POURQUOI L’ANATHEME SUR LA FRANC-MACONNERIE ?

Par Christian KIADINGOU.

Depuis quelque temps la Franc-Maçonnerie est calomniée et caricaturée au Congo. En réponse à tout cela, je voudrais rappeler aux uns et aux autres, à travers cet article, que la Franc-Maçonnerie qui n’est pas une secte religieuse, est une association philanthropique, philosophique et progressive et qu’elle œuvre pour le Bien-Etre Social, Intellectuel et Matériel de l’Humanité. Les conceptions métaphysiques relèvent de la considération individuelle de chacun des membres. Et cela n’influence aucunement la Franc-Maçonnerie, si cela peut exister dans les esprits de certains. J’affirme haut et fort que la Franc-Maçonnerie n’est pas une secte. Car « une secte retient ses adeptes et c’est très difficile d’en sortir ».

Comme l’a souligné lors de son dernier séjour à Brazzaville, Georges Sérignac, Grand Maitre du Grand Orient de France, « la Franc-Maçonnerie est d’abord un ordre initiatique, mais aussi un lieu de sociabilité, un laboratoire d’idée, un club des hommes et des femmes engagés pour la bonne cause…Il faut dissocier l’appartenance individuelle de ce qu’est la Franc-Maçonnerie. Souvent, les Francs-Maçons pris individuellement ne sont plus représentatifs de l’idée maçonnique, quand ils exercent un pouvoir. La logique maçonnique, c’est un rayonnement dans la société par un travail collectif. Au Grand Orient de France, on n’a pas une idéologie politique. L’idée, c’est d’occuper notre place dans une perspective historique. Nous sommes une sorte de point d’ancrage républicain, de sentinelle. L’idée, c’est la défense des principes républicains. Lorsque nous sentons que quelque chose semble menacer la République, nous réagissons. La décision est prise collectivement… »

La Franc-Maçonnerie ne fait ni ne pratique de sacrifices humains dont font état des personnes ignorantes malsaines et incultes friandes d’amalgames, sans aucun discernement ni dissociation, et ne connaissant ni l’Alpha ni l’Oméga de la Franc-Maçonnerie. Les Francs-Maçons ne sont donc ni des sorciers ni des satanistes. Ils sont plutôt des personnes qui, sur leur honneur et leur conscience, la main sur la Bible ou sur les Constitutions du Révérend Pasteur Anderson, « promettent de consacrer tous leurs efforts, autant qu’il sera en leur pouvoir, à l’acquisition de la Connaissance qui mène à la Sagesse, animée par la Science, éclairée par la Conscience.

-de refuser toute dictature, quelle qu’elle soit, et de s’y opposer.

-de résister à tout asservissement de la personne, de la pensée, de l’esprit.

-de répudier toute volonté de puissance, cause de guerre, de conquête, de domination, qui trouble la paix et prive les peuples de la liberté de disposer d’eux-mêmes.

-de contribuer à la réparation des maux issus de tous les excès de pouvoir.

-de régler leurs actes selon l’Amour de la Vérité et l’Amour de l’Humanité. » 

D’autre part, je confirme avec notre compatriote Prométhée que « la loge, par essence, n’est pas la magie, au sens vulgaire ; les maisons comme on dit ici, ne sont pas toutes magiques. La loge, par essence, ne prône pas l’homosexualité, la pédophilie et autres vices. Elle ne fait pas de sacrifices humains. Bien au contraire, elle propose de « creuser des cachots aux vices et élever des temples à la vertu. » Elle a apporté des contributions significatives à l’évolution du sort humain ; c’est indéniable. On devrait sortir de tous les fantasmes à propos des fraternités initiatiques. Bien sûr, il y a des brebis galeuses dans toutes les formes civiles d’organisation. Mais, ce n’est pas une raison pour jeter l’anathème sur les formes de spiritualité et, surtout, dont on ignore le substrat, alors qu’il y a une documentation abondante sur la question, et que même les thèses de doctorat sont soutenues en la matière. »

Quant aux Francs-Maçons congolais, à l’instar de leurs sœurs et frères Francs-Maçons, fidèles à leur promesse, ils sont aussi animés par leur idéal de ‘’réunir ce qui est épars pour écarter tout ce qui peut diviser’’. C’est pourquoi, ils ont toujours essayé d’apporter leur pierre à la construction de la République.

