Face aux despotes, des diasporas jouent les «africtivistes»

Par Maria Malagardis — 

Sit-in, localisation de biens mal acquis gabonais et congolais, opération surprise au sein d’une ambassade… Afin de dénoncer les régimes autoritaires d’Ali Bongo et Denis Sassou-Nguesso, les opposants exilés en France profitent d’Internet et de leur liberté pour multiplier les happenings.

Mais que font-ils donc dans cette banlieue parisienne, errant devant une villa cossue dotée d’un grand jardin ? A Saint-Nom-la-Bretèche (Yvelines), certains voisins ont dû être intrigués par l’étrange manège de ces six Africains à l’accoutrement parfois exotique : pantalon rose et canotier pour l’un, tunique en pagne vert émeraude et bob en feutre pour l’autre, chemisette jaune canari pétant pour un troisième… Ils traînent dans la rue, filment par-dessus les murs de la villa qui attire leur curiosité, puis se lancent soudain dans de vigoureuses diatribes en fixant la caméra d’un smartphone. Les voilà qui zooment sur le parking qu’on découvre de loin rempli de voitures de luxe : «Regardez, peuple congolais, voilà les voleurs du Congo-Brazzaville ! Tout l’argent du Congo est là», martèle dans un souffle la voix off qui commente ces images, postées sur Facebook en ce début de semaine.

Cette vidéo n’est que le dernier avatar d’une guerre virtuelle qui se livre à coups d’images sur les réseaux sociaux. Une bataille féroce en réalité, qui voit s’affronter des opposants africains exilés en France, face aux tenants des régimes qu’ils combattent, et dont les barons ont souvent eux aussi un pied dans l’Hexagone. En l’occurrence, dans la vidéo évoquée, il s’agit bien de dénoncer l’opulence dans laquelle vit, quand il est en France, un notable proche de l’inamovible président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou-Nguesso.

Griffes

Depuis peu, on les appelle les «africtivistes» : ce sont des cybercombattants, pour lesquels les réseaux sociaux sont devenus une nouvelle arène politique. Non pas uniquement pour dénoncer verbalement, «à l’ancienne», les régimes autoritaires qu’ils ciblent. Mais plutôt pour mener des actions, filmées et mises en ligne, qui revigorent les combats en cours. Ces temps-ci, les diasporas de deux pays d’Afrique centrale sont en pointe dans cette nouvelle forme d’activisme, du moins depuis la France. Elles sont originaires du Congo-Brazzaville et du Gabon, pays voisins qui partagent beaucoup de caractéristiques. Tous deux sont dirigés par le même régime depuis plus de trente ans. Soit par le même homme : Sassou-Nguesso qui, à l’exception d’un intervalle de cinq ans, règne sans partage à Brazzaville depuis 1979. Soit par la même famille : Ali Bongo est arrivé au pouvoir en 2009, après la mort de son père, Omar Bongo, qui avait passé quarante-deux ans à la tête du Gabon.

Dans ces deux pays, l’espoir d’une alternance a été violemment balayé lors de scrutins contestables tenus en 2016. Et les deux principaux challengers lors de ces élections se retrouvent aujourd’hui dans les griffes des régimes qu’ils combattent. L’un, Jean Ping, se trouve en résidence surveillée et interdit de sortie du territoire, pour avoir osé défier Ali Bongo. L’autre, le général Jean-Marie Michel Mokoko, en prison : détenu pendant deux ans sans jugement à Brazzaville, il a été condamné le 11 mai à vingt ans de réclusion à l’issue d’un procès expéditif. Enfin, ces deux pays sont également dotés d’immenses richesses naturelles, qui échappent à des populations plongées dans une pauvreté absolue, mais permettent à leurs dirigeants et à leurs entourages de mener un train de vie luxueux, notamment en France.

Reste que Paris n’est pas seulement le siège de ces start-up de cybercombattants africains. La capitale française est aussi parfois le théâtre de violences qui se répercutent aussitôt sur la Toile. C’est notamment le cas pour les activistes du Congo-Brazzaville. Quelques jours avant de s’aventurer du côté de Saint-Nom-la-Bretèche, l’un des membres de ce «commando», Roland Nitou, a déposé plainte après avoir été agressé, le 29 mai en pleine rue, «par un homme qui a surgi d’une Mercedes noire pour se jeter sur moi et me tabasser violemment jusqu’à l’intervention de la police», affirme l’intéressé. Un Taser sera trouvé sur l’homme arrêté, qui restera détenu trois jours avant d’être relâché. Ce dernier, identifié comme Edgard Bokilo, est bien connu des réseaux sociaux congolais pour animer une page Facebook à la gloire de Denis Sassou-Nguesso. «Et c’est sur cette même page Facebook que j’ai été plusieurs fois personnellement menacé», accuse Roland Nitou, qui montre des captures d’écran sur lesquelles des individus au regard peu charitable évoquent les noms de ses parents restés au pays, voire l’apostrophent directement d’un «on te retrouvera».

Champagne

Pour Roland Nitou, l’attaque du 29 mai est autant le résultat de ces menaces virtuelles que d’un timing précis puisqu’il se rendait, ce jour-là, à une manifestation pour protester contre la présence de Sassou-Nguesso à Paris.  Lire l’intégralité de l’article sur Libération.fr

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3 réponses à Face aux despotes, des diasporas jouent les «africtivistes»

  1. Maclintoch dit :

    Merci pour cet article bien rédigé et des infos aussi exhaustives. Ces pays souffrent de la maladie des ressources naturelles. La France est grandement responsable de toutes les malheurs de ces populations. La colonisation est toujours légion, juste le système que les gars avaient changé, en partant du terrorisme à la truanderie la plus absolue. L’agression de Roland Nitou est la preuve que la France est un territoire de ces grands complices de ces dictateurs. Tenant bon les gars, la victoire est au bout de l effort persévérant.

  2. Val de Nantes , dit :

    C’est le combat numérique qui va l’emporter sur Sassou .L’impact des images réseautales sur le subconscient des congolais est tel que ,nul besoin de chercher ailleurs pour se convaincre du pillage en coupe réglée de l’économie congolaise..
    Le règne de la démesure ,du mensonge absolu , de la tyrannie ,afin d’esclavagiser tout un peuple ,appelé à se voir imposer une imposture dynastique de la pire espèce ….
    On feint de diriger un pays ,alors qu’au fond ,il s’agit de s’enrichir ,et laisser sa progéniture ,à l’abri des besoins financiers ..
    Le règne de la honte officialisée où les voleurs sont devenus des idoles ,au loin de servir de référence aux compatriotes tirant le diable par la queue..

  3. Val de Nantes , dit :

    Lire ..au point de servir

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