POURQUOI… ? LETTRE INAUGURALE AUX CONGOLAIS . Par Félix Bankounda-mpélé

congoVenons-en au débat constitutionnel au Congo

L’on se doutait depuis longtemps des intentions du pouvoir de Brazzaville, surtout depuis que le général Sassou avait clairement dit que « Le véritable exercice démocratique exclut la limitation des mandats présidentiels…Le peuple est en droit de conserver un dirigeant au pouvoir aussi longtemps qu’il juge bon et utile pour le pays » (Jeune Afrique, n°2463, du 23 au 29 mars 2008). L’on connaît également quels sont les comportements et la tradition des dictateurs africains à ce sujet : le pouvoir à vie. Mais on savait aussi que la mode en Afrique, depuis quelques expériences déjà, c’est de gommer le verrou constitutionnel de la limitation des mandats.

Ainsi, l’été 2010 déjà, le pouvoir avait amorcé cette démarche de modification en suscitant, conformément à son habitude rôdée depuis le monopartisme, le sujet auprès des fameux ‘sages’ et transfuges du pouvoir dans les collectivités territoriales, et auprès d’une certaine élite à la solde du pouvoir. Ce sont les événements du ‘printemps arabe’, débutés à la fin de cette année 2010, qui pousseront le pouvoir de Brazzaville à différer la démarche. L’approche de la fin officielle du mandat contraint néanmoins aujourd’hui le pouvoir et ses relais à forcer le coup.

La question a pris un regain nouveau depuis le débat organisé par RFI sur place à Brazzaville, le week-end du 24 au 26 mai. C’est donc, essentiellement, aux arguments, si tels doit-on les appeler, avancés à cette occasion, que nous consacrerons notre analyse.

D’emblée, et de façon tout à fait sincère, chers compatriotes, je vous avouerai qu’en un peu plus de trente ans de droit, jamais je n’avais entendu ou lu pareilles inepties : des universitaires qui, régulièrement, s’exhibent en guignols d’un régime putschiste, kleptomane et criminel, uniquement pour assouvir leurs petits besoins et complexes. Des enseignants de droit public en exercice qui, au nom non pas de leurs engagements politiques que l’on peut essayer de comprendre, mais de la science du droit, flinguent celle-ci en direct dans les médias, en incitant de façon décomplexée au putsch constitutionnel ! Car, c’est bien de cela qu’il s’agit clairement, la notion de ‘changement de constitution’ invoqué par le doyen Moudoudou n’étant pas inscrit dans le corpus constitutionnel congolais ! C’est honteux, indigne et dégoutant ! Sur toute la ligne, le ‘débat africain’ de RFI sur la question constitutionnelle au Congo n’aura démontré que l’enracinement des antivaleurs au Congo, le délitement de l’élite, et le degré de décrépitude de notre société.

Même quand il arrive que dans la doctrine juridique on invoque le changement, c’est toujours sous l’angle de la révision constitutionnelle qui est le mode normal et universel de changement, à l’exception de l’hypothèse des révolutions ou de ce qui s’y assimile. Cela se comprend logiquement car une constitution ne peut pas organiser à l’avance sa propre mort et que, par ailleurs, toute la philosophie des constitutions, depuis l’origine au 18ème siècle , c’est de lier les dirigeants en les empêchant de se défaire aisément du texte constitutionnel et sauvegarder ainsi les libertés publiques. Voilà qu’au Congo des enseignants de droit théorisent le contraire, le passe-passe constitutionnel.

Comment comprendre donc que la révision constitutionnelle, mode normal et universel d’adaptation d’une constitution aux évolutions, là où elle est prévue et n’est pas explicitement interdite, appelée ‘amendement’ aux USA où ces amendements jouent un grand rôle qui justifie la longévité de la Constitution américaine dont la nature démocratique ne peut être contestée, soit considérée par le débatteur comme une anomalie qui le pousse à opter pour ‘le changement constitutionnel’, c’est-à-dire le putsch constitutionnel

L’histoire constitutionnelle française, dans le genre, rappelle souvent les turpitudes d’un certain professeur de droit public, Joseph Barthélémy, ministre de la justice sous Vichy, qui s’illustrait souvent par ses turpitudes, mais pas de l’envergure ce que l’on a suivi, en direct, au Congo. Rien de pertinent, sur toute la ligne.

