ENQUETE EXCLUSIVE : L’ARCHITECTURE INVISIBLE DE LA PRÉDATION AU CONGO-B : BANQUES, DETTES ET RÉSEAUX AUTOUR DE LA GALAXIE SASSOU-NGUESSO

RESUME INTRODUCTIF

Entre Dongou Zidane, sociétés écrans et élites extractives, retour sur une décennie de confiscation institutionnalisée des ressources publiques.

Depuis 2014, la République du Congo est confrontée à une crise structurelle aux racines multiples : effondrement des cours du pétrole, dérives autoritaires, explosion de la dette publique et mise en place d’un système de captation institutionnalisée des ressources. En réaction à l’épuisement de la rente pétrolière, le régime a massivement eu recours à l’endettement obligataire interne et externe, déclenchant une financiarisation accélérée des équilibres budgétaires. Ce mouvement a été accompagné par la création d’un véritable écosystème opaque articulant sociétés de bourse, réseaux familiaux et détournements organisés.

L’arrêté n°1859 du 10 mars 2017, signé par le ministre des Finances Calixte Nganongo, a consacré l’officialisation d’une prime automatique de 1 % sur chaque émission de dette publique, reversée aux arrangeurs et cadres du Trésor. Cette disposition a permis à des entités comme Premium Capital Securities (pilotée par Dongou Armel dit « Zidane »), L’Archer Capital et Elite Capital d’engranger des revenus de rente colossaux, au détriment des besoins sociaux et sans contrôle réel de la Cour des comptes. Près de 2.500 milliards FCFA de titres du Trésor ont été émis entre 2017 et 2023, générant à eux seuls plus de 12,5 milliards FCFA en primes personnelles.

Cette mécanique de prédation s’est construite en amont dans le contexte des Jeux Africains de 2015, événement surfinancé (plus de 1.500 milliards FCFA dépensés) et prétexte à une sortie massive de fonds publics. Le rôle clé de sociétés liées au clan présidentiel (RA&A, Servair Congo) et la désorganisation logistique couplée à des surfacturations endémiques ont aggravé la spirale déficitaire. La période 2015–2016 fut également marquée par des élections truquées et une ponction budgétaire supplémentaire estimée à 500 milliards FCFA.

Face à la dégradation rapide des réserves de change de la zone CEMAC (passées de 10,5 mois d’importations à moins de 2 mois), un plan d’urgence FMI-BEAC a été déclenché. Ce plan s’est heurté à des résistances internes, notamment au Congo, où le rapatriement des devises était délibérément contourné par des réseaux bancaires privés en collusion avec des hauts fonctionnaires.

L’affaire Dongou Zidane n’est ainsi que la partie émergée d’un système plus vaste, dans lequel l’endettement public sert de vecteur à l’enrichissement d’une caste politico-financière. Elle met en lumière la faillite du contrôle public, la dérégulation du marché financier régional, l’instrumentalisation des textes légaux, et l’absence de redevabilité des autorités publiques.

Ce dossier appelle des enquêtes indépendantes, un audit exhaustif de la dette intérieure émise depuis 2014, l’abrogation immédiate de l’arrêté 1859, la saisine des juridictions nationales et internationales compétentes, et la suspension des paiements vers les entités impliquées tant que la transparence n’est pas garantie. Il s’agit moins d’une dérive que d’un modèle : celui d’un État organisé autour de la rente, de la connivence et de la privatisation des instruments budgétaires au détriment de son peuple.

La Rédaction

Diffusé le 18 août 2025, par www.congo-liberty.org

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L’ARCHITECTURE INVISIBLE DE LA PRÉDATION : BANQUES, DETTES ET RÉSEAUX AUTOUR DE LA GALAXIE SASSOU-NGUESSO

Entre Dongou Zidane, sociétés écrans et élites extractives, retour sur une décennie de confiscation institutionnalisée des ressources publiques.

