LES “SAGES” DU KOUILOU SOUS L’EMPRISE DU SYNDROME DE STOCKOLM ! Par René Mavoungou Pambou

SASSOU HUMILIANT LES PSEUDOS SAGES DU KOUILOU

Le régime du Congo-Brazzaville vient d’orchestrer une campagne d’instrumentalisation d’une certaine catégorie d’individus pompeusement appelés “sages” qui doivent adouber sinon requinquer Sassou Nguesso dans son impopulaire projet de changement ou de révision de sa propre constitution du 20 janvier 2002. C’est ainsi qu’un ramassis de corrompus notoires de la région Kouilou, à la solde du tyran, se sont arrogés le droit de parler en lieu et place du plus grand nombre. On ne peut qu’être scandalisé de voir des énergumènes à l’esprit léger, non mandatés par le souverain primaire, engager la responsabilité de tous pour cautionner le tripatouillage de la loi fondamentale, un acte quasi anticonstitutionnel qui prélude à un coup d’Etat constitutionnel en perspective. En bon tyran doublé d’un oppresseur, Sassou Nguesso a toujours usé des méthodes abjectes, perverses et moralement répréhensibles pour parvenir à ses fins. C’est pourquoi il abuse de la misère humaine ainsi que de la naïveté et de l’ignorance des pauvres gens; qu’il a d’abord affamé et pour enfin les appâter aux moyens des nguiri. Bien évidemment, tout le monde n’a pas la force de caractère encore moins la force morale de résister à cette machiavélique épreuve. Mais ceci ne saurait être une excuse pour tous ceux qui sont tombés dans le panneau!

On peut cependant déplorer cet achat des consciences qui participe d’une corruption à grande échelle, pratique foncièrement amorale et antidémocratique, donc une infraction sanctionnée par le code pénal sous d’autres cieux, mais dans cette république bananière qu’est devenu le Congo-Brazzaville, le fléau s’est banalisé à souhait, et depuis, il est devenu un sport national. Cette corruption galopante, véritable cancer inoculé dans le corps social et qui le ronge implacablement, est au cœur des antivaleurs dont pourtant on parle tant, mais hélas jamais combattus; et pour cause. D’ordinaire, dans le cadre de la loi concernant la répression du délit de corruption, la main qui donne et celle qui reçoit sont logées à la même enseigne, tant il s’agit respectivement de corruption active et passive. On peut ainsi affirmer sans coup férir que la déliquescence morale et éthique ainsi que la dépravation des mœurs politiques sont initiées depuis le plus haut sommet de l’Etat. Et ceci a une incidence certaine sur le dysfonctionnement généralisé de la société. Comme qui dirait le poisson pourrit par la tête. Sassou Nguesso dans sa soif immodérée de puissance ou de domination et surtout du pouvoir pour le pouvoir aura littéralement précipité notre pays dans un chaos moral sans précédent. C’est ainsi que les mœurs sociales et politiques sont allègrement et sans cesse dévoyées. A cela il faut également ajouter le fait que les valeurs républicaines sont bafouées sinon sabordées sans ménagement par une fripouille félonne qu’est le clan mafieux au pouvoir.

En fait, Sassou Nguesso n’a pas besoin d’offrir aux congolais ce ridicule spectacle sur fond d’une spécieuse mise en scène. Au fond, nous savons qu’il organisera sa mascarade de référendum et qu’il obtiendra inévitablement le oui, comme d’habitude, au moyen d’une fraude éhontée. Et la suite logique sera d’imposer une constitution qui lui permettra de mourir au pouvoir. Ainsi pourra-t-il échapper à la justice pour tous les crimes économiques et de sang dont il s’est rendu coupable. Mais qu’il sache bien que cette fois-ci il trouvera le souverain primaire sur son chemin. Il ne nous a pas échappé que Sassou Nguesso a eu le temps et les moyens financiers nécessaires qui lui auraient permis de contribuer au bien-être du peuple, mais hélas, il n’a jamais eu la volonté politique de le faire. Etant allergique aux notions de justice sociale et d’équité, il a plutôt préféré imposer à la majorité des citoyens une pauvreté ainsi qu’une misère structurelle et endémique. On voit donc mal comment un peuple brimé, maltraité, opprimé à ce point pourra lui accorder un blanc-seing dans la réalisation de son désir irrationnel sinon de son rêve absurde de devenir président à vie. A coup sûr, cette énième tentative de passage en force se fracassera sur le rocher de la farouche détermination du souverain primaire à faire échouer l’imposture.

