« IIs lui ont mis une balle dans la tête » : les « bébés noirs » de Brazzaville visés par les autorités

Des jeunes abattus en pleine rue, dans une mare de sang : depuis fin septembre en République du Congo, des vidéos documentent une opération particulièrement violente menée contre des gangs de Brazzaville, surnommés « bébés noirs » ou « kulunas ». Une ONG dénonce des exécutions extrajudiciaires, dont notre Observateur a été témoin et fait un récit glaçant.

Sur les réseaux sociaux, essentiellement TikTok, dans des dizaines de vidéos présentées comme étant filmées dans des rues de la capitale congolaise Brazzaville, la même scène se répète : des personnes courent, rejoignent un attroupement, la caméra fend la foule pour montrer au sol un homme, jeune, le sang qui coule, parfois directement de la tête. Plusieurs Congolais ont également adressé ce genre de vidéos depuis fin septembre à la rédaction des Observateurs, ainsi que d’autres, difficilement soutenables, montrant en gros plan les victimes. 

Il n’est pas toujours possible de vérifier les localisations exactes des vidéos. Le ministère de l’information n’a pas donné suite à notre demande d’information, mais une source proche des autorités a confirmé l’existence d’une opération visant à traquer les bébés noirs, aussi appelés kulunas. Elle est menée par la Direction générale de la sécurité présidentielle (DGSP), une unité d’élite. La même source affirme qu’elle doit s’étendre « à Pointe-Noire et d’autres villes » du pays. 

Cette vidéo prise à Brazzaville montre, au loin, un attroupement. D’autres images prises au même moment, montre que l’attroupement se fait autour du corps inerte d’un jeune homme, portant la trace d’un tir dans la tête. Il avait les mains attachées. 

Attroupement à Brazzaville. D’autres vidéos prises au même moment montre que la foule s’agglutine autour du corps d’un jeune homme, qui porte la trace d’un tir dans la tête.

Les bébés noirs, ou kulunas, sont les noms désignant des groupes de jeunes accusés de pratiquer le racket, les agressions armées, mais aussi le trafic de drogue et la prostitution.

Cette opération n’a pas été annoncée et les autorités n’ont pas communiqué sur le sujet, mais elle semble avoir cours depuis au moins le 29 septembre, selon les vidéos disponibles en ligne. 

Fin septembre, les opérateurs de téléphonie mobile ont fait suivre massivement un SMS aux habitants de Brazzaville, les incitant à « transmettre des informations sur les lieux d’habitation des délinquants dits ‘kulunas' », moyennant rançon. 

« Ils ont laissé le corps comme ça dans la rue » 

Notre Observateur, « Michel » (pseudonyme), a été témoin par hasard d’une arrestation d’un jeune homme accusé d’appartenir à un gang.  

« J’étais en vacances à Brazzaville, et alors que je me promenais dans le quartier de Ouenze, j’ai vu une patrouille de la DGSP débarquer. Ils étaient une dizaine dans un pickup, tous armés, certains avec des kalachnikovs, d’autres avaient d’autres mitraillettes. Ils étaient tous cagoulés. Ils se sont arrêtés devant une maison. Ils ont interpellé un jeune, l’ont sorti dans la rue, l’ont allongé par terre et lui ont mis une balle dans la tête.

Moi j’étais debout je ne me suis pas caché, je ne savais pas si devais fuir ou rester, j’ai eu un moment d’absence en fait, j’étais déconnecté de tout. Des mamans ont commencé à pleurer. Des gens disaient que ce n’était pas un voyou et demandaient pourquoi on l’avait tué. 

Ils ont laissé le corps comme ça dans la rue, ils font tout le temps ça. Ensuite ils interdisent aux familles de le ramasser et de faire des veillées mortuaires. Je suppose que c’est pour donner l’exemple… Mais c’est traumatisant pour les habitants. Moi j’ai fini par écourter mes vacances, je n’avais pas envie de trainer à Brazzaville. J’ai des dreadlocks et des tatouages, c’est souvent considéré comme un signe distinctif de bébé noir et il y a des arrestations arbitraires. C’est ridicule parce que plein de gens ont des locks par exemple.

Ceux qu’on appelle les bébés noirs sont des jeunes désœuvrés, ils n’ont accès à rien. Certains ont pourtant un niveau scolaire acceptable,  mais pour trouver du travail… c’est autre chose. Ici tout s’achète, il faut payer pour avoir le droit de travailler. Donc ils restent à la maison, ils n’ ont pas de suivi, la seule distraction c’est l’alcool et le tramadol et c’est là que la violence commence. Ils fument de la marijuana aussi, dans tous les quartiers il y a des fumoirs. »

Les veillées mortuaires à la mémoire des personnes abattues ont été interdites. Plusieurs habitations ont également été détruites par les autorités, ainsi que les montrent des vidéos, sans qu’il ne soit possible d’établir les raisons de ces actions. 

Patrouille de la DGSP à Brazzaville. Au loin, on apperçoit un bulldozer, utilisé pour détruire des logements selon plusieurs témoins.