Depuis la chute des cours pétroliers en 2014, la République du Congo s’est enfoncée dans une spirale d’endettement massif, officiellement justifiée par la nécessité de relancer l’économie. Mais derrière les discours de rigueur budgétaire et d’ajustement structurel, s’est déployé un système de prédation sophistiqué, légalisé par l’arrêté ministériel n°1859 du 10 mars 2017. Ce texte, passé presque inaperçu, prévoit l’attribution automatique de primes sur chaque levée de dette publique, transformant ainsi l’endettement de l’État en rente privée. L’affaire Dongou Zidane n’en est qu’un révélateur : au cœur de ce système, une galaxie de sociétés financières interconnectées, adossées à des figures centrales du pouvoir, siphonne les ressources publiques à l’abri de toute transparence. Cette enquête retrace dix années d’architecture de la captation, entre montages opaques, compromissions institutionnelles, banques complices et détournements massifs, dans un Congo devenu laboratoire d’un capitalisme de connivence à grande échelle.

SECTION 1. Une décennie de bascule : contexte, choc et architecture financière d’État dévoyée

À partir de 2014, un basculement systémique s’opère dans la zone CEMAC. L’effondrement des cours mondiaux du pétrole, exogène, brutal, frappe une économie sous perfusion de la rente pétrolière. Pour le Congo, cette ressource représente à elle seule plus de 80 % des recettes d’exportation. La vulnérabilité structurelle se mue en crise. Deux spirales s’enclenchent : premièrement, une contraction violente des recettes fiscales et en devises, ce qui alourdit le déficit budgétaire et monétaire ; deuxièmement, une fuite organisée de capitaux, via les entreprises extractives, les banques commerciales et certains segments étatiques, sans rapatriement des devises.

Entre 2014 et 2017, les réserves de change de la BEAC s’effondrent de 10,5 à moins de 2 mois d’importations. La convertibilité externe du FCFA vacille, l’orthodoxie du régime de change est rompue. L’alerte est maximale. Pourtant, au Congo, le pouvoir politique adopte une logique inverse. Plutôt que d’ajuster, il dépense massivement. L’organisation des Jeux Africains de Brazzaville en septembre 2015, 50 ans après la première édition, sert de paravent à une fuite en avant budgétaire, couplée à une manœuvre de verrouillage institutionnel : changer la Constitution pour maintenir Denis Sassou Nguesso au pouvoir.

Plus de 1.500 milliards de FCFA sont mobilisés entre juin et septembre 2015 pour financer les infrastructures, la logistique et la communication de l’événement. Le complexe de Kintélé, fleuron du dispositif, coûte à lui seul plus de 400 millions de dollars, avec une part significative de surfacturation. La cérémonie d’ouverture, confiée à Richard Attias & Associates, mobilise un attelage international de prestataires : Superbien, ETC Audiovisuel, Concept K, With Up, Sébastien « Boom » Perronnet, Dulcie Best. La restauration, elle, est attribuée à Mme Cendrine Sassou Nguesso, via la société Servair, qui recourt à Ethiopian Airlines pour importer les repas d’Afrique du Sud. Rien n’avait été planifié localement. Le coût, lui, est réel, tangible, colossal.

La période post-Jeux (septembre 2015 – mai 2016) voit l’économie nationale se gripper : un référendum constitutionnel en novembre, une présidentielle en février 2016, et plus de 500 milliards de FCFA supplémentaires engloutis dans l’achat de voix et de loyautés. Le Congo entre alors en récession nette. En décembre 2016, la menace de déstabilisation du FCFA pousse les chefs d’État de la CEMAC à convoquer un sommet exceptionnel à Yaoundé. Le FMI, la France et les bailleurs sont sollicités. Leur soutien est conditionné à un recentrage monétaire strict. Le diagnostic est sans appel : déficit de gouvernance, indiscipline monétaire, opacité des circuits de devises.