En tant que natif du Kouilou, je ne me reconnais nullement dans cette vile et scandaleuse attitude des prétendus « sages » qui se permettent de baisser allègrement le froc devant un épouvantable tyran doublé d’un kleptomane viscéral, qui pille la rente pétrolière sans état d’âme et sans la moindre volonté de développer la région d’où ce pétrole est exploité. Bien au contraire la ville de Pointe-Noire, abandonnée à son triste sort, est transformée en un dépotoir à ciel ouvert, avec les conséquences que cela implique. Sassou Nguesso, infatué de sa personne, n’a de cesse de narguer, humilier et mépriser le peuple. Son arrogance est telle qu’il traite le souverain primaire avec condescendance. Comment alors comprendre que ces “sages” puissent inlassablement avaler des couleuvres sans broncher? Ces “sages” seraient-ils incultes, aveugles et autistes au point de ne pas voir la flagrante spoliation d’immenses richesses produites par le Kouilou qui ne profitent qu’à Oyo, un petit village naguère, mais ayant connu un fulgurant développement? Comment alors comprendre que ces “sages,” faisant partie du peuple de Loango qu’on est en train de tuer à petit feu au moyen d’une gravissime pollution aux hydrocarbures, puissent se permettre d’aduler un bourreau; lequel est loin de s’émouvoir de la tragédie que les multinationales pétrolières ont imposé à tout un peuple? Qu’est-ce qui peut bien expliquer cette résurgence du syndrome de Stockholm chez ces fameux “sages”? L’appel des espèces sonnantes et trébuchantes aura eu raison de la vertu! Peut-on alors savoir ce que pensent les “sages” de la dignité dans la pauvreté, plutôt que d’une richesse illusoire dans l’oppression et l’asservissement?

Il ne faudrait surtout pas qu’on se méprenne sur le sens du vocable sage. Sous nos latitudes, et notamment dans le monde bantou n’est considéré comme sage qu’une personne d’un certain âge dont l’intégrité, la probité, la modération et la grandeur d’âme ne sont jamais pris en défaut. A cela s’ajoute l’intelligence et surtout la sagesse ainsi qu’une particulière capacité de réflexion et d’analyse lui permettant de résoudre des contentieux plus ou moins sérieux auxquels la communauté peut être confrontée. En outre, un sage est non seulement féru d’une fine connaissance de la nature humaine et d’une juste appréciation des choses, mais aussi  de par son sens de la mesure, sa pondération, est donc un individu susceptible d’imposer le respect et de forcer l’admiration. Ceci est d’autant plus vrai que le sage est un notable assumant parfois la charge de chefs coutumier. En somme, le sage c’est l’individu qui, de par l’importance de sa fonction, de son âge, aura capitalisé une certaine expérience de la vie et dont il en tire à bon escient les dividendes, avec une incidence directe sur la communauté. Pour ce faire, il devient un modèle sinon une référence morale et culturelle incontournable pour la société.

A l’évidence, être sage constitue, pour tout être humain, l’idéal le plus élevé qui soit : agir, en toute circonstance, avec justesse (et donc avec justice et équité) ; disposer pour cela du savoir-faire et du savoir-vivre qui permettent, selon les exigences de la situation, de se comporter judicieusement et de manière idoine. On aura donc compris que n’est pas sage qui le veut. En effet, on est jamais estampillé sage par le simple fait d’un âge avancé, à moins d’usurper cette qualité sans au préalable réunir les critères y afférents. Nul ne peut non plus s’autoproclamer sage sans passer aux yeux du monde pour un imposteur doublé d’un présomptueux notoire. En fait, il revient aux membres de la communauté, ayant décelé d’indéniables qualités et de la vertu chez l’individu, de se prononcer à l’unanimité pour l’élever à la dignité de sage. On ne saurait cependant confondre les notions de sage et d’intelligent dans la mesure où il existe une nuance fondamentale dans les deux acceptions: de la même manière que l’on peut être intelligent sans être vraiment sage, on peut être sage sans être très intelligent. Mais il convient de noter que l’intelligence et la sagesse ne sont évidemment pas mutuellement exclusives dans ce sens qu’elles se complètent.

