Congo-liberty.com a accordé une interview à M. Dieudonné Antoine GANGA, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ambassadeur aux USA, et auprès de l’Union Africaine. En ces temps de fanatisme aveugle, d’amateurisme et de la consécration de la médiocrité tous azimuts au Congo-Brazzaville, la parole du sage arrive comme une thérapie et un cordon sanitaire pour les plus vulnérables, mieux, une oasis dans le désert pour tous !
Les réponses de M. Dieudonné Antoine GANGA sont de haute portée, ainsi, congo-liberty diffusera cette interview en trois (3) parties, dont la première diffusion concerne le volet économique et social .
Congo-Liberty.com : Résidant à Washington aux USA et actuellement à la retraite, vous séjournez régulièrement dans votre pays le Congo-Brazzaville. Quelle description faites-vous de la situation socio-économique des Congolais ?
Dieudonné Antoine GANGA ( DIAG) : La société congolaise est malade ; elle ne va pas bien. Notre pays est devenu malheureusement un pays où se développe le désir effréné de posséder et de transformer les biens matériels en idoles. Il traverse en ce moment une zone de turbulence, des jours et des nuits d’angoisse au cours desquels beaucoup de nos compatriotes craignent de voir s’écrouler l’édifice construit depuis 60 ans. Ne nous voilons pas la face ; cessons de pratiquer la politique de l’autruche. La vie est devenue une poubelle, une vie au lendemain incertain. La pauvreté est galopante. Une large majorité des Congolais vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Les Congolais se nourrissent très mal. De trois repas par jour, ils sont passés à un repas quotidien qu’ils ont pour la plupart de la peine à avoir. Je nous invite donc à méditer sur ce qu’a écrit, il y a quelques années, Jean Ziegler : « Aucun homme n’est une île. Tout homme ne se construit que par le regard, la tendresse d’autrui. La vie ne naît que de la complémentarité, de la réciprocité. Pour chaque martyr, il existe un assassin. Je ne peux être libre, ni manger en paix si, au même moment, à quelques centaines de mètres ou de kilomètres de moi, un enfant sous-alimenté entre en agonie ou meurt de faim. »
«
Le Centre Hospitalier de Brazzaville est devenu le Centre Homicide
Universitaire »
Quant à
la santé et à l’éducation, elles laissent à désirer. Tout
d’abord, le C H U
censé être un Centre
Hospitalier Universitaire
est devenu comme le disent certaines mauvaises langues, un ‘’Centre
Homicide Universitaire
’’où le service d’urgence est un capharnaüm, où les malades
souvent négligés dorment dans des lits avec des matelas crasseux,
non désinfectés et sans draps, mais taxés à 5 000 F CFA par jour
; où chaque jour on leur prescrit un tas d’ordonnances avec des
médicaments que les moins nantis ne peuvent se procurer à cause de
leur cherté. Combien y sont morts pour n’avoir pas eu les 3 000
francs CFA par exemple et avec lesquels ils ne pouvaient se procurer
les médicaments nécessaires ? Décidément le C H U n’est
plus un hôpital de valeur. Car comme le disait Michel Aurillac
« l’hôpital
n’est un hôpital de valeur que si la clientèle aisée ne le fuit
pas. » Entre
nous, connaissez-vous de la clientèle aisée qui y aille ?
« L’école est au
Congo-Brazzaville le creuset de la médiocrité et des antivaleurs »
En ce
qui concerne le système scolaire, il ne se porte pas bien non plus.
Les écoles ne sont plus des lieux ou des cachots d’enfouissement
(où l’on enfouit) des vices et de l’ignorance. Elles ne
promeuvent plus l’éducation, la morale, le civisme et les valeurs,
mais sont aujourd’hui de véritables temples ou des creusets de la
médiocrité et des antivaleurs.
L’eau
et l’électricité ne sont pas suffisamment distribuées. Quand
elles le sont parfois, ce sont des délestages permanents par ci et
des coupures par là. D’aucuns sont obligés d’avoir des groupes
électrogènes et d’autres des bâches à eau. Ce qui n’est pas à
la portée du simple citoyen qui n’a pas de moyens pour se les
offrir. D’autres
encore vont puiser avec des bidons, de l’eau de qualité douteuse
aux sources.
Les
salaires des fonctionnaires et les pensions des retraités sont payés
irrégulièrement. N’oubliez pas que le salaire de tout individu
fait vivre au moins 10 membres de sa famille. Des chefs de famille,
pour assumer leurs responsabilités de ‘’paterfamilias’’ sont
obligés de s’endetter auprès des usuriers sans foi ni loi,
prêtant leur argent avec des taux exorbitants.