C’est dans ce contexte qu’éclate l’affaire « Zidane » — du nom de Dongou Armel, conseiller au Trésor —, et que se révèle la toile complexe d’une financiarisation prédatrice de la dette publique. La société La Financière SA, dirigée par Innocent Dimi Nianga Nolag (fils du Colonel Dimi de l’ex-DGSE), devait servir de plaque tournante aux opérations d’intermédiation boursière. Sa radiation en mars 2019 par la COSUMAF, pour violations graves et répétées des règles, interrompt brutalement un mécanisme d’enrichissement parallèle : surfacturation, non-libération de souscriptions, détournements d’obligations, non-transparence bancaire.

Au cœur de ce réseau : Alexandre Gandou (président de la COSUMAF, mort en mai 2015), Wilfrid Etoka (compagnon de Claudia Sassou, PCA du groupe WEC, fondateur de La Financière), et une constellation d’intermédiaires liés au clan présidentiel. Le retrait d’agrément de La Financière SA entraîne une reconfiguration rapide du système : des entités locales, contrôlées par des proches du pouvoir, reprennent la main. Premium Capital Securities (Dongou Armel), L’Archer Capital Securities (Gilles Tchamba), Elite Capital Securities (Christèle Ngani Nzakou) — toutes sous l’ombre tutélaire de Mathieu Ebanda Enyegue (fondateur d’Elite Capital Group) — deviennent les nouveaux vecteurs de l’endettement domestique.

Une architecture opaque se met en place. Les banques étrangères sont écartées. L’État lève de la dette. Les fonds transitent par ces sociétés écrans. Une commission de 0,5 à 1 % est prélevée. Le Trésor paie, mais les citoyens, eux, ne voient jamais la contrepartie. L’endettement devient rente. Et cette rente, un mode d’accaparement légal du bien commun.

SECTION 2. L’arrêté 1859 : une architecture légale au service d’une rente institutionnalisée

Au cœur du scandale : un document administratif discret, mais redoutablement efficace — l’arrêté ministériel n°1859 du 10 mars 2017. Par ce texte, signé par le ministre des Finances Calixte Nganongo, l’État congolais institue une rémunération directe des agents impliqués dans la préparation des émissions de titres publics. Une commission de 1 % du montant levé est ainsi allouée aux personnels techniques, financiers, juridiques et administratifs associés à l’opération. Dans les faits, cette disposition érige l’endettement en source de profit individuel, légalisée par le sceau de l’État.

Ce mécanisme, habillé d’un vernis de reconnaissance des efforts techniques, fonctionne comme un levier d’incitation à l’endettement perpétuel. Chaque émission devient une opportunité, non plus pour financer le développement ou les services publics, mais pour rémunérer grassement les acteurs internes du système. Plus l’État s’endette, plus les bénéficiaires de l’arrêté 1859 s’enrichissent. En six ans, le Congo a émis plus de 2 500 milliards de FCFA en titres publics ; 0,5 % de cette somme représente environ 12,5 milliards de FCFA, absorbés directement par le dispositif sans contrôle externe indépendant.

Le caractère problématique de l’arrêté dépasse la simple question de légalité. Il révèle une logique systémique de captation institutionnelle, où les agents de l’État deviennent à la fois architectes et bénéficiaires des décisions financières qu’ils devraient objectivement encadrer. La séparation entre intérêt général et intérêt personnel est abolie. Le Trésor devient un lieu de conversion de l’endettement public en dividendes privés.

Le cas de Dongou Armel Sylvère, alias « Zidane », illustre ce basculement. Présenté par l’administration comme le bénéficiaire central du système, il est placé sous mandat de dépôt pour avoir perçu, en application stricte de l’arrêté, des commissions liées à l’émission de titres. Le paradoxe est saisissant : ceux qui ont conçu, signé et activé l’architecture de l’arrêté restent intouchés. L’arbre Dongou masque la forêt institutionnelle.