Le sage est celui qui est revêtu des vertus du kimuntu, véhiculant ainsi l’humanisme bantou, à savoir “je suis parce que nous sommes”. Ainsi comme le définie si bien Le Lion de Makanda : “Le kimuntu est un principe de permanence, de cohérence, de paix, de démocratie, de liberté, de stabilité dans toute la sphère culturelle bantoue. C’était le plus solide ciment social, le principe actif vertueux qui instillait une façon d’être, de sentir, d’agir respectueuse de la vie, de la nature, de l’homme et de la société dans l’égalité, la justice, la fraternité et la paix véritables. Nous souffrons pour avoir renoncé à cette dimension qui nous caractérisait au profit de l’individualisme et de la matérialité et de l’accumulation du superflu matériel. Le kimuntu est en soi un principe rassembleur à condition que chacun réveille le sien en son for intérieur pour que nous construisions ensemble un avenir et une société qui regardent le peuple congolais en face au lieu de lui tourner le dos. Les réponses à nos problèmes se trouvent dans notre glorieux passé que nous n’avons jamais pris la peine d’étudier pour nous en inspirer.”

Au regard de ce qui précède, on ne saurait croire que ces personnes, mues par l’esprit de lucre, en intelligence avec un pouvoir liberticide et criminogène (crimes économique et crimes de sang), sont réellement des sages. De par leur outrancière indignité, on est en droit de leur dénier ce titre de sage. On ne peut se permettre de leur gratifier d’un honneur indu. En fait, tout ce qu’on peut leur concéder c’est le titre d’anciens, du fait de leur âge particulier.  Mais en réalité ils ne sont que des anciens bas de gamme ayant consenti volontiers à courber l’échine sinon à se soumettre à une ignoble reptation à l’endroit d’un tyran au petit pied. A croire que ce dernier, rompu aux pratiques mystiques, leur a jeté un sort au point de leur faire perdre la raison et la capacité de discernement! Les anciens de Loango auraient-il donc, par pure égoïsme, vendu non seulement le pays, mais également leur âme au diable pour jouir des miettes tombant de la table d’un imposteur. Comment alors comprendre que ces « sages » aient même eu à introduire des allogènes jusque dans nos lieux les plus sacrés que sont les bibila “bois sacrés” sanctuaire par excellence des dieux, donc haut lieu de la spiritualité au Loango, et ce, en toute violation des interdits rituels et des normes ancestrales. Est-ce qu’ils ont réalisé la gravité du sacrilège sinon de cette scandaleuse profanation? Ceci est indéniablement un acte de traitrise sinon de trahison gravissime à l’endroit des mânes ancestrales du Loango. J’ai mal, très mal pour mon Loango natal! Mon âme est d’autant plus affligée que je suis de la génération qui voit la prédiction ou du moins la prophétie de nos ancêtres se réaliser :

Nyundu yimuasyaala mu myoku baana yeeka litebulu li mbaanga.

 « L’enclume léguée dans les mains des enfants est devenue un instrument pour briser les amandes. »

De ce qui précède, on aura compris que nous sommes devant un cas de figure où des individus à l’esprit étriqué et en mal de lucidité avalisent ce qu’il convient d’appeler une escroquerie politique, au point de se rendre coupables d’intelligence avec un tyran et de déloyauté envers le peuple. Il y a donc lieu de s’insurger contre l’idée saugrenue qui consiste à voir de la sagesse là où on a atteint le degré zéro de la bassesse d’esprit sinon du crétinisme. Le moins que l’on puisse dire c’est que le peuple n’est dupe de personne et qu’il a assez de mémoire pour se souvenir des lâchetés et traitrises des uns et des autres.

René MAVOUNGOU PAMBOU

Unis Pour le Congo Secrétaire chargé des questions éducatives et socio-culturelles