« On arrête sur la base d’une simple dénonciation »

Nina Cynthia Kiyindou Yombo, directrice exécutive de l’Observatoire congolais des droits de l’homme, dénonce « des exécutions extrajudiciaires ».

« Sans procès et sans enquête officielle, on exécute les gens. La personne arrêtée doit pouvoir être assistée. On arrête sur la base d’une simple dénonciation, on offre une cagnotte à ceux qui dénoncent, ce n’est pas sérieux. 

On ne sait pas ce que deviennent ceux qui sont arrêtés. Où sont-ils déposés ? Dans les commissariats ? 

Nous sommes en train de faire un monitoring, mais nous avons déjà recensé plus d’une vingtaine de cas d’arrestations. 

La DGSP se déplace avec des véhicules comme si on était en pleine guerre. On a une population traumatisée. À 22h c’est à peine si vous voyez des voitures circuler, les gens sont chez eux. On n’est quand même pas en état d’urgence. »

Une vidéo, au moins, montre un jeune homme abattu, alors qu’il a les mains ligotées. La source proche des autorités juge que « le terme exécutions sommaire doit être documenté. Au stade où on est, l’opération est proportionnée, ils ne sont pas par principe exécutés mais sont interpellés, c’est quand ils résistent que ça dérape. »

« Le Congo ne veut pas devenir Haïti »

Selon cette même source, l’opération de traque des bébés noirs se justifie car « quand l’intérêt supérieur de la nation et de l’État sont en jeu, un gouvernement responsable prend des mesures radicales. Le Congo ne veut pas devenir Haïti, où l’Etat a été débordé par les gangs « . Cette source dénonce des populations « sous la menace de la machette, de se faire détrousser dans une rue à peine la nuit tombée, de se faire violer pour les femmes ». Interrogée sur la décision de détruire des maisons, elle répond : « Nous ne pouvons ni confirmer ni infirmer que ces destructions sont liées à des kulunas », estimant qu’elles pourraient surtout viser « les fumoirs transformés en lieu de trafic de drogue » des gangs. 

À partir d’octobre, la police a également été filmée à plusieurs reprises à Brazzaville en train de brûler des motos. Notre Observateur explique : 

« Ils considèrent que c’est le mode de déplacement privilégié des bébés noirs. Quand vous n’avez pas les papiers de motos, ils soupçonnent que ça veut dire qu’elle a été volée, ils la cassent et la brûlent direct ». 

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4 réponses à « IIs lui ont mis une balle dans la tête » : les « bébés noirs » de Brazzaville visés par les autorités

  1. Samba dia Moupata dit :

    On est chez les fous, comment peut-on accepter une soi-disante milice dénommée DGSP a sa tête un ancien cobra neveu de Sassou Denis, Serge Oboa Ngakosso tirer à bout portant sur nos jeunes gens en pleine rue et même dynamiter des maisons sous prétexte qu’ils logeaient des criminels ! En réalité Sassou Denis veut d’avantage terroriser les congolais avant la énièmes parodie d’élections présidentielles et surtout la rareté des finances qui frappent son régime mafieux. Le comble c’est Marion Madzimba Ehouango qui se dit professeur de droit qui applaudit cette opération terroriste , vous imaginez un professeur de droit blanc qui prend la position de Marion ? Je suis très déçu de ce garçon, il baisse dans mon estime, même Obenga Théophile aurait un peu de retenu sur ce coup .

  2. Le fils du pays dit :

    Cette colonie française regorge un nombre non négligeable de professeurs, professionnels ou pseudos intellectuels en carton dont le paradoxe et le transfusage est la spécialité.Ce sont eux qui apportent l’eau au moulin du valet et le système mafieux qu’ils incarnent tous depuis plus d’un demi-siècle.
    Les Bébés noirs sont leur création pour torpiller la gouvernance de Lissouba qui selon eux ne défendait pas les intérêts de la France.Voila les créateurs faire semblant de se plaindre de leur création en public alors qu’en privé ils la cherissent.
    L’ignorance est un danger que tout homme doit éviter dixit Sébastien Nkoua.
    Un peuple ignorant est l’instrument aveugle de sa propre destruction dixit le dicton.

  3. le fils du pays dit :

    La pseudo chasse de la fripouille et sa milice gardienne aux kulunas qui sont leur propre création pour torpiller le mandat de Lissouba n’est qu’un faux fuyant.
    Aux congolais.La fripouille ne partira pas de son propre gré.
    Bon, Jean François Probst l’ami de Jacques Chirac de 30 ans néanmoins avait eu le courage de vous dire l’essentiel sur la fripouille leur serviteur et le cahier de charge des projets d’intérêt social au Congo à faire, chose qu’il n’a pas fait.
    Tout s’obtient par la lutte et les efforts.Vous voulez de l’eau potable,les hôpitaux,les logements etc il faut lutter.

  4. pierre martin dit :

    BRAZZAVILLE SERA LE TOMBEAU DES BEBES NOIRS

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