En réalité, cette logique de rente légalement encadrée s’insère dans un écosystème plus vaste où l’État emprunte non pour investir, mais pour alimenter un circuit fermé de redistribution clientéliste. Les circuits de la dette passent par des sociétés privées d’intermédiation financière, souvent liées à des membres ou proches du pouvoir, qui prélèvent leurs marges sur chaque opération. Le Trésor est instrumentalisé : outil de financement pour l’État en façade, machine de rente pour les initiés en coulisse.

L’arrêté 1859 n’est pas un accident administratif. Il incarne une architecture de prédation formellement intégrée dans les rouages de la décision publique. Sa portée excède le seul ministère des Finances : il engage la responsabilité de l’ensemble du pouvoir exécutif et de ses satellites, qui ont validé, activé et profité de ce schéma.

SECTION 3. La galaxie des sociétés écrans : intermédiation capturée, finance détournée

Le retrait d’agrément de La Financière SA en mars 2019 par la COSUMAF n’a pas désorganisé le système de captation, il l’a restructuré. La radiation de cette société de bourse, jadis pivot de l’intermédiation au Congo, n’a fait qu’ouvrir la voie à une réorganisation tactique autour de nouveaux véhicules contrôlés par le même cercle de bénéficiaires. La logique reste inchangée : détourner l’intermédiation du marché public pour la placer entre les mains de sociétés proches du pouvoir, permettant un contrôle absolu de la chaîne financière, du montage à la souscription.

Premier maillon de cette nouvelle galaxie : Premium Capital Securities. Créée sur les cendres de La Financière SA, elle est co-dirigée de fait par Dongou Armel Sylvère, alors conseiller technique du ministre des Finances. Cette structure bénéficie d’un accès privilégié aux lignes d’émission de titres OTA (Obligations du Trésor Assimilables) et BTA (Bons du Trésor Assimilables), tout en opérant en dehors des radars de l’autorité de régulation. Le fait qu’un haut fonctionnaire, signataire d’opérations au nom de l’État, soit également organisateur et bénéficiaire privé de ces émissions n’est pas une anomalie : c’est la clef de voûte du système.

Deuxième pilier : L’Archer Capital Securities, société dirigée par Gilles Tchamba, ancien directeur de la trésorerie chez UBA Congo, reconverti en entrepreneur privé à la faveur d’un agenda bien rôdé. La structure est discrètement cofinancée par des proches du ministre du Budget. Son rôle : servir de canal secondaire d’opérations, parfois en co-arrangement avec Premium Capital, parfois en relais d’opacité.

Troisième entité : Elite Capital Securities, société dirigée par le fils de Mathieu Ebanda Enyegue, dont les connexions politiques sont notoires. Le rôle d’Elite : camoufler les flux les plus sensibles, notamment ceux issus d’arrangements complexes avec des investisseurs tiers, sociétés pétrolières ou établissements bancaires partenaires du Congo. Sa structure de propriété opaque, sa domiciliation floue et son absence de reporting régulier renforcent les soupçons de blanchiment structurel.

À ces trois structures s’ajoute un acteur historique, Corridor Assets Management, fondé par Tchysthère Mayanith, qui, bien que marginalisé un temps, conserve une expertise redoutable dans les pratiques d’intermédiation illicite. Son éviction temporaire, liée à des rivalités internes et à sa proximité visible avec Cendrine Sassou Nguesso, n’a pas mis fin à ses activités en coulisse.

Le point commun à ces entités : toutes participent à une captation systématique de la dette publique. En tant qu’arrangeurs, elles négocient directement avec des souscripteurs privés (notamment des banques commerciales et des institutions panafricaines), prélèvent des frais de structuration, des marges d’intermédiation, et surtout, opèrent comme bénéficiaires de la quote-part de 1 % de l’arrêté 1859. Elles ne sont pas des prestataires techniques : elles sont au cœur d’un dispositif de rente déguisée, où la dette publique devient une marchandise à forte rentabilité.

