De la nécessité du respect de la vie privée et de la dignité humaine. Par René MAVOUNGOU PAMBOU

René MAVOUNGOU PAMBOU

René MAVOUNGOU PAMBOU

De nos jours, les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans la diffusion, le partage, l’échange de l’information. Ils sont, de ce fait, devenus de principales méthodes de communication. C’est à ce titre qu’ils sont par ailleurs amenés à prendre de plus en plus d’importance dans la vie quotidienne des citoyens. Mais ces médias modernes ont un côté pernicieux certain et redoutable. En effet, malgré le fait que ce soit un moyen intéressant pour se faire des amis, garder le contact, s’exprimer, partager ses émotions, il présente aussi une face cachée qui peut être particulièrement négative voire dangereuse sur bien des plans. Aussi, sommes-nous confrontés à un préoccupant fléau qui est celui de la violation de la vie privée sur internet, notamment sur les réseaux sociaux.

Après la diffusion d’une première vidéo sur la branlette d’un ambassadeur congolais en poste dans un pays d’Afrique du nord, on se demande d’ailleurs comment ce dernier est toujours en fonction; cette fois-ci c’est celle, toute aussi immonde et scandaleuse, d’un présumé ministre du gouvernement actuel du Congo-Brazzaville qui défraie la chronique et fait le buzz sur les réseaux sociaux. Il y a lieu de déplorer la légèreté d’esprit, le manque de discernement et la mesquinerie des auteurs de ces publications ainsi que des personnes qui assurent le relais de ces vidéos obscènes et infames. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’en publiant de telles vidéos sans la moindre appréhension et surtout sans la moindre précaution d’usage, ces individus sont animés d’une réelle volonté de nuire. Ne se sont-ils jamais posés la question au sujet de graves conséquences qui pourraient en résulter? Bien évidemment, en agissant ainsi ils foulent au pied la dignité humaine, portent atteinte à la vie privée de leurs infortunées victimes et, en conséquence, écornent davantage l’image de notre pays à l’étranger.

En outre, on ne saurait prendre le parti des autorités de l’Etat, tenues par ailleurs à un devoir de responsabilité et d’exemplarité, présumés coupables de ces comportements incongrus, sordides, dégradants et qui laissent à désirer. Comment des personnes sensées peuvent-elles faire filmer leurs parties intimes, en connaissance de cause et tout en sachant les risques que cela comporte? De cette concupiscence débridée, doublée d’une bassesse d’esprit, au mépris des bonnes moeurs, serait-il exagéré de parler d’un règne de bonobos au coeur de l’Etat? Le moins que l’on puisse dire c’est que les victimes sont tenues d’assumer les conséquences de leur comportement sexuel à risque. En dépit de tout ceci, il convient donc de signaler que le droit au respect de la vie privée est un droit fondamental, bien qu’il soit difficile de définir exactement ce qu’implique ce droit. Il peut être considéré comme ayant un double aspect – il concerne les informations ou la partie de notre vie dont nous pouvons préserver le caractère privé, mais aussi ce que les tiers peuvent faire des informations qu’ils détiennent – les questions de savoir si elles sont protégées, partagées, qui y a accès et dans quelles conditions.

En effet, la vie privée fait l’objet d’une protection juridique; dans ce sens que le droit à la vie privée est reconnu à tout citoyen quels que soient son rang, sa naissance, son âge, sa fortune de voir respecter sa vie privée et intime. Ce principe est cependant affirmé par le code civil, le droit pénal et revêt même une valeur constitutionnelle. Il convient de rappeler que les éléments constitutifs de la vie privée sont notamment la santé, la vie sentimentale et familiale, la religion, le domicile, les revenus, l’orientation et l’activité sexuelles, les opinions politiques et convictions religieuses, etc. C’est donc la situation à caractère privé ou public et le lieu de la situation (vie personnelle et vie sociale) qui donne à chacun le droit de s’opposer à la publication de ses informations personnelles. Ainsi toute personne dont la vie privée ou intime est exposée sur internet, notamment par un tiers, sans le consentement de l’interéssé, pourra obtenir réparation du préjudice subi par des dommages et intérêts et/ou demander le retrait immédiat du contenu litigieux diffusé.

La violation de la vie privée d’une personne peut se traduire par la publication, la diffusion, le dévoilement en public des enregistrements sonores et audiovisuels, des écrits lui concernant ainsi que de son image. En fait, l’infraction est constituée dès lors que ces éléments relevant de la sphère privée sont diffusés à l’attention d’un public autre que son destinataire initial et exclusif. Toutefois, la situation à caractère public et le droit à l’information peuvent tenir en échec au droit à la vie privée et au droit à l’image dans certaines conditions préscrites par la loi.

Le combat politique dans lequel nous sommes engagé requiert de la probité intellectuelle, de la courtoisie, l’élégance, la rectitude et la correction. On peut combattre un adversaire politique, on peut vaincre un adversaire politique, mais il faut éviter de l’humilier et de l’avilir; ceci ne participe que de la saine raison et de la grandeur d’âme. Pour ce faire, sous aucun prétexte on ne saurait se permettre de violer la vie privée, mépriser et bafouer la dignité humaine en publiant des photos et vidéos compromettantes relatives à sa vie privée. Quoi qu’il arrive le kimuntu “humanisme” doit prévaloir, plutôt que de faire ostentation de la bêtise humaine et autres actes délictueux sinon criminels qui révulsent et révoltent la conscience humaine. La publication de photos et vidéos des parties intimes d’un être humain, fut-il un “ennemi” politique, ne saurait honorer les auteurs, tant cela relève d’un abject impair, d’un infect travers de comportement et constitue donc, au regard de la loi, un délit grave et répréhensible.

Comment ose-t-on se tromper de combat politique au point de s’aventurer jusque sur le jardin secret sinon sur la vie privée d’autrui? On ne le dira jamais assez que le combat politique, dans un contexte démocratique, porte essentiellemment sur des idées, des opinions plutôt que sur les choses d’en bas de la ceinture. Le respect de la dignité humaine aurait voulu qu’en publiant des images aussi compromettantes pour autrui on floutât son visage et ses parties intimes. En laissant les choses telles quelles, l’auteur se rend coupable d’une grave atteinte à la vie privée d’autrui. 

La nécessité du respect de la vie privée est profondément ancrée chez tout être humain. En effet, dans sa forme essentielle, le respect de la vie privée est fondé sur la notion d’intégrité et de dignité personnelle. Toutefois, cela est aussi difficile à définir avec un degré convenu de précision – dans différents contextes, cela englobe le droit à la liberté de pensée et de conscience, le droit d’être seul, le droit de contrôler son propre corps, le droit de protéger sa réputation, le droit à une vie familiale, le droit à une sexualité qu’on a soi-même choisie. De plus, ces notions varient d’un contexte à un autre. En dépit de son ubiquité, il n’y a pas de définition de la vie privée qui soit universellement comprise de la même façon. Dans le monde moderne, la vie privée comporte deux dimensions – premièrement les questions relatives à l’identité d’une personne, l’honneur et la dignité humaines et deuxièmement la façon dont les informations personnelles sont traitées.

De ce qui précède, il est judicieux de conclure par l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies qui dispose que “Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes”. Il est donc aisé de comprendre que la vie privée et l’image de tout individu font désormais l’objet d’une sollicitude incontestable du droit, et leur protection fait figure de modèle pour tous les autres droits de la personnalité.

René MAVOUNGOU PAMBOU

Unis Pour le Congo

Secrétaire chargé des questions éducatives et socio-culturelles

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