Par exemple, en 1990, quand le Président Sassou-Nguesso déclara lors de la tenue de la deuxième session ordinaire du Comité Central du P.C.T. : ‘’…cette fin de siècle s’annonce comme un temps de rupture, une période où les bonds et les sursauts de l’histoire ouvrent les portes de l’espérance et du renouveau pour tous les hommes de tous les horizons’’, les Francs-Maçons congolais profitèrent de cette brise d’ère démocratique qui soufflait depuis quelques mois dans notre pays, pour apporter leur modeste contribution au débat en cours. C’est la première fois dans l’histoire du Congo que les Francs-Maçons se prononçaient. Ce fut un acte extrêmement important et courageux dans la mesure où la Franc-Maçonnerie, sans être un parti politique, est bien, non une secte mais une organisation philosophique discrète dont les membres ne peuvent s’exclure des débats qui s’engagent dans la cité. Car parler ou faire de la politique, c’est parler de la vie de la cité, cette communauté politique souveraine et indépendante, dans l’Antiquité, dont personne n’est en situation ni en droit de se retrancher. C’est pourquoi, en tant qu’hommes du dialogue, de l’écoute mutuelle, du débat d’idées, du silence réflexif, de l’humanisme et de tolérance, les Francs-Maçons congolais envoyèrent le 10 août 1990, au Président Sassou-Nguesso, une lettre dans laquelle ils exprimèrent leurs désidératas dont :

  • La liberté de constituer des partis politiques ;
  • La tenue d’une Conférence nationale où toutes les forces vives de la nation seraient représentées conformément à leurs sensibilités et non selon des critères imposés par le P.C.T. ;
  • L’élaboration d’une constitution garantissant le pluralisme politique, syndical, l’alternance politique, le droit d’association, la liberté d’expression, la laïcité de l’État, la liberté absolue de conscience, la neutralité politique de l’armée, la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, l’élection du Président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelables une fois ;
  • La moralisation et la transparence de la vie politique, art moral de gouverner sagement et de gérer sainement les affaires de la cité ;
  • La formation d’un gouvernement de transition dont le premier Ministre serait Chef du gouvernement et responsable ;
  •  L’amnistie générale et la libération de tous les détenus politiques ainsi que la réhabilitation de toutes les victimes de l’intolérance, de l’arbitraire ou du fait du prince.

C’est encore les Francs-Maçons congolais qui prirent l’initiative de demander au Président Omar Bongo, leur frère, de faire asseoir autour de la même table, les protagonistes de malheureux événements de 1993. C’est aussi aux Francs-Maçons français et congolais que l’on doit, dans les années 1980, la réhabilitation du bloc opératoire du centre hospitalier de Makélékélé, l’arrondissement N° 2 de Brazzaville. C’est enfin toujours aux Francs-Maçons congolais et à d’autres personnes que l’on doit la réussite de la Transition de 1991-1992, du référendum de la Constitution de Mars 1992 et des élections présidentielles d’Août 1992. Personne, évidemment, ne veut parler de ces actions positives qui dérangent les menteurs, les calomniateurs et surtout les politiciens véreux, aigris et hantés par les démons de la haine, du mensonge, de la division et de la violence, toujours prêts à jeter l’anathème sur les Francs-Maçons.

