvient que le Congo abritait encore il n’y a pas si longtemps une prestigieuse école de peinture ? Cette école plutôt un atelier, dénommé « école de peinture de Poto-Poto », créée en 1951 par Pierre Lods, militaire, amoureux de peinture et d’art. Cet atelier qui naguère inspira des peintres français renommés, tels que Henri Matisse, Pablo Picasso, aurait connu un autre destin sous d’autres cieux.

Aucun des six présidents qui se sont succédé ne lui a accordé le moindre subside, hormis le président Yhomby -Opango, à ses débuts. Ami personnel du président Sassou -Nguesso, et patron des Dépêches de Brazzaville, Jean Paul Pigasse est quasiment le seul contributeur financier de l’atelier. Celui-ci a  pourtant fait découvrir des peintres qui font encore notre fierté à l’extérieur, ce sont : Marcel Gothene , Jean Balou, Trigo Piula, Mongo Etsion.

Qui seulement parmi nos responsables s’intéresse à la culture ?

Pays hôte du Festival Panafricain de Musique, équivalent du Fespaco (Festival Panafricain du cinéma de Ouagadougou) au niveau musical et qui se tient normalement tous les deux ans, à Brazzaville, le Congo n’a rien fait de cette domiciliation. Attribuée au Congo à l’issue de la conférence des chefs d’Etat d’Addis-Abeba, en 1996, ce festival est l’illustration du désintérêt des responsables politiques envers la culture. Une totale hérésie quand on connaît les bénéfices en termes de visibilité et de retombées économiques. Ce grand rendez-vous biennal constituait un véritable tremplin pour le Congo et lui permettait de donner la pleine mesure de son envergure musicale et accessoirement littéraire, artistique et touristique. Le Congo est pourtant considéré comme « le quartier latin » d’Afrique centrale quand on connaît la grande variété et qualité de ses hommes de lettres. Citons les plus illustres : Sony Labou Tansi, Henri Lopes, Gérald Félix Tchicaya, Emmanuel Dongala, Jean Baptiste Taty-Loutard, Alain Mabanckou. Ils sont tous mondialement connus et traduits dans plusieurs langues. Ironie du sort, au lieu d’être une source de devises comme l’est son pendant en matière cinématographique, le Fespaco, qui a lieu aussi tous les deux ans au Burkina Faso, à Ouagadougou, notre festival est budgétivore.

Comme toute la culture, le Fespam végète souffrant de l’indifférence et de la désaffection des pouvoirs publics, de leur incapacité à mettre en place une authentique politique culturelle.

Véritables soft powers sous d’autres cieux, le ministère de la culture et du tourisme au Bénin par exemple, sont en plein essor grâce à la volonté politique de ses dirigeants de faire de leur pays une place forte de la culture et du tourisme.

Le Bénin a accueilli 120000 touristes en 2023, ce qui la place en sixième position au niveau africain et prévoit d’accueillir 200000 visiteurs d’ici l’an 2030. Le tourisme a généré environ 215 millions d’euros, soit plus de 141 milliards de francs CFA, représentant 1,4% du Pib. Il est la seconde source de revenus du Bénin après le coton et est en constante évolution depuis 1992, plus de 4%. Près de 1250 milliards de francs CFA ont été investis dans l’amélioration des infrastructures. Le pays dispose désormais de deux aéroports et bientôt d’un port de plaisance à Cotonou. Parmi les mesures incitatives, notons la création d’un visa touristique de 90 jours, la simplification des formalités administratives. L’obtention du visa béninois se fait en quelques clics, le site étant intuitif et fluide.

Quid du Congo ?

Peut-on connaître le nombre de touristes visitant le Congo et le fameux musée Savorgnan de Brazza ? Un musée complètement anachronique glorifiant le colonisateur alors que la tendance actuelle est au tourisme mémoriel dont Ouidah, au Bénin, est un des symboles, tourisme dans lequel le Congo n’est pourtant pas dépourvu d’atouts.

Par son inclination délibérée à la paresse, à l’incurie et au refus de se remettre en question dans ces deux leviers importants, cruciaux pour sa réelle diversification économique, le Congo a fait le choix de la médiocrité.

Lionel GNALI

Diffusé le 13 février 2025, par www.congo-liberty.org

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