Leur fonctionnement repose sur un principe de dissimulation sophistiquée. Elles utilisent des comptes offshores, des prête-noms, et évitent systématiquement la production d’états financiers publics. Le régulateur COSUMAF, affaibli et parfois complice, n’exerce plus qu’un contrôle formel. Le Trésor congolais lui-même est devenu un partenaire passif de ces montages, laissant ses flux être redirigés au gré des intérêts du clan.

La configuration est donc claire : à partir de 2017, la dette souveraine congolaise cesse d’être un outil macroéconomique pour devenir une rente structurelle captée par des sociétés privées fondées ou contrôlées par des acteurs publics. La ligne entre l’État et le privé est effacée. L’intermédiation financière, qui devrait reposer sur la transparence, le contrôle et l’optimisation des coûts, est désormais l’un des vecteurs les plus efficaces de prédation publique organisée.

SECTION 4. Banques commerciales et rétrocommissions : un système de réversion à double détente

Au cœur du montage, les banques commerciales ne sont pas de simples intermédiaires techniques. Elles agissent comme bras financiers de l’opacité, partenaires directs du système de rente mis en place autour de la dette publique. UBA Congo, Ecobank, BSCA Bank, Afriland First Bank, BGFI Bank – toutes ont été mobilisées successivement ou simultanément pour porter des souscriptions d’OTA/BTA, structurer des fonds, faire transiter des rétrocommissions ou garantir des prises fermes.

Leur rôle se décline selon trois modalités.

1. Canal de financement indirect du Trésor public

Certaines banques, à l’image de UBA et Ecobank, ont joué un rôle d’apporteurs de fonds, non pas pour le compte propre de l’État, mais pour celui des sociétés d’intermédiation qui agissent comme fronts. Ces banques servaient de réceptacles temporaires de titres publics, qu’elles logeaient ensuite dans des structures de défaisance adossées à des comptes dormants. La circulation de titres – émis, rachetés, échangés – a permis de masquer la dette réelle du Congo, et de maintenir une illusion de liquidité.

2. Dispositif de rétrocommission systémique

Dès qu’un OTA ou un BTA était souscrit, une part des intérêts était reversée, selon un taux informel prédéfini, aux sociétés d’intermédiation (Premium Capital, L’Archer Capital, Elite Capital, etc.), puis aux officiels impliqués. Les banques commerciales servaient d’interface : elles prélevaient les commissions, les réaffectaient dans des comptes associés à des entités écran ou à des proches du régime. Ce système de réversion a été si bien rodé qu’il s’est institutionnalisé comme mode de rémunération occulte des réseaux de pouvoir.

3. Accélérateur de blanchiment et de recyclage

Certaines banques ont permis, en toute connaissance de cause, le recyclage des fonds collectés via des circuits complexes de réinvestissement : acquisition de biens immobiliers à l’étranger (Dubaï, Paris, Abidjan), placements en cryptomonnaies, investissements dans les compagnies d’assurances, ou constitution de poches spéculatives dans d’autres juridictions (ex : Singapour, Luxembourg). La Banque Sino-Congolaise pour l’Afrique (BSCA), par exemple, a été l’un des points de convergence les plus discrets du dispositif : à la fois dépositaire, co-arrangeur et prête-nom.

À cela s’ajoute le comportement permissif de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC). Malgré l’effondrement de ses réserves de change entre 2014 et 2017, la BEAC a continué de valider les émissions massives du Congo, alors même que celles-ci étaient surfacturées, opaques, et non soutenables. Ce laxisme réglementaire a permis aux banques locales de se comporter comme des prédateurs systémiques, captant une rente garantie sur les revenus futurs de l’État, sans évaluation sérieuse du risque.

Enfin, un élément clé verrouille le mécanisme : le silence des institutions de contrôle. La COSUMAF, affaiblie par des conflits d’intérêts, et les audits internes des banques, parfois rédigés par les bénéficiaires eux-mêmes, ont neutralisé toute velléité de transparence.