Comme l’on peut le constater, les Francs-Maçons congolais ne sont jamais restés les bras croisés devant toutes les situations politico-sociales du Congo. Ainsi en 2013, à l’occasion du 30ème anniversaire de l’anniversaire de la première obédience congolaise, les Grands Orient et Loges Associés du Congo, ils s’exprimèrent comme suit : ‘’ …1983-2013. Voilà trente années que nos colonnes se sont garnies d’hommes et de femmes qui se reconnaissent comme de bons et loyaux francs-maçons. Or, depuis l’accession des francs-maçons congolais dans les strates des cellules étatiques et républicaines, la franc-maçonnerie s’est retrouvée en face des situations de crises particulièrement périlleuses. Tous ceux qui ont vécu la période allant de 1993 aux années 1997-1998 ont ressenti douloureusement de pénibles ruptures sur le plan national. De cette situation paradoxale est née l’idée de cette lettre collective qui stigmatise les préoccupations de plus en plus matérialistes de la société profane dans laquelle nous nous sentons isolés. Une société qui se veut universelle et spirituelle est obligée, pour assurer sa pérennité, d’imposer à ses membres des méthodes de travail et une vision qui tiennent compte des possibilités humaines en même temps que des outils utilisables.  En ce début de 2013, nous vivons encore dans un pays qui n’est pas politiquement équilibré, qui est incapable d’assurer la sécurité des biens et des personnes, la démocratie, la prospérité, le partage équitable de la richesse nationale, avec es institutions faibles, et avec la puissance hégémonique de l’argent. La nation tout entière s’est dérobée sous la pression de l’argent mal acquis. Nous admettons que l’argent est un bon serviteur, mais nous restons convaincus que c’est un mauvais maître. Chacun peut voir que la rupture avec la démocratie, fait beaucoup plus de mal que de bien. Il n’en sort qu’un Congo encore plus affaibli dont la majorité des citoyens croulent sous le poids de l’indignité aggravée par le ‘’pic’’ de la mal gouvernance : Pauvreté, Ignorance, Corruption… Des éléments majeurs, suffisamment révélateurs nous frappent : la formation des jeunes vit une crise de désespoir ; la défaillance du système éducatif est ressentie comme une absence de solidarité nationale ; la socialisation est au plus bas de sa courbe ; le contraste entre l’hyper enrichissement aggravé par l’hyper individualisme de la classe politique et l’extrême vulnérabilité des populations, le chômage endémique des jeunes finit par plomber le développement du pays. L’opposition y subit l’épreuve de l’inconvenance, entraînant un dysfonctionnement grave de son rôle d’animateur de la démocratie constitutionnelle. Le lien social et patriotique est rompu. Sait-on que les masses populaires soient à la fois dans la passivité et l’action, dans la modération et la radicalité ? ’’

 67 ans après la naissance de la République du Congo, notre très cher et beau pays, qu’en est-il de notre situation ? Celle-ci se serait-elle améliorée depuis 2013 ?  Je ne pense pas. Il semble donc que le temps pour les Francs-Maçons congolais est venu de s’interroger, en toute honnêteté, en toute objectivité et en parfaite fraternité sur la possible évolution sur les moyens d’acceptation des formes nouvelles de la haute politique et d’éviter d’être des complices, ni en pensées, ni en actes de la situation dégradante dans laquelle s’enlise notre pays.

 Il convient maintenant de prendre conscience que la prospérité du plus grand nombre est le gage d’une République solidaire et apaisée. Car promouvoir la République, c’est aussi s’opposer à la marginalisation, à l’exclusion ; c’est mettre au premier plan, le respect de la dignité de l’homme et bannir les imprudences de ceux qui prétendent savoir ; c’est enfin veiller à l’avenir de tous les citoyens. Il est impensable qu’un Franc-Maçon accepte ou soutienne une société dans laquelle chacun n’arrive pas à créer son propre devenir avec des valeurs communes et indispensables. 