Congo-liberty.com : Faire valoir ses droits à la retraite est un véritable parcours du combattant qui prend plusieurs années. En tant qu’ancien ministre des Affaires Étrangères et Ambassadeur émérite, avez-vous connu la même galère ?
DIAG :
Faire valoir ses
droits à la retraite est plus qu’un véritable parcours du
combattant qui prenne plusieurs années. C’est un calvaire comme je
l’avais écrit, il y a un an, dans le Journal La Semaine Africaine
qui de son côté a affirmé tout récemment que « les
retraités vivaient un chemin de croix et qu’ils connaissaient
actuellement 14 à 15 mois de retard de leurs pensions, que plus de 6
000 retraités attendaient d’être pris en compte par la Caisse de
Retraite des Fonctionnaires, alors qu’ils détenaient leurs arrêtés
de concession depuis 5 ans pour les uns, 4, 3, 2 ou 1 an pour les
autres. »
« Dieudonné
Antoine GANGA galère comme tous les retraités pour faire valoir ses
droits »
Oui
j’ai connu et je continue, comme beaucoup d’entre nous, à
connaitre la même galère. Nos arrêtés de concession n’ont pas
encore été signés ; ça fait plus de 5 ans que nous les
attendons. Mais
jusques à quand ? C’est pour vous dire que tous les retraités
sont logés à la même enseigne. Je vous comprends. Mais pourquoi
devrait-il y avoir une exception pour les anciens ministres ?
La qualité d’ancien ministre ou d’ancien ambassadeur ne doit pas
à mon humble avis nous réserver un traitement spécial. Les
ministres et les ambassadeurs n’ont pas, à ce que je sache, du
sang bleu dans les veines. Ils sont tous des citoyens congolais
quelles que soient les fonctions qu’ils aient occupées au niveau
de l’état. Le ministre, l’ambassadeur, l’intellectuel, le
cadre avec leurs connaissances, ne sont pas supérieurs aux autres
concitoyens. Les titres, nous devons les laisser de côté. Nous
devons considérer nos compatriotes comme des êtres humains dans
leur nature profonde et non par rapport à la situation ou au rang
qu’ils occupent ou qu’ils ont occupés dans la vie. Qu’un
compatriote soit ouvrier, intellectuel, ministre, ambassadeur ou
cadre, il reste un Homme et mérite respect ; et nul être
humain imbu de sa dignité ne peut prévaloir être supérieur à
l’autre. Je demanderais donc à l’État plutôt aux agents qui
traitent nos dossiers de retraite de mettre tout en œuvre pour les
traiter et les finaliser avec diligence, avec humanisme et avec moins
d’arrogance, comme ici aux USA, mon pays d’adoption, où ils sont
traités et finalisés en une heure au maximum. Qu’ils
n’oublient pas qu’hier nous avons été ce qu’ils sont eux
aujourd’hui et que demain ils seront ce que nous sommes
aujourd’hui. Car la roue de l’histoire tourne en permanence.
Oui, au Congo, faire valoir ses droits à la retraite est et reste malheureusement un véritable parcours du combattant. Au cas où vous ne le sauriez pas, beaucoup de nos compatriotes retraités vont ad patres sans avoir perçu leur pension de retraite. Et cela n’émeut personne. Au contraire, quand ces anciens ministres ou ces anciens ambassadeurs et cadres qui ont été ignorés voire négligés de leur vivant, décèdent, o divine comédie humaine, on leur réserve des obsèques nationales ponctuées d’oraisons funèbres à la Bossuet. Enfin, j’ai l’impression que l’on a tendance à négliger de plus en plus dans notre pays, le côté humain. C’est triste que l’on ne respecte plus l ‘être humain. Pourtant l’on doit respecter l’être humain. Le respect de l’être humain, c’est ce qu’il y a de plus important. Surtout que chaque homme porte en lui, un précieux dépôt : l’humanité. À lui d’en être digne et de le faire fructifier par son audace, par sa confiance, par sa loyauté.
DIEUDONNÉ ANTOINE GANGA APPELLE A LA DISSOLUTION DE TOUTES LES INSTITUTIONS DE LA RÉPUBLIQUE, ET A L’OUVERTURE D’UNE TRANSITION POLITIQUE AU CONGO-B (2e partie de l’interview)
REMERCIEMENT :Toute l’équipe de congo-liberty remercie sincèrement le doyen et sage Dieudonné Antoine GANGA ,pour nous avoir fait une fois l’honneur en nous accordant l’exclusivité de son analyse sur le Congo-Brazzaville
Diffusé
le 18 mai 2019, par www.congo-liberty.org