Si la Constitution d’aujourd’hui n’est pas respectée, comme celle d’hier, on ne voit pas comment il en sera autrement de celle de demain. De même qu’on ne voit pas comment le prétendu ‘constitutionnalisme africain’, en la matière, pourrait servir d’antidote !

On l’aura compris, le ‘changement de constitution’ est un leurre et, regrettablement, une constante de l’histoire constitutionnelle congolaise. Nous le constations et l’écrivions il ya quatorze ans dans l’analyse du projet constitutionnel congolais : « ‘L’idée de constitution’, corollaire de l’Etat de droit, on le reconnaîtra, n’emballe pas, et n’habite pas une large partie de la classe politique congolaise. Partant, l’histoire politique et constitutionnelle congolaise, depuis l’indépendance, apparaît comme l’aveu d’une Constitution indésirable qu’introuvable » (« Une Constitution mort-née : la Constitution congolaise du 20 janvier 2002 », Politéia, 2003, n°3). La nouveauté aujourd’hui, c’est que des enseignants de droit le théorisent et le justifient, mais alors très grossièrement. Plus vraisemblablement, c’est un nouveau créneau que vient de trouver l’élite locale pour l’enrichissement facile et diverses autres promotions. De ce point de vue, il n’étonnera personne que, d’ici là, ladite élite et d’autres ‘experts’ continentaux et internationaux, s’y engouffrent et se mettent en compétition, pour se disputer le gâteau. Tellement les enjeux sont juteux.

Evidemment que le pouvoir en place le sait, et l’a fort probablement inspiré. Et l’on se doute donc qu’il n’attendait que cela. C’est le propre de tout pouvoir corrompu et immoral et, en la matière, le pouvoir congolais ne manque pas de savoir-faire, comme il l’a déjà démontré dans le feuilleton des ‘biens mal acquis’ (cf. « Biens mal acquis… cité », en ligne) et celui des ‘disparus du beach’ (cf. notre réflexion, « Le nouvel épisode Dabira : le paroxysme du solipsisme juridique et politique », en ligne, mediapart.fr).

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2 réponses à POURQUOI… ? LETTRE INAUGURALE AUX CONGOLAIS . Par Félix Bankounda-mpélé

  1. Kimpéné Ya CONGO dit :

    Il appartient aux Congolais de Faire pression à la grande Rencontre que les Présidents Africains auront aux USA en août 2014 prochain. Nous devons peser plus que ça en dehors des Conclaves que Nous allons faire ici et là pour infléchir les velléités du Roi Sassou qui veut continuer à détruire le CONGO..
    Son fils est déjà sur place aux USA pour faire le lobbying en faveur de son Bourreau de Père afin que les amis Américains( pétroliers) fassent le Boulot de courtisans auprès de la Maison Blanches. Je souhaiterai que Nous envoyons une foule d’é-mails à la maison Blanche pour que Notre voix soit entendue lors de cette Réunion.
    Sassou est très décidé Mourir au pouvoir pour éviter d’aller à la CPI. Nous ne l’enverrons jamais là-bas du moment où Nous ne lui reprochons rien. Toutefois, Nous devons faire tout notre possible pour que ce Référendum n’est pas lieu en vue de la Révision de la Constitution soit refusée au Congo car ils ne sont pas des Moindres. On commence à les entendre et nous pouvons leur faire Confiance.
    Quant à Sassou il ne nous laissera pas trop de Choix puisqu’il Jure Tout sur la Vie des congolais. Cette fois il n’y aura de guerre mais alors à Quoi s’attendre ??
    Ne baissons pas la Pression, merci!

  2. le fils du pays dit :

    A Mr Kimpene ya Congo,un petit rappel:Mr Souassou Ngbeso alias Mr Sassou Nguesso est un produit made by France.Qui dit France dit les Usa.Mr Souassou n’est que l’arbre qui cache la foret.Conjugons nos efforts pour le déloger avec les canons.Le professeur Dr John Hendrik Clarke déclarait que l’oppresseur ne donne jamais a l’opprime de façon consciente et delibree les instruments pour sa liberation.N’est pas la France qui opprime les Congolais en se cachant derriere Mr Souassou,ne perdons pas la lucidité.Mr Souassou doit être déloge par la méthode Jerry Rawlings ne reste n’est que des discours stériles.

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