La Franc-Maçonnerie congolaise qui, dans sa diversité s’est impliquée dans la recherche des solutions pacifiques en 1993, 1997 et 1998, doit tout mettre en œuvre par le dialogue pour faire naître un nouveau climat politique dans lequel tous les congolais, du Nord au Sud, de l’Est à l’ouest, pourraient proposer un Congo plus équilibré et plus juste, un Congo plus solidaire et plus fraternel. Il conviendrait que les Francs-Maçons se focalisent sur une vision : la cause de la République n’a pas besoin d’être dramatisée pour être défendue.  La République a besoin, plus qu’à jamais, de femmes et d’hommes convaincus qui puissent, au-delà des discours, dire de quelle histoire la République est porteuse. Les Francs-Maçons n’ignorent pas qu’aucun régime, soit-il populaire, ne peut assurer seul l’Alpha et l’Omega de la philosophie politique. C’est pourquoi ils sont placés d’ores et déjà devant une grande tâche qui n’est rien d’autre que le DEVOIR de se surpasser. Car pour les Francs-Maçons, ‘’le devoir est aussi inéluctable que la fatalité, aussi exigeant que la nécessité, aussi impératif que la destinée.’’ Si elle sait surmonter ses différences internes, la Franc-Maçonnerie congolaise deviendra alors le lieu d’où partiront les légionnaires de la paix véritable, durable et viable, et d’où partiront les combattants de la liberté, de la prospérité et de l’unité nationale, tout en promouvant les valeurs républicaines et tout en amenant les autorités à ne pas tenir aux avantages acquis mais à écouter et à avoir le discernement. Inutile de leur rappeler qu’en politique, quand on n’écoute pas, ça coûte le pouvoir. Attention, comme l’a dit Daniel Balavoine, ‘’le désespoir est mobilisateur et lorsqu’il devient mobilisateur, il est dangereux.’’

En 67 ans de l’existence de notre cher et beau pays, il incombe donc à tous les acteurs politiques, tant au pouvoir qu’à l’opposition de donner la priorité au Congo, de chercher avec courage et détermination, une solution à travers le dialogue et les négociations sincères. C’est un grand défi auquel pour citer Barack Obama ‘’en réponse notre génération sera jugée par l’histoire, car si nous ne parvenons pas à y faire face ensemble rapidement et avec audace, nous risquons de condamner les générations futures à une catastrophe irréversible.’’ Quel Franc-Maçon congolais, digne de ce nom, défenseur des veuves et des orphelins, adepte de l’Amour, de la Paix, du Respect de la vie, de l’Etre humain et de la Dignité humaine, de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité, ou tout Congolais donnant la priorité au Congo et à son peuple, obvierait à un tel message ?

Christian KIADINGOU

Diffusé le 19 novembre 2025, par www.congo-liberty.org

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Une réponse à POURQUOI L’ANATHEME SUR LA FRANC-MACONNERIE ?

  1. Samba dia Moupata dit :

    Cher frère Christian kiadingou, je viens longuement d’échanger avec un jeune frère franc-maçon depuis 27 ans à la rue Cadet sur Paris, qui a réagi sur votre article, d’abord au Congo , on peut pas parler des brebis galeuses dans la maçonnerie, mais des troupeaux galeux des faux francs-maçons alimentaires qui accompagnent Sassou Denis , l’éternel faux grand maître .Ce dernier ne laisse de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès à tous congolais. D’ailleurs mon jeune frère avait moins apprécié la visite de l’ancien grand maître Georges Serignac , il lui avait fait s’avoir de vive voix, l’or d’une tenue blanche à laquelle il m’avait convié à la cadet . C’est ainsi qu’il avait envoyé des courriels à la rue Puteaux, comme à la rue Christine de prisant qui abrite le siège de la GLNF de renoncer aux visites à Brazzaville. Aussi mon jeune frère qui adresse ses pensées à tous ces victimes de la barbarie de Sassou Denis et ses sincères condoléances fraternelles .

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