SECTION 5. Impunité organisée, dissimulation comptable et engrenage systémique de la dette

Le fonctionnement du dispositif obligataire congolais ne peut être compris sans examiner la manière dont les acteurs – publics et privés – ont su, de façon coordonnée, évacuer toute traçabilité. L’impunité n’y est pas une défaillance du système, mais sa condition de reproduction.

1. Une dette volontairement désagrégée et opacifiée

À partir de 2015, la comptabilité publique congolaise cesse de refléter l’ensemble des engagements de l’État. Plusieurs émissions obligataires, pourtant finalisées et enregistrées auprès des sociétés d’intermédiation (Premium Capital, EDC, Elite Capital, La Financière SA), n’apparaissent dans aucun état consolidé du ministère des Finances. Les agences internationales – FMI, Banque mondiale – sont maintenues dans le flou via des chiffres partiels, fragmentaires, transmis avec des mois de retard. Ainsi, la dette intérieure flottante devient un gisement de rente invisible, manipulable à souhait.

2. Un audit confisqué par les bénéficiaires

Le fameux « Club de Brazzaville », groupement d’acteurs publics et privés autour du ministère des Finances, est présenté comme responsable de l’apurement progressif de la dette intérieure depuis 2021. En réalité, il fonctionne comme une chambre d’enregistrement opaque, où les créances sont validées par des bénéficiaires… qui en sont également les ordonnateurs. Certains dossiers, comme ceux relatifs aux sociétés fictives de Cendrine Sassou (Servair Catering), ou ceux de structures comme l’Archer Capital de Gilles Tchamba, ont été validés sans enquête indépendante.

3. La dette comme système d’engrenage extractif

La mécanique est simple : plus l’État émet, plus les intermédiaires (fonctionnaires, sociétés écran, ministres, banques) prélèvent des commissions. Mais cette logique s’auto-entretient et se dérègle. Les titres émis en 2016–2019 ne sont pas remboursés. Pour les honorer partiellement, le Congo émet de nouveaux titres en 2020–2023. La dette se nourrit d’elle-même. Elle devient un instrument d’extorsion systémique des ressources publiques, verrouillé par des clauses légales et une absence d’obligation d’évaluation ex post.

4. Une impunité érigée en architecture

Le cas de Dongou Armel dit « Zidane », présenté comme bouc émissaire public, illustre cette dérive. Détenteur d’un arrêté ministériel l’autorisant à percevoir 0,5 % sur chaque opération d’endettement, il n’est qu’un exécutant d’un dispositif légalisé. Ceux qui ont signé ces textes (Calixte Nganongo, Christel Sassou Nguesso), validé les opérations (BEAC, COSUMAF), et perçu les fonds (ministres, banquiers, sociétés écrans), sont restés dans l’ombre. Le choix d’un cadre moyen comme fusible permet d’éviter toute remontée systémique vers les centres de décision.

5. Dynamique de prédation et destruction de la souveraineté

À terme, l’enchaînement de ces pratiques produit un effet d’étranglement : l’État perd toute capacité d’action budgétaire autonome. Le paiement du service de la dette absorbe l’essentiel des recettes publiques. Les hôpitaux ferment, les enseignants ne sont plus payés, les infrastructures se dégradent. Pourtant, les émissions continuent, dans une logique d’addiction fiscale au surendettement. C’est la dette comme moteur de capture permanente, une privatisation autoritaire de l’État par un clan disposant des codes de l’endettement.

Mais ce système – fondé sur le postulat que l’État peut s’endetter sans limite pour rétribuer ses propres agents – s’est enrayé. Les recettes d’exploitation (pétrole, fiscalité intérieure, redevances) ne suffisent plus à couvrir le service de la dette, provoquant des retards de paiements, des tensions sur le marché régional, et une perte de crédibilité vis-à-vis des bailleurs.

Dans ce contexte, un conflit larvé oppose désormais quatre grands clans au sommet de l’État, tous liés par des intérêts divergents autour du contrôle des circuits d’endettement :

  1. Le clan du Trésor, emmené par des hauts fonctionnaires liés à Denis Christel Sassou Nguesso, défend le maintien des émissions de dette domestique pour garantir les flux de commissions internes.
  2. Le clan pétrolier, appuyé par des compagnies off-shore et des opérateurs comme WEC et SNPC Trading, reproche au clan du Trésor de monopoliser la manne sans redistribuer les devises issues du pétrole.
  3. Le clan bancaire, par l’entremise de sociétés comme Premium Capital, Archer Capital, Elite Capital, tente de préserver sa position sur les marchés financiers, mais fait face à une défiance croissante.
  4. Le clan militaire, longtemps tenu à l’écart de la rente obligataire, réclame des compensations budgétaires et monétaires, menaçant l’équilibre institutionnel.

Ce clash autour de la dette, bien qu’invisible pour le grand public, constitue une guerre froide intra-régime, alimentée par l’opacité des circuits de financement, la centralisation des décisions au sein de réseaux familiaux, et la perte de toute orthodoxie budgétaire. Les arbitrages ne se font plus sur des bases économiques, mais sur des équilibres précaires entre factions, redistributions informelles et contrôle des flux financiers.

SECTION 6. Recommandations stratégiques, implications judiciaires et mise en alerte des bailleurs internationaux

1. Rompre avec la logique d’impunité par des procédures judiciaires ciblées

La situation décrite dans les sections précédentes ne relève pas seulement de la mauvaise gouvernance : elle est constitutive d’un système de prédation organisé, durable, transfrontalier, impliquant des acteurs publics et privés. Cela justifie la saisine d’instances judiciaires nationales et internationales, notamment via :

  • Des plaintes pénales pour détournement de fonds publics, blanchiment, abus de biens sociaux et complicité de corruption ;
  • Une demande d’entraide judiciaire internationale visant les flux financiers transitant par des entités offshore associées à Elite Capital, La Financière SA, Premium Capital ou Servair ;
  • La mise en place d’un registre national de traçabilité des émissions de titres publics sous contrôle judiciaire, permettant d’identifier les bénéficiaires effectifs finaux.

2. Rendre inopérante la rente de la dette par des réformes structurelles

Il est impératif de transformer l’architecture du financement public :

  • Abroger immédiatement l’arrêté 1859 du 10 mars 2017, qui autorise la rémunération des fonctionnaires sur les montants levés par l’État ;
  • Instituer une loi de finances rectificative pour 2025 incluant un audit public indépendant de toutes les émissions obligataires depuis 2014 ;
  • Interdire aux sociétés d’intermédiation détenues par des responsables publics de participer aux marchés primaires et secondaires d’État.

3. Saisir les bailleurs internationaux pour une suspension conditionnelle du soutien

Le FMI, la Banque mondiale, la BEAC et la COSUMAF ne peuvent continuer à soutenir un État qui organise sa propre insoutenabilité financière :

  • Exiger, comme préalable à tout soutien futur, un audit indépendant du stock de dette intérieure, validé par des cabinets internationaux mandatés par la société civile ;
  • Geler temporairement les mécanismes d’appui budgétaire jusqu’à ce que les bénéficiaires des émissions obligataires soient publiquement identifiés ;
  • Intégrer une clause de conditionnalité sur la lutte contre la collusion, l’intermédiation captive et le non-respect des règles prudentielles.

4. Activer les relais d’alerte transnationaux et médiatiques

Il convient d’inscrire le Congo dans les priorités :

  • De l’ICIJ (Consortium international des journalistes d’investigation) ;
  • Des ONG spécialisées en lutte contre la dette illégitime comme Eurodad, Debt Justice UK, ou encore Public Eye ;
  • Des campagnes ciblées sur les réseaux sociaux type #DebtLeaks, #CongoLeaks, accompagnées de mini-vidéos pédagogiques virales (voir modèle fourni).

5. Construire une souveraineté financière post-rente

Enfin, il est indispensable de réorienter la stratégie de financement du pays :

  • Prioriser l’investissement productif via des financements concessionnels ou verts ;
  • Mettre en place une banque publique d’investissement sous supervision parlementaire ;
  • Rétablir la soutenabilité budgétaire en rompant avec le modèle extractiviste de la dette à commission.

La Rédaction

Diffusé le 18 août 2025, par www.congo-liberty.org

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3 réponses à ENQUETE EXCLUSIVE : L’ARCHITECTURE INVISIBLE DE LA PRÉDATION AU CONGO-B : BANQUES, DETTES ET RÉSEAUX AUTOUR DE LA GALAXIE SASSOU-NGUESSO

  1. Le fils du pays dit :

    Cette prédiction,ce siphonnage de deniers selon un membre Pct ils veulent créer une classe bourgeoise au Congo comme en France.Alors il y a se poser la question de savoir si les bourgeois de la France le sont devenus en volant dans les caisses de l’état Français?.J’ai les doutes.
    Voilà un groupe des imbéciles qui font passer tout le peuple Congolais d’idiots.
    Un groupe des inconscients qui mène tout un peuple en bateau célébrant chaque année à coup de milliards une indépendance qui n’existe nulle part.
    Au lieu de jeter tout ces milliards pour célébrer cette bêtise ces moyens auraient pu être alloué pour construire des hôpitaux,former le personnel soignant, construire les logements sociaux,les routes,les universités etc
    Vous célébrez la bêtise qui fait honte et conforte certaines théories négatives élaborées sur les noirs.Dire que vous êtes indépendant et le célèbrer alors que vous n’êtes pas c’est prouver votre imbécillité.
    Puisqu’au Congo celui a un bac + 1,4,5,60 etc et vu comme le plus intelligent,les Théophile Obenga,Moungala, Makosso etc auraient dit à leur qui n’a qu’un certificat de moniteur d’école primaire de ne plus jeter l’argent public en célébrant une indépendance qui n’existe pas cet argent l’utiliser pour résoudre les problèmes sociaux du pays.C’est vraiment dingue,dépenser beaucoup d’argent public pendant soixante cinq ans pour célébrer la bêtise.

  2. Samba dia Moupata dit :

    J’ai un mot de compassion à ce peuple du Congo Brazzaville, aujourd’hui très meurtri par la folie de Sassou Denis ! Comment avec autant des milliards les congolais continuent à vivre dans l’extrême pauvreté même l’eau potable reste denrée très rare encore moins l’électricité, les hôpitaux sont des mouroirs les urgences vitales n’existent pas, 85 % de la population finissent leurs vies sans avoir travaillés . Sassou Denis s’est toujours servi des téké comme Tsiba Florent, ou encore Emmanuel Ngollondélé et maintenant Dangou Armel qui est originaire de Mbaya au bord de la nkéni . Mais Emmanuel Ngollondélé peut se réjouir car sa fille et son fils sont mariés aux enfants Sassou qui sont des multimilliardaires .

  3. Anonyme dit :

    l
    A la fripouille et sa caste mafieuse.
    Des milliards du trésor public que vous détournez pour payer les services officiels, parallèles,les charlatans et les mercenaires de la planète entière pour protéger votre système vassal et mafieux,utilisez les pour faire de vrais système d’adduction d’eau potable ainsi approvisionner les populations congolaises en eau potable qui en manque.La politique définie comme l’art d’utiliser les techniciens pour résoudre les problèmes de la société.Voila plus de deux décennies que vous jetez les sommes folles de l’argent public en payant les services parallèles pour emmerder les gens tout simplement parce qu’ils ne pensent pas comme vous,ils n’adhèrent pas à vos conneries et bêtises.Vous êtes incompétents, médiocres et de vauriens.
    Pendant que les autres peuples de la planète observent avec beaucoup attention particulière les difficultés de ce monde en perte de vitesse vous passez votre temps dans les futilités et à vendre le Congo à la mafia internationale.

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